CONTRIBUTION
AL’ÉTUDE
DES
ÉCHANGES ÉNERGÉTIQUES
DU MOUTONA. M. LEROY S. Z. ZELTER
laboratoire de Recherches de Zootechnie de l’Institut National
Agronomique,
’ Paris
PLAN DU MÉMOIRE
I. - Exposé du problème.
II. - Méthodes utilisées au cours des recherches.
III. - Résultats expérimentaux.
IV. - Détermination de l’action dynamique spécifique des aliments ingérés en fonction de leur teneur en matière sèche.
V. - Conclusion : utilisation des résultats obtenus pour le calcul des rations destinées aux moutons.
I. -
EXPOSÉ
DU PROBLÈMETrès peu
d’expériences complètes
demétabolisme,
avec détermina- tion desingesta
et des excretasolides, liquides
et gazeux ont été effectuéssur des animaux de
l’espèce
ovine. En raison de leur faiblepoids,
cesderniers se
prêtent cependant
fort bien aux essais enlaboratoire,
etnous avons utilisé cette facilité pour étudier par
comparaison
l’utilisation desfourrages
par les agneaux en cours de sevrage et par des adultes.Nous avons observé des
sujets appartenant
à la race I1e-de-hrance et à la race deTexel, comprenant
des agneaux de 2à 4 mois,
des brebisen lactation et une brebis récemment
séparée
de sonpetit
et ne donnantplus
de lait.’ II. - MÉTHODES
UTILISÉES
AU COURS DES RECHERCHESAu cours de ces
recherches,
les animaux ont étéplacés
dans descages
métalliques
suffisammentgrandes
pour leurpermettre
de se mou-voir aisément. Ces cages étaient munies dans leur
partie
inférieure d’unvaste réservoir en forme
d’entonnoir,
surmonté d’unjeu
degrilles, permettant
laséparation
facile des fècès et de l’urine. Pour mesurer leséchanges
gazeux, ces cagespouvaient
être recouvertes à volonté d’uneenveloppe métallique rigide,
munie dehublots,
que desjoints hydrau- liques permettaient
de rendre étanche. Unjeu
depalans
rendait à la fois aisée etrapide
la manoeuvre del’appareil.
Cedispositif,
par son fonctionnentent,ménageait
à l’animal un volume d’air de r qoolitres,
ce
qui permettait
la mesureprécise
deséchanges
gazeux,pendant
desdurées variant de 20 à 45
minutes,
par la méthode de confinement. Desanalyses
de gaz, effectuées immédiatement avant etaprès chaque opé- ration,
nous faisaient connaître la consommationd’oxygène
ainsi que l’émission. de gazcarbonique
et de méthanependant
la durée del’expé-
rience. Un
répétant
cesopérations
aux diverses heures deplusieurs journées
successives, il nous étaitpermis
de suivre l’évolution de la dé- pensed’énergie
de nos animaux, par la connaissance que nous avions de. d, ’ t d t. t ..
CO
leur consommation
d’oxygène
et duquotient respiratoire ()2 correspon-!2
dant. Nous avions ainsi la faculté d’observer la
dépense énergétique
dechaque sujet pendant
ses repas, cequi
n’aurait pas étépossible
si nousavions utilisé des masques
respiratoires,
comme l’avaient fait auparavant d’autresexpérimentateurs.
Des
analyses
nombreuses nous faisaient connaîtreégalement
lacomposition
des alimentsingérés,
etparticulièrement
leur teneur enazote et en carbone Les excréments solides et
liquides
ont étéégalement analysés
avec soin. Aplusieurs reprises,
nous avons fait dans la cloche desprélèvements
d’air d’unevingtaine
delitres, qui
nous ont servi pour ledosage
du méthane,après
combustion à lagrille
de ce dernier pour obtenir sa transformation en gazcarbonique.
Les
quantités d’énergie
brutecorrespondant
auxingesta,
aux fècèset à la matière sèche de l’urine ont été évaluées
après
combustion dansune bombe
calorimétrique
deFerry.
Lesrenseignements
recueillis nousont ainsi
permis,
pour despériodes
d’observation dequatre
àcinq jours,
d’établir les bilans du carbone et de l’azote de nos
animaux,
et d’en dé- duire, par la méthode de calorimétrie indirectecorrespondante,
la quan- titéd’énergie dépensée quotidiennement
par l’animal. Ceci nous a pro- curé lapossibilité
de vérifier l’exactitude des mesures de métabolisme directement déduites de la consommationd’oxygène,
dont les donnéesse trouvaient ainsi assez bien
recoupées,
endépit
dequelques petites
erreurs inévitables en raison de la
longue
durée et de latechnique
de nosessais.
Toutes ces observations ont été faites dans un local dont la
tempé-
rature s’est maintenue constamment entre 15 et
1 8°,
cequi
excluaittoute
possibilité
de l’intervention d’un mécanisme derégulation
ther-mique capable,
par le coûtsupplémentaire d’énergie qu’il
auraitentraîné, d’apporter
desperturbations
dans nos mesures.Enfin,
nous croyonsutile de
rappeler
que nous avonstoujours
fait nosprélèvements
de gaz dans la clocheaprès brassage
del’atmosphère
au moyen d’un ventila- teur, et que nous n’avonsjamais
oublié de tenircompte
des corrections detempérature
et depression indispensables
à l’exactitude desanalyses
de gaz.
III. - R!SULTATS EXPÉRIMENTAUX
A titre
d’exemple,
nousindiquons ci-dessous,
pour un agneau sevréâgé
de 3mois,
la variation deséchanges respiratoires
en fonction de cesmêmes
échanges
mesurés de six à huit heures dumatin, pendant
lerepos, sur un
sujet
àjeun, depuis
laveille,
à 17 heures. Laquantité d’oxy- gène
mesurée dans ces conditions a étéprise
conventionnellementégale
à IOO.
Au cours de cette
expérience,
ladépense
horaireminimum,
observée dans lamatinée,
était de 75calories,
alors que celle du métabolisme d’entretiencorrespondant,
calculéed’après
lepoids
dusujet
- 31kg —
était de 40,
calories ( 1 ).
Pour mieux étudier le
phénomène
de la hausse dumétabolisme, qui
se
produit pendant
le repas, nous avons distribué au mêmeanimal,
lasemaine suivante, des repas
composés
chacun de 75g demélange
concentréet de i5o g de carottes,
correspondant
à iSo g de matière sèche. Apartir
de 10 heures, les repas se sont succédés toutes les deux heures et
demie, jusqu’au dernier,
consommé àpartir
de 22 h 30.Les aliments ont été
mangés
dansl’appareil
àconfinement,
et ladurée de chacun de ces six repas a été limitée à 30 minutes. Comme les
précédents,
les résultats de la consommation horaired’oxygène
pour les différentesexpériences
ont étécomparés
au métabolisme minimum de lajournée,
mesuré à six heures du matin.(’) Il s’agit ici, comme dans toute la suite de cet exposé, de grandes calories, c’est-3-dire de
calories-kilogramme.
Annales de Zootechnie. - 1954
Des essais effectués selon le même
principe
ont étéentrepris
surune brebis en lactation de la race de
Texel, pesant
54kg, qui
donnait parjour
1.026 grammes de lait à6, 5
p. 100 de matière grasse. Cette brebisa été alimentée
pendant quatre jours
au moyen de 4 repasquotidiens, séparés
par des intervalles de 6 heures. La nourriture distribuée était formée d’unmélange d’orge, d’avoine,
de son deblé,
de tourteau de linet de farine de luzerne. I,a matière sèche
ingérée
en un repas était de 425 grammes.I,a consommation horaire minimum
d’oxygène,
mesurée immédia- tement avant l’un des repas, a étéégalement prise
ici comme terme decomparaison.
En
multipliant
lesprises d’essai,
pourchaque animal,
aux divers instants de lajournée
et de lanuit,
il nous a étépossible,
au coursd’expé-
riences durant chacune
plusieurs jours,
de construire parpoints
la courbedes
échanges
gazeux de nos diverssujets,
et d’en déduire aisément leur consommation moyenne horaired’oxygène
ainsi que lequotient respira-
toire
correspondant.
A titre
d’exemple,
nousreproduisons
ci-dessousintégralement
lesdonnées de deux
expériences,
dont l’une serapporte
à un agneau nonsevré,
et l’autre à une brebis. Tous nos
essais,
au nombre de ii, ont donné lieu à l’établissement de tableaux établisd’après
cesmodèles,
que nous nousexcusons de ne
pouvoir reproduire
tous en détail.1. -
Quantité
etcomposition
des alimentsingérés par jour :
II. -
Quantité
etcomposition
des excréments solides émispar jour :
III. -
Quantité
etcomposition
de l’urine émisepar jour :
IV. - Balan.ce de l’Azote :
V. - Balance du Carbone :
VI. - Balance de
l’énergie :
VII. -
Analyse
desComposants organiques
des tissus de croissance :II. -
Quantité
etc UJ nposition
des excréments solides :III. -
Quantité
etcomposition
de l’urine’IV. - Balance de l’Aznte :
V. - Balance du Carbone :
VI. - Balance de
l’Eii(,,Ygie :
VII. -
Analyse
descomposants organiques
des tissus de croissan-ce.Voici, maintenant,
les résultats des iiexpériences entreprises,
dont8 sur agneaux sevrés et non
sevrés,
et 3 sur brebis en lactation et tarie.Pour chacune de ces
expériences,
nous avonsindiqué
les bilans de l’éner-gie,
de l’azote et des matièresazotées,
du carbone et des matières grasses.Les données ainsi recueillies nous ont
permis,
en outre, de calculer l’éner-gie
desgains
oupertes organiques
de nos animaux par les deux méthodes différentes de la calorimétrie indirecte.II. - Bilans de l’Azote et des matières azotées :
A gneaux
non-sevrésAg!aeaux
sevrésIII. - BiGans du carbone et des matières gvasses :
A gneaux
non-sevrésAgneaux
sevrésIV. -
Comparaison
des résultats obtenuspar
les deux modes de calcul .Agiîeaux
non-sevrésAgneaux
sevrésB. -
Expériences
sur brebisI. - Brebis
ayant
sevré son agneau - Bilans del’énergie
Byebis en lactation’
II. - Bilans de l’azote et des matières azotées : Brebis
ayant
sevré son agneau :Brebis en lactation:
III. - Bilans du carbone et des matières grasses Brebis
ayant
sevré son agneauBrebis en lactation
IV. -
Comparaison
des résultats obtenuspar
les deux modes de calcul :B y
ebis
ayant
sevré son agneauIV. —
DÉTERMINATION
DE L’ACTIONDYNAMIQUE SPÉCIFIQUE
DES ALIMENTS
INGÉRÉS
EN FONCTION DE LEUR TENEUR EN
MATIÈRE SÈCHE
Nous avonsmontré,
dans un travailprécédent,
que si l’on retire del’énergie
métabolisablecorrespondant
àl’ingestion
d’une ration donnée la somme del’énergie
d’entretien et del’énergie
de laproduction (E
+P), qui représente l’énergie
nette, le résultat obtenu est très voisin de laquantité
de matière sècheingérée multipliée
par un coefficient voisin de l’unité. Nous savons, eneffet,
que la consommation des alimentsentraîne,
par le
jeu
d’une série dephénomènes
encore mal connus, uneaugmentation
considérable de la consommation
d’oxygène pendant
etaprès
le repas.Avec les données
précédentes,
il nous estpossible
de vérifierl’appli-
cation de cette
règle.
Voiciquels
sont les résultats de cesopérations (tableau VII).
Dans cetableau, l’énergie
métabolisable estreprésentée
parM, E représente l’énergie d’entretien,
déduite dupoids
vif del’animal,
et P
représente l’énergie
des tissus formés ouempruntés
àl’organisme augmentée
s’il y a lieu del’énergie
du lait.Enfin,
la matière sèche estdésignée
par Ms.Il est intéressant de comparer la moyenne de ces
résultats, qui
estexactement de 1,00 1--!- 0,027, à celle des mesures
analogues
que nousavons obtenues au cours de nos études sur le métabolisme des agneaux
ne recevant que du lait.
La moyenne de ces dernières étant de
1 , 0 6
±o,oig, il
est aisé devoir que sa faible différence -
0 , 0 6 ±
0,035 avec le résultat que nous venons d’obtenir estdépourvue
designification.
Nous pouvons donc admettre quel’énergie perdue
au cours de la consommation des aliments et de leurdigestion, qui s’ajoute
à ladépense d’entretien,
estégale
ap-proximativement
à autant de caloriesqu’il
y a de grammes dans la ma-tière sèche
ingérée.
V. - CONCLUSION — UTILISATION DES
RÉSULTATS
OBTENUS AU CALCUL DES RATIONSDESTINÉES
AUX MOUTONS Il estpossible
de tirer de ces constatationsqui,
comme nous le dé- montrerons dans unprochain mémoire,
demeurentégalement
valablespour les autres
espèces,
une méthodesimple, précise
etrapide
pour le calcul des besoins alimentaires des moutons.Nous savons que, chez les ruminants adultes, la
quantité d’énergie
métabolisable
correspondant
à une rationdonnée,
dont lacomposition chimique
et ladigestibilité
sont connues, s’obtient par le calcul suivant :Énergie
métabolisable =(matière organique digestible
+ 1,25 X ma- tière grassedigestible)
X3 ,6 5 .
Pour lesjeunes
animaux non sevrésou très récemment
sevrés,
le coefficient3 ,6 5
doit êtreremplacé
par 4,1.
L’équation qui indique qu’un
animal donnant desproduits
se trouveen
équilibre énergétique
s’écrit de la manière suivante :.Énergie
métabolisable = E 1-- P !- Ms X Icalorie,
dans
laquelle
E estl’énergie d’entretien,
P, la ration de croissanceou de
production laitière,
et Ms, laquantité
de matière sèche de la ration.Voici un
exemple simple
destiné à montrer comment onpeut
utilisercette
équation,
pour résoudre unproblème
de rationnement que nousavons choisi à dessein aussi
près
quepossible
des réalitéspratiques :
supposons que nous voulons nourrir des brebis en lactation
pesant
60kg
donnant i 200 g de lait par
jour, représentant
i !oocalories,
avec ikg
de foin de luzerne
et 5 kg
de betteraves. Nous avons, pourcompléter
cette
alimentation,
l’intention d’utiliser unmélange composé
d’unepartie d’orge,
unepartie
d’avoine et unepartie
de tourteau de lin. Nous désironsconnaître
quelle quantité
de cemélange
concentré sera nécessaire pouréquilibrer
les besoinsénergétiques
de nos animaux.Les données à utiliser pour les calculs sont les suivantes :
I,a
partie
de la ration formée de foin et de betteraves fournira auxanimaux 1723 -!-
338
X 5 = 3 4I3 caloriesd’énergie métabolisable,
pour une
quantité
de matière sèche de i 495 grammes.Le
mélange
parparties égales d’orge,
d’avoine et de tourteau de lincontient,
parkg,
z 5z3 caloriesd’énergie
métabolisable et88 5
grammes de matière sèche.Si nous
désignons
par x laquantité
demélange
concentré que nousrecherchons, l’équation exprimant l’équilibre
des besoinsénergétiques
s’écrit de la manière suivante :
3 413 + 2 523 x ! 1 325 + 1 500 + 1 495 U-
885
x,la valeur F, du besoin d’entretien d’une brebis de 60
kg
étant de i 3a5 calories.I,a résolution de cette
équation
donne pour valeur de x 553 grammes.Tous les
problèmes
d’alimentation concernant les moutonspeuvent
se résoudre de cettemanière,
avec l’aide des tables faisant connaître lacomposition
des aliments et les coefficients dedigestibilité
de leursprinci-
paux éléments
organiques.
Il suffit de serappeler
laprogression
desbesoins d’entretien en fonction du
poids, qui
sont les suivants :RÉSUMÉ
1
° Au cours
d’expériences
de métabolisme avec l’aide des méthodes deséchanges
gazeux et des bilansazote-carbone, l’analyse
deséchanges
1
énergétiques d’agneaux
non sevrés etsevrés,
de brebis en lactation ettarie,
a été effectuée.2
° Les résultats obtenus
prouvent
quel’énergie supplémentaire
entraînée par la consommation des aliments -
qui, s’ajoutant
àl’énergie proprement
dited’entretien, permet
de connaître lespertes totales éprouvées
par l’animal au cours dujeu
de sesmétabolismes,
- est propor- tionnelle à laquantité
de la matière sèche consommée.3
° La
quantité
de chaleursupplémentaire provenant
de cette actiondynamique spécifique
des aliments est, pourl’espèce ovine,
sensiblementégale
à i calorie par gramme.4
° La
conséquence
de cet état de choses est lapossibilité
d’en déduireune méthode
simple
et suffisammentprécise
de calcul des rations des- tinées aux moutons.BIBI j IOC I RAI’HIIi
( I
)
LEROY(A. M.). —
Rapportsd’exp6rietices
faites sur 1’alimentation du bétail. Publication du Conseilsup6rieur
del’lllevage,
Paris193 6.
( 2
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LEROY(A. !VL).
- I,’utilisation de1’Energie
des alimentspar les
animaux.Bulletin
Europeen
de la h.A.O., No 4, fev. marsig 4 8.
( 3
)
LEROY(A. M.).
- Normes pour 1’alimentationenergetique
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Congrès
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LEROY(A. M.),
LERY((3.) ,
ZMi/i’SR(S.).
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(5)
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CuARLHT-LRRY(G.),
I,r,noy(A. M.),
Z!t,T!R(S.). - Élevage
artificiel de1’agneau précocement
sevr6. ,4>wale.; do l’LN.R.:4. Zootechnie, n° 3,1954.
16o-1 8 7.
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- Tables decomposition
des aliments -I ; E 1evage
ration-nel - Librairie Hachette, Paris.