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La peine de mort en Afrique entre restriction et abolition

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Academic year: 2021

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Submitted on 5 May 2017

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abolition

Maria Boutros

To cite this version:

Maria Boutros. La peine de mort en Afrique entre restriction et abolition. Journal de l’APIDH, Association inter-universitaire pour la promotion des droits de l’Homme, Université Jean Moulin Lyon 3, 2012. �hal-01519133�

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1 La peine de mort en Afrique entre restriction et abolition

Maria BOUTROS ABDELNOUR*

Maria BOUTROS ABDELNOUR, « La peine de mort en Afrique entre restriction et abolition », in La vie et la mort en Afrique, Journal de l’APIDH, n°1, avril 2012.

Depuis plusieurs siècles des juristes, philosophes et même des policiers ont constaté l’inutilité de la peine de mort. En 1844, Eugène-François Vidocq a affirmé que « La peine de mort est une peine immorale, ou du moins inutile, parce qu’elle habitue le peuple au spectacle des supplices, et parce qu’elle ne répare rien ; car malheureusement la mort du meurtrier ne rend point la vie à la victime »1. S’alignant ainsi sur la position de Beccaria qui depuis 1764 avait estimé que la peine de mort n’était « ni utile ni nécessaire »2. Plusieurs pays ont ainsi aboli la peine de mort avant même la consécration des premiers textes internationaux de protection des droits de l’Homme. Le Venezuela a procédé à son abolition pour tous les crimes depuis 1863 suivi par la République de Saint Martin qui l’abolit pour les crimes de droit commun en 1865 ainsi que par d’autres Etats. Certains Etats africains à l’instar de la plupart des Etats européens ont à leur tour aboli la peine de mort. Ils ont ainsi mis en œuvre une réclamation faite depuis des siècles, par les combattants pour l’abolition de cette peine. Cette peine qui consiste à ce qu’un Etat met fin volontairement à une vie humaine en application de ses prérogatives pénales. La peine de mort peut être définie plus précisément en tant qu’« une peine prononcée à l’encontre d’un individu reconnu coupable d’un crime passible de cette peine par une juridiction à la suite d’un procès et infligée par un Etat ou par une entité amenée à exercer les attributs de la souveraineté pénale »3. Les exécutions sommaires ou extrajudiciaires, les disparitions forcées, les morts lors d’une violente répression de manifestation et les détenus morts sous la torture ne font pas partie de cette définition.

Tous les Etats africains n’ont pas emprunté ce chemin. Comme dans plusieurs autres Etats du monde, tel que la Chine, les Etats-Unis, ou l’Arabie Saoudite, le courant abolitionniste n’est pas majoritaire. Seulement 16 des 54 Etats africains ont procédé à l’abolition de cette peine. Ils justifient l’application de la peine de mort en se fondant sur des raisons qui ont

* L’auteur est doctorante au Centre de droit international et Charge e d’enseignement a l’Universite Jean Moulin.

1 VIDOCQ (E. F.), Considérations sommaires sur les prisons, les bagnes et la peine de mort, Paris, Edition du Boucher, 2002, p.25. Disponible en ligne sur : http://fvidocq.free.fr/Downloads/PDF_Considerations.pdf 2 BECCARIA (C.), Des délits et des peines, Paris, Editions le Boucher, 2002, p.54. Disponible en ligne sur : http://www.leboucher.com/pdf/beccaria/beccaria.pdf

3 BERNAZ (N.), Le droit international et la peine de mort, Paris la documentation française, 2008, p.16.

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2 été déjà évoqué par certains anciens philosophes et juristes qui considèrent que la peine de mort est nécessaire soit pour la dissuasion4 soit dans le seul but de punir, de rétribuer5. Quelque soient leurs justifications, les pays qui continuent à appliquer la peine de mort sont tenus de respecter certaines normes internationales et régionales qui restreignent le recours à celle-ci (I). Quant aux pays qui ont procédé à l’abolition de la dite peine, ils ont jugé que l’abolition était plus conforme à l’éthique, aux droits de l’Homme et au droit international (II).

I. L’obligation d’une application restreinte de la peine capitale dans les pays non abolitionniste

Il est vrai que la plus grande majorité des Etats africains n’a pas procédé à l’abolition de la peine de mort, par contre, son application demeure encadrée par les différents textes juridiques6. Plusieurs restrictions sont imposées par rapport aux crimes passibles de la peine de mort7 et par rapport à certaines catégories de personnes. Des précautions procédurales sont également exigées, notamment le droit à un procès équitable dans tous ses aspects.

Certaines catégories de personnes sont ainsi exclues de l’application de la peine capitale.

La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant énonce que « La peine de mort n'est pas prononcée pour les crimes commis par des enfants »8. L’enfant étant défini par la Charte en tant que toute personne âgée de moins de 18 ans9. La Charte arabe des droits de l’Homme affirme l’interdiction de l’application de la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans et elle rajoute « sauf disposition contraire de la législation en vigueur au moment de l'infraction », vidant ainsi l’interdiction de son sens en permettant aux législations internes d’y admettre des exceptions10. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)11, la Convention relative aux droits de l’enfant de

4 Selon Camus « La société ne se venge pas, elle veut simplement prévenir. Elle brandit la tête pour que les candidats au meurtre y lisent leur avenir et reculer » ; in, Albert Camus, “re flexions sur la guillotine”, CAMUS

(A.) et KOESTLER (A.), Réflexions sur la peine capitale, 2e me e dition, Paris, Calmann-Le vy, 1979, p.125 (Texte de 1957).

5 Selon Grotius « le caractère essentiel de la peine (…) est d’être la rétribution du crime » ; GROTIUS (H.), Le droit de la guerre et de la paix, Paris, PUF, 1999, p.462 (texte de 1625).

6 La Cour supre me de la Tanzanie a affirme que la peine de mort e tait un traitement cruel inhumain et de gradant. Ainsi, son application est limite e par la Constitution mais elle reste maintenue, affaire Mbushuu v Republic [1995]. Cette affirmation de la Cour selon laquelle la peine de mort est un traitement inhumain et de gradant, devrait constituer une base le gale pour l’abolition de la peine de mort surtout que l’article 13§6 (d et e) de la Constitution interdit les traitements et peines cruels, inhumains et de gradants.

7 La Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples a adopte une re solution « appelant les Etats à envisager un moratoire sur la peine capitale », la re solution disposait, entre autres, que la peine capitale devait se limiter aux crimes les plus graves, ACHPR /Res.42 (XXVI) 99.

8 Article 5§3 de la Charte a e te adopte e dans le cadre de l’Union africaine en 1990 et entre e en vigueur en 2010.

9 Article 2.

10 Article 7.a de la Charte arabe adopte e par la Ligue des Etats arabes en 2004 et entre e en vigueur en 2008.

11 Article 6§5 du PIDCP adopte par l’AG de l’ONU en 1966 et entre en vigueur en 1976.

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3 l’ONU12 interdisent aussi l’application de la peine capitale pour des crimes commis par des mineurs.

L’interdiction d’appliquer la peine de mort aux femmes enceinte et aux jeunes mères, est prévue par le PIDCP13, par le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes14, par la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant15, ainsi que par la Charte arabe16.

Le PIDCP énonce dans son article 6§2 que la peine de mort ne peut concerner que les crimes les plus graves dans les pays qui ne l’ont pas encore aboli17. La Commission des droits de l’Homme a précisé que la notion « crimes les plus graves » devait être interprétée dans le sens le plus étroit et que la peine de mort devait être une mesure très exceptionnelle18. Le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC)19 a précisé que les crimes les plus graves devaient se limiter aux « crimes avec préméditation aux conséquences mortelles ou extrêmement sérieuses ». Pour plus de précision la Commission des droits de l’Homme a exclu expressément certains crimes de l’application de la peine de mort. Il s’agit de « l’apostasie, la commission d’une troisième relation sexuelle, de l’adultère, de la corruption de fonctionnaire et le vol avec violence »20. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires rajoute à cette liste les délits économiques, les infractions liées aux drogues, les infractions dites

« sans victimes » comme les activités de nature religieuse ou politique, tel que les actes de trahison, d’espionnage21 etc.

Chaque Etat africain est partie au moins à l’une desdites conventions et est donc tenu de la respecter. De manière générale, les réserves ne sont pas faites sur les dispositions excluant les enfants, les femmes enceintes et les jeunes mères de l’application de la peine de mort. Par contre, la limitation quant aux crimes commis ne bénéficie pas toujours d’une unanimité.

12 Article 37.a de la Convention adopte e en 1989.

13 Article 6§5.

14 Article 4.j du Protocole adopte dans le cadre de l’Union africaine en 2003 et entre en vigueur en 2010.

15 Article 30.e.

16 Article 7.b.

17 Article 6§2.

18 Commentaire ge ne ral 6 de la Commission adopte en 1982.

19 Garanties prote geant les droits de ceux encourant la peine de mort adopte es en 1984 (Garanties ECOSOC).

20 Document des Nations Unies n° CCPR/C/79/add. 5, paragraphe 8.

21 Document des Nations Unies n° E/CN.4/1997/60, 24 de cembre 1996, paragraphe 63.

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4 II. La peine de mort abolie

Certains Etats africains ont aboli expressément la peine de mort22. D’autres, ne l’ont pas aboli dans les textes mais l’ont aboli de facto. En effet, depuis plus de 10 ans ils ne l’appliquent plus et même si des condamnations à mort ont été prononcées, elles n’ont pas été exécutées23.

Pour les Etats abolitionnistes, l’abolition de la peine de mort découle d’une part de l’incompatibilité de celle-ci avec le droit à la vie reconnu par tous les textes de protection internationale et régionale de droits de l’Homme. D’autre part, elle découle du droit pénal international.

Etant donné que la peine de mort est en contradiction avec le droit à la vie24 que toutes les conventions sur les droits de l’Homme25 et presque tous les Etats dans leurs constitutions respectives reconnaissent en tant que droit inhérent à la personne humaine26, l’action des Etats ayant aboli la peine de mort s’inscrit dans le respect de cette norme non susceptible de dérogation27. La peine de mort s’oppose non seulement au droit à la vie mais aussi au droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants et le droit à la dignité humaine28. Elle s’oppose également à l’interdiction de la torture qui constitue une norme de jus cogens29. Selon Robert Badinter « La cruauté de la torture est évidente. Comme celle-ci l’exécution constitue une atteinte une atteinte physique et mentale extrême sur une personne déjà désarmée par les autorités gouvernementales »30.

Ces partisans de l’abolition de la peine de mort ont par ailleurs vu que celle-ci ne s’applique pas par les tribunaux pénaux internationaux pour les crimes les plus graves,

22 Il s’agit de l’Afrique du Sud, l’Angola, Burundi, Cap vert, le Co te d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guine e Bissau, Maurice, Mozambique, Namibie (article 6 de la Constitution de 1990), Rwanda, Se ne gal, Seychelles, Sao Tome et Principe et Togo. Le Se ne gal, un pays qui a conduit le combat pour l’e laboration d’une Convention consacre aux droits de l’Homme en Afrique sous l’e gide du Pre sident Senghor, n’a proce de a l’abolition de la peine capitale qu’en 2004.

23 C’est le cas par exemple du Be nin, le Burkina Faso, la Gambie, le Mali, l’Alge rie et le Maroc, mais durant le mois de mars 2012 deux condamnations a mort ont e te a nouveau prononce es au Maroc contre deux personnes en raison d’un attentat terroriste, ce sont les premie res depuis 1993.

24 Cf. BADINTER (R.), L’abolition de la peine de mort, Paris, Dalloz, 2007. CABRASSE (J.M.), La peine de mort, Paris, PUF, 2002 p.107.

25 « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. », PIDCP, article 6§1. « La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit. », CADHP, article 4. La Convention ame ricaine des droits de l’Homme (article 27), va encore plus loin en e nonçant la protection du droit a la vie me me en temps de guerre.

26 La constitution du Be nin, par exemple, annonce dans son pre ambule son attachement a la CADHP ainsi qu’a la DUDH, qui reconnaissent le droit a la vie et a l’inte grite physique et morale de la personne.

27 C’est en se fondant sur le droit a la vie e nonce dans l’article 11 de la Constitution de 1996 de l’Afrique du Sud, que la Cour constitutionnelle a de clare la peine de mort inconstitutionnelle. Cf. DIRK VAN ZYL SMIT,« THE

DEATH PENALTY IN AFRICA »,in « African human rights law journal », 2004(1), p.6.

28 Pre face de BADINTER (R.), Peine de mort après l’abolition, Allemagne, Editions du Conseil de l’Europe, 2004, pp. 23-26.

29 Affaire Furundzija, TPIY, 1998 ; l’affaire Al-Adsani c. Royaume-Uni, CEDH, 21 Novembre 2001. Cf., DUPUY

(P.M.) et KERBRAT (Y.), Droit international public, Paris, Dalloz, 2012, pp. 240 et 241.

30 Pre face de BADINTER (R.), op. cit., p.24.

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5 tel que le crime de génocide, les crimes de guerres et les autres crimes contre l’humanité31. Le statut de Rome de 1998 de la Cour pénale internationale ne l’a pas prévu pour ces crimes. Par ailleurs, le Conseil sécurité a également écarté la peine de mort lorsqu’il a mis en place les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex Yougoslavie et pour le Rwanda32. Le Libéria et la Gambie ont procédé au rétablissement de la peine de mort après son abolition. Toutefois, ils n’ont plus procédé aux exécutions. En rétablissant la peine de mort le Libéria va à l’encontre de ses engagements internationaux33. Les députés libériens justifient ce rétablissement par l’état du pays dévasté par des crimes et par conséquence l’insécurité. Ils affirment par ailleurs, que c’était la décision du président de signer ces conventions internationales et non le parlement qui n’était pas au courant !

Il est donc vrai que ni le droit international ni le droit régional africain n’ont prévu expressément l’abolition de la peine de mort. Néanmoins, le droit international évolue progressivement en la matière. Ainsi il ne l’a pas complètement interdit son application mais la restreint de plus en plus et ne l’applique plus au niveau universel. Il importe finalement d’évoquer la résolution intitulée « Moratoire sur l’application de la peine de mort » adoptée par l’AG de l’ONU le 18 décembre 2007 par 104 voix contre 54. Celle-ci constitue un développement puisque toutes les tentatives d’adoption de résolution sur l’abolition de la peine de mort n’avaient pas abouti.

Me me si la peine capitale reste le gale dans plus que la moitie des Etats africains, celle-ci n’est pas prononce e aussi souvent que dans d’autres continents. Parfois me me si elle est prononce e, elle n’est pas exe cute e. Par contre, des exe cutions extrajudiciaires ou sommaires, telle qu’e voque es par Kiara Neri34, sont malheureusement plus proble matiques dans le continent africain.

31 MBATA BETUKUMESU MANGU (A.), Abolition de la peine de mort et constitutionnalisme en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2011, p.104 ets.

32 Malgre que la peine de mort e tait a l’e poque le gale au Rwanda et qu’il a adopte en 1996 une loi organique qui restreint l’application de la peine de mort aux instigateurs, planificateurs et organisateurs du crime de ge nocide, le Conseil de se curite a refuse de la pre voir, la peine maximale pre vue est l’emprisonnement a perpe tuite . Cf. DIRK VAN ZYL SMIT,op. cit. p.4.

33 Le Libe ria a ratifie le PIDCP et le deuxie me protocole facultatif au PIDCP relatif a l’abolition de la peine de mort.

34 Kiara Neri, « Exe cutions extrajudiciaires au Soudan devant la Commission africaine des droits de l’Homme », in La vie et la mort en Afrique, Journal de l’APIDH, n°1, avril 2012.

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