RECHERCHES BIOCHIMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
SUR LE POLLEN EMMAGASINÉ PAR LES ABEILLES
Janine
PAIN,J. MAUGENET
Station de Recherches sur l’Abeille et les Insectes sociaux, 91 - Bures-sur-Yvette ;
Station de
Technologie végétale,
Roaste deSaint-Cyr,
78- VersaillesSOMMAIRE
L’étude des travaux antérieurs sur le
pollen
stockérenseigne
peu sur son mode d’élaboration et sur sonimportance
dans la nutrition des abeilles.En
pratiquant
des examensmicrobiologiques
dupollen
enpelotes
nous avons pu constater que si sa flore microbienne était très variée seuls trois genres microbiens contribuaient à l’élaboration dupollen
stocké et subsistaient dans leproduit. L’importance respective
de chacun de ces trois genres(Pseudomonas,
Lactobacillus etSaccharomyces),
dupoint
de vue de leur rôle dans la transfor- mation dupollen,
n’est pas encore établie. Le rôle des Lactobacillus, dont on ne rencontrequ’une
seuleespèce
ou tout au moins desespèces
de caractères très voisins, sembleuniquement
lié à la conserva-tion du produit en provoquant un ensilage naturel du
pollen.
Nous n’avons,jusqu’ici,
pas pu constater que les produits de métabolisme de ces Lactobacillus contribuaient à la valeur alimentaire duproduit
élaboré mais, par contre, la présence d’acide
lactique correspond
à une diminution de sonpouvoir appétitif.
Les Pseudomonas constituent un groupe dont le rôle n’a pu être encore élueidé ; ils semblent contribuer à l’anaérobiose nécessaire pour ledéveloppement
de la florelactique
mais on peut, d’oreset
déjà,
entrevoir leurimportance
dans ladégradation
de laparoi
dugrain
de pollenqui
seproduit
au niveau des apertures. Les
Saccharomyces
sont constituées de troisespèces (Saccharomyces
rouxii,S. mellis et S.
rosei)
que l’on rencontre indifféremment aveccependant
uneprédominance
de S. rosei dans lespollens
stockés anciens. Elles semblent nécessaires à l’élaboration dupollen
stocké et contri-buent à sa valeur alimentaire par
l’apport,
non seulement des constituants cellulaires mais encorede produits de
dégradation
et de fermentation ; en outre certainsproduits
de fermentation, nonidentifiés,
sont liés au pouvoirappétitif
dupollen.
Par fermentation in vitro de
pollen
enpelotes,
récoltépendant
lapériode
que nousappelons
«
période
de population microbienneéquilibrée
&dquo;, on peut obtenir unpollen
ressemblant par ses pro-priétés chimiques
à celui élaboré in vivo dans la ruche. A la suite de nos essaisbiologiques,
lepollen
ainsi élaboré ne présente pas suffisamment de différences avec le
pollen
en pelotes pour que l’on puissejuger
de son efficacité surl’ovogenèse
des ouvrières. Le peu de valeurbiologique
de cepollen
peut être attribué à la non-réalisation in vitro d’unpollen équivalent
à celui élaboré in vivo par les abeilles.On peut aussi penser que les fermentations
qui
seproduisent
au cours du stockage du pollen n’abou-tissent,
en réalité,qu’à
un stade de conservation sous formed’ensilage
naturel. Il semblecependant
que les levures
puissent
apporter certains élémentssusceptibles d’augmenter
l’efficacité dupollen
et ce sera
l’objet
de nos prochains travaux.I. -
ÉTUDES ANTÉRIEURES
CONCERNANT LE POLLENSTOCKÉ
A —
Composition chimique
Un très ancien travail de I,m!BUxG
( 1924 )
relate lecomportement
des buti-neuses de
pollen
et lafaçon
dont lesouvrières,
avec leursmandibules,
entassentce
pollen
au fond des cellules. Bienqu’ayant remarqué qu’un liquide
y étaitajouté,
l’auteur ne
put cependant préciser
s’ils’agissait
de miel ou d’une sécrétionglandulaire.
La
composition chimique
du «pollen
stocké» appelé
encore «pain
d’abeilles »ou « beebvead n par les auteurs
anglais
et « Bienenbvot » par les auteursallemands,
a été moins étudiée que celle du
pollen
récolté directement soit sur lesfleurs,
soit dans lestrappes
àpollen.
Pour établir unecomparaison
entre ces différentspollens,
nous avons
jugé
utile derappeler
en mêmetemps
lacomposition chimique
dupollen
récolté à la main et à l’état de
pelotes.
Nous ne citerons pas ici les travaux de tous les auteurs ayant traité de cettequestion.
Noussignalerons
seulement la revue de I,U N DE
N
publiée
en 1954. Nousindiquerons
comme l’avaitdéjà signalé
MAURIZIO(I954-I9 j 6) qu’il
existe de grosses différences decomposition
entre lespollens
deplantes
diverses. Il en est de même pour un
pollen
d’une seuleespèce,
selonqu’il
estprélevé
à la main ou par les abeilles.
Les
protéines.
Le taux des
protéines peut
varier selon TODD et BRETHERIK( 194 2)
de 7 à 35 p. 100. Ces variations existent aussi bien dans lespollens
deplantes anémophiles
que dans ceux des
plantes entomophiles.
Parexemple :
le taux desprotéines
dupollen
de Pin(7!’MMS sp.)
récolté à la main est aux environs de 12 p. 100 ; celui du Noisetier(Covylus avellana)
est de 29 p. 100. Ce dernierpollen
conservé à l’abri de l’humiditépendant
I et 2 ansperd
un- certainequantité
d’albuminedigestible (S
VOBODA
, 1940 ).
Le taux desprotéines
dupollen
de Pissenlit(Tavaxacum
dens-leonis)
récolté par les abeilles est de Ip. 100, celui du Trèfle(T r ifolium sp.)
de 23,7 p. 100.LANGER
( 1931 )
a évalué lepourcentage
desprotides
solubles dans l’eau despelotes
depollen
frais et dupollen
stocké. Il trouve les valeurs de 2,9 p. 100 dans le ler cas, et de5 ,6
p. 100dans le 2C. Ilindique également que
la teneur en acidestotaux est de
o,26
p. 100pour lespelotes
fraîches et o,32 p. 100 pour lepollen
stocké.Il
précise
que la couchesupérieure
dupollen
stocké est encoreplus
acide(r, 7 g
p.roo)
parce que les abeilles y
dégorgent
des substances en provenance desglandes hypo- pharyngiennes.
La teneur en azote de cette couche est aussiplus importante.
A V ET
ISIAN
( 1935 )
compara lacomposition chimique
dupollen
de Bouleau(Betula sp.)
avant etaprès
sonstockage
par les abeilles. Lepollen
stocké à base dupollen
de Bouleau contient à peuprès
la mêmequantité
deprotéines,
mais sonacidité
augmente (pH
= 4,3-4 ,6) ;
il contientplus
d’acidelactique ( 3 , 0 6
p. 100- 3, 2
p.
100 )
quelorsqu’il
est enpelotes ( 0 ,56
p.100 ).
Le
pollen
contientégalement
unegrande quantité
d’acides aminésqui
sont,pour la
plupart,
essentiels. Dans lespollens
de Saule(Salix sp.)
et de Pissenlit(Tavaxcc-
cum
dens-Leozais)
récoltés par lesabeilles,
laprésence
des acides aminés à l’état libre est trèsimportante,
enplus
de ceuxengagés
dans les chaînesprotéiques (A UCLAIR
et
JnMr!sov, rg 4 8).
WEAVER et KUIKEN( 1951 )
mirent en évidence 10acides aminésprésents
dansquelques pollens
récoltés par les abeilles :arginine, histidine, isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane,
valine. Ces auteurscomptent
ensemble les acides aminés libres etengagés.
Cette méthode a pour effet d’atténuer les variations dans lespourcentages
d’acides aminés calculés.Les
pollens
contiennent desnucléoprotéines.
Laprésence
d’acidedésoxyribo- nucléique
etribonucléique
a étésignalée
dans lepollen
de Bouleau(Betula sp.)
récolté à la main
(VoN E UL E R , rg 4 8).
VAwy:!sKr et FAS( 19 6 1 )
ont calculé les concen-trations en acides
nucléiques.
Elles varient deo,6
à 1,2 p. 100.Il est à remarquer que
l’analyse
des acidesaminés,
pasplus
d’ailleurs que celle desnucléoprotéines,
n’a étéentreprise
dans lespollens
de rayons.Les vitamines.
Le
pollen
est aussi un aliment riche en vitamines du groupe B(Thiamine
-Riboflavine -
Pyridoxine
- acidenicotinique
- acidepantothénique).
Lespollens
dedifférentes provenances ne contiennent d’ailleurs pas la même
proportion
de vita-mines. Le
pollen
deComposées
récolté par les abeilles est riche en vitaminesB 1 (V
IVINO
etPAUMER, rg 44 ).
Lepollen
desConifères,
récolté à lamain,
en contienttrès peu
(KOC H E R , 1942).
Nous résumerons ici
plus particulièrement
les travaux de HAYDAr! et de sescollaborateurs parce
qu’ils
ontanalysé,
en lescomparant,
lepollen
stocké et lagelée royale.
HnyDAr! et PALMER(rg 3 8)
montrèrent enexpérimentant
sur des ratesen début de
gestation
que lagelée royale
estprobablement dépourvue
de vitamineE,
mais que cette vitamine est
présente
dans lepollen
stocké en très faiblequantité.
Selon VIVINO et PALMER
( 1944 )
elle existe aussi à l’état de traces dans lepollen
en
pelotes.
En 1940,poursuivant
leurs travaux, HAYDAK et PALMER montrèrentque le
pollen
stocké comme lagelée royale possèdent,
envers des ratspolyneuri- tiques,
une activitévitaminique correspondant
à laprésence
de vitamineB I ,
Pourle
pollen stocké,
cette activitécorrespond
à celle de 4,5 et6, 4
y dechlorhydrate
de thiamine par gramme de
pollen
stocké frais et sec. En 1941, ils arrivèrent à mettreen
évidence,
dans lepollen stocké,
une activitévitaminique
décelant laprésence
des vitamines .’1 et
B,.
En 1942, utilisant un testmicrobiologique,
ilssignalaient
que la
gelée royale
contient 50 y de vitamineB 6
par gramme degelée
fraîche etque le
pollen
stocké n’en contient que 5. Par des essaismicrobiologiques
et micro-chimiques,
ils montrèrent laprésence
de vitaminesB, — B! — C -PP -B 5
dans lagelée royale
et lepollen
stocké. Ces vitamines sont enproportion plus variable,
dans lepollen
de rayon.Cependant
lacomparaison
d’un échantillon depollen
stocké etde
gelée royale, prélevés
la mêmeannée,
montre que lepremier possède plus
devitamines
B l
-B 2
-B,
et C que le second.A propos de la vitamine
C, MA!NUII,OVA, ( 193 8,
cité par HAYDAK et PAI,MER,1942
)
établitqu’elle
se trouve dans lepollen
stocké à la dose de 50,2 à 343,1 mg p. 100, la varia±iondépendant
de la saison où lepollen
a étéemmagasiné
dans laruche.
Dans un travail de GONTARSKI
(rg 54 ),
il estsignalé
que lepollen stocké,
vieuxd’un an, contient moins de vitamines
B l
etB.
et un peuplus
de vitaminesB 2
et P.P.qu’un pollen
de rayon récemment stocké etqu’un pollen
enpelotes.
En 1950, HAYDAKet VIVINO
expérimentant
sur despoulets privés
de vitamine K, montrèrent que lagelée royale
ne manifeste pas l’activitéantihémorragique correspondant
à laprésence
de cette vitamine alors que lepollen
stocké lapossède.
Par contre, les
pollens
enpelotes
ne contiendraient pas de vitamine K(Vivi N O
etPm,M!R, Ig44).
Les auteurspensent
que cette vitamine seraitsynthétisée
par les bactériesqui
font fermenter lepollen
stocké.Il ne
parait
pasqu’on
aitrecherché,
dans lespollens
de rayons, laprésence
d’acide
folique
et de biotine. L’acidefolique
est très abondant à l’état libre ouconjugué
dans les
pollens
d’Aulne(Alnus g’/M!’Mosa)
et de Maïs(Zea mays)
récoltés à la main(N
I E L SE
N
etHor,uIShoM, 1057 ).
Saprésence
ainsi que celle de la vitamine C a étésignalée également
par WEYGAND et HoI’L!Mar dans différentspollens
récoltés par les abeilles. Demême,
dans lespollens
de Saule(Salix sp.),
de Marronnier(Aesculus Àififiocastanxlwx
ousp.),
de Pommier(Pirus mallts)
récoltés par lesabeilles,
on trouveune très
grande quantité
de biotine B(SC H w·nxz
etKOCH, 1954-1955).
Les sucres.
Les
pollens
récoltés par les abeilles contiennenttoujours
de 10 à 20 p. 100 desucres réducteurs. Ceci est dû au fait que les abeilles y
ajoutent
des sucres et dessécrétions salivaires
(C AITEEL , I g I2 ).
Par contre, lespollens
récoltés à la main sont pauvres eu sucres réducteurs mais riches en sucres non réducteurs(’ionn
et B!1~-THERiCK,
1942).
Nous
rappellerons
ici lespremières
observations de CASTEELqui
effectua desanalyses chimiques
sur unpollen
pur de Maïs(Zea mays)
récolté à lamain,
sur unpollen prélevé
sur les corbicules despattes
arrière de l’abeille et sur unpollen
deMaïs
impur, emmagasiné
dans les rayons. Lepollen
des corbicules contient 2 foisplus
de sucres que celui ramassé à la main dont 3 foisplus
de sucres réducteurs.Le
pollen
stocké contient encoredavantage
de sucres réducteursqui proviennent
du miel
plus
que du nectar. Laproportion
de saliveajoutée
n’a pas été déterminée à cetteépoque.
Elle ne l’est pasdavantage aujourd’hui.
Les
lipides.
Les
lipides
dupollen
ont été peu étudiés.L’extrait
éthéré totalpeut
varier de 0,
9 à 14 p. 100 du
poids. L’insaponifiable
contient desstérols,
enparticulier
le 24-méthylène
cholestérol isolé par BARBIER et HCGEL(ig6o)
despollens
enpelotes.
Il contient aussi des
hydrocarbures
saturés et des alcoolssupérieurs.
Aucune recherche n’a été effectuéejusqu’ici
surl’insaponifiable
despollens
de rayons et laprésence
des stérols dans celui-ci.
B —
ll2icvobiologie
duPollen
Svol3oD!
(ag3,5) après
s’être renducompte
que lepollen
conservé dans les cadres subit une fermentationlactique, indique
une méthode de fermentation. Apartir
d’unpollen
fraîchementrécolté,
additionné desirop
aumiel,
il obtient unepâte.
Celle-ci est tassée dans un bocal muni d’un couvercle en bois surmonté d’unpoids. A, 3 6 0 C,
la fermentation commencequelques
heuresaprès
et au bout de Iojours,
la
pâte
aupollen
cesse de monter. Ellepeut
être conservée à conditionqu’elle
resteà l’abri de l’air. I,e
pollen
ainsipréparé
estplus digestible
pour les abeilles que n’im-porte quelle
autre nourriture.BuRRi
( 1947 )
trouva dans lespelotes
depollen
et dans lepollen déposé
fraisdans les cellules des rayons, une
grande quantité
de Bactéries du groupe X!Bac.
euridice
White).
Il pensa que leurprésence
était en relation d’unepart
avec la fer- mentation dupollen
dans la ruche et d’autrepart,
avec sa conservation(cité
parM
AURIZI
O,
1954, page124).
V. CHEVTCHIK
( 1950 )
aspécialement
étudié lamicrobiologie
dupollen
stocképar les abeilles dans les rayons de la ruche. A cet
effet,
en vue d’établir une compa-raison,
ilsignale
les travaux relatifs à la conservation desfourrages
dans les silos.Les
analyses microbiologiques
ontporté
sur les étamines de fleursfraîches,
sur lepollen
frais des abeilles butineuses ainsi que sur lepollen
mis en réserve dans la ruche.Pour étudier les processus de la fermentation dans le
pollen stocké,
celui-ci estdéposé expérimentalement
dans un rayon vide humecté avec du miel dilué etexposé
à
35°C
à l’étuve.La fermentation est contrôlée
régulièrement pendant
7jours
dupoint
de vuede
l’apparition
des bactérieslactiques,
deslevures,
des bactériesproductrices
d’indol(Eschevichia)
et des bactéries aérobiessp mulantes.
L’acidité estégalement
notée.Les méthodes utilisées sont décrites en détail.
L’auteur
distingue
dans lepollen
enfermentation,
4phases
dudéveloppement
des
microorganismes :
- - I,a
première, qui
dure 12heures,
est caractérisée par une microflore assezhétérogène, accompagnée
de colonies de levures.Chaque
groupe de bactéries semultiplie
activement maisindépendamment
des autres.- La deuxième est caractérisée par l’élimination
progressive
de la flore illé-gitime, plus exigeante
enoxygène,
auprofit
des bactéries anaérobies de la fermen- tationlactique (type : Stve!tococcus).
Elles utilisent les facteurs de croissance fabri-qués
par les levures et par les bactéries de laputréfaction.
Leur nombreaugmente rapidement.
L’acidité du milieu devientplus
forte.- La troisième est caractérisée par la
disparition progressive
des bactérieslactiques (type : Stve!tococcus)
sous l’effet de l’acidelactique fabriqué.
C’est laphase
du
développement
desLactobacilles,
bactérieslongues
de la fermentationlactique qui produisent
uneplus grande quantité
d’acide que les5’!!!ococcMS.
- La
quatrième (au
boutdu 7 ° jour)
est caractérisée par ladisparition
desbactéries
lactiques
et de certaines levures sous l’effet de lagrande quantité
d’acidelactique produit.
Lepollen
devient stérile etpeut
ainsi se conserver. SonpH
estaux environs de 4.
En fonction d’une baisse de la
température
et d’une humidité accrue,peut intervenir, après
cette4 e phase,
undéveloppement
de moisissures(l’ea!icystis alvei) qui
consomment l’acidelactique.
Au cours de ces différentes
phases
CHEVTCHIK a noté laprésence
de levures eten a même isolé et déterminé
quelques-unes.
Leurdéveloppement
enrichit le milieude facteurs
indispensables
à l’abeille. Il a puégalement
établir une relation entrela consommation du
pollen
dont la fermentation n’est pas terminée et les maladies des abeilles et à ce propos, il cite le travail de MoRGENTHAi<B:R(r 94 z).
Il pense quel’apparition
en mai de maladies est due à ce que les abeilles consomment unpollen
au début de la
fermentation, qui
n’a pas encore éliminé sa microflorehétérogène
et nuisible. Plus
tard,
enété,
lepollen
consommé estdéjà
fermenté. Saplus grande
valeur
hygiénique
faitdisparaître
les maladies.Bien que le travail de CHEVTCHIK soit de loin le
plus complet,
à notreavis,
sur la
microbiologie
dupollen,
nous devonscependant signaler
les travauxplus
récents de deux auteurs américains
qui
ont étudié le mêmeproblème.
H I TCHCOC
K
(rg56) reprenant
d’anciennesexpériences
de HOLST et STURTEVANT(
1940
)
montra que despelotes
depollen prélevées
sur lespattes
d’abeilles et mises dans du lait écrémé ne ledigèrent
pas, même au bout de 5heures,
tandis que la mêmeexpérience reprise
avec lepollen
stocké formant « lepain
d’abeilles » donnefréquemment
unedigestion
en 15minutes,
sauf si celui-ci a étéemmagasiné
dansles rayons
depuis
moins d’un mois. I,epollen
stocké contient donc un enzymecapable d’attaquer
le lait. L’absence de cet enzyme dans les têtes des ouvrières d’abeilles de tousâges
fait supposer à l’auteurqu’il provient plutôt
demicroorganismes
dupollen
que d’une sécrétionglandulaire
des abeilles.LE N F OO
TE
( 1957 ),
à propos des succédanés depollen,
propose la fabrication d’unpollen fermenté, pouvant remplacer
lepollen
stocké naturel. Il luiparaît possible
de l’obtenir en utilisant un substitut de
pollen
tel que la farine deSoja,
additionnée de miel dilué non stérilisé mais ensemencé avec dupollen
stockéâgé.
Citons en dernier
lieu,
un travail de CHAUVIN et I,AVIE( 195 8) portant
sur le vieillissement dupollen emmagasiné
par les abeilles. Lepollen entreposé
dans lesrayons
présente
une forte activité antibactérienne sur certaines souches de micro-organismes
ainsiqu’une
activitéhyperglycémiante
observée sur la souris. Lepollen
très frais en
pelotes
neprésente
pas ces deux activités.D’après
ces auteurs lapré-
sence d’acide
lactique
neparaît
pas être le seul facteur en cause.En fonction des données que nous venons
d’exposer,
on est amené à se demandersi chez l’abeille le
pollen
fermenté ne serait pas plus actifqu’un pollen
non remaniéà
l’égard
de certains processusphysiologiques.
Nous allons donc exposer les différents travaux en
rapport
avec cettequestion :
C --
Propriétés biologiques
du!)0//f):
Nous n’examinerons que les données relatant une différence d’action entre le
pollen stocké,
lepollen
enpelotes
et certains succédanés.Nous citerons les différents auteurs dans l’ordre
chronologique.
HEJTMANEK ( 1933 )
aobservé,
sur des groupes de 70jeunes
abeilles maintenuesen
captivité
à35 °C,
l’effet de différentspollens
sur ledéveloppement
desglandes hypopharyngiennes.
Lespollens
utilisés : Noisetier(Cor y l 1 ts avellan.a),
Hêtre(Fagats .St
7 :
’
o;/tca),
Pin(Pinus sp.)
etpollen
de rayon étaient offerts soit ensuspension
dansdu sucre ou du
miel,
soit à l’état sec, tassés dans les cellules d’un rayon. Lespollens présentés
ensuspension
restèrent sans effet. Offerts tassés dans les cellulesaprès
rema-niement par les mandibules des
ouvrières,
ceux deNoisetier,
de Hêtre et de rayonprovoquèrent
undéveloppement
desglandes.
Lepollen
de rayon avait uneffet posi-
tif même
quand
sa conservation n’était pas achevée etqu’il
n’était pas encore recou- vert d’une couche de miel.C
ARZHICHIC
(rg 3 S)
trouva que dupollen
stocké vieux de 5 ans et donné ennourrissement à des abeilles
encagées
leurpermettait
dedévelopper
leursglandes
hypopharyngiennes
de la mêmefaçon
que dupollen
récemment stocké. LoTMAx(rg 39 )
ne nota pas de différence d’action sur le
développement
de ces mêmesglandes
entreun
pollen
de rayon et différentes farines desoja mélangées
aucandi, puis
administrées à dejeunes
abeilles.B
EUTLER et OpFiNGER
( 1950 )
ont étudié la durée de vie d’abeilles saines ouatteintes de nosémose. Dans les deux cas, et pour des abeilles de i à 6
jours nourries,
soit depollen stocké,
soit depollen
deNoisetier,
ilsremarquèrent
quela
durée de vie était accruelorsque
les abeilles avaient consommé lepollen
stocké.Cependant,
bienque
plus efficace,
les abeilles saines avaient consommé moins depollen
stocké que depollen
de Noisetier.DE GROOT
(r 953 )
montra que l’administration depollen stocké,
à la concentration de 10p. 100dans le sucrecandi,
à des ouvrièrescaptives, augmente
leur durée devie,
par
comparaison
avec une alimentation à base de levure de bière à la même concen-tration. Le
pollen
stocké à la concentration de 20p. 100estplus
efficace que le lait écrémé enpoudre.
L’auteur n’a pascomparé
l’action dupollen
de rayon à celle dupollen
enpelotes.
CoNTARSKi
(19 54 ) souligna
que la levure(H6selhefe) peut
êtrecomparée
à unpollen
de rayon, en cequi
concerne son action sur ledéveloppement
desglandes hypopharyngiennes
des ouvrières. Ilindiqua
que lesjeunes,
aussi bien que les vieilles abeillespeuvent
élever leur teneur en azote en consommant indifféremment de la levure ou dupollen
stocké.H AVI )
AK
( 1957 )
compara des succédanés depollen
avec lepollen
stocké. Ce der- nier est environ neuf foisplus
efficace en cequi
concerne laproduction
de couvainqu’un
substitut constitué de farine desoja
et de levure de bière séchée.Vi’.!H!,
( 19 6 3 )
montraqu’un pollen
de rayonaugmente plus
la durée de vie d’ou- vrièresorphelines encagées
que des succédanés tels que la levure Tovula et la farine deSoja. Cependant
unpollen
de rayon pur tel que celui de Noisetier a la même actionsur la durée de vie
qu’un pollen
de Noisetier enpelotes
ou récolté à la main. Lepollen
de rayon
agit
aussi sur ledéveloppement
desglandes hypopharyngiennes.
Son effica- cité estlégèrement plus
forte que celle des 7’o!M/a. Par contre, la farine deSoja
nondégraissée
estplus
active que ces deuxproduits.
Le
pollen
de rayon aégalement
une action sur laproduction
de couvain. Son effet a été étudié dans des colonies avec ou sans reine. Dans lepremier
cas, le nombre de cellules d’ouvrières a éténoté,
dans le deuxième cas, le nombre de cellulesroyales
a été évalué. Dans les deux cas, les cellules à couvain sont
plus
nombreuses quelorsque
les colonies ont été nourries de farine deSoja
et de levure Tovula.L’un de nous
(PAIN, 19 6 1 )
a examiné l’action dupollen
de rayon sur le déve-loppement
ovarien dejeunes
ouvrièresorphelines
mais sans la comparer à celle despollens
enpelotes
ou encore récoltés à la main.II. - MODIFICATIONS DU POLLEN
PROVOQUÉES
PAR LES MICROORGANISMES AU COURS DU STOCKAGE
Le
pollen, d’importance primordiale
pour la nutrition del’abeille,
subit au cours de sonstockage
deprofondes
modificationsproduites
par desmicroorganismes
peu étudiésjusqu’ici.
Nous avons vu dans la
partie bibliographique
de ce mémoire que Av!’rzsraN(rg3 ,),
SVOBODA(1935, 1940),
HITCHCOCK( 195 6)
ontsignalé
laprésence
d’acide lac-tique
dans lepollen
mais sans bien en définirl’origine ;
seul CHEVTCHIK( 1950 )
a isolé des germes
responsables
de sa formation.Dans ce
chapitre
nous nous proposons de donner un aperçu sur cette microbiolo-gie
dupollen
en étudiant l’évolution de la flore totale au cours dustockage
et enparticulier
les bactérieslactiques.
Nous essayeronségalement
de définir le rôle desespèces remarquables
dans la fermentation dupollen
ainsi que leurcycle
au coursde la vie de la ruche. Des essais de fermentation ont été
pratiqués
au laboratoire pour vérifier les diversesphases
de fermentation et étudier l’efficacité alimentaire de cespréparations
sur des abeilles.Méthodes
inicrobiologiques
Les méthodes
analytiques,
lestechniques
et milieux d’isolementparticuliers
serontindiqués
au cours de ce travail.
D’une manière générale le dénombrement et les isolements des microorganismes sont effectués
sur i g
(poids humide)
depollen
enpelotes
ou depollen
stocké. Le milieu courant que nous avons choisi est un milieuglucosé
de laitdigéré
à la papaïne(milieu
LDP)composé
et élaboré comme suit :La papaïne est préalablement diluée au mortier dans un peu d’eau. Ce milieu est autoclavé à 120
0
C
pendant
20minutes, filtré et onajoute :
1Le
pH
estajusté
à 7,0et le 2epassage à l’autoclave est effectué à rr8°Cpendant
20minutes.Pour l’obtenir sous forme
gélosée
onajoute
18 g/litre de Bacto-Agar Difco avant le ier passage à l’autoclave.Pour la détection des bactéries acidifiantes on ajoute à ce milieu du bleu de Chine à raison de i
3
ml d’une solution à i p. i ooo
après
avoirajusté
lepli
à 7,0.Ce milieu convient
particulièrement
bien aux bactéries dupollen
et lespurifications
sont effec-tuées sur le même milieu.
Les levures sont isolées et
purifiées
sur un milieuplus spécifique (milieu
malt Wick srham) de composition suivante :Ce milieu est stérilisé à 1200C
pendant
20minutesaprès
avoir, si cela est nécessaire,ajusté
lepH
à 5,8. On l’utilise également sous formegélosée :
18 g/litre de Bacto-Agar Difco, un passage à l’autoclave à rzo!C, 20minutes et un autre à Il8°C, 20minutes.Les bactéries isolées et
purifiées
ont été déterminéesd’après
la classification duBergey’s
Manual,les levures
d’après
celle de Loddcr.A. -
ÉVOLUTION
DE LA FLORE TOTALE AU COURS DU STOCKAGEa) Micvoovganismes présents
dans lePollen
On trouve dans le
pollen
enpelotes
desmicroorganismes
très divers. Mise àpart
la
présence
de germessporulés
et de moisissures que nous considérons comme acci- dentelle tant dans lepollen
enpelotes
que dans lepollen stocké,
la flore microbiennesignificative
est constituée de 3 groupes.Le
premier
groupe est formé de bactériesaérobies,
Gramnégatif,
nonsporulées
voisines du genre Pseudovraovtas. Le second groupe de bactéries est
représenté
par de finsbâtonnets,
Grampositif, microaérophiles,
ces bactériesappartiennent
augenre Lactobacillus et,
d’après
les tests de caractérisation effectuésjusqu’ici,
vraisem-blablement à la même
espèce
ou desespèces
très voisines. Le dernier groupecomprend
des levures à caractère
osmophile appartenant
au genreSaccharomyces
dont lesrepré-
sentants out été caractérisés comme S.
vouxü,
S. mpilis et S. rosci.Les caractères
morphologiques, physiologiques
etbiochimiques
desreprésentants
de ces divers groupes seront donnés dans une
publication
ultérieure.Dans le
pollen
stocké nous n’avons pas décelé laprésence
de bactériesbuty- riques,
rencontréesfréquemment
dans lesensilages ;
cecipeut s’expliquer
soit par l’action dupH toujours
inférieur à 4,2, soit par laprésence
d’acideformique qui s’oppose
audéveloppement
des bactériesbutyriques
sanstrop gêner
la fermentationlactique.
Il faut
signaler
queparfois
nous avons iencontré des bactérieslactiques
voisinesdu genre
Streptococcus
mais leur faiblefréquence parmi
nosanalyses
microbiolo-giques
nous les ont faitrejeter
de la floresignificative
dupollen.
b) Évolutioaa
despopulations
microbiennesNous venons de voir très
rapidement
la diversité des groupes demicroorganismes présents
dans lepollen
enpelotes.
Ces divers groupes auront un rôle trèsimportant
dans l’élaboration du
pollen stocké,
rôle que nousanalyserons
dans leprochain
cha-pitre ; chaque
groupe a une action bien définie et évolue en fonction des transforma- tionsqui
seproduisent
dans le milieu.Cependant
lepollen
stockéqui
sert de réserve hivernale àl’abeille,
est constituépar la transformation du
pollen
récolté àpartir
de lapériode
depleine
activité micro- bienne de la ruche etjusqu’en
fin de saison. Cettepériode qui
a été définieexpéri-
mentalement
correspond,
enfait,
à uneépoque
où les 3 groupes demicroorganismes
sont en
proportion
suffisante pour assurer une transformation normale dupollen.
C’est
pendant
cettepériode,
que nousappellerons période
de« population
microbienneéquilibrée
» que nous avons suivi l’évolution desmicroorganimes participant
à l’éla-boration du
pollen
stocké.Nous verrons donc successivement l’évolution des
populations
microbiennesprésentes
dans lespelotes
au cours de la saison et l’évolution despopulations
auau cours du
stockage pendant
lapériode
de «population
microbienneéquilibrée
».i.
Évolution
saisonnière.Les contrôles
bactériologiques
ont été effectués sur lespelotes
depollen
récoltéesà la
trappe.
Cetteexpérimentation
a eu lieu au cours des années19 6 2 - 19 6 3 - 19 6 4
et19
6
5
au rucher de la Station de Recherches sur l’Abeille et les Insectes sociaux de Bures-sur-Yvefte(!ssonne).
Les résultats que nous donnons ci-dessousreprésentent
donc une moyenne de nos observations
pendant
unepériode
de 4 années et ne sontprobablement
valables que pour cetterégion
ou celles de climat voisin. Eneffet,
ce
cycle
saisonnier est lié à l’évolution de la flore elle-même en étroitrapport
avec le climat de larégion
considérée. C’est ainsi que nous avons pu observer que dans larégion d’Avignon (Station expérimentale d’Apiculture
deMontfavet, Vaucluse),
lapériode
de« population
microbienneéquilibrée
» débutait en avril-mai alors que dans larégion parisienne
celle-ci n’avait lieuqu’à partir
de finjuin,
débutjuillet.
Dans la
région considérée,
la ruche ne commence sapleine
activitéqu’en
mars-avril ;
la formulepollinique
despollens
récoltés montre uneprédominance
de sali-cacées
(Saule,
Salixsp.),
de Rosacées(Cerisier, Pêcher, Prunier,
Pyunussp.)
et laprésence
deComposées (Pissenlit,
Taraxacumdens-leonis).
Du
point
de vuemicrobiologique
nous trouvons unepopulation importante,.
très
hétérogène
mais nous n’avonsjamais
noté dePseudomonas,
Lactobacillus ou.Saccharomyces.
Cettepériode
s’étale sur 3o à 45jours
à la suite delaquelle
nousnotons d’abord
l’apparition
dePseudomonas, puis
de Lactobacillxcs etparfois
dequelques
rares levures. Ce n’estqu’au
bout de 2 mois(début juin)
que lapopulation significative
estcomplète (tabl. i).
Cettepopulation
est à son maximum le4 e
et le 5e mois
(juillet-août)
et c’est à ce moment que l’onpeut
vraimentparler
depopula -
tion microbienne
équilibrée.
Lapopulation
maximumcorrespond
à lapériode
où lesbactéries
lactiques
sont dominantes. Au mois deseptembre
lespopulations
de Pseu-domonas et de Lactobacillus sont
égales,
au mois d’octobre les Pseudomonas deviennent dominants et finoctobre,
début novembre lapopulation significative disparaît
avecl’activité de la ruche. La formule
pollinique
despollens
récoltés est alors constituée deComposées
tardives : Aster. Cecycle
saisonnier est résumé dans le tableau z.I,’examen simultané du
pollen
stocké par les abeilles dans les rayons nous a donné des résultatsidentiques quant
aux genres microbiens rencontrés dansles pelotes
récoltées à la
trappe.
Enparticulier
la fermentationlactique
n’a lieu dans lepollen
stocké
qu’à partir
du moment où l’on commence à rencontrer ces germes dans lespelotes ;
cette observationpermet
d’éliminerl’hypothèse
selonlaquelle
lepollen
neserait ensemencé
qu’une
fois à l’intérieur de la ruche comme nous le verrons par la suite.2
.
Évolution
au cours dustockage.
Pendant la
période
depopulation
microbienneéquilibrée
lespelotes
depollen présentent,
comme nous l’avons vuprécédemment,
desquantités
voisines de Pseu- domonas et de Lactobacillus(io 5
à io6 germes pargramme)
tandis que les levures sonten nombre moins
important (io 2
à io3 pargramme).
Dès que l’abeille a tassé les
pelotes
dans la cellule du rayon, ellepréserve
la sur-face de la
pâte
ainsi constituée par un voile de miel ou de nectarqui
l’isolera du milieu extérieur. Trèsrapidement
nous assistons audéveloppement
des bactéries aérobies dupremier
groupe. Leurpériode
dedéveloppement
est courte( 2
à 3jours)
et trèsrapidement
leur nombre va en diminuant pour finir pardisparaître
presque totale- mentlorsque
la fermentationlactique
seproduit.
Le