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L'EXPERTISE ET L'AUTHENTIFICATION:

QUESTIONS JURIDIQUES

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L'AUTHENTIFICATION D'œUVRES D'ART:

RESPONSABILITÉ DE L'EXPERT ET QUALIFICATION DU CONTRAT EN DROIT SUISSE

CHRISTINE CHAPPUIS*

L'expert appelé à se prononcer sur l'authenticité d'une œuvre d'art peut se tromper. Il estime que l'œuvre est authentique alors qu'elle ne l'est pas ou, au contraire, décrète à tort que l'œuvre est un faux ou n'est pas de l'artiste lui-même, mais «de l'atelier de», voire «de l'école de» ou seulement d'une certaine époque'. Un tel avis erroné peut conduire la personne qui s'y fie à prendre des mesures dommageables. Celle-ci peut ainsi acheter à un prix trop élevé2 ou vendre pour un prix inférieur à la valeur réelle de l'œuvre3. Si elle est créancière, elle peut accepter en garantie une œuvre sur la foi d'une valeur sur-estimée par l'expert4Dans le cadre d'un partage successoral, une œuvre peut être attribuée à l'un des héritiers pour une valeur sous-estimée 5 ou surestimée sur la foi de l'expertise. Les exemples peuvent être multipliés de situations dans

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Professeure, Université de Genève.

Tous mes remerciements vont à Joëlle BECKER, assistante doctorante à la Faculté de droit de Genève, pour sa relecture attentive du présent texte.

Voir les formules mentionnées par F. DURET-RoBERT dans sa contribution au présent ouvrage.

2 Camp. l'état de fait de l'ATF 130 III 345,JdT 2004 1 207, SJ 2004 1 461 (immeuble; exper-tise ne mentionnant pas l'existence de défauts; achat pour un prix prétendument surfait) et de l'ATF 126 III 59 (vase Gallé, acheté au prix de CHF 400000, ne valant en réalité pas plus de CHF 20 000 en raison d'une modification de sa hauteur).

3 Comp.I'ATF 112 11347, JdT 1987 1 28 (lampe Gallé; expert estimant la valeur de CHF 8000 à 12000 sur la base d'une photo; vente au prix de CHF 16 500; avis ultérieur estimant la lampe à CHF 30000.140000; apprenant par la suite que la lampe aurait pu être vendue à un prix sensiblement plus important, les vendeurs réclament CHF 233500 à titre de dommages-intérêts).

-4- Hypothèse mentionnée par le Tribunal fédéral dans l'ATF 130 III 345 c. 3.2, JdT 2004 1 207, SJ 2004 1 461.

5 Camp. l'état de fait de l'ATF 127 III 328 (immeuble attribué à un héritier pour CHF 573000 sur la base d'un avis de l'expert défendeur. estimé par la suite CHF 456000 par une autre expertise; revendu en fin de compte au prix de CHF 440000).

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lesquelles la partie lésée tentera de réclamer à l'expert la réparation du dom-mage qu'elle a subi pour s'être fiée à l'avis erroné6

La responsabilité de l'expert pe~t être engagée envers son client (1.) sur le fondement du contrat, voire du délit si ravis erroné constitue un acte illicite.

Dans cette dernière hypothèse notamment, les tiers peuvent aussi rechercher l'expert en responsabilité (II.).

I. RESPONSABILITÉ DE L'EXPERT ENVERS SON CLIENT

L'expert peut être recherché par son client pour avoir mal exécuté le contrat qui les lie (A.) ou, le cas échéant, pour acte illicite (B.). Une limitation de la responsabilité peut être convenue entre les parties (C.).

A. Responsabilité pour inexécution

De manière générale, l'expert est responsable du dommage qu'il cause fau-tivement au client (3.) par la violation des obligations qui lui incombent (2.).

Le régime de l'inexécution dépend de la qualification du contrat d'expertise, par laquelle nous commencerons notre analyse (1.).

1. La qualification du contrat

La qualification du contrat d'expertise est généralement examinée de ma-nière abstraite à la frontière (grise) entre le mandat et l'entreprise. Tradi-tionnellement. le raisonnement est construit autour de la différence entre obligation de moyen et de résultat. même si cette distinction. essentielle en droit français', n'a pas tout à fait la même importance en droit suisse8 Se-lon qu'elle est considérée de moyen ou de résultat, l'obligation de l'expert sera soumise aux règles du mandat (art. 394 ss CO) ou à celles de l'entreprise (art. 363 ss CO).

Voir les exemples tirés de la jurisprudence française et analysés par LEQUETTE-OE KERVE-NOAËL, N 538-552.

, Voir la contribution de François DURET-RoBERT au présent ouvrage; LEQUETTE-DE KERVENOAËL, N 491, relève que la distinction a pour effet de rapprocher les responsabilités contractuelle et délictuelle, du fait que la charge de prouver le manquement par le débiteur (expert) à ses devoirs de prudence et de diligence incombe au créancier d'une obligation de moyens.

TERC1ER, N 3856.

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Enjeux de la qualification

A priori, les experts redoutent la qualification d'entreprise, parce qu'ils ont l'impression que leur responsabilité risquerait d'être engagée du simple fait que leurs conclusions se révèleraient fausses. Au contraire, si l'obligation n'est

«que» de moyen, l'expert pourrait s'être trompé sans avoir nécessairement violé son obligation. En effet, dans la mesure où il se conforme aux règles de l'art dans l'exécution de l'expertise et met en œuvre tous les moyens requis, il n'encourt aucune responsabilité puisqu'il a respecté ses obligations.

Toutefois, les règles de l'entreprise ne sont en réalité pas aussi sévères pour l'expert qu'elles ne le paraissent. Si l'expertise est un ouvrage - imma-tériel, ce que la jurisprudence admet 9 - les conclusions erronées constituent un défaut de l'expertise, qui est soumis aux art. 367 ss CO. Nonobstant le fait que ces règles prévoient un régime de garantie causale, elles comportent une série de limites. Celles-ci tiennent d'abord aux délais très brefs auxquels sont soumis les droits à garantie dans le contrat d'entreprise. Il sera le plus sou-vent impossible au client de découvrir le défaut de l'expertise en «vérifiant»

celle-ci aussitôt que possible, conformément à l'art. 367 al. 1 CO. L'inexacti-tude de l'expertise en constitue un défaut caché. Il reste que, une fois l'erreur découverte, le client devra en aviser immédiatement l'expert sous peine de déchéance (art. 370 al. 3 CO).

Par ailleurs, les droits à garantie se prescrivent par un an dès la livraison, soit dès la remise de l'expertise (en vertu de l'art. 210 al. 1 CO, par renvoi de l'art. 371 al. 1 CO). Cela signifie qu'une année après la remise de l'expertise, le client perd tous ses droits contre l'expert. Or, la découverte de l'inexactitude de l'expertise est susceptible d'intervenir à un moment où le délai d'un an est échu depuis fort longtemps. Enfm, contrairement aux droits à résolution, réparation et diminution du prix, le droit à indemnisation est subordonné à l'exigence de la faute de l'expert (art. 368 al. 1 et 2 CO) 10. Cette faute est certes présumée, mais l'expert peut se libérer s'il prouve n'être pas en faute tl, à savoir qu'il a agi avec toute la diligence requiset2.

L'étendue de la responsabilité de l'expert-entrepreneur n'est, en réalité, pas très éloignée de celle de l'expert-mandataire qui n'exécute pas le mandat

ATF 127 III 328 c. 2a, JdT 2001 1 254. TERCIER, N 3855; GAUCH, N 1887 ss.

10 TERCIER, N 4228 ss, 4237 ss.

Il GAUCH, N 1891 s. Sur la difficulté de distinguer la violation contractuelle de la faute en matière de prestations de service, cf. WALTER (1998), passim. Voir infra, n. 48 ss.

t2 BaK OR I-ZINDEL/PULVER, CO 368 N 71 et 94; BK-WEBER, CO 99 N 27 5S, 81 ss. La possibilité de se libérer de sa responsabilité, une fois la violation des obligations établie, parait bien ténue. Voir infra, n. 49 ss.

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avec toute la diligence commandée par les circonstances (art. 398 CO) ". La différence entre ]a responsabilité de l'entrepreneur et celle du mandataire tient d'abord à la prescription. Elle est de raille. Alors que la responsabilité de l'en-rrepreneur se prescrit par un an dès la remise de l'expertise (arr. 210 al. 1, 371 diligence requise dans l'exécution de l'ouvrage!'. Dans l'hypothèse où il appa-raîtrait qu'une gouache n'est pas de Malevitch, contrairement aux affirmations de l'expert-mandataire, il appartiendrait au client de prouver la violation de l'obligation de diligence par l'expert pour obtenir réparation, alors qu'il lui suffirait de prouver que la gouache n'est pas de Malevitch, laissant à ]'cxpert-entrepreneur la charge de la preuve qu'il a mené l'expertise avec toute la di-ligence requise17

Il convient par conséquent de nuancer l'affirmation seJon laquelle la res-ponsabilité de l'expert est appréciée plus sévèrement si son obligation est qualifiée d'obligation de résultat et soumise aux règles de l'entreprise. Si l'opé-ration de qualification ne modifie pas réellement l'étendue de la responsabilité, elle joue cependant un rôle quant à la prescription des droits du client et à la charge de la preuve, Dans cette mesure, elle reste pertinence, même si la

dif-13 Sur la responsabilité du mandataire: ATF 128 III 22 c. 2b-c. CR CO l-WERRo, CO 398 N 13 SS.

14 TERCIER, N 4737; BaK OR I-WEBER, CO 398 N 33. Contra: CR CO I-WERllO, CO 398 N 45, favorable à la prescription annale (art. 60 CO) pour la responsabilité en cas de viola-tion d'une obligaviola-tion de moyen. Voir aussi infra, n. 62.

15 ATF 12811122 c. 2c. BaK OR (-WEBER, CO 398 N 32; BK-FELLMANN, CO 398 N 444 ss.

Le mandataire peut se libérer en apportant la preuve que la violation de l'obligation de diligence est intervenue sans faute de sa part, preuve qui, s'agissant d'une obligation de moyen, sera d'avance vouée à l'échec: CR CO I-THÉVENOZ, CO 97 N 58.

16 lÈRCIER, N 4238 s. La réparation du dommage ne peut être demandée en lieu et place des moyens (rêsolution du contrat, diminution du prix: et réparation de l'ouvrage) pré-vus par l'arc. 368 al. l et 2 CO, mais s'ajoute à l'un de ces moyens (BaK-OR l-ZINOEL/

PULVER, CO 368 N 68; GAUCH, N 1852; ATF 122 III 424; tontra: BK-KoLLER, CO 363 N 187); cela signifie que le client devrait résoudre le contrat pour pouvoir demander des dommages~intérêts.

17 La preuve libératoire de l'.bsence de faute n'est pas admise en droit français lorsque l'obli-gation est qualifiée de résultat: MALAURlE/ AYNÈS/STOFFEL-MuNCK, N 946 et p. 500;

LEQUETTE-OE KSR.VENOAh, N 479, à propos de la responsabilité du commissaire-priseur;

C. Paris, 22 mars 2005. Note VRAY, Gazette du Palais, Jurisprudence, 12-14 juin 2005, n" 2070, GP F63680, p. 2260.

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férence résultant de l'application des règles du mandat par opposition à celle de l'entreprise montre une fois de plus la nécessité de réformer les règles sur la prescription 18.

Règles jurisprudentielles de qualification

L'activité de l'expert est une activité de services. A première vue, un service n'est pas un «ouvrage

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au sens de l'art. 363 CO définissant l'objet du contrat d'entreprise. Toutefois, la jurisprudence a abandonné le critère traditionnel de distinction entre mandat et entreprise tenant à la forme matérielle ou imma-térielle de l'ouvrage constituant le résultat de l'activité déployée19Que l'acti-vité soit de nature essentiellement intellectuelle, même si elle s'appuie sur des examens au moyen d'appareils compliqués ne change rien à la qualification.

Celle-ci ne dépend pas non plus de la question de savoir si l'opinion demandée est consignée dans un rapport écrit, dans la mesure où le résultat de l'activité peut prendre une forme immatérielle. C'est ainsi que l'activité du géomètre effectuant des mesures ou celle de l'architecte qui dresse des plans est soumise aux règles de l'entreprise 20.

La qualification du contrat d'expertise est controversée21Le Tribunal fédéra122 a relevé àjuste titre que des questions très variées peuvent faire l'objet d'un contrat d'expertise. L'expertise dite technique est caractérisée par le fait qu'elle aboutit en principe à un résultat juste ou faux, vérifiable selon des cri-tères objectifs. L'exactitude d'un tel résultat faire l'objet de la garantie de l'en-trepreneur. C'est pourquoi, le contrat d'expertise peut, dans cette hypothèse, être qualifié de contrat d'entreprise imposant à l'expert une véritable obliga-tion de résultat soumise à la garantie des art. 367 ss CO. La jurisprudence, on le voit, accorde une importance décisive à l'applicabilité des règles strictes sur la garantie 23.

En revanche, lorsqu'il n'existe aucun critère objectif de vérification, que le résultat ne peut donc être qualifié de juste ou de faux parce qu'il fait appel à l'appréciation de l'expert, le Tribunal fédéral considère que l'application des règles de la garantie, donc de l'entreprise ne se justifie pas. L'expert ne répond pas de l'exactitude d'un résultat, mais s'engage à déployer toute sa diligence dans la conduite d~ l'expertise. L'obligation de l'expert est alors de moyens.

Selon la jurisprudence, le contrat d'expertise est par conséquent un mandat

18 CHAPPUIS (2006), p. 190 s. n. 65 ss, p. 203 n. 151 ss et réf. cit.

19 ATF 127 III 328 c. 2a,JdT 2001 1 254 et jurisprudence citée.

20 TERCIER, N 3855 (et réf. cit.). ATF 109 II 465, JdT 1984 1 210.

21 ATF 127 III 328 c. 2b, JdT 2001 1 254 et doctrine citée.

22 ATF 127 III 328 c. 2c, JdT 2001 1 254.

23 Critiques, WERRO 1 HAtl.S, p. 86 ss.

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lorsque l'exactitude du résultat ne peut pas être objectivement garantie24

Cette délimitation est plus nuancée .et pragmatique que la délimitation trop schématique fondée sur la différence entre moyens et résultat. L'obligation du mandataire peut comporter des éléments de résultat (pour un avocat, déposer le recours à temps), tout comme celle de l'entrepreneur peut comporter des obligations de diligence (choisir un laboratoire compétent pour l'analyse des composants de la peinture).

L'expertise d'œuvres d'art

Lorsque l'expert est appelé à estimer la valeur d'une œuvre d'3rt, la qualifica-tion de mandat peut être aisément admise conformément à la jurisprudence rappelée plus haut. En effet, la valeur indiquée par l'expert n'est pas juste ou fausse. Elle est l'expression d'une opinion, certes experte, mais qui est fondée sur l'appréciation de l'expert. Une telle appréciation n'cst pas juste ou fausse, ce qui exclut, selon la jurisprudence, la quahfication d'entreprise.

La question cruciale est de savoir si l'avis sur l'authenticité de l'œuvre, qui intervient souvent de manière préalable à la fixation de la valeur, peut être taxé de juste ou de fàux. Comme l'a déjà montré la Rencontre de 1991 sur l'expertise dans la vente d'objets d'art25, l'avis des experts en matière d'œuvres d'art ne relève pas d'une science exacte. Les querelles d'experts, les attributions ou déclassements d'œuvres sont monnaie courante. Les connaissances dans le domaine de l'art évoluent, qu'il s'agisse de l'attribution à un artiste, un atelier ou une école. La Rencontre de 1991 a également souligné que les techniques de laboratoires de même que les connaissances historiques évoluent très vite26.

Le caractère relatif de ces connaissances et de ces techniques, donc des avis qui se fondent sur celles-ci, fait obstacle à la possibilité pour l'expert de garantir que son avis sur l'authenticité d'une œuvre soit exact27

Il s'ensuit que, faute de stipulations particulières, l'expert, qu'il soit ap-pelé à évaluer une œuvre ou à se prononcer uniquement sur l'authenticité de celle-ci, ne promet, en règle générale, pas un résultat exact. Il promet une activité diligente qui permet d'atteindre un tel résultat. Cette obligation de diligence est typique du mandat (art. 394 ss CO).

Il faut toutefois réserver la possibilité pour les parties de s'écarter du modèle légal, en précisant les obligations de l'expert, ce qui aura un effet sur l'étendue de la responsabilité de l'expert.

La qualification opérée permet d'admettre que les droits du client se pres-crivent par dix ans conformément à l'art. 127 CO. Mais eUe ne préjuge pas

24 ATF 127 III 328 c. 2c,jdT 20011254, 257. Critiques, WERRO / HAAS, p. 84 S., qui préfèrent le critère de l'aléa à celui de la possibilité de garantir l'exactitude du résultat.

25 Voir en particulier, LEMOINE, p. 71 ss; ROETHLlSBERGER. p. 113 55.

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de la question de savoir dans quelles circonstances une violation de l'obligation de l'expert - à prouver par le client - peut être admise.

2. La violation des obligations de l'expert

Les difficultés de qualification ne doivent pas occulter la véritable question, à savoir celle de déterminer si l'expert a violé ses obligations en établissant l'ex-pertise sur l'authenticité ou le prix d'une œuvre. L'expert qui a authentifié une œuvre comme étant de Poussin engage-t-il sa responsabilité s'il apparaît ulté-rieurement que l'œuvre a été réalisée dans l'atelier de Poussin ou n'est qu'une copie, même d'époque? L'expert qui ne décèle pas le faux Malevitch engage-t-il sa responsabilité28?

L'expert, en tant que mandataire, s'oblige à faire preuve de la diligence requise dans l'exécution de son activité29La concrétisation de ce devoir de diligence est une opération délicate. Par ailleurs, l'expert est tenu d'un devoir de fidélité envers son mandant 30.

La diligence requise dans l'exécution de l'expertise peut être précisée par les parties 31. Le premier critère est la volonté expressément ou implicite-ment exprimée par les parties, même si, dans les faits, une telle expression fera souvent défaut32L'expert dispose de diverses méthodes pour déterminer si une œuvre est authentique, respectivement quelle en est la valeur. Il peut recou-rir à une analyse de type technique, stylistique, historique ou scientifique de l'œuvre 33 . Les trois premiers types d'analyses reposent sur un examen visuel et sur l'eXpérience de l'expert. L'analyse stylistique peut impliquer en outre des recherches dans la littérature spécialisée. L'analyse historique peut entraîner des recherches dans les sources. Quant à l'analyse scientifique, elle suppose l'utilisation de procédés de laboratoire ou celle d'un appareillage spécialisé.

Le type d'analyse à effectuer est fonction du temps nécessaire à effectuer les analyses et du coût que le client accepte d'y consacrer. Les parties auront avan-tage à s'entendre sur les analyses auxquelles l'expert doit procéder au moment

26 ROETHLISBERGER, p. 113 S., 115; LEMOINE, p. 73 ss.

27 THÉVENOZ, p. 41 s.

28 Voir les exemples donnés par F. DURET-RoBERT dans sa contribution au présent ouvrage.

29 CR CO I-WERRo, CO 398 N 13 ss.

30 CR CO I-WERRO, CO 398 N 26 ss.

31 L'art. 5.1.5 Principes d'UNIDROIT mentionne da manière dont l'obligation est expri-mée dans le contrat. comme premier critère de distinction entre obligations de moyens et de résultat.

32 Voir WERRO (1993), N 560 55, qui présente la détermination des parties comme l'ex-ception.

33 LEMOINE, p. 70 s.

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où celui-ci accepte la mission qui lui est confiée. Elles détermineront ainsi la portée de la mission et préciseront l' é~endue de la diligence de }'expen.

Lorsque les parties n'ont rien prévu (ce qui sera probablement le cas le plus fréquent), le standard de diligence que peut attendre le client s'apprécie selon des critères objectifs)". De manière générale, le mandataire est tenu d'exécuter le mandat comme le ferait une personne raisonnable et diligente dans des circons-tances comparables". 1\ s'agit d'établir un standard de diligence sur la base de l'ensemble des circonstances concrètes, en particulier de la difficulté de la tâche, du temps à disposition du mandataire et de l'importance de l'affaire. Si le cri-tère est objectif, il n'en est pas moins dépendant des circonstances concrètes36

Lorsqu'il existe un code de déontologie37 précisant les devoirs de l'expert, l'on pourra s'y réfèrer à la condition que ce code reflète les usages de la profession38.

Il convient de se demander si les qualifications prcifessionnelles de l'expert, en particulier son domaine de spécialisation, entrent en ligne de cOlnpte dans l'établissement du standard de diligence. Concrèçement, les questions sui-vantes se posent: la responsabilité de l'expert «généraliste» est-elle aussi éten-due que celle de l'expert «spécialiste $ qui a dédié sa vie à l'œuvre de Pous5in, de Rembrandt ou de Kandinsky? Autrement dit, la diligence de l'exper< généraliste qui accepte d'expertiser une œuvre de Poussin sera-t-elle appréciée à l'aune de la diligence attendue du spécialiste? L'expert mandaté a-t-il le devoir d'infor-mer le client qu'un autre serait mieux placé pour mener une telle expertise?

Doit-il informer le client des différents types d'analyses possibles et du degré de certitude de l'avis qui en découle?

Une réponse générale, valable en toutes circonstances, ne peut certai-nement pas être apportée à ces questions puisque l'étendue de la diligence est fonction des circonstances concrètes. Il paraît en tout cas a priori délicat d'af-firmer qu'un expert généraliste répond de manière aussi étendue que l'expert spécialiste ou que la diligence attendue d'un spécialiste est identique à celle du généraliste, lors même que ces titres ne bénéficient d'aucune reconnaissance officielle. L'on devrait. me semble-t-il, retenir au titre de «circonstance» le fait que l'expert est ou n'est pas un spécialiste du domaine pour lequel son exper-tise est requise 39. Cet élément, parmi d'autres, permettra de déterminer ce que

Une réponse générale, valable en toutes circonstances, ne peut certai-nement pas être apportée à ces questions puisque l'étendue de la diligence est fonction des circonstances concrètes. Il paraît en tout cas a priori délicat d'af-firmer qu'un expert généraliste répond de manière aussi étendue que l'expert spécialiste ou que la diligence attendue d'un spécialiste est identique à celle du généraliste, lors même que ces titres ne bénéficient d'aucune reconnaissance officielle. L'on devrait. me semble-t-il, retenir au titre de «circonstance» le fait que l'expert est ou n'est pas un spécialiste du domaine pour lequel son exper-tise est requise 39. Cet élément, parmi d'autres, permettra de déterminer ce que

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