NOTE
INFLUENCE D’UN APPORT DE LYSINE
DANS L’ALIMENT SOLIDE OU DANS L’EAU DE BOISSON SUR LES PERFORMANCES DE CROISSANCE DU LAPIN
M.
COLIN,
F. LEBAS A. DELAVEAU Station de Recherches surl’Élevage
desPorcs,
Centre national de Recherches
zootechniques,
I. N. R.A.,
78350Jouy
enJosas
RÉSUMÉ
Les auteurs ont étudié chez le
Lapin
lapossibilité
desupplémenter
une ration déficiente enlysine
par unapport
de cet acide aminé dans l’eau de boisson.Après
8jours
depréexpérience,
24lapins
sontrépartis
en 3 lots soumis à différents traitements.Le
premier
consiste en la distribution d’un aliment dont le taux delysine
est inférieur au besoin.Pour le second
traitement, l’apport
delysine
est sensiblementégal
à ce besoin. Dans le troisièmetraitement,
les animauxreçoivent
lerégime
déficient enlysine,
mais cet acide aminé estajouté
à l’eau de boisson à une concentration assurant une
ingestion
totalethéorique
delysine identique
à celle
enregistrée
dans le deuxième traitement.L’apport
delysine supplémentaire
améliore très fortement la croissance(-!-
50 p.100 )
etl’efficacité alimentaire
(+
20 à -i- 30 p.100 )
des animaux. Le troisième traitementpermet
desperformances légèrement supérieures
à cellesenregistrées
dans le cas de la distribution durégime équilibré
enlysine,
par suite d’uneplus grande
consommation d’eau donc delysine.
L’étude de l’évolution des consommations dans le
temps
montre quel’appétit
duLapin peut
êtretrès sensiblement modifié par la
proportion
delysine
dans lemélange
alimentaireingéré (liquides
+
solides).
INTRODUCTION
Dans des travaux
précédents (COLIN,
1973 et1974 )
l’un d’entre nous a estimé le besoin enlysine
dulapin
en croissance ào, 55 -o,6 5
p. 100durégime.
Afin de tenircompte
des variations de consommation desanimaux,
il estplus rigoureux d’exprimer
le besoin enquantités ingérées
quotidiennement :
celui-ci serait alorscompris
entre 500 et 600 mg delysine
parjour
pour desanimaux
âgés
de 5 à io semaines.Toutefois,
un tel mode de formulation du besoin est d’un usagepratique difficile,
tout au moins tant que lalysine
estapportée
exclusivement par un aliment solideunique.
Par contre, la distribution d’une solution aqueuse delysine pourrait permettre
àl’éleveur de mieux moduler
l’apport
total delysine
et de couvrir avecplus
deprécision
le besoindes
lapins.
En ce sens, il nous a semblé utile d’étudier la
possibilité
desupplémenter
unrégime
déficienten
lysine
parapport
de cet acide aminé dans l’eau de boisson.MATÉRIEL ET MÉTHODES
Animaux
Vingt quatre lapins
croisés(L EBAS , 1975 ),
des 2sexes et,âgés de 5 semaines
sont alimentésune semaine avec un
régime préexpérimental ;
ils sont alorsrépartis
entre les trois traitementsexpérimentaux.
Les animaux sontlogés
dans des conditionsdéjà décrites, (COLIN,
ARKHuRsT etL
EBAS
, 1973 ).
Les abreuvoirs à surface d’eau libre sont reliés à deséprouvettes graduées permet-
tant de connaître les consommations d’eau par lecture directe avec une
précision de =1:
5 g.Régimes
alimentaivesTrois aliments
semi-purifiés
à base de tourteau de sésame ont été utilisés(tabl. i)
en raisonde la faible teneur en
lysine
desprotéines
de sésame. Les 2régimes expérimentaux respectivement
carencé et
équilibré
enlysine
sontidentiques
à ceuxprécédemment
décrits par COLIN en 1974.La
lysine
additionnelle de l’alimentéquilibré
a été fournie par duchlorhydrate
deL-lysine
enremplacement,
sur une baseisoazotée,
d’unepartie
duglutamate
de sodium durégime
carencé.La teneur en
lysine
de l’alimentpréexpérimental
estégale
à la moyennearithmétique
dcstaux de cet acide aminé dans les deux
régimes expérimentaux.
Traitements
expérimentaux
Les deux
premiers
traitements consistent en la distribution à volonté de l’un des deux ali- mentsexpérimentaux.
Dans le troisièmetraitement,
les animauxreçoivent également
ad libitum l’aliment carencé enlysine.
Mais àpartir
du deuxièmejour,
de lalysine
estajoutée
à l’eau de boisson à une concentration telle que ceslapins ingèrent
au totalapproximativement
la mêmequantité
delysine
que ceux recevant l’alimentéquilibré.
La teneur enlysine
de la solution est, pour chacune des 8répétitions,
fixéequotidiennement
ensupposant
que pour lejour
considéréla consommation d’aliment solide sera
identique
à celle de la veille et que les animaux boirontune
quantité
d’eauégale
à la moyenne de celle des troisjours précédents.
La solution nécessaire pour la conduite del’expérience pendant
zlheures,
estfabriquée chaque jour
àpartir
delysine
en
poudre.
Les
lapins reçoivent
l’alimentpréexpérimental pendant
8jours ; puis
ils sontrépartis
entreles trois traitements pour une durée de io
jours.
Contrôles
effectués
Les animaux sont
pesés
au début et à la fin de lapériode expérimentale.
Leur consommation d’aliment est relevéequotidiennement
parpesée
desquantités
distribuées et refusées. Les consom-mations d’eau sont lues -
également quotidiennement
- sur leséprouvettes graduées.
ExpLoitation
des résultatsL’expérimentation
est menée selon un schéma en blocscomplets équilibrés. L’exploitation statistique
des résultats est réalisée par uneanalyse
de variance et par un test de Newman et Keuls(DncrrELm, 1970).
RÉSULTATS
La
supplémentation
enlysine
améliore très fortement lesperformances
decroissance,
de consommation et d’efficacité alimentaire(tabl. 2 )
des animaux. Les différencescorrespondant
aux deux modalités
d’apport
de lalysine
sont faibles et nonsignificatives,
sauf en cequi
concernel’ingestion
deliquide plus
élevée pour les animauxayant
reçu de lalysine
en solution( 237
g contre 207g/j).
Laquantité
totale delysine ingérée
estlégèrement plus
forte dans le troisième traitement que dans le deuxième. Enfait, l’apport global
delysine correspond
pour le troisième traitement à celuiqu’assurerait
unrégime
à 0,70 p. 100delysine.
L’étude de l’évolution des
quantités
d’alimentingérées quotidiennement (fig. i)
montre que le passage durégime préexpérimental
à o,5o p. 100 delysine
à celuiapportant
cet acide aminéau taux de
0 ,6 3
p. 100 neperturbe
pas la consommationqui
continue à croître. Par contre, dans les deux autrestraitements,
leslapins qui
cejour précis
nereçoivent qu’un régime
à0 , 3 8
p. 100 delysine
réduisent leur consommation parrapport
à la veille de 13 p. 100dans un cas, 18 p. 100 dans l’autre. L’addition delysine
a l’eau de boisson compense cet effet et laquantité
d’alimentingérée
par les animaux devient lejour
mêmepratiquement égale
à celle observée dans le cas durégime équilibré.
La consommation deliquide (fig. 2 )
croît de 41 p. 100lejour
où les animauxreçoivent
la solution delysine
et ensuite se stabiliseapproximativement
au niveau ainsi atteint(
2
3
0
-270 g/jour).
DISCUSSION
Le nivcau très élevé des
performances enregistrées peut
êtrepartiellement
attribué au faitque
l’expérience
a été menéependant
les7 c
et 8e semaines de vie desanimaux, qui correspondent
pour le
Lapin
à unepériode
dedéveloppement pondéral
maximum(P RUD ’ HON ,
VEZINET etC
A NTIER, Ic)70).
Les résultats
enregistrés
confirment que l’addition delysine
à unrégime
déficient améliore très fortement la croissance et l’efficacité alimentaire des animaux(COLIN,
1973 et1974 ).
Lesdeux formes
d’apport
delysine permettent
- à des dosesapproximativement identiques
- desperformances comparables.
Leslégères
différencesenregistrées
en faveur des animaux recevant de lalysine
en solutionpeuvent
enpartie s’expliquer
par les difficultés rencontrées lors de l’extra-polation
des consommationsliquides
et solides. Leslapins
affectés à ce traitement ont effecti- vementingéré
100mg/jour
delysine
deplus
que les autres. Or, si les recommandations pourl’apport journalier
ont pu être fixées à 600mg/jour environ,
ilapparaît
néanmoins que lesgains
et
poids
et les indices de consommation continuent à êtrelégèrement
améliorés pour des dosesplus
élevées(COLIN, 1974 ). W ALSTIZOM ,
TAYLORet SEERLEY( 1970 ),
SEERLEY etal., ( 1973 )
ontégalement signalé
chez le Porc comme chez le Rat quel’apport
delysine
dans l’aliment ou dans l’eau de boisson améliore defaçon identique
lesperformances
de croissance. Ces derniers auteurs ont, deplus,
montréqu’une
solution delysine
conserve la même efficacité durant 31jours
aumoins. Cela nous
permet
d’admettrequ’une
éventuelledégradation
de lalysine
en solution nepeut
être quenégligeable pendant
les 24 heures où nous l’avons utilisée.L’évolution des consommations au cours du
temps indique
quel’appétit
deslapins,
pourun aliment solide
équilibré
parailleurs, dépend
de laproportion
quereprésente
lalysine
dans lemélange
alimentaire totalingéré (solide
1-liquide).
Le sens de cesvariations,
larapidité
aveclaquelle
elles succèdent aux modifications del’apport
delysine
sont àrapprocher
desphéno-
mènes cités par HARPER
( 19 6 5 )
chez le Rat.D’après
cet auteur, undéséquilibre
par excès d’un ouplusieurs
acides aminés essentielsdéprime
la consommation d’aliments en moins de 24 heures.RosE
( 193 8)
aégalement souligné
que le retrait total d’un acide aminé essentiel entraînerapide-
ment une chute de
l’appétit
du Rat. Nos résultats semblent doncs’interpréter
dans le cadreplus général
de l’influence del’équilibre
en acides aminés essentiels de la ration surl’appétit.
Cesphénomènes peuvent s’expliquer
soit par une action directe des acides aminés libres du sang sur le centre de la satiété(HARPER, 19 6 5 ),
soit par une demandeénergétique
accrue, elle-même consé- quence d’uneaugmentation
de laprotéinogénèse
lors d’unapport supplémentaire
delysine (R
ÉR AT, I()!I).
Par
ailleurs,
la brutaleaugmentation
de laquantité
deliquide
que boivent leslapins,
lors del’addition de
chlorhydrate
delysine
àl’eau,
montre que ces animaux sont très sensibles à lapré-
sence de ce corps. Cette observation diffère de celles réalisées chez le Porc ou le Rat
qui
modifientpeu leur consommation d’eau
(W ALSTI20 nz,
TAYLORet Sz:EaLZ;v et al.,1973 ).
Il convientcependant
de rester
prudent
dansl’interprétation
de ce faitqui pourrait
êtreprovoqué
par l’acide aminé lui-même aussi bien que par l’acide dechlorhydrique apporté
par lemonochlorhydrate
delysine.
En
conclusion,
une ration déficiente enlysine peut
êtresupplémentée
par unapport
de cetacide aminé dans l’eau de boisson. Des
lapins
soumis à un tel traitementprésentent
desperfor-
mances
légèrement supérieures
à celles obtenues avec unrégime
dont lesprotéines
sontapproxi-
mativement
équilibrées
enlysine.
LeLapin
s’avère donccapable d’ajuster
soningestion
d’élé-ments
protéiques
àpartir
d’une solution(pour
lalysine
tout aumoins).
Ce fait est à mettre enparallèle
avec lacapacité
du Rat à maintenir sa consommation deprotéines lorsque
celles-ci sontapportées
exclusivement par une solutiond’hydrolysat
de caséine à concentration variable(RozrN, Ic!6H).
Enfin,
cetteexpérience
asouligné
les relations étroites existant entre le taux enlysine
dumélange
alimentaireingéré
et la consommationspontanée
d’aliment solide par leLapin.
Reçu par !ubticatiozz
en décembre !.974.SUMMARY
INFLUENCE OF A SUPPLY OF LYSINE IN THE FOOD RATION OR IN THE DRINKING-WATER ON THE GROWTH PERFORMANCES OF RABBITS
The
possibility
ofsupplementing
a deficientlysine
diet with an addition of this amino acid to thedrinking-water
was studied in the rabbit.After a
pre-experimental period
of 8days,
24rabbits
were divided into 3 groupssubjected
to different treatments. In the first treatment, the
lysine
level of the diet was lower than therequi-
rement. In the second one, the
supply
oflysine
almostcorresponded
to therequirement
and inthe third one, the animals received the
lysine
deficient diet, but this amino acid was added to thedrinking-water
at a concentrationtheoretically ensuring
a total lvsine intake identical to that recorded in the second treatment.The
supplementary supply
oflysine highly improved growth (-f-
5o p.ioo)
and feedefficiency (+
20
to + go p.ioo)
of the animals. The third treatment led toslightly
betterperformances
thanthose recorded in the case of the
lysine
balanced diet because of ahigher
water intake, and conse-quently
ahigher lysine
intake. Thestudy
of thechange
of foodconsumptions
in the course oftime showed that the
appetite
of the rabbit may benoticeably
modifiedby
theproportion
oflysine
in the mixture of foodingested (liquid
-!solid).
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