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D ÉCO- FICTIONS EN ARCHI- RÉALITÉS!

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Academic year: 2022

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D’ÉCO- FICTIONS EN ARCHI-

RÉALITÉS !

CHANTIERS VERTS À BRUXELLES

Odeur de fin de chantier dans la rue J. Wauters [017](1): large porte vitrée ; contact bien lourd du vantail dans la main; escalier en béton brut. La poussière de plâtre est partout, les murs viennent d’être poncés. Au 3eétage, le technicien fixe un énorme ventilateur dans l’encadrement de la porte de la terrasse : il va faire la chasse aux courants d’air, vérifier l’étanchéité du bâtiment. Il y a quelques mois à peine, personne ne savait ce qu’était un test d’infiltrométrie(2). Aujourd’hui, cette pratique devient courante, presque la routine. Les deux duplex de la rue J. Wauters sont parmi les premiers logements passifs sélectionnés dans l’Appel à Projets exemplaires à être réalisés à Bruxelles. Ce chapitre évoque les premiers résultats concrets de l’Appel à Projets.

Réalisation du test d’infiltrométrie sur le chantier de la

rue Wauters [017].

Arch. I. Camacho.

(2)

121 candidats ont choisi de soumettre un projet – leur projet : un projet personnel pour eux-mêmes, pour leur entreprise ou au nom de leur administration – en espérant que ses qualités d’éco-performance seraient reconnues par le jury(3)et soute- nues par la Région.

Pour les pouvoirs publics, l’initiative s’inscrit dans une démarche dynamique et confiante : partir des besoins concrets formulés par les gens, miser sur leurs compétences et soutenir leur idéal d’une vie urbaine plus respectueuse de l’environnement. Car la question du réchauffement global, initié par la surconsommation des énergies fossiles, comme celles de la gestion des eaux de pluie ou de la mobilité douce, les problèmes de santé et de pollution appellent à un changement de pratiques.

Mais aussi à de nouvelles visions architecturales, urbaines et, au fond, citoyennes : c’est notre usage du monde qui est à reconfigurer. « Continuer sans rien changer conduit à une situation ingérable en 2020(4). » Les 76 projets lauréats proposent autant de pistes pour éviter d’en arriver là.

Le défi est considérable : si en 2008 l’Europe a réussi à imposer un plan pour améliorer de 20 % notre efficience énergétique, réduire de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2020 et développer les énergies renouvelables (dont la part dans notre consommation passerait de 2 à 20 %), chacun sait qu’il faudra aller plus loin.

De nombreuses initiatives voient le jour dans le monde, comme l’Alliance pour le Climat ou l’Initiative Clinton pour le Climat : lancée en 2006, elle vise à réduire ces émissions de 50 % dès 2025. Quarante des plus grandes villes du monde, parmi les- quelles Londres, Paris ou Rotterdam, y ont volontairement souscrit, se projetant dès aujourd’hui au-devant de l’objectif européen. Certaines collectivités ont pris plus d’avance encore, comme le village de Beckerich au Luxembourg, qui a réussi à réduire de 50 % ses émissions de GES dès 2004. Des entre- prises s’engagent également.

Enfin, les scientifiques du monde entier haussent le ton, notam- ment à travers le Groupe intergouvernemental sur l’Évolution climatique (GIEC) : à l’horizon 2050, c’est de plus de 85 % qu’il faudra avoir réduit nos émissions de CO2. Or ces défis envi- ronnementaux ont des implications sociales : pour que chacun puisse accéder à une vie décente dans un monde sans pétrole, les « bonnes vieilles recettes » ne suffiront pas…

Le secteur du bâtiment peut-il rester indifférent à cet impératif ? Non, aucune réduction substantielle des émissions de GES n’est possible sans de profonds changements quand la construction et le fonctionnement des bâtiments sont responsables de près de 40 % de ces émissions en Europe, et de 70 % à Bruxelles en particulier. D’autres questions de santé publique, de gestion des eaux urbaines, etc. sont également pressantes.

CHAPITRE 01 D’ÉCO-FICTIONS EN ARCHI-RÉALITÉS ! / PAGES 14 – 15

(1)Par facilité, cette numérotation permet à chaque projet d’être identifié et renvoie au répertoire en fin d’ouvrage.

(2)Ce test vérifie sur chantier l’étanchéité du bâtiment et permet de réduire toutes les sources de courants d’air et les déperditions thermiques incontrôlées qui les accompagnent.

(3)Composition des jurys 2007-2008 : P. Blondel, V. Carton, G. Clerfayt, A. Crahay, B. Deprez, J. Dockx, E. Flecheux, P. Hermoye, B. Thielemans et D. Boutsen en 2008.

(4)Jean-Marc Jancovici, C’est Maintenant ! 3 ans pour sauver le monde, Le Seuil, Paris, 2009.

Émissions de CO2 aujourd’hui = 100 %;

émissions en 2050

= 15 %

C’EST NOTRE

USAGE DU

MONDE QUI EST À

RECONFIGURER.

(3)

Chantier du projet Caméléon [025]. Travail sur la lumière naturelle.

Arch. C. Wittock.

Chantier du projet Aéropolis II [040].

Arrivée du puits canadien.

Arch. Architectes Associés.

Chantier du projet de la rue Montagne de Saint-Job [021].

Poutre TJI doublée avec isolation en laine de bois.

Arch. G Bedoret.

(4)

QUELQUES BONNES NOUVELLES !

La première : cette situation, le secteur est en train de la comprendre ! Question de bon sens, résumée par Éric Gobert, project-managerdes bureaux Aéropolis II [040]: il s’agit de « ne pas construire aujourd’hui un bâtiment déjà périmé ! » Les premiers bâtiments de l’Appel à Projets millésime 2007-2008 attestent que Bruxelles est bel et bien entrée dans une phase de transition vers la généralisation des bâtiments éco-performants.

Cette transition concerne tous les types de constructions : les projets lauréats comptent 284 logements dans le privé et 271 logements publics ou sociaux; ils proposent également 17 projets de bureaux et autant d’équipements collectifs : des crèches, des écoles, une maison de jeunes, des hôpitaux, un funérarium, un bâtiment industriel, une grande surface de distribution… L’éco-performance s’adresse donc concrètement à tous, à toutes les fonctions urbaines et à toutes les formes d’architecture.

Deuxième bonne nouvelle : c’est dans le secteur du bâtiment que les améliorations les plus substantielles sont aussi les plus accessibles.

Dans le transport, par exemple, se passer d’énergie fossile est et restera très difficile; pour M. Pascal Hénault, directeur de la recherche dans une grande firme française, « s’il reste une goutte de pétrole, elle doit être réservée aux automobiles et aux avions(5)» ! Dans la construction, en revanche, il est techni- quement possible de réaliser un bâtiment hyper-performant qui divise jusqu’à dix ses besoins de chauffage, notamment en adoptant le standard passif. C’est aussi possible en rénovation, comme le montrent certains projets lauréats.

Troisième bonne nouvelle : ces bâtiments ne coûtent pas 10 fois plus cher, pas 1 fois plus cher, mais presque 0,1 fois seulement ! Soit 10 % à 15 % de surinvestissement, souvent moins ! Voilà aujourd’hui la réalité du terrain.

Quatrième bonne nouvelle : plus de 200 000 m2 sont en construction. Ces chiffres sont impressionnants si on considère que presque personne à Bruxelles ne connaissait l’éco-construc- tion ou la conception passive il y a quelques années à peine.

La décision du Gouvernement d’encourager des projets à la fois éco-construits et à très haute performance énergétique offre aujourd’hui l’occasion de constater que Bruxelles avance à grands pas.

MISER SUR LE DÉSIR DES BRUXELLOIS !

En 2008, la Région introduisait le nouveau cadre réglementaire de la Performance énergétique des bâtiments (PEB), qui vise à améliorer les pratiques constructives dans le secteur. Mais la question n’est pas seulement technique ou réglementaire : l’innovation ne se décrète pas ! Elle prend naissance dans le désir, la compétence et la liberté des gens. C’est là que l’Appel à Projets a fait mouche et séduit les Bruxellois.

On peut dire que l’architecte des logements de la rue Wauters [017]a bien reçu le message ! Déjà sensible à l’éco-construction, Inès Camacho avait conçu un projet basse énergie quand l’Appel à Projets fut lancé le 3 mai 2007. Enthousiasmée par le concours, elle revoit sa copie : « J’ai compris que mon projet était proche des critères passifs, même s’il n’avait jamais été pensé comme ça. J’ai déposé mon dossier, puis j’ai passé six mois à transformer mon dossier d’exécution. » Concevoir une CHAPITRE 01 D’ÉCO-FICTIONS EN ARCHI-RÉALITÉS ! / PAGES 16 – 17

42 projets de logements; 17 projets tertiaires; 17 projets d’équipement;

total 2007-2008 : 205 815 m2

(5)Dans terraeco, Le magazine du déve- loppement durable, mars 2009, p. 55.

(5)

maison expérimentale faisait partie d’un rêve : « C’était un peu par naïveté, par innocence, que je me suis lancée dans l’aven- ture. Mais aujourd’hui, je crois que je ne pourrais plus faire autre- ment que de concevoir de la basse énergie ou du passif, parce que je n’ai plus de motivation à utiliser de vieilles techniques. Les vieux machins qui puent, ça ne m’intéresse plus ! »

À Jette aussi, on s’est laissé prendre au jeu. En 2007, le Foyer jettois était retenu pour deux logements passifs neutres en carbone rue J. Loossens [016]. Dans la foulée, son directeur- gérant a décidé de passer à la vitesse supérieure. « En tant que société immobilière de service public, nous cherchons à amé- liorer notre service aux locataires et à leur offrir des logements confortables avec des économies d’énergie substantielles, explique M. Jean t’Kint. C’est pour nous une priorité car les charges sont devenues aujourd’hui très élevées, parfois équi- valentes au montant d’un loyer social. »

Dans le cadre de la rénovation des 183 logements sociaux du Florair [061], une « barre » typique des années soixante, le Foyer jettois a choisi d’isoler la façade pour aller au-delà de l’objectif basse énergie formulé par l’Appel à Projets (et qui permettait déjà de diviser par 3,6 les besoins de chauffage).

En réalité, « on va diviser ces consommations par dix. On est presque passif, mais avec seulement 8 cm d’isolant, et cela grâce à la compacité du bâtiment », commente Philippe Ségui, l’architecte du projet.

Même bilan pour les bureaux Aéropolis II [040]à Schaerbeek : la première esquisse, formatée pour la basse énergie, a été retravaillée pour répondre au standard passif… On pourrait multiplier les exemples pour constater ceci : le courant passe ! C’est la mise au jour de ces potentiels considérables d’amélio- ration concrète et accessible qui constitue le premier résultat tangible de l’Appel à Projets.

Pour certains professionnels, c’est aussi l’occasion de réaliser sa propre maison ou son bureau. C’est le cas du chantier qui s’achèverue Montagne de Saint-Job [021]à Uccle. Un pre- mier dossier avait permis à l’architecte Gérard Bedoret de « dé- mystifier » le concept passif et lui avait donné envie de le mettre en œuvre pour lui-même : « Ma maison est un peu comme un laboratoire; bien sûr, ça implique pour moi un investissement de temps supplémentaire, pour la conception, le dessin des détails, le cahier des charges, mais ça ira sans doute plus vite pour les projets suivants… »

Spécialisée dans l’architecture commerciale, l’agence Lahon &

Partners vient d’intégrer ses nouveaux bureaux passifs rue A. Nys [009] à Anderlecht. Ce projet était pour l’architecte l’occasion de participer à une démarche environnementale :

« J’estime que nous devons promouvoir ce type de réflexion auprès de nos clients et j’en suis d’autant plus convaincu que certains promoteurs commencent à y voir un intérêt commer- cial », notamment en termes de communication vers le public.

CHAPITRE 01 D’ÉCO-FICTIONS EN ARCHI-RÉALITÉS ! / PAGES 18 – 19

Chantier du projet Caméléon [025]. Travail sur la lumière naturelle.

Arch. C. Wittock.

NE PAS

CONSTRUIRE

AUJOURD’HUI

UN BÂTIMENT

DÉJÀ PÉRIMÉ !

(6)
(7)

PROJET CRÈCHE N° 9 [005],

RUE VANPÉ [014], RUE LOOSSENS [016], RUE DU TILLEUL [057],

AVENUE MARLY [065] ET MD2E [066]

Votre pratique de l’éco-construction remonte à plusieurs années. Vous êtes progressivement passé de la basse énergie à des bâtiments entièrement passifs ? Nous ne dessinons plus de bâtiments standard, c’est fini. Aujourd’hui nos projets sont tous passifs. Nous cherchons à aller plus loin, avec des bâtiments neutres ou autonomes en énergie. En rénovation, c’est plus difficile, mais nous arrivons quand même à réduire la facture énergétique de 80 %.

Il est parfaitement inconséquent de construire encore des bâtiments standard, qui seront encore là dans cinquante ans. Se poser au- jourd’hui la question de faire ou ne pas faire du durable, c’est comme si on s’interrogeait sur la question de faire ou non une toiture étanche ! Nous, nous ne nous posons plus la question, nous faisons d’office une toiture étanche. Il en va de même pour ce qui concerne le durable.

Comment trouvez-vous des entreprises capables de réaliser vos projets innovants ? Dans aucun cas, nous n’avons pu choisir une entreprise spécialisée ou trouver un super éco-bio-constructeur. Mais, comme le durable est plus une question de physique du bâtiment que de technique, comme ce sont des choses assez simples, nous avons pu travailler dans les premiers bâtiments avec des entrepreneurs traditionnels ; nous leur indiquions comment faire, comment poser l’isolation, comment éviter les ponts thermiques, comment réaliser l’étanchéité à l’air…

Ce savoir-faire, comment l’avez-vous appris ?

Nous n’avons rien appris, nous avons tout découvert sur le tas, sur chantier. Et maintenant nous le montrons aux entrepreneurs. Avec la Plateforme Maison passive (PMP), Bruxelles Formation et l’Espace de Formation pour les PME, par exemple, nous avons organisé des formations pour les entreprises du secteur, pour tous les corps de métiers. Nous leur avons fait faire du passif en travaillant sur des nœuds constructifs. Ces formations

permettent de revaloriser les métiers de base, des métiers qui touchent principalement au gros œuvre. On est loin d’une révolution technologique ou du délire high-tech !

L’INTERVIEW

SEBASTIAN MORENO-VACCA, A2M

(8)

NOUVEAUX MATÉRIAUX, NOUVEAUX MÉTIERS

Pour beaucoup, c’est également l’occasion d’expérimenter de nouveaux matériaux et, en particulier, des matériaux écologiques.

Rue J. Wauters [017], « nous avons fait des choix innovants pour tous les matériaux, commente l’architecte. Presque tous sont écologiques, ils sont extrêmement peu consommateurs d’éner- gie à la production et occasionnent très peu d’émissions…

Et tous ces nouveaux matériaux sont assez pratiques, en fait : c’est une construction semi-sèche, qui donne une certaine immédiateté sur chantier. »

À Saint-Job [021], la parcelle étroite suggérait de mettre en œuvre une structure mixte : maçonnerie pour les mitoyens et bois pour les façades et les planchers. « L’ossature est remplie de cellulose soufflée »; elle assure ainsi une meilleure isolation tout en limitant l’épaisseur totale des murs.

Plus globalement, tous ces chantiers pointent vers des métiers nouveaux (en isolation, contrôle, audit et certification, flocage, thermographie, étanchéité, etc.) des métiers en évolution (de- puis les architectes jusqu’aux entreprises de gros œuvre, de chauffage, de ventilation, les placeurs de capteurs solaires, les électriciens, etc.) et des techniques émergentes (produits dérivés du bois, récupération de chaleur, enduit sur isolant, etc.).

Les entreprises et les architectes, en croisant leurs expériences, façonnent une culture constructive contemporaine tournée vers l’excellence. C’est à cette nouvelle culture que souhaite partici- per le directeur de l’école passiveIMMI [023], en fin de chantier à Anderlecht, quand il précise : « Nos motivations sont écono-

miques, écologiques mais aussi pédagogiques : nous voulons éduquer nos étudiants à l’usage d’une habitation passive. » Certains projets sont partis sur des hypothèses plus pragma- tiques : conserver le plus possible, éviter de démolir, modifier le strict nécessaire, comme la rénovation des bureaux Mundo- B [067], en fin de chantier à Ixelles, qui par des interventions simples mais bien dosées atteint le niveau basse énergie par l’emploi de matériaux isolants écologiques. La verdurisation des toitures, la valorisation de l’eau de pluie et, avant tout, le choix d’un site extrêmement bien situé pour des bureaux sont d’autres éléments d’une approche globale.

D’autres de ces pionniers bruxellois auront eu leur part de plâtres à essuyer, notamment parce que l’éco-construction est encore mal connue par les architectes et les entreprises et parce que certains matériaux sont difficiles à trouver en Belgique.

Entre le planning sur papier et la réalité des chantiers, nombreux sont les lauréats qui ont navigué à vue. Grâce à leur détermi- nation, ils donnent pourtant forme concrète à ce qui, hier encore, n’était qu’une fiction : pour des prix presque toujours raison- nables, ils édifient des bâtiments simples et économes en énergie et en eau, respectant mieux à la fois la santé et l’envi- ronnement.

UNE STRATÉGIE INCITATIVE

De 2007 à 2008, les projets lauréats se sont adaptés aux exi- gences croissantes formulées par les pouvoirs publics et ont souvent réussi à dépasser ces objectifs.

CHAPITRE 01 D’ÉCO-FICTIONS EN ARCHI-RÉALITÉS ! / PAGES 20 – 21

TOUS CES NOUVEAUX MATÉRIAUX SONT ASSEZ

PRATIQUES.

(9)

L’architecte de Saint-Job [021]estime que l’Appel à Projets a été extrêmement efficace car il a soulevé l’intérêt de nombreux architectes : « C’est très stimulant de voir le nombre de parti- cipants, alors qu’a priori j’aurais cru que ça resterait plus confi- dentiel et confiné à quelques puristes. Les professionnels qui ne sont pas encore intéressés vont devoir prendre le train en marche.»

En contrepartie de leurs efforts, les lauréats ont reçu une aide régionale à concurrence de 100€/m2(6). À cela s’ajoutent les primes « énergie » normalement libérées par le dispositif actuel- lement en vigueur en Région bruxelloise(7). Sans compter l’assis- tance à la maitrise d’ouvrage que la Région propose également pour aider les équipes de conception à réaliser leurs ambitions.

Ce « coup de pouce » est bienvenu voire indispensable pour de nombreux particuliers. Il l’est d’autant plus pour les projets publics : crèches, écoles, logements sociaux qui, à Bruxelles, Laeken, Evere, Molenbeek, Schaerbeek, Saint-Josse, Jette, Ixelles, etc., travaillent dans des cadres budgétaires serrés. La palme du dossier le plus extraordinaire revient sans doute au projet d’immeuble passif L’Espoir [060], déposé par quatorze familles en situation précaire rue Fin, à Molenbeek.

Ces incitants financiers encouragent la multiplication des exper- tises en éco-construction : depuis l’architecte, en passant par le bureau d’études, jusqu’à la formation des nouveaux métiers de la construction, il s’agit d’ouvrir un cercle vertueux centré autour d’une saine éco-conception. Ensuite, il s’agit aussi d’organiser la diffusion des nouveaux matériaux, éléments de construction et

installations techniques performantes. Plus ceux-ci se répan- dront, plus le surinvestissement nécessaire se réduira. Dans quelques années, l’éco-performance doit devenir le standard constructif par excellence, pour un surcoût réduit. Le secteur n’aura alors plus besoin d’être soutenu par de l’argent public.

CONSTRUIRE BRUXELLES AUTREMENT ?

Al Gore aime rappeler que la meilleure des énergies renouvelables est l’enthousiasme. Celui-ci s’épanouit par une participation libre et inventive, qui garantit aussi que les actions restent liées à l’échelle des participants, à leurs compétences et à leurs besoins réels. C’est lui, beaucoup plus que n’importe quel « grand pro- jet », qui permet d’insuffler une dynamique urbaine en phase avec les réalités et les aspirations bruxelloises. L’ambition de l’Appel à Projets n’est donc pas de faire de Bruxelles la ville la plus verte ou la plus durable d’Europe (dans quelle compétition improbable ?), elle aura été d’éveiller et de mettre en œuvre le potentiel d’amé- lioration, la réserve d’épanouissement possible de la ville, de ses quartiers et de ses habitants par rapport aux enjeux contempo- rains de l’environnement.

Architectures à suivre ! Cette floraison de projets, vous pourrez continuer à l’observer au cours des vingt-quatre prochains mois sur l’un des nombreux chantiers « exemplaires » ouverts ce printemps : les quatorze logements de L’Espoir [060], les huit logements sociaux de la rue Dubrucq [018]à Molenbeek, les douze logements sociaux de la rue de la Brasserie [063]

à Ixelles…

Soyez curieux, allez donc y jeter un coup d’œil ! CHAPITRE 01 D’ÉCO-FICTIONS EN ARCHI-RÉALITÉS ! / PAGES 22 – 23

Chantier du projet rue Gérard [058]. Coffrage

de la dalle en bois.

Arch. E. Draps.

Chantier rue Nys [009].

Interrupteur de contrôle des protections solaires.

Arch. Architects Office Lahon & Partners.

Chantier du projet rue Montagne de Saint-Job [021]. Châssis triple vitrage, isolation en liège.

Arch. G. Bedoret.

Chantier du projet rue Wauters [017].

Structure mixte : plancher en bois et mur

en maçonnerie.

Arch. I. Camacho.

(6)L’aide est répartie à 90 % pour le maître d’ouvrage et 10 % pour le concepteur. Pour les opérations privées, la prime est plafonnée à 200 000€par projet.

(7)Voir le site www.bruxellesenviron- nement.be. Il s’agit ici d’une prime de 100€/m2pour les 150 premiers m2(50 €/m2 au-delà) destinée au logement qui atteint le

standard passif en construction neuve ou basse énergie en rénovation. Depuis 2009, une nouvelle prime de 50 €/m2est destinée aux bâtiments tertiaires qui atteignent le nouveau standard passif spécifique

à ce secteur.

LES

PROFESSIONNELS QUI

NE SONT PAS

ENCORE

INTÉRESSÉS

VONT DEVOIR

PRENDRE

LE TRAIN

EN MARCHE.

(10)
(11)

Il s’est passé quelque chose à Bruxelles en 2007. Comme tout le monde, nous avions entendu Al Gore ou Alain Hubert nous parler de ce qui, imperceptiblement, est en train de transformer notre avenir : CO2, réchauffement, etc. Tant de défis, mais par où commencer ? Des centaines de Bruxellois ont commencé.

Ils ont planché sur des projets de rénovation ou de construction écologique. Ils en ont fait des projets d’avenir. Ils ont décidé de se creuser la tête pour arrêter de creuser la dette(8)(écologique). Ils étaient prêts à secouer le « conservatisme » des décideurs. C’est parce que ce terreau était mûr que l’initiative

« Projets exemplaires » a rencontré le succès.

À l’heure des premiers bilans, il est intéressant d’interroger les chiffres et, au-delà, la

dynamique de contamination positive qui se met en place.

Les Projets exemplaires touchent concrètement à moins d’1 % du bâti, mais ils représentent pourtant plus de 16 % de ce qui se construit chaque année : c’est comme si tout Bruxelles construisait 100 % écologique un jour entier de chaque semaine. Dans le résidentiel, 555 logements sur deux ans correspondent à 11 % de ce que Bruxelles construit ou rénove chaque année.

Grâce aux projets 2007 et 2008, Bruxelles rattrape les premiers de la classe européenne : à population comparable, la Région est en

train de construire des bâtiments basse énergie deux fois plus vite que la Suisse; avec 160 logements passifs pour un million d’habitants, l’Appel permet à Bruxelles de rattraper les trois quarts de son retard sur l’Allemagne, patrie du standard depuis 1991;

elle est occupée à réaliser en deux ans ce que les Autrichiens ont mis six ans à édifier et dépasse le niveau de la région du Vorarlberg, réputée pour son architecture de qualité.

À ce rythme, Bruxelles affichera bientôt une densité de logements passifs quatre fois plus élevée qu’en Suisse. Or, dans les pays où le passif est né voici près de vingt ans, le marché est en train d’exploser. En Autriche, il repré- sentait 4 % des constructions neuves en 2006 et devrait passer à 24 % en 2010. C’est dire qu’une dynamique est lancée et qu’elle va se poursuivre. Gageons que, bientôt, c’est par cars entiers que les touristes viendront visiter les réalisations exemplaires à Bruxelles ! Je pourrais multiplier les comparaisons techniques, mais je ne retiendrai qu’une chose : un processus original a pris forme à Bruxelles à partir de ses habitants, de leurs besoins et de leurs ressources propres.

Pour qui connaît cette ville et son infatigable propension à s’autodésorganiser, rien n’y serait plus contre-productif que la vision autoritaire d’une ville propre, « copiée-collée » d’un modèle improbable au nom d’un bench- markinginternational.

Au contraire, et c’est son intelligence, l’initiative a pris le risque de miser sur l’énergie, les compétences et l’audace des Bruxellois eux- mêmes pour faire de leur ville, chacun à son échelle et par son projet, un damier de zones érogènes d’architecture et d’urbanité où s’écrit la culture nouvelle d’une ville plus durable.

En ce sens, l’expérience bruxelloise me paraît aussi originale que celle du quartier Vauban, à Fribourg, qui a parié sur l’engagement de ses nombreux habitants. Cet horizon d’une dynamique enracinée, je l’oppose au terme (ab)usé de « développement » ou de

« croissance verte » et préfère imaginer, suivant en cela Edgar Morin(9), ce que pourrait être à Bruxelles un « épanouissement

durable », terme qui, se référant à l’empan: extension maximale de la main, prend la mesure de son échelle et de sa propre limite.

Enfin, rappelons une évidence : si l’éco- construction est en passe de réussir son décollage, le véritable défi consiste dans l’immédiat à ce que tous ces projets lauréats puissent aboutir et que les performances annoncées soient bien concrétisées. Pour cela, une nouvelle culture professionnelle doit venir conforter les maîtres d’ouvrage. Cette condition est indispensable pour que ces

« Projets exemplaires » ne finissent pas en simple image d’Épinal « édifiante » mais constituent de véritables prototypes pour mieux habiter la ville aujourd’hui et demain.

LES BRUXELLOIS PARLENT

AUX BRUXELLOIS

BERNARD DEPREZ, LA CAMBRE ARCHITECTURE

(8)Merci Alain Souchon !

(9)Edgar Morin, L’an Un de l’ère écologique, Tallandier, Paris, 2007.

(12)

POST SCRIP- TUM

Manneken Pis, anti-héros ?

La légende raconte que l’enfant aurait sauvé la ville en éteignant, d’un petit jet bien ajusté, la mèche d’une bombe lancée par l’ennemi…

Par quels petits jets ou quels petits gestes quotidiens chacun d’entre nous peut-il « sauver » la planète quand la bombe, aujourd’hui, s’appelle

gaz à effet de serre, réchauffement global, pollution, etc. ?

Les PEE (Projets éco-exemplaires) seraient-ils les enfants de Manneken Pis ? Prompts à éteindre l’incendie climatique et à réduire la pression énergétique ? Sans se prendre la tête, tout simplement parce que c’est mieux comme cela ? Non, peut-être !

Références

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