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U N NOUVEL URBANISME

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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U N N O U V E L U R B A N I S M E P O U R P A R I S

La maîtrise de l'évolution de l'urbanisme à Paris est facilitée par l'existence d'une mairie de plein exercice. Mais elle implique à la fois une extrême délicatesse dans l'intervention (à cause du merveilleux patrimoine architectural de la ville) et de l'audace pour éviter le fractionnement social et favo- riser l'introduction d'équipements lourds.

L

es dictionnaires définissent successivement ou conjoin- tement l'urbanisme comme une science ou comme un art. L a difficulté de formuler une définition plus précise tient probablement à l'aspect polymorphe du concept dont chacun s'accorde pourtant à penser que sa finalité est d'aménager les villes de telle sorte que les habitants y vivent heureux.

Appliqué à Paris, l'exercice est complexe et spécifique.

Cette spécificité découle, d'abord, de l'Histoire qui a légué à la ville un patrimoine architectural considérable impliquant une extrême délicatesse dans l'intervention, et, ensuite, de la situa- tion territoriale d'une cité dont le périmètre est figé, sans perspective d'extension depuis 1859. Elle doit, enfin, prendre en

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compte les grandeurs et servitudes d'une ville capitale où l'Etat est très présent.

L'urbanisation de la ville résulte d'une évolution lente qui, à partir du noyau originel du village gallo-romain, s'est développée en spirale jusqu'à l'occupation, aujourd'hui, de la quasi-totalité des sols disponibles.

Ce développement a été relativement bien maîtrisé au cours de l'Histoire. Comparé à la plupart des grandes villes modernes d'origine ancienne, Paris représente un ensemble urbain cohérent qui, plus que d'autres, a su intégrer au mieux au patrimoine historique les réalisations nouvelles intervenues au fil des siècles. Il est à noter que l'essentiel de ces apports n'est pas dû à l'application méthodique d'un plan à long terme, mais qu'il résulte plutôt d'une succession d'impulsions sporadiques et ponctuelles dues généralement à la volonté d'un homme disposant à la fois d'un grand dessein, d'une volonté politique affirmée et des moyens financiers permettant de les mettre en œuvre.

Les mutations successives de Paris ne semblent pas avoir, sauf exception, leur origine dans des choix collectifs ou des décisions d'assemblées.

L'empreinte de Georges-Eugène Haussmann

L a plus importante et la plus notoire de ces inter- ventions dans un passé relativement proche fut celle de Napoléon III et de Georges-Eugène Haussmann, préfet de la Seine, pendant dix-sept ans.

La première moitié du xx< siècle a correspondu à une période de stagnation relative due, en partie, aux deux guerres mondiales et à leurs répercussions.

La plus importante réalisation de cette période fut, en- tre les deux guerres, celle de la couronne périphérique d'immeu- bles à vocation sociale réalisée à l'emplacement des fortifica- tions démantelées. Cette opération est surtout intéressante par- ce qu'elle constitue la première intervention de grande ampleur de la puissance publique en matière de construction sociale.

Ce n'est qu'au début des années cinquante que de nouveaux projets importants furent mis en chantier.

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Ils sont maintenant fort critiqués, souvent ajuste titre.

Il convient, pourtant, afin d'être équitable à l'égard de leurs auteurs, de les replacer dans le contexte de l'époque. Les besoins en logements étaient considérables, car on n'avait pratiquement pas construit à Paris, depuis vingt ans. Il fallait faire vite, donc souvent improviser.

Par ailleurs, les idées de Le Corbusier imprégnaient l'esprit des bâtisseurs, qui pensaient, avec l'inventeur du Modulor, qu'il était souhaitable de construire en hauteur pour libérer les sols.

Le souci du rendement marqua aussi beaucoup cette époque, qu'il s'agisse de construction sociale ou de construction privée.

Dans le premier cas, les réalisations les plus économi- ques et à haute densité prévalurent. Elles eurent comme résultat la construction de « grands ensembles sociaux » à l'architecture médiocre, dont les inconvénients apparurent très vite : ségréga- tion sociale, délinquance ou problème de simple sécurité.

Ces constructions, aujourd'hui tant décriées, eurent néanmoins le mérite de mettre à la disposition des Parisiens des logements à loyer modeste, correctement équipés.

E n ce qui concerne la promotion privée, rien de bien satisfaisant n'a été édifié à cette époque. Les constructeurs, usant jusqu'à leur extrême limite des droits de construire, densifièrent au maximum les parcelles. Le souci du rendement éclipsa, dans la plupart des cas, les préoccupations architectura- les. Même dans la construction de grand luxe, la notion élémentaire de générosité dans le dimensionnement des parties communes disparut.

Par ailleurs, l'absence de documents d'urbanisme efficaces ne permit ni la réalisation des équipements publics qui s'imposaient ni souvent une cohérence élémentaire dans l'amé- nagement des quartiers.

Paris a désormais un maire de plein exercice

Cette situation se perpétua jusqu'aux alentours des années soixante-dix, pour prendre un tournant définitif en 1977, à la suite de la modification du statut de Paris. A cette date, la

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mise en place d'une municipalité de plein exercice et l'élection d'un maire de Paris permirent la révision complète des orienta- tions de l'urbanisme parisien et l'affirmation des tendances qui se manifestaient depuis quelques années. Cette politique ne put être entreprise que parce qu'il existait désormais de bons documents d'urbanisme, tels que les schémas directeurs et les plans d'occupation des sols, qui précisaient les orientations et les choix des responsables de la ville.

Un certain nombre d'idées nouvelles furent alors systématiquement appliquées.

Il convenait, désormais, dans les importantes opéra- tions d'urbanisme, de respecter la volumétrie générale de la ville et il ne s'agissait plus d'implanter plus ou moins bien, et plutôt mal que bien, des objets insolites dans le tissu ancien, mais bien de créer des quartiers nouveaux en s'insérant au mieux et avec modestie dans l'existant, c'est-à-dire en respectant les hauteurs traditionnelles, en continuant le linéaire habituel de la rue parisienne et en reportant en cœur d'îlot, chaque fois que cela était possible, les espaces verts de proximité et les équipements.

Il fallait, aussi, substituer aux grandes percées, rocades ou radiales, la continuation du réseau viaire parisien, en abandonnant la multitude d'alignements nouveaux envisagés à la période précédente et dont le résultat le plus tangible avait été la création de ces « dents creuses » qui déparent tant de rues parisiennes, sans espoir de voir l'alignement général de la voie réalisé dans un délai raisonnable.

Les récentes zones d'aménagement concerté livrées à l'habitation ces toutes dernières années répondent à ces orienta- tions et sont, semble-t-il, bien accueillies par la population qui y trouve, cette fois, le cadre de vie auquel elle aspirait.

Il est important, toutefois, de signaler que ces opéra- tions sont plus onéreuses et plus consommatrices de surface que les opérations anciennes. C'est probablement le prix qu'il convient de payer pour moderniser la ville, tout en lui gardant sa dimension humaine.

C'est aussi à cette époque que fut prise une décision lourde de conséquences pour l'aménagement de Paris car, à cette volonté globale de mettre en œuvre un nouvel urbanisme pour la capitale, s'est ajoutée la décision politique de faire alors porter l'essentiel de l'action de la Ville à l'est de Paris. C'est sur

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ce vaste croissant s'étendant du X V I Ie au X I I Ie arrondissements que sont programmées la plupart des cinquante opérations publiques prévues dans les quinze prochaines années.

Les « beaux quartiers » de l'Ouest avaient depuis deux siècles accueilli les classes les plus aisées de la population. Les ministères, les ambassades, les grandes institutions y étaient implantés.

Parallèlement, les architectes, les urbanistes, les artis- tes y avaient concentré leur attention et leur talent par la création de monuments, de larges avenues, de nobles perspecti- ves, de jardins et de parcs.

Les riches à l'ouest, les pauvres à l'est ? On n'en est plus là

A quelques rares exceptions près, i l y avait donc un Paris noble et relativement riche à l'ouest, et un Paris médiocre et relativement pauvre à l'est.

Tout donnait à penser que cette tendance historique allait se poursuivre et accentuer une distorsion qui apparaîtrait de plus en plus choquante.

Le maire de Paris a souhaité infléchir de façon notable et spectaculaire cette tendance ancestrale, et des instructions ont été données aux différents services de la Ville pour que, désormais, les études et les crédits soient prioritairement affectés aux quartiers est de la capitale.

Ces secteurs sont grevés de lourds handicaps : ils accueillent souvent les classes les plus pauvres de la population, et parmi celles-ci le pourcentage d'immigrés est très supérieur à la moyenne de la ville. L a qualité de l'habitat y est médiocre, i l s'agit parfois d'îlots insalubres.

Les équipements publics très importants par rapport à la moyenne sont, néanmoins, souvent insuffisants, compte tenu de la nature et des besoins spécifiques de la population, et les espaces publics sont médiocrement traités. En revanche, ou plutôt comme corollaire, cette situation comporte des avantages certains : la nature même de l'habitat rend plus faciles et plus souhaitables les démolitions d'immeubles, l'existence de zones

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industrielles désaffectées offre des opportunités foncières non négligeables, la nature du terrain laisse apparaître un relief intéressant, susceptible d'être exploité utilement pour des projets d'urbanisme ; enfin, la présence de la Seine, de plans d'eau et de canaux, ouvre des possibilités d'aménagements pittoresques.

C'est au vu de cet ensemble d'éléments qu'a été mis en œuvre le Plan de l'Est parisien, qui constitue - et constituera encore plus dans les prochaines années - l'objectif principal de la Ville en matière d'urbanisme.

Cet ensemble de choix et de décisions ainsi que l'importance des moyens mis en œuvre pour les réaliser administrent la preuve que l'urbanisme est l'une des préoccupa- tions essentielles de la municipalité de Paris. Il convient, toutefois, en une telle matière, d'être prudent et modeste, car si l'on a pu dire que l'aménagement des villes consistait à modeler une tendresse sur une contrainte, c'est bien la preuve que l'urbanisme n'est pas une science exacte. L'avenir seul dira si ces choix étaient bons...

Une fois encore la conclusion pourrait être fournie par l'inépuisable Eupalinos, à qui Valéry faisait dire que « ce qui importe c'est d'obtenir de ce qui va être, qu'il satisfasse avec toute la vigueur de sa nouveauté aux exigences raisonnables de ce qui a été ».

B E R N A R D R O C H E R

Bernard Rocher, soixante-sept ans, est adjoint au maire de Paris, chargé de l'urbanisme.

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