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Penser le Sexe, de l'utopie à la subversion ?

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Academic year: 2021

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Submitted on 15 Mar 2021

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To cite this version:

Christa Dumas, Delphine Mandin, Gaële Métivier. Penser le Sexe, de l’utopie à la subversion ?. Presses universitaires de la Méditerranée, 308 p., 2004, 2-84269-663-8. �hal-03146800�

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Les Cahiers de l’IRSA

Institut de recherches sociologiques et anthropologiques

Penser le Sexe...

de l’utopie à la subversion ?

Sous la direction d’EROSS

Ce numéro fait suite au colloque « Ordre sexuel symbolique : permanences/changements ? » (avril, Montpellier)

Les Cahiers de l’IRSA

Université Paul-Valéry — Montpellier III Route de Mende

Montpellier Cedex

Numéro spécial Septembre

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SOMMAIRE

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Les Cahiers de l’IRSA, numéro spécial, septembre, p.??–

Penser le Sexe...

Christa Dumas, Delphine Mandin, Gaële Métivier EROSS

On le sait, quoique le monde soit invivable, il faut bien le vivre,

de même, quoiqu’il soit impensable, il faut bien le penser.

Depuisles membres de l’EROSSse réunissent pour s’efforcer de

« penser le Sexe », cette « réalité naturelle » di-visée qui est à la fois un cadre cognitif et un organisateur social universel. L’origine du mot même est discutée : elle a été rapprochée de secare « couper, diviser » (ayant donné scier, section), lesexusétant le partage d’une espèce en mâles et en femelles. De façon générale le sexe désigne le caractère physique perma- nent permettant de distinguer dans chaque espèce des individus mâles et des individus femelles, il est l’expression de leur spécificité fonctionnelle à l’égard de la génération. Georges Devereux nous rappelle que « Si loin que remonte la mémoire des hommes — y compris la mythologie — ce fait [“que l’humanité se compose de mâles et de femelles”] fut toujours éprouvé à la fois comme un défi intellectuel et comme une source d’an- goisses. » De fait les plus éminent-e-s chercheur-e-s se sont penché-e-s sur la question...

. Michel Maffesoli,La connaissance ordinaire. Précis de sociologie compréhensive, Paris, Librairies des Méridiens, coll. « Sociétés »,, p..

. Officialisée en février , l’Équipe de recherche sur l’ordre sexuel symbolique (EROSS) a pour directeur scientifique monsieur le professeur Patrick Tacussel. Elle fait partie de l’IRSA-CRI (Institut de recherches sociologiques et anthropologiques, Centre de recherches sur l’imaginaire), équipe d’accueil rattachée à l’Université Paul-Valéry — Mont- pellier III. EROSS, en proposant communications, rencontres et publications scientifiques, souhaite animer un pôle de recherches dynamique favorisant les échanges transdiscipli- naires et contribuant à valoriser le champ des études sur le genre.

. Alain Rey (dir.),Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert,

(reéd.).

. Georges Devereux,De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Aubier,(reéditionpour la traduction française), p..

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 Penser le sexe...

Pour Françoise Héritier, l’observation, aux origines de l’humanité, de la distinction mâle-femelle comme donné biologique, de ce « [...] trait remarquable, et certainement scandaleux, [qu’] est la différence sexuée et le rôle différent des sexes dans la reproduction», a fondé le rapport identique/différent, le même-le soi/l’autre, « [...] catégorie majeure de la pensée symbolique», présente dans tous les systèmes de représentation.

Opposition conceptuelle essentielle sur laquelle seront moulées toutes les autres classifications dualistes, ce rapport identité/différence est à la base du « [...] système binaire d’oppositions qui nous sert à penser». Pierre Bourdieu décrit un « système mythico-rituel » inscrit dans les cerveaux sous la forme de « [...] principes de di-vision qui conduisent à classer toutes les choses du monde et toutes les pratiques selon des distinctions réductibles à l’opposition entre le masculin et le féminin». Enfin Maurice Godelier insiste sur « [...] le fait que la différence entre les sexes n’est pas une division qui partage seulement la société humaine mais une division à la fois biologique, sociale et cosmique, celle du masculin et du féminin qui déborde l’humain et traverse l’univers tout entier. »

Ce détour par trois références majeures confirme, s’il en était besoin, l’ambition du projet titre de cette publication : il s’agit bien d’affronter une institution « [...] inscrite depuis des millénaires [...] dans la subjectivité des structures mentales», au risque, ce faisant, de mobiliser des schèmes de pensée qu’elle a elle-même produits. Il vise donc aussi à mieux cerner la notion d’ordre sexuel symbolique, cetallant de soicouvert du voile de l’évi- dence naturelle qui définit le quadruple rapport masculin/fémininselon

. Françoise Héritier,Masculin/Féminin. La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob,

, p..

. ...« [D]ans toutes les configurations sociales qui ont existé ou qui existent. Il n’y a aucune société qui soit en mesure de constituer un discours cohérent sans avoir recours aux classifications dualistes. » (Françoise Héritier, « Privilège de la féminité et domination masculine », L’un et l’autre sexe,Esprit, nospécial mars-avril, p.).

. Ibid., p..

. Et précise que cette di-vision, « Arbitraire à l’état isolé, [...] reçoit sa néces- sité objective de son insertion dans un système d’oppositions homologues, haut/bas, dessus/dessous, devant/derrière, droite/gauche, droit/courbe, (et fourbe), sec/humide, dur/mou, épicé/fade, clair/obscur, etc. » (Pierre Bourdieu, « La domination masculine », Masculin/féminin,Actes de la recherche en sciences sociales, no, septembre, p.-

).

. Maurice Godelier, « Du quadruple rapport entre les catégories de masculin et de fémi- nin »inEphesia,La place des femmes. Les enjeux de l’identité et de l’égalité au regard des sciences sociales, Paris, La découverte,, p..

. Pierre Bourdieu, « La domination masculine »,art. cit., p..

. Fait tout à la fois « [...] de complémentarité, d’opposition, de hiérarchie entre terme supérieur et terme inférieur et d’englobement de l’un par l’autre. » (Maurice Godelier, « Du quadruple rapport... »,art. cit., p.).

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Christa Dumas, Delphine Mandin, Gaële Métivier 

l’asymétrie de la « valence différentielle des sexes». En effet c’est cette notion, très fertile du point de vue de la sociologie de l’imaginaire, qui est au centre des travaux de l’EROSS... Pour écarter les soupçons prompts à invalider, précisons qu’il ne s’agit, en l’étudiant, ni de la promouvoir, ni de l’entériner, mais bien de l’interroger. Après la révolution sexuelle, la libéra- tion des femmes et le mouvement homosexuel, l’ordre symbolique norme- t-il toujours les rapports sociaux de sexe ? A-t-il été bouleversé, est-il en passe d’être dissous? Ou bien, au contraire, ne fait-il que se recomposer ? Voilà peu ou prou les questionnements de la journée d’études duavril

, « Ordre Sexuel Symbolique : Permanences/Changements ? » organi- sée par l’équipe.

La direction desCahiers de l’IRSAnous a offert d’y donner suite dans ses pages. Reprenant les idées force de notre problématique nous avons décidé de lancer un appel à communication autour de la question : « Pen- ser le sexe. De l’utopie à la subversion ? » Cette interrogation doit beau- coup au troisième colloque international des recherches féministes fran- cophones, « Ruptures, résistances et utopies», dont les fructueux débats ont alimenté notre réflexion.

Penser le sexe, c’est la revendication majeure des mouvements fémi- nistes et homosexuels, qui, bravant la domination masculine et l’hétéro- normativité, ont produit des effets concrets de reconnaissance des discri- minations et d’égalisation des droits. Ces luttes ont la spécificité de lier théories scientifiques et pratiques politiques, dans une dynamique uto- pique, celle d’un monde réinventant les rapports entre les hommes et les femmes. Or « [...] l’utopie constitue l’une des étapes indispensables de la démarche scientifique, de toute démarche scientifique. » Les études fémi- nistes et homosexuelles ont initié une déconstruction des savoirs existants sur les sexes et les sexualités — mettant en évidence andro- et hétérocen-

. Qui « [...] exprime un rapport conceptuel orienté, sinon toujours hiérarchique, entre le masculin et le féminin, traduisible en termes de poids, de temporalité (anté- rieur/postérieur), de valeur. » (Françoise Héritier,Masculin/Féminin. La pensée..., op. cit., p.).

. Voir Jean Baudrillard, « Nous sommes tous des transsexuels »,Libération, « Rebonds »,

octobre.

. Françoise Héritier,Masculin/Féminin II.Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob,

.

. Avec les interventions de David Le Breton, Patrick Tacussel, Geneviève Duché, Phi- lippe Liotard, et des membres de l’EROSS.

. Université de Toulouse-Le Mirail duauseptembre. Voir à ce propos le compte rendu ci-après.

. Christine Delphy, « Penser le genre »inMarie-Claude Hurtig, Michèle Kail, Hélène Rouch (dir.),Sexe et Genre. De la hiérarchie entre les sexes, Paris, CNRS,, p..

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 Penser le sexe...

trismes— ainsi qu’une production de nouvelles connaissances, notam- ment sur le plan épistémologique. « Les choses ne sont plus ce qu’elles étaient... » : ce leitmotiv du sens commun, qui fait le plus souvent consen- sus sur la question du sexe, demande cependant à être interrogé. Avancées juridiques, renouvellement des paradigmes, jusqu’à quel point ces chan- gements ont-ils subverti l’ordre sexuel symbolique ? L’écart entre l’hypo- thèse d’une dissolution de la hiérarchie et celle d’une «permanence dans et par le changement» dévoile un objet complexe pour lequel il convient de multiplier les éclairages.

C’est dans cette perspective que nous avons formulé notre questionne- ment, demandant aux auteur-e-s de penser le sexe entre utopie et subver- sion... Le sommaire a été organisé autour de ces pôles, avec un espace réservé aux études de terrain et d’ouvrages. Mais l’on verra à la lecture des textes que beaucoup articulent les deux axes.

Patrick Tacussel nous offre une relecture des théories de l’utopiste Charles Fourier sur l’amour, soulignant les résistances opposées à la (trop) grande audace de sa pensée, et combien celle-ci reste encore aujourd’hui étonnamment d’actualité. Dans un texte polémique et stimulant, Michel Brix, quant à lui, conteste les vertus féministes des théories fouriéristes ; il montre comment celles-ci ont traversé souterrainement tout lexixesiècle et influencé les penseurs de la libération sexuelle pour aujourd’hui régner sur les mentalités, en maintenant les femmes au rang d’objetsde désir.

Ludovic Gaussot se donne pour ambition d’examiner la manière dont l’utopie d’une société sans classes de sexe a pu être pensée, et d’en déga- ger la fonction pour la recherche féministe matérialiste. Observant la per- manence du modèle familial traditionnel, Delphine Mandin en arrive à la conclusion qu’une utopie de la famille s’avère indispensable à une remise en cause de l’ordre sexuel symbolique et de ses traductions au niveau

. « Par “androcentrisme” j’entends un biais théorique et idéologique qui se centre principalement et parfois exclusivement sur les sujets hommes (male subjects) et sur les rapports qui sont établis entre eux. » (Maxine Molyneux, citée par Nicole-Claude Mathieu,L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes, coll. « Recherches »,, p.) Sur le modèle de l’ethnocentrisme, cette critique dumale bias, et sa mise en relation avec la domination masculine ont permis de mettre en évidence l’exclusion du sujetfemmesd’un grand nombre de recherches.Homophobie par omission, l’hétérocentrisme désigne un ensemble de silences, de lacunes du discours lorsqu’il est question d’homosexualités.

. Les recherches féministes ont, entre autres, problématisé le concept de genre, outil heuristique permettant de distinguer entre les individus mâles et femelles et les sujets poli- tiques hommes et femmes des sociétés humaines, groupes de genre (et non plus de sexe) socialement, historiquement et symboliquementconstruits.

. Pierre Bourdieu,La domination masculine.Suivi deQuelques questions sur le mouve- ment gay et lesbien, Paris, Seuil, coll. « Points Essais »,, p., souligné par l’auteur.

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Christa Dumas, Delphine Mandin, Gaële Métivier 

des rapports sociaux de sexe. Par un constat statistique des inégalités hommes/femmes dans les sphères politique, professionnelle et domes- tique, suivi d’un panorama des grandes questions qui se posent à la recherche féministe, Geneviève Duché mesure le chemin qui reste à par- courir jusqu’à l’Égalité.

Maks Banens défend l’idée que la construction de l’identité homo- sexuelle doit être appréhendée dans le contexte du passage d’un ordre rural à un ordre urbain, marqué par le désengagement de la famille vis-à- vis du lien marital qui fait perdre à la sexualité son statut de don pour celui de choix de vie. Exposant quatre stratégies de ré-appropriation par les minorités sexuelles de la violence des catégories de lascienta sexualis(dis- cours en retour, dépsychologisation, recodification et dés-identification), Marie-Hélène Bourcier démontre que ces réponses produisent des identi- tés et des corps résistants et différents. Christa Dumas se propose pour sa part de penser le sexe en s’interrogeant sur la hiérarchie à travers l’étude de la séduction contemporaine : des mécanismes reproducteurs de la domination au carnaval des rôles de sexe... Il est urgent de penser le sexe, rappelle Philippe Liotard, qui cherche à saisir en quoi ses pra- tiques, ses imaginaires, ses discours soutiennent, à travers éducation et socialisation, la di-vision du monde, ou au contraire participent à sa sub- version, dans la tension entre ordre établi et désirs individuels. Gaële Méti- vier envisage lequeercomme un révélateur, un « idéal-type » du nouveau projet d’être sexué qui parcourt l’ensemble du corps social en interrogeant radicalement le système de genre et ses catégories symboliques. Définis- sant les traits caractéristiques de l’amphibologie qui consiste en ce qu’une différence synthétisée à partir de marqueurs sociaux de sexe/genre soit considérée à tort comme catégorie d’ontologie universelle, Alice Pechriggl place au cœur de cet amalgame l’imaginaire de la « mère-matrice » et le confronte à la réalisation du clonage humain.

Du côté des études de terrain, Natacha Chetcuti analyse les pratiques vestimentaires des lesbiennes et leurs représentations de la sexualité et du couple, se demandant jusqu’à quel point elles transgressent l’ordre sexuel établi. Christelle Pechdo interroge le noyau dur de la domination mascu- line à partir d’une enquête compréhensive sur la répartition des tâches ménagères au sein de colocations mixtes. Enfin, Alain Santino évalue la portée subversive de la pratique naturiste, notamment dans la perception différenciée de la nudité et dans son influence sur les rapports sociaux de sexes.

Du côté des études d’ouvrages, Marie-Jo Bonnet nous offre une fine cri- tique du roman d’Anne Garréta,Pas un jour, dévoilant chez l’auteure une conception instrumentale du désir, confondu avec la séduction au sens

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 Penser le sexe...

d’assujettissement de l’autre-objet. À partir d’une relecture de Wilhelm Reich, Nicolas Saëz dénonce la normalisation des revendications homo- sexuelles et en appelle à une remise en cause de la famille traditionnelle, à une réflexion sur l’éducation sexuelle infantile.

Nous vivons aujourd’hui une révolution majeure : celle de la dimension sexuée de la condition humaine. Pourtant il n’est pas certain que nous pre- nions tout à fait la mesure d’une mutation anthropologique qui concerne tout autant les hommes que les femmes [...]. Tout se passe comme si la force d’adhésion au changement nous empêchait de prendre avec le pré- sent la distance nécessaire pour en percevoir l’ampleur. [...] Il est temps de nous rendre compte que nous sommes entrés depuis trente ans dans un autre monde. Il ouvre, comme une interrogation vertigineuse, la ques- tion du sens que nous voulons accorder désormais à notre condition com- mune d’êtres mortels et sexués.

Tel est l’objectif de ce numéro, réunir des textes d’horizons différents pour éclairer le devenir de la sexuation. Nous espérons que le résultat satis- fera les curieux/curieuses comme les chercheur-e-s spécialisé-e-s. Nous nous sommes efforcées d’y respecter les normes de publication scienti- fique, prenant, devant la multiplicité des conventions typographiques, le parti d’harmoniser, et priant les lecteurs/lectrices de bien vouloir être indulgent-e-s pour les éventuelles erreurs qui nous auront échappé, mal- gré le soin apporté aux relectures et corrections.

Nous remercions tout-e-s ceux/celles qui, de près ou de loin, en nous offrant leurs idées, leur soutien, leurs compétences et leur temps, ont contribué à faire aboutir ce projet. Et particulièrement les auteur-e-s, qui ont pu faire les frais de notre inexpérience, mais sont resté-e-s d’une infi- nie patience et toujours disponibles. Pour cela nous leur témoignons toute notre reconnaissance. Ce fut une expérience éprouvante mais passion- nante...

Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous, ensemble Lao Tseu

. Irène Théry, « La côte d’Adam. Retour sur le paradoxe démocratique », L’un et l’autre sexe,op. cit., p.et.

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Les Parents

(Acrylique sur papier craft, 80ˆ120 cm)

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Les Cahiers de l’IRSA, numéro spécial, septembre, p.??–

Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

Michel Brix Docteur en philosophie et lettres, Agrégé de Faculté, Maître de recherches, Université de Namur (Belgique)

Auxxesiècle, on a autant entendu parler de libération de la femme que de libération sexuelle, et on les a du reste régulièrement associées l’une à l’autre, tant elles semblent complémentaires. Ainsi, de nombreuses fémi- nistes desxixeetxxesiècles (Flora Tristan et Benoîte Groult en particulier) ont salué en Charles Fourier le prophète de l’émancipation des femmes. Or, Fourier est surtout connu pour avoir, auxixesiècle, imaginé un modèle d’organisation sociale — l’Harmonie — fondé sur l’exercice d’une sexua- lité sans entraves et sans interdits.

Certes, le réformateur fut peu entendu de son temps (ses disciples renoncèrent même à publier le traité inachevé duNouveau monde amou- reux), mais sa réhabilitation fut éclatante à l’époque des surréalistes, qui s’autorisèrent de Fourier comme du précurseur de la religion du désir qu’ils voulaient voir régner sur le monde. À des titres divers, l’auteur du Nouveau monde amoureuxinspira la pensée de tous ceux qui ont fait de notre époque contemporaine une ère de libération sexuelle : Breton et les siens, mais aussi D. H. Lawrence, Wilhelm Reich, Herbert Marcuse, les gourous de Mai, les situationnistes (Debord, Vaneigem), etc. sont rede- vables aux théories fouriéristes, qui règnent aujourd’hui sur les mentalités, après avoir traversé souterrainement lexixesiècle.

Fourier possédait-il bien les vertus « féministes » que lui attribue Benoîte Groult ? On pourrait le croire. Le réformateur s’avère, effectivement, inta- rissable sur le chapitre de la femme, qu’il célèbre de toutes les manières et dont il annonce l’accès aux carrières de la médecine, de la magistrature et de l’enseignement. Dès son premier ouvrage, laThéorie des quatre mou-

. Voir notamment les pages que Benoîte Groult consacre à Fourier dansLe féminisme au masculin, Paris, Denoël,.

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 Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

vements et des destinées générales(), Fourier avait affirmé que la clef du changement et de la prospérité sociale résidait dans l’extension des privilèges des femmes et dans leur marche vers la liberté. Ainsi, l’utopiste prévoyait la mise en place d’une structure phalanstérienne assurant une stricte égalité homme/femme, par exemple dans la répartition des tâches, dans les devoirs et dans les dignités.

Chez Fourier, les questions économiques ne sont pas indépendantes de la politique sexuelle. Première cible : le mariage. Le réformateur veut abolir cette institution — où à ses yeux la femme ne trouve qu’asser- vissement —, pour faire de la femme l’égale de l’homme dans la quête des plaisirs. Si, dans le « meilleur des mondes », l’inconstance amoureuse, ou « Papillonne », est la règle, la femme doit être, autant que l’homme, libre de ses choix sexuels. Fourier le déclare sans ambages : « Le bonheur de l’homme, en amour, se proportionne à la liberté dont jouissent les femmes. » Et plus loin dans le même ouvrage, on trouve cette affirmation analogue : « [...] le bonheur du sexe masculin s’établit en proportion de la résistance des femmes au précepte de fidélité conjugale. » Ainsi, dans le phalanstère et grâce à la « Papillonne », l’homme est content, la femme est libérée, et le bonheur total s’offre à tout le monde.

Les successeurs de Fourier entonneront la même antienne : on ne fon- dera l’Éden amoureux sur terre que dans la mesure où sera réalisé ce que Vaneigem appelle « l’affranchissement de la femme-amante». Aux yeux des fouriéristes, le renversement des valeurs doit être complet, et substi- tuer à l’esclavage de la femme, le règne de la femme. Ce ne serait là que lui rendre sa juste place, puisque « [...] en fait d’amour, le secret des femmes est le secret de Dieu». La femme doit être, comme Dieu, le lieu de conver- gence, le point de centralisation, de tous les désirs singuliers. D’où non seulement l’affranchissement, mais la divinisation de la femme-amante, en Harmonie et chez les surréalistes. Le culte de l’Amour ne se peut conce- voir sans la restauration de l’autorité féminine : ce sont les désirs qu’on éprouve pour elles qui montrent aux hommes la voie vers Dieu.

Cette idée était bien connue, déjà, du temps de Fourier et s’avère indisso- ciable de tout mysticisme amoureux, fût-il fondé sur les sentiments éthé- rés ou sur les rapports charnels. Les poètes pétrarquisants ont tous chanté la supériorité de la femme, médiatrice entre la terre et le Ciel. Au début

. Charles Fourier,Théorie des quatre mouvements in Œuvres complètes, tome I, Paris- Genève, Anthropos,-, p..

. Ibid., p.. À noter aussi ce passage du Nouveau monde amoureux, où Fourier annonce « [un] monde où la liberté [...] des femmes sera le gage du bonheur des hommes » (cité par Catherine Francblin, « Le féminisme utopique de Charles Fourier »,Tel Quel, été de, p.).

. Raoul Vaneigem,Le livre des plaisirs, Bruxelles, Labor,(reéd.), p..

. Charles Fourier,Le nouveau monde amoureux in Œuvres...,op. cit., p..

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Michel Brix 

duxixesiècle, laCorinnede Madame de Staël () offrait un témoignage exemplaire de pareille thématique. Le roman illustre qu’en tant qu’héri- tage de Dieu et souvenir céleste, l’amour doit occuper la plus large place dans la religion. Le personnage créé par Madame de Staël est une poétesse de génie, favorite des dieux, adorée des foules : elle révèle au peuple les grandes vérités de l’existence et du monde, notamment l’immortalité de l’âme. Le destin de Corinne consiste à guider l’humanité, tout naturelle- ment encline à la suivre puisque la jeune femme est « idéale ».

Cette autorité attribuée à la femme — et fondée dans le cas de l’hé- roïne de Madame de Staël sur la parfaite chasteté des sentiments qu’elle inspire — a dominé les mentalités, pendant tout lexixe siècle. On s’ac- corde aujourd’hui à reconnaître que les femmes ne pouvaient guère trou- ver le bonheur dans ce rôle « supérieur » que les hommes leur attribuaient.

Madame de Staël, au demeurant, en était elle-même bien consciente, et saCorinneaffirmait aussi la nécessité pour les bien-aimées angéliques de se résigner à la souffrance et à la solitude. Le récit montre, en effet, que les espoirs de bonheur terrestre un temps nourris par Corinne ne peuvent aboutir : supérieure aux hommes dans le domaine idéal du sentiment, instrument de leur salut, Corinne devrait se faire, contre sa nature, infé- rieure à un époux qui ne supporterait pas, dans l’existence quotidienne d’un ménage, la domination d’une femme. Le mysticisme pétrarquisant enfermait les femmes derrière les barreaux d’une prison dorée. Resterait à savoir s’il en va autrement dans le « meilleur des mondes » du fouriérisme.

En Harmonie, l’homme et la femme sont appelés à vivre tous deux selon la loi du désir. Mais sont-ils parfaitement égaux devant cette loi ? Rien n’est moins sûr. C’est en effet à la femme que revient la charge de diriger le désir, en clair de l’inspirer. La disproportion qui existe dans le mysticisme sexuel entre les rôles masculin et féminin apparaît avec évi- dence à l’époque surréaliste : le corps de la femme est alors au centre de la poésie — avec laquelle on l’identifie — et de la peinture. Le corps de l’homme, lui, reste dans l’ombre. Et Breton n’entendait pas qu’il en sor- tît : le pape du surréalisme déclarait même qu’il ne supportait pas — en- dehors du contexte restreint de la relation sexuelle — d’être vu nu par une femme. Les surréalistes affirment que laloi du désirs’applique indifférem- ment aux hommes et aux femmes, mais la réciprocité s’arrête là. Le corps de l’homme n’est jamais l’objet du désir, la séduction ressortissant tout entière du domaine de la femme. C’est pourquoi, sans doute, beaucoup d’utopistes ont avec un bel ensemble rejeté l’homosexualité masculine.

Les idéologues de Maise sont empressés d’oublier ce refus, qui n’en est pas moins réel. Ainsi, Fourier, pourtant si disert sur les « manies », ne parle jamais de l’homosexualité masculine et nie d’ailleurs son importance, pré-

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 Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

tendant — sur quelle base ? — que seul le saphisme est répandu. Breton, de son côté, ne tolérait les homosexuels qu’à contre-cœur et Reich, lui, refusait de les recevoir en thérapie. Ce tir groupé manifeste, non point une concession nostalgique à la rigueur morale (puisque le lesbianisme se trouve au contraire encensé), mais bien plutôt la limite que nos penseurs assignent à la circulation du désir, qui va de l’homme vers la femme, mais n’est pas censé emprunter le chemin inverse. Ainsi, dans le mythe fonda- teur de l’utopie amoureuse qui s’articule à la fin duxviiiesiècle autour de la « Nouvelle-Cythère », les marins français couchent avec les femmes de leurs hôtes, que ceux-ci leur cèdent le temps d’une nuit. Le canevas est le même lorsque Fourier évoque certains épisodes bénis de l’histoire, où il voit les signes avant-coureurs de l’érotique phalanstérienne :

[L]es Spartiates [...] prêtaient leurs femmes à tout citoyen vertueux qui la désirait ; les Lapons et autres sauvages offrent leur femme aux étran- gers [...].

Caton, parfait modèle de sagesse, prostituait ses esclaves à beaux deniers et transigeait au besoin sur sa femme, dont il faisait bon marché à l’avocat Hortensius.

En revanche, il n’est jamais question, dans ces germes de l’Harmonie, de l’épouse de Caton, d’une Spartiate, d’une Laponne ou encore d’une Tahi- tienne offrant son mari à la convoitise charnelle d’autrui. Ainsi, le mys- ticisme sexuel emprisonne la femme dans un rôle d’objet de désir, tout comme le mysticisme pétrarquisant la cantonnait dans sa vocation de vierge idéale. La pression masculine ne s’exerce pas moins fortement de s’autoriser de l’amour transcendantal pour le corps féminin. Vaneigem clame que « l’affranchissement de la femme-amante » ne doit pas être étouffé par « [...] les amazones lancées à la conquête du pouvoir écono- mique accaparé par les mâles». En clair : rien de plus mesquin que d’as- pirer à l’égalité dans le travail ! Que la femme songe d’abord à son rôle de séductrice avant de guigner un emploi dans la société !

. Le sexe féminin, écrit Fourier, « [...] est plus que l’autre enclin à la monosexie » (ibid., p.).

. Dans la biographie qu’elle consacre à Reich, Ilse Ollendorf Reich, la troisième épouse du médecin, affirme que son mari n’a jamais accepté de traiter un patient masculin sachant qu’il était homosexuel, et qu’il lui aurait même déclaré : «Ich will mit solchen Schweinerein nichts zu tun haben» [« Je ne veux pas avoir à me mêler de ces cochon- neries »] (voir Charles Rycroft,Wilhelm Reich, trad. par Annie Louaver, Paris, Seghers, coll. « Les Maîtres modernes »,, p.). L’ouvrage d’Ilse Reich (Wilhelm Reich. A Per- sonal Biography) a été traduit en français en(Belfond).

. Charles Fourier,Œuvres..., op. cit., p..

. Charles Fourier,La fausse industrie, ibid., p.-.

. Raoul Vaneigem,Le livre des plaisirs,op. cit., p..

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Michel Brix 

L’inégalité de l’homme et de la femme est patente aussi devant le plai- sir. Dans les interrogatoires que se faisaient subir les surréalistes, ceux-ci excluaient avec soin, de leurs pratiques sexuelles favorites, le coït « pay- san » et recommandaient de s’adonner plutôt à des « manies » comme la sodomie ou la position dite du «». Or, malgré les déclarations enflam- mées de Breton sur les orgasmes cosmiques de la femme et malgré les préoccupations que ses confrères et lui affichaient concernant la jouis- sance de leurs partenaires féminines, nul de ces messieurs ne semble craindre, ni même envisager, que lesdites « manies » pourraient procurer aux femmes un plaisir seulement partiel, ou incomplet. De même, à pro- pos des lesbiennes, Fourier affirme que les femmes entre elles éprouvent des orgasmes beaucoup plus intenses que dans leurs relations avec les hommes. C’est Fourier, ou c’est Breton, qui décident quand les femmes jouissent : précisément lorsqu’elles réalisent un fantasme masculin. On pourrait presque parler ici de jouissance « idéologique », laquelle ignore, bien sûr, le plaisir authentique. En Harmonie, l’homme est non seulement le maître du désir, mais également le maître du plaisir.

Le statut inférieur des femmes dans la fête généralisée des sens est élo- quent aussi sous le rapport de tout ce qui concerne, aujourd’hui encore, la séduction. Quels efforts un homme est-il prêt à accomplir pour séduire ? Se laver, porter des vêtements élégants, éventuellement se parfumer. Le minimum, en fait : de toute façon, ce n’est pas lui qui doit faire naître le désir. En revanche, la femme qui veut inspirer la convoitise n’est pas sitôt tirée d’affaire : maquillage, produits de soins du corps, coloration des cheveux, bronzage sous les lampes dans les « turbo-tunnels », épila- tion des jambes, vernissage des ongles (pieds et mains), régimes amincis- sants à répétition, etc. Et on en passe. Tout ceci sans compter l’habille- ment, dont l’indispensable aspectsexyest souvent synonyme d’inconfort : jupes étroites, tee-shirts moulants, chaussures à talons hauts, etc. Quel est l’homme qui voudrait endurer un tel servage ? Même si la publicité se met- tait à marteler que les femmes préfèrent les hommes à la peau lisse, com- bien d’entre eux accepteraient par exemple de se raser les jambes ?

La transformation des femmes en objets de désir s’est effectuée sous le masque du Bien, i.e.de l’émancipation féminine. Les féministes ont plaidé pour le droit des femmes à disposer de leurs corps comme elles l’entendent. Ce droit de disposer de son corps a rempli les salles d’attente des cabinets de chirurgie esthétique, et les demandes des femmes vont toutes dans le même sens : ressembler à une poupéeBarbie(implants de

. Voir Xavière Gauthier,Surréalisme et sexualité, préface de J.-B. Pontalis, Paris, Galli- mard, coll. « Idées »,, p..

. « Saphisme : source d’équilibre [...] /Saphisme : perfection – toutes à Paris. » (Charles Fourier,Le nouveau monde amoureux in Œuvres...,op. cit., p., note)

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 Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

silicone dans les seins, lèvres pulpeuses, taille et jambes plus fines, etc.), pour se rapprocher un peu plus du fantasme masculin.

Les « libérateurs » du désir ont cherché — et ont réussi — à imposer ce genre de préoccupations àtoutesles femmes. Avant D. H. Lawrence et les surréalistes, la séduction était un domaine réservé à certaines classes d’âge — les jeunes filles qui recherchaient un mari — ou à certaines catégo- ries sociales — les courtisanes et les grisettes. Les adolescentes et les mères de famille bourgeoise étaient « hors du coup » : pas de maquillage pour les premières, des jupes amples et « insoulevables » — qu’on pense à la Madame Arnoux de Flaubert — pour les secondes. Cette réserve sexuelle des épouses a été combattue par Lawrence dansL’amant de Lady Chatter- ley. Avec un plein succès. Si l’écrivain anglais revenait faire un tour sur la terre, en ce début dexxiesiècle, il aurait tout lieu d’être enchanté de voir les changements intervenus dans sa vieille Europe. La mère de famille a reçu et mis en pratique la bonne parole, ayant obtenu enfin le « droit » de montrer ses formes et d’afficher sa conformité au modèle rêvé par Law- rence : elle s’est mobilisée contre l’affaiblissement du désir. Elle a aussi l’honneur, par la même occasion, d’éprouver, à l’instar d’une courtisane, les angoisses liées au culte souverain de l’Amour. Car ce statut nouveau n’est pas sans contrepartie. En rompant des lances contre l’indissolubilité du mariage, Fourier, et les féministes après lui, ont aboli la sécurité matri- moniale où vivaient jadis la plupart des femmes. Les voilà aujourd’hui contraintes — outre les soins du ménage et les occupations à l’extérieur

— à demeurer le plus longtemps possible des objets de désir et à rester

« concurrentielles », sous peine de voir leurs époux les abandonner pour d’autres et de devoir assurer seules — au nom de la liberté amoureuse — la charge des enfants. Auquel cas, elles n’auraient pas à se plaindre. Fourier l’a stipulé très explicitement : personne ne peut, en Harmonie, se dérober à laloi du désir.

Il s’est trouvé aussi des apôtres pour porter l’évangile de l’affranchisse- ment sexuel aux très jeunes filles. Aussi, dès les premiers soleils du prin- temps, nous croisons dans les rues de nos villes occidentales des filles de treize ans vêtues comme des hôtesses denight-club. Benoîte Groult a évoqué ce phénomène dans l’ouvrage où elle raconte ses souvenirs de grand-mère commise — pour soulager sa fille — à la garde de ses petits- enfants, en l’occurrence deux adolescentes. Au fil des conversations, Benoîte Groult découvre ce qui hante l’imaginaire de ses petites-filles : des

« [...] gaines de dentelle, [des] soutiens-gorge pigeonnants, [des] minijupes et [des] maxiflirts ». L’idéal à leurs yeux est de se métamorphoser enLolitas sur le sentier de la chasse au jeune mâle. Étonnement de la grand-mère :

. Voir Benoîte Groult,Histoire d’une évasion, Paris, Grasset,.

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Michel Brix 

de mon temps... Aujourd’hui, « [l]es péronnelles exigent des maillots deux pièces à huit ans, envisagent sans peur leur destin d’objet sexuel, lorgnant les éphèbes, sachant comment s’en servir en théorie et impatientes de s’exercer. » Benoîte Groult a l’honnêteté d’avouer sa perplexité. La faute à qui ? ÀBarbie, « [...] donnée pour idéal au sortir de la maternelle» ? Mais Barbie a bon dos. En fait, elle n’est pas ici la principale responsable. Si Benoîte Groult doit bien accorder à ses petites-filles le « droit » de s’exhi- ber, c’est en vertu du combat qu’elle a mené, elle, et toutes les féministes de sa génération, autour de cette revendication unanime : la femme est propriétaire de son corps. Et que fait la femme de ce corps, dès le plus jeune âge, quand elle en use à sa guise ? Elle court l’offrir en spectacle aux hommes.

La « libération » de la femme n’est pas moins illusoire que la « libéra- tion » sexuelle. Aujourd’hui, plus une femme se montre soumise au désir masculin, plus elle passe pour « libérée ». Quel est le portrait-type d’une femme « libérée » ? Unepin-up qui fait du nu intégral sur les plages de Méditerranée et collectionne les petits amis ; ou Catherine Millet célébrant l’échangisme, et prêchant d’exemple. En réalité, ce n’est pas la femme qui s’est émancipée, c’est le fantasme des hommes qui s’est modifié. Au xixesiècle, on pétrarquisait ; auxxe, on couche. Les femmes ont du suivre.

Et les femmes ont suivi, aveuglées par des justifications de toutes sortes.

Curieuse « libération ».

Tout aussi aveuglés, certains prétendus « défenseurs » de la cause des femmes en ont perdu jusqu’à leurs facultés de discernement moral. Ainsi, il y a quelques années, des directeurs d’école ont paru à la télévision, en France et en Belgique, pour faire état du combat qu’ils menaient : ils avaient interdit l’accès de leurs établissements à de jeunes musulmanes qui portaient un voile. Selon ces directeurs, le port du voile était incom- patible avec les valeurs démocratiques et progressistes dont, de nos jours, l’enseignement se proclame le véhicule. Cette affaire permettait au fond d’envoyer à la communauté musulmane un message sans ambiguïté : elle était priée de travailler, elle aussi, comme sa grande sœur occidentale, à l’émancipation de ses femmes. Fort bien. Mais ces mêmes personnes qui manient si généreusement l’ostracisme ferment les yeux devant les tenues affichées par certaines élèves européennes et qui apparentent les écoles à des lieux de parade amoureuse. Que reprochait-on, en fait, au voile ? De manifester la soumission de la jeune fille qui le porte vis-à-vis des para- digmes qui dominent dans sa culture et qui enjoignent, notamment, aux femmes de cacher leurs appas. Or, que manifestent le maquillage, la mini-

. Ibid., p.-.

. Ibid., p.-.

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 Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

jupe ou untopajusté dans notre culture occidentale, sinon que l’adoles- cente qui a adopté celookaffiche de la sorte sa conformité avec le fan- tasme masculin dominant, ici en Europe ? Dans notre société contem- poraine, la règle veut que la femme ne cache pas ses attraits, mais au contraire les exhibe. L’Européenne décolletée n’est pas plus émancipée que la musulmane voilée.

On dira que cette absence de liberté réelle des femmes dans le nouvel ordre amoureux n’a rien d’étonnant : les inspirateurs du modèle qui s’im- pose à nous aujourd’hui — Fourier, Enfantin, Breton, Lawrence, Reich, Debord, Vaneigem et consorts — sont tous des hommes. Les femmes seraient, en la circonstance, à nouveau les victimes de la roublardise des mâles, déguisés en adorateurs. Amollies par les parfums de l’encens, abu- sées par les couplets sur la femme-amante, la femme-poésie, la femme- déesse, la femme-nature, elles se seraient laissées prendre dans les rets du désir masculin, exactement comme un banc de poissons qui se serait dirigé droit dans la nasse d’un pêcheur. Les choses n’apparaissent cepen- dant pas aussi tranchées : les femmes dupéesversusles hommes manipu- lateurs. Ceux-ci ont en effet trouvé leurs meilleurs avocats au sein même de la population féminine, et jusque chez les féministes. Certes, c’est mal- gré elle que Benoîte Groult a contribué à fonder les conditions du nou- vel asservissement des femmes. Elle croyait sincèrement œuvrer pour leur véritable émancipation. L’auteur d’Ainsi soit-elle n’a jamais plaidé pour que les femmes deviennent toutes des prostituées très savantes, et ne pouvait prévoir que le « droit » au divorce, une fois acquis, se retournerait contre les épouses âgées, malades ou déformées par les maternités. Mais d’autres féministes n’ont pas craint de tenir de tels discours.

Ainsi, dansLes libérateurs de l’amour, Sarane Alexandrian a attiré l’at- tention sur Maria de Naglowska (-), qui vécut à l’époque des sur- réalistes (René Guénon l’associait d’ailleurs à ceux-ci), rédigea et publia une revue (La Flèche), donna au début des années  des cours et des conférences sur l’ésotérisme, et fonda même une Église. Maria de Naglowska attaquait les conventions sociales et sentimentales qui selon elle paralysaient les femmes. Henri-Louis de Meslin, auteur du traitéThéo- rie et pratique de la magie sexuelle : l’occultisme et l’amour(), écrit :

Maria de Naglowska commença son apostolat à Montparnasse en. Elle prêchait avec un rare talent l’avènement de l’Ère nouvelle, la régénération de Satan, l’illumination par la Magie sexuelle, la religion de la Mère-Divine et le culte des Prêtresses d’amour. Elle sacra publiquement deux de celles- ci dans une chapelle du quartier Montparnasse, au cours d’une cérémonie

. Sarane Alexandrian,Les libérateurs de l’amour, Paris, Seuil,, p.-.

. Ibid., p..

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Michel Brix 

splendide et toute symbolique où des journalistes furent même conviés.

Les deux rituels de la secte qu’elle fonda sont publiés et ont pour titres La Lumière du sexe etLe Mystère de la pendaison. [...] D’après Maria de Naglowska, la porte du Ciel est ouverte par le coït sacré. Mais la femme doit s’offrir à l’homme sans égoïsme sexuel. Là réside le grand secret de l’Amour magique et la raison d’être de la morale de demain qui veut que la femme ne soit que mère ou prêtresse. Si elle est mère, elle engendre physiquement, si elle est prêtresse, elle donne naissance à la Lumière du sexe.

Maria de Naglowska professait la doctrine du « Troisième Terme de la Tri- nité » : le Premier Terme, le Père (la religion hébraïque), protège la repro- duction de l’espèce ; le Deuxième Terme, le Fils (la religion chrétienne), fonde la vie spirituelle sur la renonciation à l’acte sexuel. La religion de la Mère, ou Troisième Terme, est encore à venir : elle part de la chair pour s’élever jusqu’à la vérité suprême du cosmos. C’est la flèche — d’où le titre de la revue — lancée vers le Ciel. Outre les dix-huit numéros deLa Flèche (-), Maria a publié une traduction française deMagia sexualisde l’auteur américain Paschal Beverly Randolph (), un récit,Le rite sacré de l’amour magique(), dans lequel une jeune fille comprend sa voca- tion de prêtresse amoureuse à la suite d’un viol, ainsi queLa lumière du sexe() etLe mystère de la pendaison(), ouvrages que cite Henri- Louis de Meslin.

À la femme est dévolue, selon Maria de Naglowska, la tâche de racheter le Mal, au moyen de la Magie du Verbe et de la chair. L’auteur deLa lumière du sexecodifie des « Messes d’or », sortes d’orgies réunissant sept hommes et trois femmes, et obéissant à un rituel solennel. Le titre de « prêtresse d’amour » est la manifestation de l’élection et de la dignité supérieure de la femme. Voici en quels termes se trouve défini ce sacerdoce féminin :

Il faut que la prêtresse d’amour ait la vocation, c’est-à-dire qu’elle puisse se donner avec la même ardeur physique à tous les mâles qu’elle allume.

Mais il ne doit pas être nécessaire qu’elle les aime, les estime ou les admire individuellement, car en chaque homme elle doit savoir aimer, vénérer et même adorer le Parfait de l’avenir. Elle donne son corps en sacrifice.

Elle doit mettre dans cette création le même dévouement que celui d’une religieuse [...]. Ce n’est donc pas l’affinité physique réciproque entre deux corps qui contribuera nécessairement à la qualité magique de l’union, mais la sincérité du sentiment religieux qui animera la prêtresse [...]. La prêtresse idéale doit savoir vibrer en résonance avec toutes les vibrations

. Ibid., p.. Cet ouvrage a paru sous le pseudonyme « B. Anel-Khan ».

. Le rite sacré de l’amour magiquea été réédité en;La lumière du sexe, rituel d’ini- tiation satanique selon la doctrine du Troisième Terme de la Trinité, enet en;Le mystère de la pendaison, enet en. Le titre de ce dernier ouvrage fait allusion à la trahison et la pendaison de Judas.

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 Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

mâles qu’elle suscite, si diverses soient-elles. En plus de cette faculté d’ac- cord physique vénusien presque universel, la prêtresse, qui n’est ni la fille prostituée, ni la vicieuse se donnant au premier venu, transmet à tous les sublimes vibrations de son idéal.

Le caractère érotique d’une telle fonction impose que les élues ins- pirent aux hommes le désir. Aussi, la sélection et l’éducation des prêtresses d’amour doit répondre à des critères rigoureux :

On les choisira parmi les jeunes filles que le soleil n’a pas corrompues, parmi les femmes dont les rêves sont purs lunairement [...]. On les bai- gnera, comme des plantes précieuses, dans de l’eau douce et parfumée, et on soignera leur peau au moyen d’essences aromatiques, savamment pré- parées selon les formules éprouvées des Mages [...]. On ne leur imposera aucun travail pouvant nuire à l’harmonie de leur corps, et on leur défendra sévèrement toute pose ou attitude inesthétiques.

C’est bien ici une femme — et non un homme — qui plaide pour que la

« supériorité » de la femme apparente celle-ci à une sorte d’impeccable et universel objet du désir masculin. C’est son statut de femme, au reste, qui permet sans doute à l’auteur deLa lumière du sexed’affirmer des choses que les fouriéristes mâles laissaient prudemment implicites.

Ainsi sur le plaisir féminin : Maria de Naglowska indique que le sacer- doce amoureux de la femme ne peut constituer un moyen pour elle de satisfaire des appétits sensuels. Nous l’avions plus ou moins deviné à lire l’interview accordée à Raoul Guyader. Mais c’est aussi écrit noir sur blanc dansLe mystère de la pendaison:

Les vibrations de la femme, au moment de l’acte d’amour, doivent lui don- ner le bonheur et non le plaisir localisé, car le plaisir appartient à l’homme et non à la femme.

Et les adeptes qui n’auraient pas encore bien compris pouvaient aussi se reporter à un article paru dansLa Flèchedufévrier, sous le titre

« Le nouveau féminisme » :

L’homme a droit au plaisir sexuel, tandis que la femme n’a pas ce droit, et si elle l’usurpe, elle détermine la débauche. La femme doit s’offrir à l’homme sans égoïsme sexuel, comme un holocauste expiatoire.

. Extrait d’une interview de Maria de Naglowska parue dans l’ouvrageParmi les sectes et les rites. Les petites Églises de Paris() de Pierre Geyraud (pseudonyme de Raoul Guya- der). Cité par Sarane Alexandrian,Les libérateurs de l’amour..., op. cit., p.-.

. Maria de Naglowska,Le mystère de la pendaison,ibid., p.-.

. Idem.

. Ibid., p..

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Michel Brix 

Plus encore, sur la question du divorce :

Aujourd’hui le divorce est une rupture insensée, qui en prépare une autre non moins stupide. Aujourd’hui le divorce n’a aucun but de perfection- nement occulte [...]. Le héros quitte sa femme non parce qu’il la déteste, mais, au contraire, parce qu’il l’aime. Aux jours heureux qui s’approchent, le guerrier mystique quittera son foyer, sa femme et son enfant lorsque le mariage aura corrigé en lui toutes les mauvaises orientations de ses forces.

Voilà l’homme explicitement invité — et qui plus est par une femme — à quitter son épouse et ses enfants, pour sacrifier aux exigences du per- fectionnement spirituel ! On croit rêver en lisant ensuite que Maria de Naglowska affirmait vouloir servir la cause des femmes. Mais ses propos ont au moins le mérite de la clarté. Et aussi celui de montrer que la majo- rité des femmes non seulement acceptent le joug du nouvel ordre amou- reux, mais même, plus ou moins consciemment, en rajoutent sur le com- portement qu’elles sont invitées à adopter. Quelle est la femme qui ose- rait se rendre dans une piscine sans s’être au préalable épilé, ou rasé, les jambes ? Quelle est la femme qui se risquerait aujourd’hui à avouer qu’elle n’a nulle ambition de correspondre aux canons esthétiques et d’être un objet de désir pour les hommes ? Ce serait là l’expression d’une authen- tique liberté, mais la crainte est bien trop grande de passer pour une refou- lée ou une frustrée. La plupart des femmes ont besoin du désir masculin pour « se sentir vivante[s]» et ne veulent pas entendre un autre langage.

Auxixesiècle, Balzac, dans ses romans, et Musset, dans son théâtre, ont montré combien les aspirations identiques de toutes les jeunes femmes de leur temps rendaient aisée la tâche des séducteurs. Les femmes vou- laient alors être considérées comme des muses, des vierges idéales, des anges inatteignables. Vis-à-vis des hommes qui usaient — souvent cyni- quement — de cette phraséologie, les femmes oubliaient tout devoir de réserve et se laissaient prendre au piège des sentiments. Au sein du monde contemporain, le travail des dons Juans est plus facile encore : les femmes sont conditionnées à se sentir frustrées, à rechercher des aventures amou- reuses et à accorder une importance essentielle aux relations physiques. Il en va de la reconnaissance de leur statut d’objet de désir, de femme « libé- rée ». On concédera que, dans l’histoire de l’humanité, les hommes ont

. Passage extrait d’un article deLa Flèchedufévrier(« Les mystères cardinaux et la Messe d’or »),ibid., p..

. Betty Friedan explique, dansLa femme mystifiée, qu’aux États-Unis, de nombreux adultères ne sont pas déterminés par des crises delibidod’épouses frustrées mais bien plutôt par la volonté de celles-ci de se rassurer sur leur pouvoir de séduction et surtout par un désir de conformité avec un modèle idéal (Tome II, trad. par Yvette Roudy, Genève, Gonthier,, p.-).

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 Libération sexuelle et libération de la femme : d’un mirage à l’autre ?

rarement sans doute connu une telle aubaine, ni une telle facilité à pas- ser d’une femme à l’autre, en invoquant laloi du désir. Interrogeant Jaime Sabartés sur le livre qu’il venait de consacrer à Picasso (Picasso : portraits et souvenirs,), Brassaï regrettait que cet ouvrage ne dît rien des femmes de Picasso. Réponse de Sabartés :

[E]st-il nécessaire de parler de femmes ? D’égrener le chapelet de celles qui ont compté dans sa vie ? Je ne le pense pas. Les femmes passent... L’œuvre reste...

Cruel aveu, mais combien significatif du sort des femmes dans le « meil- leur des mondes » fouriériste. À vouloir se conformer trop fidèlement au fantasme des hommes, les femmes en sont devenues interchangeables et, finalement, tendent à perdre leur identité propre. Peut-on blâmer les hommes qui, sur le sein d’une de ces anonymes, rêvent déjà à la suivante ? Elles se ressemblent tant.

. Brassaï,Conversations avec Picasso, Paris, Gallimard, coll. « Idées »,, p..

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Les Cahiers de l’IRSA, numéro spécial, septembre, p.??–

L’égalité entre les femmes et les hommes en France, état des lieux

Geneviève Duché Maîtresse de conférences en économie, chargée de mission à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, Université Paul-Valéry — Montpellier III

En introduction de nos travaux je propose de brosser un double état des lieux, celui des relations entre les hommes et les femmes à partir d’indica- teurs et de données empiriques et celui des questions qui se posent pour analyser ces rapports sociaux de sexes. L’ensemble ne pourra être exhaus- tif. J’insisterai sur certains aspects qui paraissent dominer actuellement la problématique de l’inégalité et des différences entre les hommes et les femmes.

Dans un premier temps la présentation de quelques données rendra compte des avancées, des stagnations et des résistances dans la conquête de l’égalité entre les femmes et les hommes en France dans quelques domaines comme le pouvoir et les responsabilités, le domaine profession- nel et celui du travail domestique, enfin la violence symbolique et phy- sique subie par les femmes. Dans un deuxième temps j’interrogerai le couple égalité-différence à propos des rapports de sexes à partir des tra- vaux contemporains d’anthropologues et de philosophes.

L’égalité entre les hommes et les femmes : quelques données générales

Au dernier recensement, la population de France métropolitaine est composée de millions d’hommes et de  millions de femmes, soit

,%.

. Données INSEE, pour plus de précisions voir le sitewww.insee.fr,recensement.

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 L’égalité entre les femmes et les hommes en France, état des lieux

De la naissance jusqu’à l’âge de vingt-huit ans les garçons sont plus nombreux que les filles. En revanche les femmes représentent les deux tiers des plus de soixante-quinze ans. À partir de trente ans la vie en couple concerne aussi bien les hommes que les femmes. Néanmoins % des femmes de trente à quarante-cinq ans élèvent seules leurs enfants contre

,% des hommes. Au-delà de quarante-cinq ans les hommes vivent plus souvent en couple avec des enfants. Ils fondent une famille plus tardive- ment et en cas de rupture reprennent plus rapidement une vie de couple.

,% des femmes vivent seules contre,% des hommes ; cette différence s’explique par l’excédent des femmes par rapport aux hommes et le veu- vage des femmes.

Enfin les femmes constituent en France% de l’électorat.

Les femmes et les hommes décident-ils ensemble, partagent-ils les responsabilités ?

La parité en politique

Depuisla constitution française tend à favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

La loi votée en impose la parité des candidatures lors d’élections dans les communes de plus de habitants et pour des scrutins de liste (parlement européen, élections sénatoriales concernées par la représenta- tion proportionnelle) ; le scrutin uninominal ne permet pas d’organiser la parité des candidatures par circonscription.

Première conclusion: là où la loi s’applique, elle a des effets détermi- nants sur la représentation des femmes en politique :

— Les femmes représentent actuellement% des conseillers munici- paux (un plancher selon l’Union Européenne en deçà duquel les femmes n’exercent pas une influence suffisante). Elles sont ,% dans les com- munes de habitants et plus contre,% en.

— Mais on observe une distorsion entre le nombre de femmes élues conseillères enet celles qui exercent des responsabilités. La propor- tion de femmes maires a peu évolué passant de,% en à,% en

.

— Pour le sénat, dans les départements soumis à la proportionnelle (dont le nombre de sénateurs est de trois et plus), on a eu,% de femmes élues encontre,% en.

. Voir Janine Mossuz-Lavau, Femmes/hommes, pour la parité, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « La bibliothèque du citoyen »,; Catherine Génisson,Rapport au premier ministre sur la parité entre les femmes et les hommes en France, mars.

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Geneviève Duché 

— Les élections qui ne sont pas soumises à l’obligation de parité ne sont pas plus favorables aux femmes qu’auparavant ;il n’y a eu aucun effet d’entraînement.

— Il n’y a pas eu non plus de féminisation des structures intercommu- nales composées d’élus municipaux désignés arbitrairement par chaque commune. La loi den’a pas d’effet dans ce domaine. Sur établis- sements publics de coopération intercommunale (EPCI), seulssont présidés par une femme, soit%. Or ils concentrent des moyens et des pou- voirs de plus en plus stratégiques pour le développement économique, le logement, la politique de l’eau, l’environnement notamment. Aucune des quatorze communautés urbaines n’est présidée par une femme, même pas celle de Lille.

— Enfin la loi incite les partis à mettre en place la parité pour les élec- tions législatives grâce à des sanctions financières. Comparons les places des femmes dans les chambres basses ou uniques des pays de l’Union Européenne : Suède % de femmes, Danemark %, Finlande %, Pays-Bas%, Allemagne%, Espagne%, Autriche%, Portugal%, Royaume-Uni%, Luxembourg %, Irlande%, France%, Italie%, Grèce%. La France, ce pays des Lumières et de la Révolution... n’est qu’en douzième position.

L’actualité m’entraîne à faire une remarque à propos des élections légis- latives. Aujourd’hui les investitures ne sont pas toutes décidées. Mais nous avons des informations ; elles incitent à réfléchir sur le sens de l’égalité et de la parité et sur leur relation. En particulier l’égalité en chiffres des can- didatures féminines et masculines n’est pas forcément l’expression réelle d’une reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes, elle n’a pas forcément de relation avec la parité (capacité à faire ensemble, à être pair) telle que les femmes et les hommes qui l’ont promue, l’ont pen- sée, l’ont voulue. Quatre partis à l’heure actuelle ont prévu de respecter une stricte égalité entre les hommes et les femmes dans la désignation de leurs candidats (PC, Verts, LCR, LO). On sait parLe Mondede décembre

que le FN a investifemmes sur lescandidats retenus à cette date... et les « grands partis » qui peuvent assumer les sanctions financières s’orientent vers l’inégalité...

Le partage des responsabilités dans les institutions, les organisations et les entreprises

— Si les femmes représentent% de la population active, elles sont moins nombreuses à accéder aux plus hautes strates de la hiérarchie pro- fessionnelle. Dans les entreprises du secteur privé en les femmes

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 L’égalité entre les femmes et les hommes en France, état des lieux

représentaient% de l’encadrement ; progrès depuis dix ans cependant (% en ). Leur nombre est très faible dans les conseils d’adminis- tration des grandes firmes qui ont un pouvoir économique important à l’échelle mondiale. On ne compte que% de femmes parmi les équipes dirigeantes des grandes entreprises de plus desalariés. Dans la fonc- tion publique, les femmes sont majoritaires (%) mais encore très peu présentes dans les emplois de direction :% enpour l’ensemble des emplois de direction et d’inspection et% pour les emplois laissés à la décision du gouvernement. Ces taux étaient respectivement de% et% dix ans auparavant. Il y a eu une politique volontariste pour augmenter le nombre de femmes à ces niveaux mais elle pourrait disparaître...

— Un créateur d’entreprise sur trois est une créatrice avec de grandes disparités selon les secteurs :% dans le commerce,% dans la construc- tion,% dans les transports.

— La recherche est un secteur important : son orientation et les avan- cées technologiques constituent des éléments clés du développement éco- nomique, social et de la protection de l’environnement. Sur les 

chercheurs,% sont des femmes et les chercheuses sont nettement plus nombreuses dans la recherche publique :  , contre   dans le privé.

— Le partage des responsabilités dans les organisations même publiques n’est pas encore à l’ordre du jour. Regardons ce qui se passe à l’université en prenant l’exemple de Montpellier III:

Les conseils y ont été renouvelés en mars. Par rapport à la compo- sition précédente, le Conseil d’administration (CA) perd quatre femmes (deux enseignantes, une étudiante et une IATOS), le Conseil scientifique (CS) en gagne deux grâce aux étudiantes et au collège C qui compensent les pertes du côté des enseignantes. Le Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) gagne une femme grâce aux étudiantes dont le nombre d’élues passe de huit à onze. La progression de la participation des femmes aux décisions n’est pas évidente ! Le groupe des personnali- tés extérieures ne comprend qu’une femme au CEVU. Dans les syndicats et les institutions qui nomment les personnalités, il semble donc que les femmes n’existent pas.

Les femmes représentent% des membres au CA,,% des membres du CS et ,% du CEVU. Comparés à la place des femmes dans cette université les résultats sont révélateurs : ainsi au CA,% d’enseignantes

. La place des femmes dans les lieux de décision. Rapport du conseil économique et social, décembre.

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