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L'expertise et l'authentification des œuvres d'art

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Academic year: 2022

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Conference Proceedings

Reference

L'expertise et l'authentification des œuvres d'art

RENOLD, Marc-André Jean (Ed.), GABUS, Pierre (Ed.), DE WERRA, Jacques (Ed.)

RENOLD, Marc-André Jean (Ed.), GABUS, Pierre (Ed.), DE WERRA, Jacques (Ed.).

L'expertise et l'authentification des œuvres d'art . Genève : Schulthess, 2007, 176 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:11823

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A

ETUDES EN DROIT DE VAlU

19

VEXPERTISE ET VAUTHENTIFlCATION

DES ŒUVRES D'ART

Edité par

Marc-André Renold Pierre Gabus Jacques de Werra

Directeurs, Centre du droit de l'art, Genève

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Schulthess § 2007

(3)

ETUDES EN DROIT DE I:ART STUDIES IN ART IAW

STUDIEN WM KUNSTRECHT Collection éditée par le 1 Series edited by

CENTRE DU DROIT DE I:ART / ART-IAW CENTRE Faculté de droit, Université de Genève

40, Bd du Pont d'Arve, 1211 Genève 4/ Suisse Tél: (+41 22) 379 80 75, Fax: (+41 22) 379 80 79 E-mail: an@droit.unige.ch

www.art-law.org

Direction d'édition 1 Executive Editors

Piem Cabus / Marc-Andr! Rmo/d / Jacquel de Wt'1T4

Directeurs, Centre du droit de l'art Couverture: Thierry Clauson, Genève

Information bibliographique: {Die Deursche Bibliothelo,

Die Deutsche Bihliothek a répenorié cette publication dans la Oeutsche Narionalbibliografie; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Interner à l'adresse {http://dnb.ddb.de),

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par qudque procédé que ce soit (graphique. électronique ou mécanique, y compris phowcopie et microfilm), et toutes formes d'enregistrement sont strictement interdites sans l'autorisation expresse et écrite de l'éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève· Zurich· Bâle 2007 ISBN 978-3-7255-5387-7

www.schulthess.com

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SOMMAIRE

Avant-propos

Marc-André Renold, Genève

PREMIÈRE PARTIE

L'EXPERTISE ET L'AUTHENTIFICATION: QUESTIONS PRATIQUES

L:expert et 50ti rôle

Jean-Pierre Jornod, Genève

Il Le catalogue raisonné Naïrna Jornod, Genève

III I.;authentiâté des œuvres d'art dans la pratique du marché de l'art

François Duret-Robert, Paris

IV I.:expertise devant les tribunaux: expérietlces en France et aux USA

II

Van Kirk Reeves, Paris et New York

DEUXIÈME PARTIE

L'EXPERTISE ET L'AUTIiENTlFlCATION: QUESTIONS JURIDIQUES

I:authentification d'œuvres d'art: responsabilité de l'expert et qualification du contrat en droit suisse

Christine Chappuis, Genève

Des différentes valeurs d'assurance et du rdle de l'expert Pierre Gabus, Genève

7

13

19

29

39

47

75

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6 SOMMAIRE

III L'autJretltijicatiOtl d'œuvres d'art et le droit

de la propriété intellectuelle 103

Jacques de Werra, Genève

IV Le pot4Voir de l'expert face au droit de la concurrence 135 Friederike

J.

Ringe, Hambourg

V Lesfal<x certificats d'expert et le droit pénal 149 Laurent Moreillon, Lausanne

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 161

TABLE DES MATIÈRES 171

(6)

AVANT-PROPOS

MARC-ANDRÉ RENOLD*

C'est un grand plaisir pour le Centre du droit de l'art que de publier le présent ouvrage sur L'expertise et l'authentijication des œuvres d'art, et cela pour plusieurs raisons. Il démontre en effet tout d'abord la continuité de nos activités, tout en se situant dans l'actualité des préoccupations des praticiens de l'art. Il montre enfin la volonté du Centre de diversifier les thèmes étudiés.

La continuité de nos activités est illustrée par le fait que la présente publica- tion, 1ge volume des Etudes eo droit de l'arr, fait écho au tout premier ouvrage de la série publié en 1992 et qui portait sur L'expertise dans la vetlte d'objets d'art - Aspects juridiques et pratique. L'occasion nous est donc donnée, quinze ans plus tard, de faire à nouveau le point sur cet important sujet de la pratique dans le domaine de l'art qu'est l'expertise.

L'actualité du sujet est évidente si l'on songe au nombre de fois qu'il est fait appel aux connaissances d'un expert dans le commerce de l'art. C'est d'en- trée de cause ce que souligne Monsieur Jean-Pierre Jornod, coauteur avec son épouse du Catalogue raisonné de l 'œuvre peint de Le Corbusier, tout en indi- quant la très grande variété des types d'experts que l'on rencontre dans la pra- tique. Un des réceptacles de l'expertise, dont l'importance ne cesse de grandir, est précisément le catalogue raisonné si bien décrit par Madame Naïma Jomod dont on sent, à la lecture de sa contribution, la riche expérience.

L'un des rôles de l'expert d'aujourd'hui consiste, écrit Monsieur Duret- Robert, dans la détermination de l'authenticité de l"œuvre et à ce sujet la pra- tique judiciaire française est riche d'enseignements. Il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de relever que le rôle pratique de l'expert n'est pas identique dans tous les pays, comme le souligne Maître Van Kirk Reeves face en particulier à la réalité anglo-américaine.

Il résulte d'ailleurs de nos travaux une très grande diversification des ques- tions et des domaines juridiques dans lesquels l'expertise et l'authentification jouent un rôle. Si notre première publication de 1992 soulignait l'importance de la responsabilité civile de l'expert, le présent ouvrage étend grandement le champ de l'investigation.

*

Professeur associé, Université de Genève; directeur. Centre du droit de l'art; avocat au Barreau de Genève.

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8 MARC-ANDRÉ RENOLD

C'est ainsi que la Professeure Christine Chappuis montre, tout en res- tant dans le domaine du ~roit des obligations, qu'il n'est pas impossible que la responsabilité de l'expert soit étendue, notamment à l'égard de tiers dont les attentes sont déçues (responsabilité fondée sur la confiance). Maître Pierre Gabus nous entraîne dans les méandres des assurances et des différentes va- leurs retenues, dont le rôle est souvent essentiel pour la partie lésée. Quant au Professeur Jacques de Werra il analyse l'apport capital du droit de la propriété intellectuelle au processus d'authentification de l'objet d'art: c'est ainsi que la question de l'authentification des œuvres d'art peut être abordée sous l'angle du droit d'auteur, du droit des marques et encore du droit de la concurrence déloyale.

Le pouvoir de l'expert - souligné par de nombreux intervenants - est également étudié de manière tout à fait originale par Maître Friederike Ringe.

En effet, elle examine si l'abus de pouvoir que peut constituer, par exemple, le refus d'authentifier une œuvre, n'entraîne pas une violation des règles de droit public de la concurrence. Enfin, un autre dérapage que l'on retrouve en pratique, à savoir les faux certificats d'expert, est examiné par le Professeur Laurent Moreillon au regard du droit pénal.

La diversité des contributions figurant dans la présente publication et l'ex- tension du champ de recherches du Centre du droit de l'art sont selon nous un signe de l'implantation plus grande du droit de l'art dans le paysage juri- dique actuel.

Dans sa préface au premier volume des Etudes en droit de l'art, le Profes- seur Olivier Reverdin, premier président du Centre du droit de l'art, écrivait que le droit de l'art était in statu nascendi. Quinze ans plus tard, le domaine s'est affirmé et, à l'exemple de la présente publication, diversifié. Enseigné aujourd'hui à la Faculté de droit de l'Université de Genève, le droit de l'art peut, nous semble-t-il, revendiquer sa place comme branche du droit. Il per- met en effet, au travers du prisme que constituent l'œuvre d'art et le bien culturel, d'examiner des questions juridiques qui se posent dans l'ensemble de l'ordre juridique, qu'il s'agisse de droit privé ou de droit public, de droit interne ou de droit international.

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AVANT-PROPOS 9

Il nous reste le grand privilège de remercier tous ceux qui ont participé à l'or- ganisation de la journée d'étude du 17 mars 2006 à l'Université de Genève, ainsi que ceux qui ont collaboré à la publication des présents actes. Que les orateurs et auteurs, ainsi que les présidents de séance, trouvent ici l'expression de nos plus vifs remerciements. Merci aussi à Pascal Vogtle, Marie Boillat et Raphaël Contel, assistants en droit de l'art, ainsi qu'à Ariane Tschopp, pour la réalisation du manuscrit.

j"aimerais tout particulièrement remercier mes collègues et amis Pierre Gabus et Jacques de Werra de leur contribution, non seulement au présent ouvrage, mais aussi aux activités du Centre du droit de l'art.

Enfin, que la Faculté de droit de l'Université de Genève, qui héberge do- rénavant le Centre du droit de l'art et ses journées d'études, ainsi que la Fonda- tion pour le droit de l'art, présidée toujours avec énergie et brio par Monsieur Olivier VOd02, trouvent ici l'expression de notre très sincère reconnaissance.

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PREMIÈRE PARTIE

L'EXPERTISE ET L'AUTHENTIFICATION:

QUESTIONS PRATIQUES

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1

L'EXPERT ET SON RÔLE

jEAN-PIERREjORNOD'

j! La probité est la seule monnaie qui ait cours partout."

(Proverbe chinois)

Face à un marché de l'art tlorissant, le rôle de l'expert prend de plus en plus d'importance. Ce titre n'étant pas clairement établi, il convient de demeurer prudent à l'égard d'une dénomination polysémique. Il apparait indispensable qu'une réglementation soit érigée et vienne préciser les compétences et les res- ponsabilités de l'expert; les attestations gagneraient en crédibilité",

L'expert base ses déclarations sur la connaissance de la vie et de l'œuvre des artistes, ainsi que sur des études en histoire de l'art; il définit le style de l'objet examiné, en situe l"époque, tient compte des analyses scientifiques et vérifie les provenances. Pour appuyer ses expertises, il exploitera tous les moyens d'investigation mis à sa disposition. Son expérience pratique et son approche physique des objets, tant visuelle que tactile, éveillent son instinct, affinent sa sensibilité, lui permettant souvent, dès le premier contact, de saisir la vérité d'une œuvre.

l. LES DIFFÉRENTS TYPIIS D'BXPERTS ET LEUR RÔLE RESPECTIF

La fonction de l'expert varie selon les exigences du mandat qui lui est confié.

Nous distinguons:

a. L'expert attaché auprès d'une maison de vente aux enchères qui appuie ses déclarations sur la base d'études en histoire de l'art et sur son expé- rience comnlercîale, son rôle consiste à assurer l'acheteur de la bonne provenance des objets et de fournir de~ garanties d'authenticité, en s'ap- puyant sur l'avis d'experts spécialisés pour chaque objet.

*

Critique d'art, Genève: coauteur de Le Corbusier, (tlrtl/oglle. raisonné de l'œuvre peint, Skira 2005.

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14 jEAN-PrERREjoRNoD

b. Certains commissaires-priseurs, lors de ventes aux enchères publiques ou volontaires, délivrent occasionnellement des expertises, leur titre obtenu après des études de droit et d'histoire de l'art, leur attribue une notable crédibilité. Certains huissiers judiciaires ou notaires établissent égale- ment des attestations. ce qui ne leur contère pas automatiquement le rôle d 'expert en art.

c. Les experts près les douanes et les assurances, souvent marchands expé- rimentés et au courant des tendances du marché de l'art, fixent des prix, sans pour autant se prononcer irrévocablement sur l'authenticité des ob- jets soumis à leur estimation.

d. Les experts près les tribunaux connaissent les règles du marché de l'art ainsi que les lois qui le régissent; ils ne sont pas nécessairement connais- seurs en histoire de l'art.

e. Les conservateurs de musées peuvent émettre un avis, au même titre que les historiens et les critiques d'art; ils ne connaissent pas forcément la valeur commerciale des objets.

f. Les marchands tiennent parfois le rôle d'expert, l'expérience pratique leur attribue un jugement vraisemblable. Le fait d'acheter force le regard et incite à porter une attention précise sur l'objet, mieux que ne le ferait un historien de l'art.

g. Les auteurs de catalogues raisonnés se prononcent sur l'authenticité des œuvres qu'ils reproduisent. Leur connaissance approfondie. tant histo- rique qu'artistique. s'accompagne d'une expérience technique des objets examinés.

h. Les laboratoires scientifiques effectuent des analyses chimiques et spec- troscopiques qui permettent de situer l'époque des matériaux, de préciser la valeur des pigments et de définir les techniques utilisées. Ce genre d'observation apporte des indications quant aux moyens utilisés, sans dé- finir indéniablement la vérité artistique de l'œuvre. L'étude comparative.

basée sur une œuvre indiscutable, fournit des précisions quant au style de l'artiste et aux moyens utilisés.

Afin de se protéger et de renforcer leur crédibilité, certains experts se sont regroupés en associations ou en syndicats. tout en agissant individuellement, selon leur spécialité.

II. L'IMPORTANCE HISTORIQUE ET COMMERCIALE DE L'EXPERTISE, SES DIVERSES FORMULES

L'expertise prend souvent plus d'importance que l'œuvre elle-même. Une attestation en authenticité peut occasionner une surévaluation de l'objet exa-

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RÔLE DE L'EXPERT 15

miné ou, dans le cas contraire, entraîner l'effondrement de sa valeur artistique et commerciale.

Les recherches des historiens de l'art situent les œuvres dans le temps et définissent leur style. Le passage d'un objet dans diverses collections, les men- tions d'expositions. ainsi que les ouvrages qui le reproduisent, renforcent sa valeur historique.

Les spécialistes du commerce de l'art fixent les prix sur la base des ré- sultats des ventes récentes et en considération des prévisions du marché. Ils tiennent également compte des expertises.

Ces diverses considérations jouent d'importance sur le classement histo- rique d'un objet et renforcent sa valeur marchande,

Pour préciser son attestation, l'expert utilise diverses formules, Lors d'une déclaration en authenticité absolue, il certifiera que l'œuvre est de ... , ou de la main de ... Dans le doute, il dira: cette œuvre est attn'buée à ... Il pourra également noter: école de ... , ou atelier de." L'expertise peut porter la mention: à mOIl avis, ce qui protège l'expert des conséquences d'une éventuelle erreur.

Généralement, l'attestation est composée au verso d'une photographie de l'œuvre examinée. Il est souhaitable qu'un timbre à sec fixe le recto et le verso de l'expertise, afin d'éviter des manipulations. Pour plus de sûreté, une expertise devrait être légalisée.

III. LA RESPONSABILITÉ DE L'EXPERT

Trop souvent, les déclarations de l'expert se trouvent masquées derrière un flou artistique etjuridiquc. Déontologiquement,l'cxpert est tenu pour respon- sable des certificats qu'il délivre.

Un avis négatif prend une importance juridique, Le discrédit entraîné par une telle attestation ruine la valeur historique et commerciale de J'œuvre 1uise en doute. Toute insinuation portée sur l'authenticité d'un objet devrait impérativement être justifiée, sans quoi elle s'apparente à une atteinte à la pro- priété d'autrui. Pour se protéger face au doute qu'ils émettent, ou tout simple- ment pour masquer leur incompétence. certains experts, souvent couverts par de puissants instituts, se contentent d'une déclaration sibylline et affirment:

tiEn l'état actuel de nos connaissances, nous n'avons pas l'intention, à ce jour, d'indure cette œuvre dans notre catalogue raisonné., mentionnant cn bas de page: tlCet avis n'est en aucun cas une appréciation portant no- tamment sur l'authenticité, l'attribution, la propriété ou l'état de l'objet».

Que sous-entend une telle affirmation? - Que l'expert ne maîtrise pas le sujet ou qu'il réserve son avis afin de pouvoir, le cas échéant. changer d'opinion?

De telJes formules devraient être bannies de toute fonne d'expertise, elles

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16 )EAN-PIERRE]ORNOD

comportent un accent diffamatoire et si l'expert est lui-même marchand, elles prennent la forme cl 'une ,=oncurrence déloyale.

Un expert compétent et responsable se prononce clairement en vrai ou en faux, il assume ses affirmations. Si tel n'est pas le cas, un minimum d'hon- nêteté devrait le conduire à reconnaître les limites de ses compétences et à ne pas jeter impunément le doute sur l'authenticité d'une œuvre.

IV. LE DANGER DES MONOPOLES, VOIRE DES COLLUSIONS, EN MATIÈRE n'EXPERTISE

Certains instituts, à fonctions multiples, instaurent un département de l'art et n'hésitent pas à s'octroyer le monopole de l'expertise. Ils multiplient la publi- cation de catalogues raisonnés, n'hésitent pas à piller les ouvrages déjà parus et à les discréditer en leur attribuant la publication de faux. Présomptueusement, ils publient dans la presse qu'un catalogue définitif est en voie d'élaboration, annonce maintenue de nombreuses années, sans que le catalogue ne voie ja- mais le jour.

Il est regrettable que la renommée du collectionneur puisse jouer d'in- fluence sur l'attribution d'une expertise en authenticité, tout comme il est fâcheux de constater que des œuvres, reconnues mondialement par d'émi- nents experts, deviennent douteuses par les argumentations imprécises de per- sonnes affiliées à un monopole. Ce genre d'emprise sur l'expertise empêche une considération impartiale et réaliste.

v.

UN COLLÈGE D'EXPERTS SERAIT SOUHAITABLE:

JURIDIQUE, PRATIQUE ET SCIENTIFIQUE

Afin d'éviter toute forme d'hégémonie, une décision conjointe entre un his- torien de l'art, un homme de loi, les ayants droit, un scientifique et un spé- cialiste du marché renforcerait la crédibilité de l'expertise, diminuerait le risque d'erreur, éloignerait le danger de collusion et éviterait les expertises dites de complaisance.

La décision d'un collège d'experts devrait être dénuée de tout intérêt lucratif. Les conclusions de cet examen sur la valeur artistique, l'appartenance historique et l'analyse scientifique, apporteraient plus de limpidité dans un domaine complexe et écarteraient la majeure partie des conflits d'intérêts.

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RÔLE DE L'EXPERT 17

VI. CONCLUSION

Lors de l'achat d'un objet d'art, il convient de contrôler son authenticité et la valeur des documents qui l'accompagnent, de vérifier sa provenance et de s'assurer qu'il ne soit pas grevé.

Un marchand de bonne réputation, par ses conseils et l'établissement d'une facture, offre des garanties légales; en cas de contestation d'authenticité, il se doit de reprendre l'objet contesté de manière irréfutable.

Bien que J'expert joue un rôle capital dans J'attribution du prix d'un objet. les critères considérés lors de l'établissement d'une valeur marchande demeurent aléatoires. Il apparaît préférable de fixer une estimation momenta- née. demeurant soumise aux fluctuations d'un marché spéculatif, à révolution des goûts et aux tendances de la mode.

Dans un univers où les sentiments viennent enrober la raison de mys- tères, où les passions se noient dans la matérialité, il est souvent difficile et complexe de formuler des expertises indéniables. L'expert devrait strictement se cantonner à sa spécialité. Toutefois, la dualité entre l'efficacité rigoureuse du spécialiste et la volonté humaine de dominer la matière dans sa totalité entraîne des divergences d'opinion. Dans ce marasme de contradictions, l'in- tensité esthétique se voit ensevelie dans un mercantilisme à la source de la déconstruction même du sens de l'art. Les joies de la découverte. les plaisirs émotionnels contiennent en puissance une vérité essentielle qui vient s'affir- mer comme une vraie forme d' expertise.

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1. INTRODUCTION

II

LE CATALOGUE RAISONNÉ

NAÏMA]ORNOD*

• La chose qui peut ê[re pensée et celle à l'égard de la- quelle la pensée exisce SOnt une seule et même chose, car tu ne saurais trouver une pensée sans une chose qui soit, et au sujet de laquelle elle soit exprimée.»

(Parménide)

Encore méconnus, il y a près d'un siècle, les catalogues raisonnés abondent aujourd'hui. Pourtant, leur réalisation est assujettissante et demeure une épreuve cruciale pour leur auteur. Cerces, la conception de ce type d'ouvrage impose une ligne directrice et provoque des idées, mais rien n'est plus déli- cat que de pénétrer dans l'intimité de la vie d'un artiste, de le suivre en ses détours, dans le respect de son art et de ses réflexions, sans jamais trahir le contenu réel de son Œuvre. C'est donc aux moyens de "orienter et de Par- donner qu'il convient de s'attacher, sans oublier que pour nombre d'artistes disparus, seuls les sujets et 1es exécutions représentent, en quelque sorte, la base, la donnée de leur art.

Le terme de catalogue, du grec katalogos, signifie «liste» ou encore

«katalégô»: je choisis, je décompte, j'enregistre. C'est à partir du XVIIe siècle, avec l'accroissement des collections que l'idée de catalogage d'œuvres s'est imposée. Le premier catalogue imprimé en France date de 1611, il concerne l'inventaire d'un collectionneur, maître orfèvre. en ville d'Arles; et le terme de catalogue est utilisé en 1666, à l'occasion de la publication d'une collec- tion d'estampes, appartenant au cabinet du Roi. Dès lors, les catalogues se succèdent, et nombre d'entre eux demeurent, aujourd'hui encore, une ré- férence bibliographique. Un des premiers catalogues raisonnés est accompli

* Docteure en médecine. spécialiste FMH en chirurgie cardiaque et vasculaire thoracique, Genève; coauteure de Le Corbusier, catalogue raisoPl'lé dt l'œuvre peint, Skira 2005.

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20 N,o"ïMA]ORNOD

par Giorgio Vasari (1511-1574)" écrivain, peintre, architecte et critique d'art italien, auteur du recueil Les vies des meilleurs peintres) sculpteurs et architectes, réalisé en 1560-1570, un ouvrage qui prélude au catalogue raisonné que nous connaissons.

La paternité de la dénomination de « catalogue raisonné)j. revient à Nicolas Bernard Lépicié. peintre et écrivain, secrétaire perpétuel et historiographe de l'Académie de peinture de France qui, en 1751, publia le Catalogue raisonné des tableaux du Roi2. Pourtant, ce ne sera qu'à la fin du XIXe siècle que la critique adopte l'expression de « catalogue raisonné

*

qui désigne un ouvrage présen- tant, en plus de l'inventaire des œuvres, des commentaires permettant une plus vaste connaissance de l'artiste et de son œuvre.

II. MOTIFS D'UN CATALOGUE RAISONNÉ

i<Le cœur a des raisons que la raison ne connaît point.»

(Pascal)

Pourquoi un tel travail? Si l'on considère l'occupation ardue et de longue haleine qu'exige l'élaboration d'un catalogue raisonné, sans oublier son coût exorbitant, plusieurs éléments de réponse se profilent. Mises à part les raisons suscitées par divers avantages que le professeur François Duret-Robert a révélé dans son article «La dictature des cataloguistes»3, impliquant des intentions mercantiles (de la part de marchands, galeristes, collectionneurs) ou la re- cherche d'une gloire quelconque, relevons néanmoins d'autres motifs parmi lesquels des intérêts directs, déterminés par une admiration voire une passion portée à un artiste. Une érudition pointue de l'auteur pour l'œuvre d'un ar- tiste, une connaissance particulière de l'artiste dérivant d'une longue amitié ou d'une filiation peuvent également être à l'origine de cet enthousiasme.

D'autres intérêts indirects apparaissent; citons entre autres: la motivation uni- versitaire en vue d'un travail de thèse, celle d'institutions (musées, fondations, bibliothèques, etc.) expliquée par la détention d'un grand nombre d'œuvres d'un même artiste.

Les buts proprement dits: en accordant une rationalité déontologique à son travail, l'auteur vise à instaurer dans son ouvrage les valeurs essentielles,

http://agora.qc . cal mot.nsfl Dossiers/Giorgio_Vasari.

2 www.artheque.com/m4.html 3 DURET-RoBERT (1989), p. 131-143.

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LE CATALOGUE RAISONNÉ 21

basées sur une étude scientifique et historique, permettant une meilleure connaissance de l'artiste et tout particulièrement de son œuvre. Le repérage des œuvres et notamment de documents se trouvant éparpillés dans différentes institutions et collections privées, permet au cataloguiste4, par le récolement effectué, un archivage susceptible de servir à d'autres chercheurs.

Le but espéré, loin de toute tentative d'expertise au préalable, est princi- palement celui de contribuer à la compréhension du cheminement artistique, technique et méthodologique de l'artiste étudié.

III. MÉTHODOLOGIE

La réalisation d'un catalogue raisonné de l'Œuvre d'un artiste est une entreprise passionnante et de longue haleine, riche en expériences et en dé- couvertes. Elle se base sur une recherche systématique qui permettra d'appro- cher, de manière étroite, la vie et l'œuvre dudit artiste.

A. Possibilités et limites

Les opinions concernant l'authenticité d'une œuvre peuvent diverger, pour- tant la décision finale revient à l'expert ou à l'auteur du catalogue raisonné.

La non-inclusion d'une œuvre dans le catalogue n'est pas nécessairement synonyme de faux ou de contrefaçon, mais peut être due au refus des ayants droit de la voir apparaître dans l'ouvrage, la considérant comme insignifiante ou de mauvaise qualité, ce qui est rare. Par ailleurs, certaines œuvres mé- connues, se trouvant dans des collections particulières, peuvent échapper au cataloguiste au moment de la réalisation de son ouvrage. Lorsqu'il s'agit du premier catalogue raisonné de l'Œuvre complet d'un artiste, la difficulté ma- jeure réside dans le repérage des œuvres et l'accès aux documents pertinents.

Cette recherche n'acquiert sa pleine valeur qu'à la condition de n'omettre aucune œuvre, aucun texte. Or, la dispersion des œuvres d'un artiste, déjà de son vivant et souvent non répertoriées (à l'exception d'artistes méthodiques, comme le fut Wassily Kandinsky), rend difficile la tâche de réunir la totalité de l 'Œuvre. Pour cette raison, le cataloguiste doit reconnaître, en toute humilité, qu'il reste toujours à faire et à parfaire dans l'établissement d'un tel ouvrage qui demeure une entité en évolution dans le temps.

Ibid., note 3, p. 131.

(21)

22 NAÏMAjORNOD

La graphie de l'artiste peut occasionner certaines limites secondaires à la difficulté de déchiffrage,. introduisant parfois une certaine confusion dans la compréhension de son œuvre ou de sa vie.

B. Moyens et sources

Le catalogue raisonné est par définition un document (quel que soit son sup- port) dressant une liste méthodique, descriptive et critique de toutes les œuvres authentiques connues d'un artiste, ou de toute sa production dans un mode d'expression défini; il inclut également sa biographie (succincte ou non).

Pour aboutir à un tel ouvrage, il est nécessaire de compulser:

Les archives personnelles de l'artiste composées du courrier profession- nel, de la correspondance privée, journal intime et/ou celui de ses pa- rents, carnets et manuscrits, livres, textes, conférences, interviews, des listes préparatoires des expositions réalisées de son vivant et celles des œuvres qu'il a offertes ou vendues.

Les banques de données constituées par les fonds des bibliothèques ins- titutionnelles et privées, des musées, les archives des collectionneurs privés, des galeries. des maisons de ventes aux enchères et des dossiers d'expositions. Dans la mesure du possible, il est intéressant d'avoir accès aux archives des personnes ayant connu ou travaillé avec l'artiste, avec l'éventualité de les rencontrer.

Une part importante est accordée à la connaissance de la bibliographie personnelle de l'artiste et aux ouvrages qui lui sont consacrés.

IV. CONCEPTION DU CATALOGUE RAISONNÉ

En règle générale, le catalogue raisonné est présenté selon un ordre chronolo- gique suivi d 'une analyse historique et esthétique:

a. Ordre chronologique: la numérotation des œuvres peut suivre un ordre chronologique établi dans le temps ou par thème.

b. Le catalogue proprement dit: il recense toutes les œuvres dont l'authen- tification est indiscutable avec les iconographies et les renseignements relatifs. Il est possible d'adjoindre une deuxième partie qui regroupe, le cas échéant, les œuvres documentées sans iconographie, connues mais non retrouvées, donc non authentifiées.

b.1 La fiche technique: pour chaque œuvre doivent être obligatoirement précisés le titre, la date de l'exécution, le support, les dimensions, rem- placement de la signature, la localisation et les mentions. Sous cette der-

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LE CATALOGUE RAISONNÉ 23

nière rubrique, toutes les annotations portées sur l'œuvre ou son support sont signalées.

b.2 Après la fiche technique, suivent l'historique de l'œuvre, l'analyse esthé- tique et une bibliographie:

L'historique de l'œuvre: parallèlement aux indications des prove- nances, figurent également dans ce chapitre les renseignements rela- tifs à l'œuvre (extraits d'écrits, notes ou ouvrages de l'artiste impli- quant l'œuvre ou la période de son exécution), ainsi que le contexte biographique chaque fois qu'il apparaît déterminant.

L'analyse esthétique: cette partie relève de l'interprétation de l'ar- tiste si elle existe, suivie de celle de l'auteur. Elle peut être éclairée de textes d 'historiens de l'art. Cette analyse met en évidence le style, l'esthétique et le vocabulaire pictural, de manière à susciter chez le lecteur un sentiment, une émotion et lui offrir une meilleure com- préhension, tout en gardant à l'esprit le précepte:

*

on ne parle ja- mais trop simplement et presque jamais trop brièvement~. L'œuvre el1e-même exprime parfois plus qu'une argumentation abstraite.

Enfin une liste exhaustive ou essentielle des expositions où a figuré l'œuvre, sans oublîer la bibliographie concernée par ladite œuvre.

c. Parallèlement à l'inventaire et aux commentaires des œuvres, le catalogue raisonné est enrichi par une biographie ou un résumé biographique.

Le raisonnement d'un catalogue dépendra de la raison de son auteur, c'est pourquoi les catalogues diffèrent d'un auteur à l'autre. Ainsi, on peut y trouver d'autres thèmes, tel celui de l'analyse des différentes périodes de l'artiste et de son évolution, pouvant contribuer positivement à l'intérêt de l'ouvrage, ou celui de la reproduction éventuelle de documents: extraits de lettres, de notes, de manuscrits, etc. Ailleurs, certains auteurs incluent dans leur catalogue un chapitre réservé à la reproduction des contrefaçons ou des fausses attributions.

Enfin, une analyse technique et scientifique, d'une ou de plusieurs œuvres, réalisée par un centre de recherche spécialisé (ce qui a été effectué dans le cata- logue raisonné de l'œuvre peint de Le Corbusier), peut être jointe à l'ouvrage, offrant ainsi de précieuses indications.

Les bibliographies, si possible exhaustives, de et sur J'artiste deviennent indispensables à l'exécution d"un travail rigoureux.

V. LES DIVERSES FORMES DU CATALOGUE RAISONNÉ

Chaque auteur concevra son catalogue raisonné selon son approche sentimen- tale à l'égard de l'artiste, en s'appuyant sur ses connaissances scientifiques et

(23)

24 NAÏMA]ORNOD

artistiques et en se basant sur son parcours professionnel et intellectuel, sans oublier son expérience personnelle acquise par l'examen des œuvres.

Nous pouvons ainsi considérer diverses formes de catalogues raisonnés. Il peut s'agir d'ouvrages complets comme décrit plus haut ou de livres ne repro- duisant que la fiche signalétique des œuvres et leur iconographie. Les repro- ductions des œuvres en noir et blanc ou en couleurs dépendront du choix des auteurs et des clichés à leur disposition.

L'avènement de la technologie, du système informatique et productique ouvrent des perspectives nouvelles et laissent entrevoir d'autres supports, tels les CD, DVD, en attendant de nouvelles formes techniques.

VI. COMPRÉHENSION DE L'ÉCRITURE DE L'ARTISTE

«Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. ~

(Boileau)

Une œuvre s'offre comme le fruit d'une double invention, l'une basée sur la conception et le mystère exprimé par l'artiste, l'autre sur le langage et l'en- semble des moyens dont il dispose afin de communiquer avec le spectateur.

Décrypter l'écriture de l'artiste s'avère un exercice laborieux qui tente d'expliciter par le mécanisme et les lois sous-jacentes qui la déterminent, le cheminement créatif dudit artiste. Aussi, par la compréhension de cette écri- ture, le cataloguiste s'applique à rendre l'œuvre de l'artiste reconnaissable. Un de ses principaux moyens: son expérience rationnelle basée sur un art de voir, développé à partir d'une observation approfondie, mêlant à la fois intuition et réflexion, deux éléments indubitablement liés et nécessaires à l'intelligibilité du langage plastique cohérent. A cette démarche empirique, s'associent des études basées sur l'histoire de l'art et d'autres sciences, en particulier la chimie, la physique et la radiologie.

VII. LA PROTECTION DE L'œUVRE

Passons en revue, de manière succincte, les droits de l'artiste et ceux qui ré- gissent un catalogue raisonné5

Tout catalogue raisonné doit être réalisé dans le respect du droit d'au- teur et du droit moral de l'artiste ou de ses ayants droit. Toute utilisation d'une

www.admîn.ch/ch/flrsI23Cl/

(24)

LE CATALOGUE RAISONNÉ 25 œuvre protégée par le droit d'auteur nécessite l'autorisation de l'auteur ou de J'ayant droit.

A. Etendue de la protection

Le droit d'auteur et le droit moral confèrent à l'artiste ou à ses ayants droit, la possibilité d'accepter ou de refuser de porter l'œuvre à la connaissance du pu- blic par le biais d'une quelconque utilisation et à quelles conditions. Dans le cas où l'œuvre peut être divulguée, ce droit s'étend également à sa reproduction (autorisation du type de procédé: imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique) ou à sa représentation (récitations publiques, exécutions lyriques ou dramatiques, expositions, projections publiques, radiodiffusion ou télédiffusion).

B. Protection du catalogue raisonné

Il faut savoir qu'un catalogue raisonné «n'est pas éligible au rang des œuvres de l'esprit, dès lors que le travail réalisé ressort d'un travail de recollement, de recensement, de compilation et de classement dans un ordre chronologique de documents existants» 6.

Cependant, si l'on considère que le catalogue raisonné est une base de données, alors celui-ci peut être protégé par le droit d'auteur s'il présente un caractère d'originalité suffisant, portant sur la disposition, le choix et la com- position des matières, conformément à J'article L.112-37 de la loi n' 98-536 du 1er juillet 1998, concernant la protection juridique des bases de données.

Dans le cas où il serait considéré que la base de données ne présente pas d'originalité suffisante pour être protégée par le droit d'auteur, il existe une protection spécifique pour les producteurs de base de données, ajoutée

6 http://ressources .algora.org/frontblocks/news/pa pers. asp ?id_pa pers=1388& ID_

THESAURUS_NODES~1048

7 Art. 1. 112-3. de la loi n° 98-536 du 1er juillet 1998 portant transposition dans Je code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données: - Les auteurs de traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l'esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l'auteur de l'œuvre originale. Il en est de même des auteurs d'anthologies ou de recueils d'œuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles. ,On entend par base de données un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.'

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26 NAÏMA jORNOD

au Code de la propriété intellectuelle, de la loi du 1" juillet 1998, sous le titre

«Droit des producteurs d.e bases de données ». Est considéré comme produc- teur de bases de données toute personne physique ou morale «qui prend l'ini- tiative et le risque des investissements correspondants, laquelle bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celle-ci atteste d'investissements financiers, matériels ou hu- mains substantiels»8.

Dès lors que l'originalité d'une base de données est admise, son auteur se voit reconnaître le monopole d'exploitation sur sa création qui consiste essen- tiellement en droits patrimoniaux et moraux.

VIII. IMPORTANCE ET CONSÉQUENCES D'UN CATALOGUE RAISONNÉ

Par définition, l'authenticité est «ce qui est véritablement de l'auteur auquel on l'attribue

*.

Un tableau déclaré authentique prend toute sa valeur et un tableau consi- déré comme un faux perd toute sa valeur (du moins commercialement). Ceci explique l'importance accordée au catalogue raisonné attendu qu'il ne réper- torie que les œuvres authentiques de l'artiste. Un tableau ne figurant pas dans le catalogue raisonné est a priori relégué à la catégorie des faux; or comme nous l'avons évoqué ci-dessus (cf chap. III, parag. 1), une œuvre non repro- duite n'est pas nécessairement une contrefaçon, il se peut que l'auteur n'en ait pas eu connaissance au moment de l'élaboration de son ouvrage, et c'est là que réside la marge d'erreur souvent induite par les marchands.

Les catalogues raisonnés connaissent aujourd'hui un véritable essor et une ample diffusion grâce aux ressources modernes (iconographies et archives informatisées plus accessibles, méthodes d'analyses plus poussées, etc.) qui ont facilité leur réalisation; elles leur ont également permis une reconnaissance élargie du public et leur ont offert une place prépondérante dans le milieu de l'art.

Pourtant, ce ne sera que grâce à l'effort de rationalité de son auteur et au perfectionnement de la méthodologie que le catalogue raisonné peut révéler sa profondeur conceptuelle. affirmer sa portée historique et philosophique. Si son contenu n'est pas contesté, son autorité fera foi. En attestant l'authentification d'une œuvre ou en affectant sa véracité, il devient par conséquent source de

Article L. 341-1. de la loi n° 98-536 du 1er juillet 1998 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données.

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LE CATALOGUE RAISONNÉ 27 contentement ou de frustration. Il se présentera dès lors comme l'instrument du savoir et du pouvoir de l'expertise.

Ne dit-on pas que l'«on décèle le faux par l'étude de ce qui est authen- tique », que «le meilleur expert est celui qui se trompe le moins, le meilleur faussaire est celui qui n'est pas encore démasqué »9.

Les études et recherches entreprises ainsi que l'eXpérience acquise par le cataloguiste, rendent celui-ci suffisamment compétent pour authentifier une œuvre, tout en gardant une dose d'humilité face à son jugement, car la marge d'erreur est toujours présente et donc trop grande. Il est également de ce fait en mesure de déceler la contrefaçon par sa connaissance et par les divers moyens techniques qu'il a à sa disposition.

Pour l'estimation d'une œuvre, le cataloguiste ou l'expert donnera une valeur indicative en se basant sur les ventes publiques; ce qui ne saurait être fiable à 100%, le prix des œuvres d'art en ventes aux enchères est souvent aléa- toire. Nonobstant les incertitudes du marché, le spécialiste est censé connaître la cote réelle de l'œuvre.

La croissance entreprise par les maisons de vente et les implications éco- nomiques en résultant ont concédé à l'auteur du catalogue raisonné un grand pouvoir. Cependant des limites surviennent, comme le cas d'un expert qui, en dehors de possibles malversations dues au pouvoir économique, peut être amené à reconnaître de manière abusive l'authenticité ou la non authenticité d'une œuvre. Comme il n'existe pas de vérité absolue quant au vrai ou au faux, une connaissance instinctive due à une longue expérience et une honnêteté faisant face à toute épreuve permettent au spécialiste de s'exprimer en toute conscience et en pleine responsabilité.

IX. CONCLUSION

L'auteur cl 'un catalogue raisonné, grâce à son ouvrage, favorise une meilleure connaissance de l'artiste et de son Œuvre, sans oublier la sauvegarde des parts du marché consacrées aux œuvres de l'artiste. Parallèlement à cet objectif, il apparaît qu'un catalogue raisonné révèle, en plus des œuvres, des éléments biographiques ou analytiques sur l'artiste s'avérant prépondérants pour des tra- vaux ultérieurs, invitant les chercheurs à cheminer vers d'autres découvertes, à s'ouvrir à plus de connaissance. Si tel devait être le cas, le but d'un tel ouvrage serait atteint!

9 www.seuratexpert.com/pageseuratS.htm

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(28)

III

L'AUTHENTICITÉ DES ŒUVRES D'ART DANS LA PRATIQUE DU MARCHÉ DE L'ART

FRANÇOIS DURET-RoBERT*

1. DÉFINITION DE L'AUTHENTICITÉ

Dans le dictionnaire, on trouve cette définition de l'adjectif authentique:

~ Qui est véritablement de l'auteur auquel on l'attribue~. De prime abord, cette définition peut paraître satisfaisante. Cependant. on constate rapidement qu'elle ne peut s'appliquer aux meubles et aux objets d'art qui, souvent, sont simplement présentés comme étant «d'époque Louis XV~I par exemple ou

• d'époque Napoléon III •. On est donc incité à modifier cette définition afin qu'il y soit également fait réŒrence au critère d'époque. Ainsi, la définition .Qui est véritablement de l'auteur auquel on l'attribue ou de l'époque à la- quelle on le rattache» semble plus adaptée.

Mais cette deuxième définition s'avère tout aussi insuffisante car elle ne peut s'appliquer à toutes les oeuvres d'art. Prenons le cas des objets d'art afri- cain. On ne connaît d'ordinaire ni leur auteur, ni leur époque de fabrication.

Et quand on interroge un spécialiste, il répond que ces œuvres sont considérées comme authentiques, lorsqu'elles ont été exécutées pour la célébration d'un culte ou l'accomplissenlent d'un rite et qu'elles ont été effectivement utilisées pour cet usage.

Aussi, force est d'adopter une définition quelque peu abstraite si l'on veut qu'elle ait une portée générale. et dire qu'une œuvre d'art est authentique

«lorsqu'elle est véritablement ce qu'on prétend qu'elle est».

Encore faut-il préciser qui est ce «ont. En principe, il s'agit de l'expert.

Avant de passer en revue les différentes catégories d'experts, de préciser leur rôle et d'indiquer leur obligation, il faut dire quelques mots des formules utilisées pour présenter les œuvres d'art.

* Chargé d'enseignement. Université de Paris-Dauphine et Université Jean-Moulin (Lyon Ill).

(29)

30 FRANÇOIS DURET-RoBERT

II. LES FORMULES UTILISÉES POUR PRÉSENTER LES ŒUVRES n'ART

Les professionnels du marché de l'art usent souvent d'un langage quelque peu sibyllin. Lorsque, par exemple, ils disent qu'un fauteuil est bon, il faut entendre que celui-ci est ancien. Lorsqu'ils indiquent qu'un tableau porte une signature de Dominique Ingres, on doit comprendre que ce n'est pas Dominique Ingres qui a signé le tableau. Heureusement, parmi les autres for- mules qu'ils utilisent, certaines - par .... attribué à ... , d'époque ... , de style ...

etc. - apparaissent plus claires.

Il en est cependant qui ont donné lieu à des querelles d·interprétation.

Un exemple: un «fauteuil Louis XV» est-il un siège d'époque Louis XV ou de style Louis XV? Pour couper court aux incertitudes, le décret du 3 mars 1981 a fixé le sens de ces formules usuelles. Nous ne pouvons passer en revue toutes les définitions que donne ce décret. Nous nous contenterons des plus importantes:

Les formules «œuvre de ... , par ... , signature de ... )jo garantissent que le tableau a effectivement pour auteur le peintre en question. Il en va de même lorsque le nom de l'artiste est immédiatement suivi du titre ou de la désignation de l'œuvre. Autrement dit, les quatre formules - Rembrandt,

«La ronde de nuit»; «La ronde de nuit», par Rembrandt; «La ronde de nuit)), œuvre de Rembrandt; «La ronde de nuit». signature de Rem- brandt - ont la même signification et offrent les mêmes garanties.

La formule «attribué à ... » laisse planer un doute quant à l'authenticité et introduit un aléa en cas de vente. Le décret précise cependant que remploi de ce terme garantit que l'œuvre a été exécutée pendant la pé- riode de production de l'artiste en question et que celui-ci en est vrai- semblablement l'auteur.

«D'époque ... )): cette expression certifie que le meuble, l'objet a bien été exécuté à l'époque indiquée. Une commode d'époque Louis XV doit donc avoir été fabriquée sous le règne de ce monarque. Il en va de même, selon le décret du 3 mars 1981, si le meuble est simplement décrit ainsi:

«Commode Louis XV)jo.

«Estampille de ... )jo: cette indication garantit que l'ébéniste ou le menui- sier est effectivement l'auteur du meuble ou du siège.

«De style ... »: cette formule ne comporte aucune garantie d'époque.

Autrement dit, un buffet de style Henri II n'a pas nécessairement été et, en pratique, a rarement été fabriqué à l'époque où vivait ce roi.

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AUTHENTICITÉ ET M .... RCHÉ DE L' .... RT 31

III. AUTHENTICITÉ ET EXÉCUTION PERSONNELLE

Comme nous venons de le voir. certaines formules (par ... , œuvre de ... , si- gnature de ... ) entraînent «la garantie que l'artiste mentionné est effective- ment l'auteun des œuvres en question, selon les termes mêmes du décret du 3 mars 1981.

La plupart du temps, cette disposition ne soulève aucun problème d'in- terprétation. Mais dans certains cas, on peut se demander quel est le véritable auteur d'un tableau, d'une sculpture ou d'un objet. Cette question était au cœur de l'affaire Spoerri. Et elle vient d'être tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt qui suscite de sérieuses réserves de la part de la doctrine.

On sait que Daniel Spoerri a adopté une démarche assez singulière. Il conserve, en prenant grand soin de ne pas les laver, les assiettes et les couverts qui ont servi pour certains de ses repas. Il met également de côté les boU(eilles vides, les cendriers remplis de mégots, ainsi que divers récipients. Puis il colle solidement ces assiettes, ces couverts, ces bouteilles, ces cendriers, ces réci- pients ... sur des supports en bois. Il recouvre le tout d'emboîtages en plastique transparent et qualifie les œuvres ainsi créées de «tableaux-pièges ».

Le problème est que, non seulement Daniel Spoerri exécute des ta- bleaux-pièges, mais qu'il incite parfois certains de ses contemporains à faire de même; et qu'jllui arrive 6: d'authentifier»' puis de signer quelques-unes de leurs créations.

L'un de ces tableaux-pièges se vendit pour 38 325 francs, le 29 septembre 1993 à Drouot-Montaigne. Il était présenté comme une œuvre de Spoerri.

Lorsque, par la suite, l'acquéreur apprit qu'il avait été exécuté, non par Spoerri lui-même, mais par un jeune garçon, âgé de onze ans, il demanda l'annulation de la vente.

La Cour de Paris ne lui donna pas gain de cause. Elle admit, en effet, dans son arrêt du 8 octobre 2003, qu'un artiste pouvait être considéré comme l'auteur d'une œuvre qu'il n'avait pas faite de ses propres mains, lorsqu'il l'avait fait réaliser par un tiers, selon ses instructions, et qu'il en avait contrôlé l'exé- cution. Mais la Cour de cassation1 a cassé cet arrêt en posant cette règle de principe: «L'auteur effectif s'entend de celui qui réalise ou exécute personnel- lement l'œuvre ou l'objet, condition substantielle de leur authenticité dans le cadre d'une vente publique aux enchèreS»'.

Il faut bien reconnaître que cet arrêt bouleverse la jurisprudence anté- rieure, car, jusqu'alors, la Cour de cassation avait adopté une position quelque

Casso 1" civ., 15 nov. 2005, D. 2006, Rec. nO> 16, 20 avril 2006, jur. p. 116, note TRI- COIRE, A.

(31)

32 FRANÇOIS DURET-RoBERT

peu différente. Dans l'affaire Guido-Renoir, elle avait admis que Renoir était le coauteur des sculptures modelées par Guido, même si le maître n'avait per- sonnellement pas touché la glaise'.

Dans l'affaire de la table de la collection Madeleine Vionnet, elle avait estimé que Jean Dunand était l'auteur de ce meuble, bien qu'il se fût contenté de choisir la forme et les matériaux, de diriger et de contrôler l'exécution),

Et l'on pourrait également évoquer le cas des sculptures en bronze. La Cour de cassation n'a-t-elle pas déclaré en 1986: ~Même s'il est vrai que le modèle en plâtre ou en terre cuite est seul réalisé par le sculpteur personnelle- ment, les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir de ce modèle ( ... ) n'en doivent pas moins être considérées comme l'œuvre elle-même émanant de la main de l'artiste» ? 4

Bref, on assiste peut-être à un revirement de la Cour de cassation pour ce qui est de la définition de l'authenticité.

IV. LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'EXPERTS

En France, la profession d'expert n'est pas réglementée. Il s'ensuit que, dans le domaine artistique, tout un chacun peut s'attribuer le titre d'expert. Cela étant, les experts se distinguent les uns des autres notamment par leurs champs d'activités respectifs:

Les généralistes, tout en se cantonnant d'ordinaire dans une ou deux spé- cialités, ont souvent un domaine de compétence très large à savoir, par exemple, la peinture ancienne ou encore la peinture moderne.

Ils apparaissent comme les professionnels de l'expertise, si l'on peut dire, en ce sens que c'est leur métier, principal ou accessoire, d'expertiser et d'estimer les œuvres d'art. Ce sont eux qui décrivent et évaluent les ob- jets qui sont vendus aux enchères. Et c'est à eux que doivent normale-

ment s'adresser les particuliers désireux d'obtenir une expertise.

Les spécialistes se limitent à l'œuvre d'un nombre très restreint d'artistes - des peintres, en principe. Ils acquièrent, de ce fait, pour ce qui est de ces artistes, une grande autorité. Et c'est la raison pour laquelle on les qualifie parfois de (( mandarins de la peinture ». Il s'agit de conservateurs de musée, parfois de marchands, plus rarement d'enseignants. exception- nellement de simples amateurs qui se passionnent pour les créations de tel ou tel artiste.

2 Casso 1re civ., 13 nov. 1973, Bull. civ., l, n° 302, D. 1974, p. 533;JCP 1973, II, 18029.

3 Casso 1re civ., 13 oct. 1993, D. 1994, p. 138.

Casso 1re civ., 18 mars 1986, RIDA, juillet 1986, 138, concl. GULPHE.

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AUTHENTICITÉ ET MARCHt D~ l'ART 33

Nombre d'entre eux ne cherchent pas à tirer parti, sur le plan pécuniaire, de leurs connaissances, même si certains délivrent parfois, moyennant finance, des certificats d'authenticité.

Les héritiers des artistes jouent - ou prétendent jouer - un rôle important en ce qui concerne l'authentification des œuvres de leur de cujus. Dans les milieux professionnels, on prétend souvent que le droit moral dont ceux-ci sont titulaires leur donne le droit de décider souverainement de l'authenticité de ces œuvres. Il s'agit en fait d'une assertion totalement infondée que ne manquent jamais de réfuter les juges: 4!Les prérogatives attachées au droit moral de l'auteur dont sont investis ses ayants droit.

afin d'assurer la défense de l'œuvre de celui-ci, pas plus que l'autorité re- connue et revendiquée par [ces ayants droit) sur la connaissance de cette œuvre, ne leur confèrent un pouvoir discrécionnaire sur l'authentifica- tion de celle-ci» 5.

Cela dit, les certificats d'authenticité délivrés par les héritiers sont géné- ralement très appréciés par les collectionneurs.

v.

LA RESPONSABILITÉ DE L'EXPERT

Comme nous avons eu l'occasion de le souligner, en France la profession d'ex- pert n'est pas réglementée. Et puisqu'on ne peut, pour préciser la qualité d'ex- pert en œuv[Cs d'art, s'appuyer sur des textes légaux ou réglementaires, on se voit dans l'obligation, s'agissant du problème de la responsabilité, de s'en tenir aux données de fait. Telle est d'ailleurs la position des juges. Ils considèrent que, quelle que soit l'activité déclarée des intéressés, ceux-ci engagent leur responsabilité lorsqu'ils délivrent des certificats d'authenticité (ou décrivent des œuvres d'art dans des catalogues de ventes). Autant dire que le problème de la responsabilité se pose de la même façon, qu'il s'agisse des généralistes, des spécialistes ou des héritiers des artistes.

C'est ce qu'a rappelé en mars 2005 la Cour de Paris 6.

Un historien d'art, spécialiste de Malevitch, avait rédigé un certificat affirmant l'authenticité d'une gouache présentée comme une œuvre de cet artiste. Cette gouache s'étant révélée être un faux, l'acquéreur auquel avait été remis ce certificat, assigna ce spécialiste en dommages-intérêts. Pour sa défense, celui-ci prétextait «qu'il n'était pas expert, mais un simple sachant, historien d'aItt. La cour n'a pas retenu cet argument et elle a déclaré que ida discussion entretenue par ce dernier (ledit spécialiste) SUT sa qualité d'expert

5 CA Paris. 1re ch., sect. A, 3 1evrier 2004, RG nO 2002-19114.

6 CA Paris, 1R ch., sect. A, 22 mars 2005, RG n° 04-05000.

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34 FRANÇOIS DURET-RoBERT

est vaine, dès lors qu'il n'existe aucune réglementation de cette activité appli- cable à l'espèce et que celui qui certifie sans réserve l'authenticité d'une œuvre d'art, qu'il se prétende expert ou pas, engage sa responsabilité sur cette seule affirmation; que, s'il n'avait pas la compétence nécessaire, ce qu'il suggère, il lui appartenait de plus fort de ne pas prendre parti sur l'authenticité de l'œuvre qui lui a été présentée)).

Il existe également des décisions qui ont retenu la responsabilité des héri- tiers des artistes qui avaient garanti l'authenticité d'œuvres de ceux-ci, œuvres qui se sont révélées fausses par la suite. C'est ainsi que la Cour de Paris 7 a sé- vèrement condamné le fils du peintre Latapie qui avait certifié l'authenticité de certains dessins de son père.

VI. L'OBUGATION DB L'EXPERT

Ainsi qu'on vient de le voir, c'est essentiellement lorsque l'expert délivre un certificat d'authenticité ou qu'il décrit une œuvre dans le catalogue d'une vente publique, qu'il engage sa responsabilité. Cette responsabilité est contractuelle vis-à-vis de celui qui lui a demandé de rédiger ce certificat ou de décrire cette œuvre; et elle est quasi délictuelle vis-à-vis de ceux qui, au vu de ce certi- ficat ou de cette description, se sont décidés à acheter (ou à vendre) l'œuvre en question.

A celui-là et à ceux-ci, il peut être contraint de verser des dommages- intérêts, s'il n'a pas correctement rempli son obligation.

Mais quelle est son obligation?

On distingue traditionnellement l'obligation de résultat et l'obligation de moyens.

L'obligation est dite de résultat lorsque l'intéressé s'engage à obtenir un résultat précis, déterminé à l'avance. On cite généralement l'exemple du ca- mionneur qui prend l'engagement de porter tel colis, tel jour, dans telle ville et qui doit agir de telle sorte que ce colis arrive à bon port en temps voulu.

L'obligation de moyens est moins contraignante, dans la mesure où l'in- téressé ne s'engage pas à obtenir un résultat déterminé mais seulement à mettre en œuvre tous les moyens dont il peut disposer pour parvenir à ce résultat.

Tel est notamment le cas du médecin qui doit donner à son patient «des soins consciencieux et attentifs, conformes aux données acquises de la science» 8. Si, malgré un traitement adéquat, le malade ne guérit pas, le médecin ne saurait être tenu pour responsable.

7 CA Paris, 1~ ch., sect. B, 12 mars 1999, RG n° 1997-11873.

Casso civ., 20 mai 1936, D. 1936, 1,88.

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AUTHENTICITÉ ET MARCHÉ DE l'ART 35

L'obligation de l'expert est-elle la même que celle du médecin? Oui et non. Oui, parce qu'il s'agit également d'une obligation de moyens. Non, parce que l'expert n'a pas la possibilité d'utiliser tous les moyens existants, mais seu- lement ceux qu'on l'autorise à employer, alors que le médecin doit utiliser tous ceux qui sont à sa disposition, les considérations financières ne devant pas intervenir dans le choix du traitement9

L'expert est, quant à lui. tenu de respecter 1es instructions du client qui le charge de procéder à l'expertise. Or, celui-ci peut, pour limiter les dépenses, lui demander de ne pas effectuer tel examen, de ne pas faire procéder à telle analyse scientifique. En schématisant la question, on peut dire que l'expert doit, dans le cadre de sa mission, utiliser tous les moyens usuels appropriés, mais qu'il ne doit pas, sauf accord de son client, user de certains moyens inhabituels.

Les «moyens)) usuels consistent, selon la jurisprudence, à consulter les ouvrages de référence, à demander l'avis des spécialistes qui font autorité sur l'œuvre de l'artiste en question, à s'efforcer de retracer la provenance des ta- bleaux, des sculptures, des objets, etc. que l'on est chargé d'expertiser.

Quant aux moyens inhabituels, il s'agit essentiellement de ceux qui sont susceptibles de modifier l'apparence des tableaux (dévemissage par exemple), des meubles, ou qui supposent l'emploi d'appareils que seuls possèdent les laboratoires.

VII. UNE NOUVELLE JURISPRUDENCE?

Nous venons d'indiquer les principes sur lesquels on s'est appuyé jusqu'à ce jour pour décider de la responsabilité ou de )a non-responsabilité de ) 'expert.

Mais certains arrêts de la Cour de cassation et de la 1 te chambre de la Cour cl 'appel de Paris peuvent laisser penser qu'une nouvdle jurisprudence est peut- être en train de s' élaborer.

Parmi ces arrêts, il faut citer en premier lieu une décision de la Cour de cassation du 7 novembre 1995: «L'expert qui affirme l'authenticité d'une œuvre d'art sans assortir son avis de réserves, engage sa responsabilité sur cette affirmation ,.10.

De prime abord, on pouvait penser que la cour énonçait une évidence.

Car personne ne conteste que l'expert engage sa responsabilité quand il se prononce sur l'authenticité d'une œuvre d'art. Plusieurs textes ont déjà édicté la même règle en des termes très voisins. C'est ainsi que les décrets du

Cil.Ss .• l'~ dv., 19 déc. 2000, Bull. civ., l, nO 331.

10 Cass., 1'· civ., 7 novembre 1995, Bull çÎv., l, n" 401; RTD dv. 1997, p. 113, obs. MESTRE.

(35)

36 FRANÇOIS DURET-RoBERT

11 décembre 1945 et du 21 novembre 1956, aujourd'hui abrogés, précisaient notamment que «les indications portées au catalogue engagent la responsabi- lité du commissaire-priseur et de l'expert». Mais la jurisprudence avait toujours admis que cette présomption n'était pas irréfragable et que le commissaire- priseur et l'expert pouvaient s'en dégager, en démontrant qu'ils n'avaient pas commis de faute. Dans son arrêt du 7 novembre 1995, la haute juridiction a- t-elle voulu faire table rase de cette restriction? C'est ce que semble avoir com- pris la Cour de Paris devant laquelle la Cour de cassation a renvoyé l'affaire en question. Les juges d'appelll n'ont pas voulu prendre en considération les arguments mis en avant pas l'expert, lequel soutenait «qu'il convenait d'exa- miner le document délivré par lui (le certificat d'authenticité) à la lumière des éléments d'information qu'il possédait alors, ou encore de l'absence d'opposi- tion manifestée à cette époque par la détentrice du droit moral du peintre ... » Et ils ont conclu: «En certifiant que la toile était une œuvre authentique, alors qu'elle était fausse, 1'expert a engagé sa responsabilité ». Autant dire que la Cour de Paris a fait volontairement abstraction du contexte, dans lequel avait été rédigé le certificat d'authenticité et des «moyens» mis en œuvre par l'expert,

D'autres décisions de la même cour traduisent les mêmes conceptions et reprennent la formule de la Cour de cassation en la complétant: «L'expert qui affirme l'authenticité d'une œuvre d'art sans assortir son avis de réserves engage sa responsabilité sur cette affirmation ... Quelles que soient les circons- tances qui ont déterminé son opinion, sa responsabilité est engagée »12.

On peut donc se demander si les juges n'entendent pas imposer aux ex- perts une obligation qui serait proche de celle de résultat.

A dire vrai, la jurisprudence actuelle est loin d'être unanime sur ce point.

On peut même dire qu'il règne, en ce domaine, une certaine confusion.

Il est des tribunaux qui, pour juger de la responsabilité de l'expert, conti- nuent de s'appuyer sur la notion d'obligation de moyens; et d'autres qui, à l'inverse, semblent considérer que l'expert est responsable de ses verdicts in- dépendamment des conditions dans lesquelles il s'est prononcé. Il existe, en particulier, quelque antinomie entre certains jugements du Tribunal de Paris et certains arrêts de la Cour de Paris - et même, entre certaines décisions de cette dernière juridiction.

On se contentera de citer deux exemples.

Dans une affaire portant sur la vente d'un guéridon qui avait été présenté par plusieurs experts comme un meuble exécuté durant le règne de Louis XVI et qui, par la suite, s'était révélé dater de la fin du XIXe siècle, les intéressés

11 CA Paris, 1'" ch., sect. G, 18 février 1998, RG n° 95-28020.

12 CA Paris, 1re ch., sect. A, 15 janvier 2002, RG n° 2001-05743.

Références

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