TRAVAUX DES STATIONS DE BURES-SUR-YVETTE
ET DE MONTFAVET EN 1960
R. CHAUVIN.
LES SUBTANCES DE FAMILIARISATION DANS LA RUCHE.
CHAUVIN a
procédé
à larécapitulation
de ces substances trèsrépandues
dans la ruche et dont le rôleparaît
trèscomplexe.
On peut lesenglober
dans le groupe des«phérormones
» de BUTENANDT etK ARLSON
,
substances émises par un individu et reçues par un autre de la mêmeespèce,
chezlequel
elles induisent des réactions déterminées. Mais une telle définition est trop vague et
exige
des subdi-visions. On ne peut mettre côte à côte des facteurs dont l’effet est
opposé :
c’estpourquoi
CHAUVINpropose de
distinguer
desépagines qui, déposées
par les ouvrières sur diverssupports, suppriment
leurs réactions de fuite devant un
objet qu’elles
n’ontjamais
rencontré. On en connaîtjusqu’à pré-
sent sept
espèces, après
les travaux de VUILLAUMEet LECOMTE. Lesy épulsines qui
induisent au con-traire la réaction d’évitement sont au nombre de six et VUILLAUME et LECŒfTE les ont
également
étudiées. Enfin les allectines ou substances de
butinage
existentprobablement dans
le nectar et sûre-ment dans le
pollen.
LA
PHÉRORMONE
DES REINES.Quant
à laphérormone
proprementdite,
elle a faitl’objet
des travaux de MllePAIN, depuis de
nombreuses années. Cette
substance,
émise par lareine,
attire fortement lesouvrières,
lesempêche
de construire des cellules
royales,
inhibe ledéveloppement
de leursovaires,
et a sans doute bien d’autres effets que nous ne soupçonnonsguère (par exemple
elle accélère les activités de construc-tion,
voirplus loin).
C’est sur l’attractivité de ce corps que Mlle PAIN a faitporter
laplus grande partie
de ses efforts.Lorsque
BUTLERa étudié l’action de la substanceroyale
sur la construction des cellulesroyales, le
testqu’il employait
ne luipermettait
pas de mettre en évidence lepouvoir
d’attrac-tion de cette substance.
Or,
ellecomprend plusieurs
constituants : l’und’eux,
l’acidecéto- 9 - décène- 2 ; transoïque,
estresponsable
de l’inhibition des cellulesroyales ;
mais il estcomplètement
inattractif - CHAUVIN propose de ledésigner
sous le nom dephérormone
I. Pourqu’il
devienneattractif,
il fautqu’il
soitmélangé
à une autre fraction toutedifférente, plus volatile,
etqui
se compose elle-même de deux ou trois corps(phérormone 11). Il faut insister szer le fait
que c’est le mélange phérormone
1 -E-
plz
é
rormone
11qui
estatlractif,
alorsqu’aucune
des deuxfractions
ne l’estséparément.
Les deuxphé-
rormones se rencontrent dans les
glandes
mandibulaires des reines à un taux variablequi dépend
del’âge
de la reine et du faitqu’on
l’a mise ou non enprésence
des ouvrières. Laphérormone peut d’ail-
leurs s’extraire du corps des ouvrières qui
ont fréquenté
la reine,
mais non du corps des orphelines (BARBIER
et et PAIN ; PAIN,
H17GEL et BARBIER ;
PAIN et BARBIER).
DARCHEN trouve d’autre part
que la reine exerce une grosse influence sur le
comportement
de construction desouvrières ;
mêmedes
parties
de son corps, comme la tête(
et la têtesurtout)
suffisent à accélérer la construction. Il devientpossible
alors d’instituer une autre série de testsbiologiques, qui
mesureraient sans doute de nouveaux effets de laphérormone.
LA FORMATION DES œUFS DANS LES OVAIRES DES
OUVRIÈRES
ETL’EFFET
DE GROUPE.PAIN a mis en évidence un très curieux
phénomène
chez les ouvrièresorphelines. Reprenant
les observations de
H ESS ,
suivantlaquelle
chez les ouvrières isolées les ovaires restentatrophiés pendant
untemps
trèslong,
PAIN montre que legroupement
des abeilles par 2 suffit à accélérer no-tablement
l’apparition
dupremier
oeuf dans lesovarioles ;
et mieux encore legroupement
par 3 oudavantage.
Mais dans le cas dugroupement
par 2, on voit deplus
s’établir une sorte de « dominance »en ce sens que les
ovarioles
de l’une des deux abeilles sedéveloppent
presquetoujours plus
que ceux de l’autre. Il n’est pasimpossible qu’il
ne faille l’attribuer à uneinégalité
deséchanges
de nourri-ture entre les deux
partenaires
l’unejouant
surtout le rôle de donneuse et l’autre de receveuse.LA POI,YGYNI!
EXPÉRIMENTALE.
Tous les auteurs ont
remarqué depuis
fortlongtemps
les difficultés que l’on rencontre dans lesopérations chirurgicales
sur les ouvrières. La mortalité est en effet très élevée et il est rare que lesopérées
surviventplus
dequelques jours.
Mais les reines semblentplus
résistantes et DARCHEN aréussi à couper le dard des reines sans nuire à la
ponte ;
d’où il s’ensuit que cet organe ne doit pasjouer
le rôlequ’on
luisupposait
dans laguidage
desoeufs,
ou tout au moins que ce rôle n’est pas indis-pensable.
Il estplus
curieux de noter quepassée
unepremière phase
decombat,
la cohabitation de- vientpossible
pour ces reines à dardcoupé.
Onpeut même,
à l’aide deprocédés simples,
amener lesreines à
pondre
ensemble dans une ruchenormale ;
ces recherches sont enplein développement,
mais
pourraient
ouvrir àl’apiculture
despossibilités insoupçonnées.
LE COMPORTEMENT.
VU I LLA
LMEet NAULLEAU se sont attachés à
préciser
les remaniements descupules
de cire uti- lisées pourl’élevage
des reines etqui
n’ont pas étéacceptées
par les ouvrières. Toutes une série de modificationsrégulières
sontdécrites, qui se caractérisent notamment par le passage quasi obliga-
toire au stade de cellules arrondies.
RO
PARTZ note que le
photopréférendum
des abeillesdépend
essentiellement des interactions sociales.Lorsque
la grappe est bienformée,
les abeilles ne se soucient presquepas de
la lumière.N AULLEAU
étudie les
transpositions
des larves dans les cellules de leur propre caste ou d’autres castes. Cettetransposition
entraîne l’élimination de presque toutes les larves à moinsqu’on n’opère
sur une
grande quantité
à la fois. La sensibilité des nourrices auxtranspositions
est moinsgrande
dans les colonies
orphelines
que dans cellesqui
sont pourvues d’une reine. Dans ce dernier cas,phénomène qui paraît
difficile àinterpréter,
même lesimple déplacement d’une larve dans sa propre
cellule,
où le crochet del’expérimentateur
s’est contenté de la repousserlégèrement, peut
entraînerson élimination.
Ajoutons
d’ailleurs que NAULLEAU a pu constater letransport spontané par les
ouvrières de certaines larves d’une cellule à l’autre. Les larves de reine transférées par l’expérimen-
tateur dans des cellules d’ouvrières donnent des formes intermédiaires. Les larves de reine trans-
férées dans les cellules de mâles sont mortes
jusqu’à présent.
L
ECOMTEa pu améliorer les méthodes d’étude du
butinage
enemployant
lesradioisotopes.
Lesirop
de sucreradioactif, en période de grande miellée, n’est
pasl’objet d’échanges aussi intenses que
l’ont écrit NIXON et RIBBANDS. Divers groupes de travail
paraissent
alors sespécialiser
sur diffé-rentes
espèces florales, et n’ont guère
de contacts entre eux. D’autre part
la dispersion
des butineuses
est très hétérogène : ainsi, de deux champs d’espèces
florales différentes placés
côte à côte, l’un peut
champs d’espèces
florales différentesplacés
côte à côte, l’unpeut
être visité et l’autre non ; de deux
champs
de mêmeespèce
situés àproximité
de laruche,
mais à desemplacements différents, l’un peut
être assidûment exploité
et l’autre non. L’effet perturbateur
du
relief est
considérable,
ainsi que l’effetrépulsif
degrandes
étendues stériles.LES PRODUITS DE LA RUCHE.
L
AVIEa
publié
cette année sa thèse sur les substances antibactériennes dans laruche ;
c’est untravail
trop
considérable pourqu’il
soitpossible
de le résumer ici. Notons toutefois que des substances antibactériennes ont été trouvées dans lemiel,
lepollen,
lagelée royale,
lacire,
lapropolis
et le corps même des abeilles. Leur activité a étécomparée
sur ungrand
nombre de souches bactériennes. Cer- taines de ces substances sontégalement
inhibitrices de lagermination (surtout
les extraits de pro-polis
et demiel) (G ONNET
etL AVIE ).
Lapropolis
est deplus
fortementantifongique.
D’autrepart, l’antibiotique du miel qui serait, d’après
les Allemands,
aisément détruit par la chaleur a été trouvé
au contraire relativement stable par CONNETet LAVIE. Tout
paraît dépendre d’ailleurs du temps
de
chauffage,
de la nature du miel et surtout de son pH.
TECHNOLOGIE
A
signaler
une revue de FRESNAYEsur laprotection
du bois des ruches contre lesintempéries
une
exposition
de deux ans à l’air libre permetdéjà
d’éliminer certainstypes
depeintures
et revê-tement.
REVUES
GÉNÉRALES
CHAUVIN a fait la revue des travaux les
plus importants
sur labiologie
de l’abeille parus deI95 6
à
10 6 0 .
MAURIZIOet LOUVEAUXont étudié avecbeaucoup
de détailsquelques pollens
degrande
im-portance
apicole.
DARCHEN aparticipé
à la rédaction del’ouvrage apicole
allemand « Biene uudBienenzucht ».
VISITES,
RÉUNIONS,
etc...Ont
accompli
des stages à la stationpendant 19 6 0 : MM. LEtvsKY d’Israël, J OYAPPA
de l’Inde,
R I
HAR et ILESIC de
Yougoslavie,
ROMERO FABREd’Espagne.
Nous avons reçu la visite de M.AVIDOV, doyen de la Faculté d’Agriculture
de Rehovot (Israël)
et du professeur Syunro
UTIDA (Japon).
M. KOEHLER
(Allemagne)
aprésenté
à la Station unexposé
de ses travaux.NOTES PARUES AU COURS DE
L’ANNÉE.
(i)
BARBIER M. PAINJ
Etude de la sécrétion desglandes
mandibulaires des reines et des ouvrières d’abeille. C. R. Acad.Sc.,
250, 3740-2.( 2
)
CHAUVIN R.Progrès
récents dans laBiologie
de l’Abeille. Ann. Ab., IV, 5-!39.( 3
)
CHAUVIN R. Les substances actives sur le comportement à l’intérieur de la ruche. Ann. Ab., IV, 18 5- 9 7 .
( 4
)
DARCHEN R. DieBienengemeinschaft. (Sonderdruck
aus « Biene undBienenucht
JO, EhrenwirthVerlag,
Alünchen, 1960,53-67)!
( 5
)
DARCHEN R. L’ablation du dard des reines et des ouvrièresd’.4pis mellifica.
C. R. Acad. Sc., 250,2 03-4.
(6)
DARCHEN R. Lepolygynisme expérimental
dans les coloniesd’Apis
m<’//:/ ! <-;!. Ibid,
250,9!34-6.
( 7
)
DARCHEN R. Lesrégulations
neurohormonales et l’instinct constructeur des ouvrièresd’Apis
melli- fzca. Ann. Ab., IV, 329-33.(8) FxESNnv·E
J.
Deux annéesd’expérimentation
sur laprotection
du bois des ruches. Ann. Ab., IV, 85-9 8.
( 9
)
GoNNETM.,
LavcE P. Influence duchauffage
sur le facteurantibiotique présent
dans lesmiels.;
Ann.
Ab.,
IV, 349-64.(io)
GONNET M., LAmE P. Actionantigerminative
desproduits
de la ruche d’abeilles(Apis mellifica L.)
sur les
graines
et les tubercules. C. R. Acad. Sc., 250, 612-14.(il)
LAVIE P. Les substances antibactériennes dans la colonie d’abeillesApis mellifica
L.(Thèse
IJniver-sité Paris, parue dans les .-3nnales de l’Abeille 19°pp.
( 12
)
LECOMTEJ
Observations sur le comportement des Abeilles butineuses. Ann.Ab.,
IV, 317-27. (13
) NIAURizio A., LouvEAUX
J.
Pollen desplantes
mellifèresd’Europe.
Pollen etSpores,
11 150-82.(
14
)
NAULLEAU G. Lestranspositions
de larves de différentes castesd’Apis mellifica
dans les cellules d’autres castes. Etude des types intermédiaires entre reines et ouvrières. Ann.Ab., IV, 6 5 -8 3 .
(r 3
)
PAINJ., H UGEL
M. F., BARBIER M. Sur les constituants desmélanges attractifs des glandes
mandi-
bulaires des reines d’Abeille