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Troisième partie!: Le Modèle d’Analyse

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Academic year: 2022

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Troisième partie!:

Le Modèle d’Analyse

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Comme nous l’avons annoncé dans l’introduction, notre Modèle d’Analyse a pour objectif de permettre d’étudier les situations de harcèlement moral de manière processuelle, intégrative et dynamique.

Avant de présenter ce Modèle, nous allons d’abord expliciter les deux axes qui sont à la base de sa construction.

1. Premier axe!: les différents niveaux d’analyse

1.1. Fondements théoriques

Le premier axe du modèle définit des niveaux d’analyse jugés pertinents pour l’étude des situations de harcèlement moral. Dans notre approche théorique du harcèlement, nous avons opéré la distinction entre quatre niveaux d’analyse : le niveau organisationnel, le niveau groupal, le niveau interpersonnel et le niveau personnel.

Plusieurs manières de découper le réel « par niveaux » ont été proposées, tant dans la littérature sur le harcèlement que dans celle sur le conflit.

Pour Einarsen (1996), trois grands modèles explicatifs traversent les études sur le harcèlement moral au travail. Le premier insiste sur les aspects de personnalité des victimes et agresseurs, le second met en avant les problèmes relationnels et le troisième étudie les facteurs contextuels ou environnementaux liés à l’organisation du travail. Elcheroth (2005) plaide lui pour une articulation de plusieurs niveaux d’explication du harcèlement (p. 161). Il en définit trois : les régulations intra-psychologiques, le contexte interpersonnel (ce qui, dans son approche, comprend les tiers au couple harceleur- harcelé), et le contexte institutionnel.

Cette division par niveau n’est pas propre à l’étude du harcèlement moral. Dans un domaine proche, celui de la violence au travail, Aurousseau (2000) a développé la notion d’ancrage qui, selon elle, se distingue de celle de « facteurs », cette dernière se limitant à isoler des causes afin de déterminer leur influence spécifique dans une vision essentiellement linéaire de cause à effet. Or, explique-t-elle, les ancrages entretiennent entre eux des rapports synergiques et complémentaires, et rendent compte d’un processus itératif caractérisé par l’interinfluence des situations de violence et des ancrages, et par les synergies qui se développent au travers de ces interinfluences (Aurousseau, 2000, p. 14). Les ancrages identifiés par Aurousseau sont les ancrages sociaux, les ancrages organisationnels et les ancrages individuels (comprenant à la fois des dimensions individuelles et interpersonnelles).

Le fait de distinguer différents niveaux de manifestation est présent également dans l’étude

des conflits. Jaya (1999), par exemple, distingue cinq types de conflit : le conflit

intrapersonnel, interpersonnel, organisationnel, inter-organisationnel et révolutionnaire. Dans

la même logique, Dolan et ses collaborateurs (1996) distinguent les conflits intra-individuels

(un individu est en conflit avec lui-même), les conflits interpersonnels (deux personnes sont

en conflit au sujet des buts à poursuivre, des moyens, des valeurs, des comportements ou des

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attitudes à adopter), les conflits intragroupes (groupes en conflit au sujet des mêmes problématiques que pour les conflits interpersonnels) et les conflits intergroupes (deux groupes entendus au sens large, y compris des organisations ou des strates sociales, sont en conflit). On trouve une typologie proche chez Rahim et Bonoma (1979), qui distinguent le conflit intrapersonnel, intragroupe, intergroupe et inter-organisationnel.

De manière plus globale, Louche (2001, p. 9) parle de trois niveaux d’analyse ayant cours en psychologie sociale des organisations : un niveau intra-individuel, un niveau groupal et un niveau organisationnel.

Cette manière de procéder par niveaux de compréhension rejoint évidemment les travaux d’Ardoino (1969, 1996). Cet auteur propose une vision de la réalité en six niveaux qu'il s'agit tout à la fois de distinguer et, précision importante, de prendre simultanément en considération. Il s’agit des niveaux individuel, interpersonnel, groupal, organisationnel, institutionnel et historique.

Le niveau individuel fait intervenir les éléments qui se situent au cœur de l’individualité : caractère, personnalité, motivations, aptitudes, désirs, fantasmes, peurs, etc. Le fait de privilégier ce niveau est d’ailleurs un mode culturel classique d’interprétation des conflits dans les sociétés judéo-chrétienne qui ont tendance à individualiser les conflits (Gatlung, 1997).

Le niveau relationnel concerne la sphère des relations interpersonnelles : les modalités d’interaction, les sympathies et les antipathies, les amitiés ou les inimitiés, les problématiques de l’attraction interpersonnelle par exemple.

Le niveau groupal embrasse les phénomènes identifiés par la dynamique des groupes : rôles, leadership et influence, fantasmatique groupale, normes de groupe, cohésion, par exemple.

Le niveau organisationnel aborde les problèmes de structure, de ressources, de flux, de processus, de hiérarchie organisationnelle et de relations de pouvoir, de management, d’organisation du travail, de culture organisationnelle, … Chez Citeau et Engelhardt-Bitrain (1999), l’organisationnel est tout ce qui relève de la division des tâches, de la distribution des rôles, du système d’autorité, du système de communication et du système de contribution - rétribution.

Le niveau institutionnel dépasse les contours de l’organisation, et aborde des grands ensembles regroupant des organisations : les instances supra-organisationnelles, les normes sociales, les lois, la culture institutionnelle, …

Enfin, il aborde un sixième niveau : l'historicité, que l’on peut définir avec Touraine comme la capacité d'une société à agir sur elle-même et à se transformer.

1.2. Les niveaux choisis dans ce travail

Les niveaux que nous avons choisi de prendre en compte dans notre approche sont ceux qui

sont les plus habituellement étudiés par les psychologues sociaux : le niveau interpersonnel,

le niveau groupal et le niveau organisationnel, auquel nous ajoutons le niveau personnel,

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ayant fait l’objet lui aussi d’études en lien avec la thématique qui nous occupe. Pour chacun des niveaux, notre objectif est d’identifier des processus relationnels. Pour rappel, nous entendons par là les interactions qui se créent entre plusieurs comportements des acteurs – qu’il s’agisse d’individus, de groupes ou d’ensemble plus larges - pour constituer un processus relationnel global dont on peut caractériser le mode de fonctionnement.

Au niveau personnel, nous nous centrerons sur tout ce qui concerne les protagonistes : les comportements, les cognitions et les émotions de ceux-ci. On peut parler ici de processus personnels dans un sens toutefois métaphorique dans la mesure où on se figure l’acteur en relation « avec lui-même ».

Au niveau interpersonnel, nous nous intéresserons à tout ce qui concerne la relation entre le harceleur, ou les harceleurs, et la personne-cible. En effet, la notion de harcèlement moral au travail suppose, quelle que soit l’approche, l’existence d’une relation entre un ou plusieurs harceleurs, et une personne qui se sent harcelée. Ce sont donc les interactions qui interviennent entre harceleur(s) et harcelé que nous étudierons à ce niveau. Il portera donc sur des processus interpersonnels.

Au niveau groupal, nous nous intéresserons à ce qui se passe au sein des groupes qui constituent l’entourage professionnel du harcelé et du harceleur, et tout particulièrement au groupe de collègues du harcelé dont la littérature a montré qu’il pouvait avoir un impact majeur sur la relation de harcèlement. Nous analyserons ce qu’il se passe au sein de ces collectifs de personnes qui sont susceptibles d’influencer la relation de harcèlement, voire d’y jouer un rôle actif. Ce sont donc des processus groupaux que nous étudierons ici.

Enfin, pour le niveau organisationnel, nous nous intéresserons aux différents processus intervenant dans l’organisation ainsi qu’aux comportements des personnes qui la dirigent : supérieurs hiérarchiques, management, direction. Pour ce niveau, ce sont donc des processus organisationnels qui feront l’objet de nos analyses.

A ces quatre niveaux correspondent donc quatre angles d’études des situations de harcèlement moral : les processus personnels des protagonistes, les processus interpersonnels entre harceleur(s) et harcelé, les processus ayant cours au sein du groupe de collègues des protagonistes, les processus organisationnels entourant la situation.

2. Deuxième axe!: le mode relationnel

2.1. Fondements théoriques

Nous avons vu dans l’introduction théorique que la plupart des auteurs qui mettent en

perspective le conflit et le harcèlement (ou plus généralement les relations de victimisation)

s’accordent à considérer que ces deux phénomènes se différencient par l’équilibre des forces

entre les parties. Il en résulte que le harcèlement constitue une relation de travail pathogène

dans laquelle les forces entre les parties (en l’occurrence le harceleur et le harcelé) sont

déséquilibrées, alors que l’hyperconflit constitue une relation de travail pathogène dans

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laquelle le rapport de force entre les protagonistes est équilibré.

C’est pourquoi l’objectif du deuxième axe de notre Modèle d’Analyse est de permettre l’étude de l’équilibre relationnel entre les parties.

Pour ce faire, nous avons décidé de partir de la distinction opérée par Bateson entre schismogenèse complémentaire et schismogenèse symétrique. Ses premiers travaux sur la question remontent à 1935, où il aborde la question de la schismogenèse dans le cadre de l’étude des contacts entre cultures et établit progressivement un cadre conceptuel pour aborder les relations entre clans. Il reprendra ensuite ces notions notamment dans son ouvrage Vers une écologie de l’esprit (Tome 1, 1977 ; Tome 2, 1980), lesquelles seront développées aussi par des auteurs comme Watzlawick, Weakland, Fisch, Helmick Beavin ou Jackson, par exemple.

Selon Bateson, les possibilités de différenciation de groupes peuvent se délimiter en deux catégories (Bateson, 1980, p. 83) : la différenciation ou schismogenèse symétrique et la différenciation ou schismogenèse complémentaire. Par la suite, Watzlawick ses collaborateurs abandonneront le terme schismogenèse, qui s’applique mieux aux relations entre groupes sociaux qu’aux relations entre individus, pour parler plus simplement de relations symétriques ou complémentaires (Wittezaele & Garcia, 1992, p. 47).

De manière synthétique, on dira qu’une relation est symétrique lorsque l’intensité des actions de A est proportionnelle à l’avance prise par B sur A (Bateson, 1980). Il s’agit donc d’un ensemble de réactions analogues, même si les moyens utilisés peuvent être très différents. Les relations complémentaires sont, quant à elles, « dissemblables mais réciproquement appropriées » et se présentent sous forme de rapports de soumission-domination, assistance- dépendance, maître-esclave, etc.

De manière plus précise, la différenciation symétrique s’inscrit dans les cas où les individus des deux groupes A et B ont les mêmes aspirations et les mêmes modèles de comportement, mais se différencient par l’orientation de ces modèles. Les membres du groupe A agissent selon des modèles abc à l’intérieur du groupe et xyz dans leurs rapports avec le groupe B ; tout comme le groupe B. Le comportement xyz est donc la réponse standard au comportement xyz (Bateson, 1980, p. 83). Le tout peut conduire à ce que chacun des groupes pose le comportement xyz avec de plus en plus d’excès. L’exemple pris par Bateson est la vantardise : plus l’un va se montrer vantard, plus l’autre va se vanter également. Il ajoute que la symétrie est un terme commode pour désigner les phases conflictuelles de la lutte pour l'occupation du centre.

Dans la différenciation complémentaire, les comportements et les aspirations des deux groupes sont fondamentalement différents. Les membres du groupe A utilisent entre eux le modèle LMN et dans leur rapport avec l’autre groupe le modèle OPQ. En réponse à OPQ, les membres du groupe B utilisent les comportements UVW, mais utilisent entre eux le modèle RST (Bateson, 1980, p. 84). Le tout peut conduire ici à ce que la différenciation aboutisse à l’accentuation des tendances. L’exemple pris par Bateson est la domination – soumission : plus l’un va dominer, plus l’autre va se soumettre et vice versa. Watzlawik et al. (1972) utilisent, pour caractériser les positions qui se dégagent des relations complémentaires, les termes de position «haute» (one-up) et « basse » (one-down).

Selon Bateson, on peut assez facilement classer une relation dans l’une ou l’autre catégorie

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selon l’accent dominant, même s’il est possible que de petites adjonctions de symétrie dans une relation complémentaire ou de complémentarité dans une relation symétrique viennent nuancer l’ensemble.

Les relations symétriques, on le voit, recouvrent plutôt les notions de conflit, alors que les relations complémentaires sont plutôt caractérisées par des positions inégales (type bourreau - victime, ou harceleur - harcelé). Ce modèle est donc bien indiqué pour distinguer le harcèlement (ou plus généralement les phénomènes de victimisation) et le conflit

1

.

Une telle option nécessite cependant une précision. En effet, la symétrie et la complémentarité sont définies chez Bateson et chez Watzlawick à partir d’éléments comportementaux. Mais ces notions pourraient se définir à partir d’autres points de référence.

C’est ici que les sémantiques disciplinaires peuvent amener à utiliser des termes identiques dans des sens différents. Plus particulièrement, les concepts de symétrie – complémentarité ou de conflit et domination ne recouvrent pas nécessairement la même réalité en psychologie et en sociologie.

Si l’on s’en tient au rôle organisationnel, la différence entre relations symétriques ou asymétriques pourrait se définir non pas à partir des modes comportementaux adoptés par les différents acteurs mais par les ressources qui proviennent de leur statut respectif. Dans ce cadre, on considérerait comme typiquement symétriques des relations entre collègues et comme typiquement complémentaires des relations entre supérieurs et subordonnés.

On définirait alors la symétrie – complémentarité et les positions hautes et basses qui en découlent à partir de critères fondés sur la position socio-organisationnelle. Dans une perspective marxiste, la position haute serait celle dans laquelle le « dominant » maîtrise les moyens de production ou de décision dans l’organisation. On pourrait également estimer que les positions hautes et basses proviennent de la possession inégale d’un capital économique ou culturel.

La notion de domination, présente chez Watzlawick dans une perspective comportementale, revêt également une sémantique tout à fait différente en sociologie. On peut remonter jusqu’à Weber, qui définit la domination comme la chance de trouver obéissance de la part d’un groupe déterminé d’individus. Appliquée aux relations de travail, l’auteur estime qu’elle peut exister au sein d’un contrat formellement libre, comme dans le cas de la domination des employeurs sur les travailleurs.

La perspective que nous adoptons dans ce travail s’inscrivant dans un registre comportemental, une relation symétrique est pour nous une relation qui s’articule autour de comportements et de réactions en miroir, avec une mobilisation de forces et de ressources

« équivalentes » pour poser des comportements visant à l’atteinte du centre et, par exemple, des phénomènes d’escalades. Au contraire, nous définissons une relation complémentaire comme un échange fondé sur des rôles et de contre-rôles qui définissent des comportements différents et réciproquement appropriés les uns aux autres, comportant notamment l’apparition de positions hautes et basses.

Ce choix épistémologique ne nie pas pour autant l’existence d’inégalités organisationnelles,

1

La différence entre relation symétrique et complémentaire ne se limite pas à la question de l’équilibre des forces, bien que

cela en constitue la dimension essentielle. Pour notre part, c’est bien dans cette optique que nous utiliserons cette distinction.

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sociales, économiques ou culturelles. On retrouvera d’ailleurs probablement leur incarnation dans la symétrie ou la complémentarité des relations entre acteurs sociaux. Mais c’est au travers de leur manifestation comportementale que nous les étudierons.

3. La construction du Modèle d’Analyse!

Notre travail rend compte de la construction progressive d’un Modèle d’Analyse des situations de harcèlement moral au travail. Celui-ci est passé par deux stades d’évolution que nous allons présenter dans les lignes qui suivent. Les deux versions du Modèle permettent d’aborder les processus relationnels, les résonances et les configurations ; le premier dans une approche qui superpose les niveaux, le second dans une approche qui les intègre, permettant ainsi de rendre compte d’un niveau de complexité supérieur.

3.1. Un premier modèle pour décrire les processus relationnels, les résonances et les configurations

Le premier modèle prend comme point de départ le classement des différents processus relationnels sur l’axe de niveaux.

Niveau organisationnel

Le management, la hiérarchie, les processus organisationnels

Processus organisationnel

Niveau groupal

Les collègues, l’entourage professionnel

Processus groupal

Niveau interpersonnel

La relation entre harceleur(s) et harcelé

Processus interpersonnel

Niveau personnel

Le fonctionnement personnel des protagonistes

Processus personnel

Tableau 1 : Modèle d’Analyse, première version

Lorsqu’on représente ce modèle sous forme de diagramme, on obtient la forme suivante. Au

centre du modèle, on trouve la relation interpersonnelle entre harceleur et harcelé. Dans une

approche décontextualisée, c’est sur cette zone que se focaliserait l’analyse du cas. Autour de

cette relation, les processus ayant cours dans le groupe, et autour de ceux-ci, les processus

ayant cours dans l’organisation.

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Figure 1 : Modèle d’Analyse, première version sous forme de diagramme

Ce modèle permet également de décrire des interactions entre processus que nous appelons des résonances et que nous avons définies comme des modes d’interactions entre plusieurs processus. Autrement dit, il permet d’étudier comment un processus, par exemple un processus organisationnel, peut « résonner » avec un autre processus, par exemple un processus interpersonnel. C’est pourquoi des flèches lient les différents ensembles. Lorsqu’un processus contribue à renforcer un autre processus et réciproquement, il s’agit d’une rétroaction positive entre deux processus ou effet larsen, analogie utilisée dans ce travail pour décrire un effet d’amplification réciproque de deux processus. Lorsque, au contraire, un processus contribue à affaiblir l’autre processus et réciproquement, et qu’il s’agit donc d’une rétroaction négative entre deux processus, on parlera de régulation entre les processus relationnels.

Enfin, ce modèle permet également de prendre en compte le mode relationnel et de distinguer des processus complémentaires et symétriques. Tous les processus identifiés dans le Modèle d’Analyse, exceptés les processus personnels, vont donc pouvoir être classés en symétrie ou complémentarité. Le code couleur rouge sera utilisé pour le mode complémentaire, le vert pour le mode symétrique.

Ci-dessous, nous présentons un exemple d’utilisation de ce modèle. Dans cette situation, le processus relationnel entre harceleur et harcelé relève de la domination-soumission (processus complémentaire), le groupe connaît une situation de conflit (processus symétrique) et l’organisation est animée par des phénomènes de maltraitance managériale (processus complémentaire)

2

.

2

Pour faciliter la présentation de l’exemple, nous ne prenons ici qu’un processus par niveau, mais il est évident que dans les situations, on trouvera fréquemment plusieurs processus par niveau.

Harceleur

Harcelé Groupe

Groupe Organisation

Relation

(10)

Figure 2 : Exemple d'utilisation de la première version du Modèle d'Analyse

L’étude des résonances consistera par exemple à voir si le conflit groupal renforce le processus interpersonnel de domination-soumission ou si ces deux processus limitent respectivement leurs impacts. On analysera également si le fait que les résonances se produisent entre des processus appartenant au même mode relationnel ou entre des processus de modes relationnels différents joue un rôle dans les effets de rétroaction positive ou négative.

Ayant classé l’ensemble des processus, on pourra décrire, en plus des processus et des résonances, des configurations, c’est-à-dire des modes de répartition des différents processus au sein du Modèle d’Analyse, correspondant à différents cas de figure des situations de harcèlement moral.

Globalement, on peut distinguer des configurations « pures » et des configurations « mixtes ».

Dans les configurations pures, tous les processus d’un même niveau (par exemple tous les processus groupaux) appartiennent au même mode relationnel. Ainsi, dans une configuration pure, on trouvera, par exemple, des processus interpersonnels qui sont tous complémentaires, des processus groupaux qui sont tous symétriques et des processus organisationnels qui sont tous complémentaires.

Parmi les configurations pures, on distinguera les configurations archétypales (tous les processus de tous les niveaux relèvent du même mode relationnel) et les configurations hybrides (au sein de chaque niveau, les processus appartiennent au même mode relationnel, mais ces modes relationnels diffèrent entre les niveaux). L’exemple figurant ci-dessus constitue donc une configuration hybride.

Enfin, lorsqu’au sein d’au moins un des niveaux, on trouve des processus à la fois symétriques et complémentaires, on parlera de configuration mixte. Dans l’exemple qui suit,

Domination- soumission Conflit

Maltraitance

(11)

la configuration est mixte car, au niveau de l’organisation, on trouve des processus à la fois symétriques et complémentaires.

Figure 3 : Exemple d'utilisation de la première version du Modèle d'Analyse, 2

En résumé, les configurations archétypales sont caractérisées par des processus qui appartiennent tous au même mode relationnel, les configurations hybrides sont caractérisées par des différences inter-niveaux mais pas de différences intra-niveaux, et les configurations mixtes par des différences intra-niveaux, et par conséquent inter-niveau également.

3.2. Un second modèle pour penser la complexité!des processus, résonances et configurations

3.2.1. Une représentation intégrée des différents niveaux

Le premier Modèle d’Analyse présentait les niveaux organisés sous forme de cercles concentriques parcourus de flèches pour indiquer les interactions, ce qui constituait un premier pas dans l’approche de la complexité. Le second Modèle permet de montrer comment les différents processus s’enchevêtrent les uns avec les autres, et de mieux rendre compte ainsi de la complexité des processus, résonances et configurations

3

.

3

Ce mode de représentation ne permet plus de montrer que les protagonistes d’une situation de harcèlement moral au travail font partie du groupe et de l’organisation. Ceci est considéré comme un fait acquis. Le fait de pouvoir représenter les interactions entre processus nous est apparu le plus crucial ici et c’est pour cette raison que nous avons eu recours à ce mode de mise en forme du modèle.

Domination- soumission Conflit

Maltraitance Conflit

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Figure 4 : Deuxième version du Modèle d'Analyse LEGENDE :

1 : processus personnels du harceleur 2 : processus personnels du harcelé 3 : processus interpersonnels

4 : processus groupaux à l’égard du harcelé

5 : processus groupaux à l’égard de la situation de harcèlement moral 6 : processus groupaux à l’égard du harceleur

7 : processus relationnels au sein du groupe de collègues : 8 : processus organisationnels à l’égard du harcelé

9 : processus organisationnels à l’égard de la situation de harcèlement 10 : processus organisationnels à l’égard du harcelé

11 : processus relationnels dans l’organisation

Dans cette représentation, on voit que chacun des niveaux comporte une zone propre qui définit ses processus indépendamment de la situation de harcèlement moral ou de ses protagonistes. On trouve ainsi une zone qui comprend les processus relationnels ayant cours dans l’organisation (zone 11, par exemple, la maltraitance managériale dans l’organisation),

1 2

4 5

6

7 11

8

9

10

L’organisation

Le harcelé Le harceleur

Le groupe

3

(13)

une zone qui comprend les processus relationnels intervenant au niveau du groupe (zone 7, par exemple, le conflit au sein du groupe), deux zones qui comprennent les processus personnels de chacun des protagonistes (zones 1 et 2).

On voit aussi, et c’est là un apport majeur de ce modèle, que des zones d’interaction apparaissent (zones 3, 4, 5, 6 et 8, 9, 10).

La zone 3 représente, comme dans le modèle précédent, les processus du niveau interpersonnel.

Les zones 4, 5, 6 et 8, 9, 10 représentent les processus groupaux et organisationnels qui concernent les protagonistes de la situation de harcèlement. Ces zones décrivent donc comment le groupe ou l’organisation se comportent par rapport au harceleur, au harcelé ou à leur relation.

L’ensemble composé des zones 4, 5, 6 sera appelé processus groupal à l’égard de la situation de harcèlement moral (ce qui comprend à la fois les comportements à l’égard du harcelé, du harceleur et de la situation), l’ensemble composé des zones 8, 9, 10 sera appelé processus organisationnel à l’égard de la situation de harcèlement moral (ce qui comprend à la fois les comportements à l’égard du harcelé, du harceleur et de la situation).

Ce modèle permet, comme le précédent, d’aborder les résonances entre les processus. A ce stade, la logique adoptée est similaire à celle du modèle précédent et ne nécessite pas de spécifications particulières.

Le deuxième apport de ce deuxième modèle est de montrer comment le groupe et l’organisation vont agir sur la relation interpersonnelle et influer sur le rapport de forces entre les protagonistes. C’est pourquoi le classement des processus qui se trouvent dans les zones d’interaction sur l’axe symétrie-complémentarité est lié à l’impact que ces processus vont avoir sur la relation interpersonnelle. Dans ce cadre, on pourra dire que certains processus ont pour effet de « complémentariser » la relation de harcèlement, d’autres de la « symétriser ».

Par complémentariser, nous entendons contribuer à l’établissement ou au renforcement d’un processus complémentaire sur le plan interpersonnel. Par symétriser, nous entendons contribuer à l’établissement ou au renforcement d’un processus symétrique sur le plan interpersonnel. On parlera ainsi de processus groupaux ou organisationnels à effet symétrisant ou complémentarisant sur la relation interpersonnelle de harcèlement. Etant donné que le point de départ théorique de la situation de harcèlement moral est celui d’une relation complémentaire dans laquelle cette victime est en position basse, on considérera que tout ce qui contribue à renforcer le harceleur ou à affaiblir le harcelé constitue une complémentarisation, puisque cela renforce la relation de « supériorité » du harceleur sur le harcelé. Au contraire, on considérera que tout ce qui contribue à renforcer le harcelé ou affaiblir le harceleur relève de la symétrisation puisque cela permet d’équilibrer le rapport entre les protagonistes.

La figure suivante montre les quatre modalités d’impact sur la relation de harcèlement. On

trouve en vert les forces symétrisantes, en rouge les forces complémentarisantes. Nous avons

utilisé, pour représenter le rapport de force, le modèle graphique d’une balance.

(14)

Figure 5 : Modalités d'impact des processus groupaux et organisationnels

Le tableau suivant permet une visualisation de ces éléments.

…harceleur …harcelé

Donne plus de ressources, renforce le…

1 Complémentarisation

Exemple : le soutien de l’organisation au harceleur

2 Symétrisation

Exemple : le soutien du groupe à l’égard du harcelé Retire des ressources,

affaiblit le…

3 Symétrisation

Exemple : la réprobation du harceleur par la hiérarchie

4 Complémentarisation

Exemple : l’hostilité du groupe à l’égard du harcelé Tableau 2 : Tableau des impacts

Quatre cas de figure différents apparaissent donc en fonction de l’impact sur les ressources des protagonistes : les éléments peuvent avoir pour effet de donner plus de ressources au harceleur (1) ou au harcelé (2), ou peuvent avoir pour effet de retirer des ressources au harceleur (3) ou au harcelé (4).

Ce renforcement ou affaiblissement des ressources des protagonistes va donc impacter le caractère symétrique ou complémentaire de leur relation. Ainsi, les processus afférant aux cases 1 et 4 relèvent de la complémentarisation puisque soit ils renforcent le harceleur, soit ils affaiblissent le harcelé ; au contraire, les processus afférant aux cases 2 et 3 relèvent de la symétrisation puisque soit ils renforcent le harcelé, soit ils affaiblissent le harceleur.

Pour décrire les configurations, nous prendrons en compte toutes les zones qui concernent la relation de harcèlement. Nous excluons donc, pour l’étude des configurations, la partie du processus groupal qui est indépendante de la situation de harcèlement (zone 7) ; la partie du

Harcelé

Harceleur

(15)

processus organisationnel qui est indépendante de la situation de harcèlement (zone 11) ; la partie des processus personnels indépendants de la situation de harcèlement (zones 1 et 2).

C’est donc, pour le niveau interpersonnel, la zone 3 qui nous intéresse ; pour le niveau groupal, les zones 4, 5 et 6 (processus groupaux à l’égard de la situation de harcèlement) et pour le niveau organisationnel, les zones 8, 9, et 10 (processus organisationnels à l’égard de la situation de harcèlement). Nous avons donc trois zones pertinentes pour l’étude des configurations : une zone interpersonnelle, une zone groupale et une zone organisationnelle.

En gris : les processus pertinents pour l’étude des configurations.

Figure 6 : Zones pertinentes pour l'étude des configurations

A nouveau, on peut distinguer des configurations pures et des configurations mixtes. Pour représenter les configurations, on peut utiliser aussi bien le modèle en diagramme que celui de la balance. C’est que nous allons voir à l’aide de quelques exemples, déclinés chaque fois à l’aide des deux représentations graphiques.

Dans la configuration qui suit, le processus interpersonnel est complémentaire, les processus groupaux à l’égard de la situation de harcèlement sont complémentarisants, les processus organisationnels à l’égard de la situation de harcèlement le sont aussi. Il s’agit donc d’une configuration archétypale : tous les processus relèvent d’un même mode relationnel, la complémentarité.

Figure 7 : Exemple de configuration archétypale

(16)

Figure 8 : Exemple de configuration archétypale 2

Les deux figures suivantes représentent une configuration hybride : le processus relationnel interpersonnel est symétrique, alors que les processus groupaux et organisationnels sont complémentarisants. Au sein d’un même niveau, tous les processus relèvent du même mode relationnel, ce n’est donc pas une configuration mixte.

Figure 9 : Exemple de configuration hybride

Harceleur

Groupe Organisation

Groupe Organisation

Harcelé

(17)

Figure 10 : Exemple de configuration hybride 2

Enfin, le dernier cas de figure est une configuration mixte. Ici, les processus organisationnels sont à la fois symétrisants et complémentarisants. Il y a donc des différences intra-niveau puisque l’organisation joue un rôle ambivalent.

Figure 11 : Exemple de configuration mixte

Harcelé Harceleur

Groupe Organisation

Groupe Organisation

(18)

Figure 12 : Exemple de configuration mixte 2

Etant donné que le Modèle d’Analyse porte sur les processus relationnels, leurs interactions et les configurations qui en découlent, les autres données, relatives à des thématiques qui ne relèvent pas de processus relationnels (éléments matériels, caractéristiques et organisation du travail, localisation, …), seront placées autour du modèle. C’est là le troisième apport de ce deuxième modèle à savoir opérer la différence entre des processus relationnels et des fonctionnements ou éléments groupaux ou organisationnels plus généraux.

3.3. L’utilisation des modèles

Afin d’assurer la progressivité de la démarche, au cours de la phase exploratoire, les études d’accompagnements cliniques, nous utiliserons la première version du modèle.

Au sein de la phase confirmatoire, les études de cas de témoignages, nous utiliserons la deuxième version du modèle. Ce sera également le cas dans l’étape confrontatoire, l’étude de cas en organisation.

Harcelé Harceleur

Groupe Organisation

Groupe Organisation Organisation

Organisation

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