FACULTE DE
MEDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1897-1898 M0 2V
ESSAI DE TÉRATOLOGIE HUMAINE
ne FAMILLE de PHOCOMEL 1
■J
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentéeet soutenue publiquement le 8 Décembre 1897
Albert-Edmond GRANDMAIRE
Né à Carcassonne (Aude), le 5 Décembre 1874
Élève du Service de Santéde la Marine
Examinateurs de la Thèse:<
MM. BOUCHARD professeur.. . Président.
JOLYET professeur....
PR1NCETEAU agrégé j. Juges.
CANNIEU agrégé
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIG-NOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 189 7
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
IWtOI'HSSl I ltS MM. MIGE...
AZAM. .
DUPUY.
Professeurs honoraires.
Clinique interne
MM.
\ PICOT.
/ PITRES.
DEMONS.
LANEliONGUl N.
Clinique externe..
Pathologie interne Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOLS.
Anatomie pathologi¬
que COYNÇ.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
AGRÉGÛS KX
SECTION DISMÉDECINE (Patholog
MM. MESNARD. | CASSAET.
AUCHti.
Physiologie Hygiène Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique lOXnOHClCE : ie interneetMédecine
MM. SABRAZÈS.
LE DANTEC.
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONJÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
légale.)
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS (MM. YILLAR.
Pathologieexternes BINAUD.
BRAQUEHAYE
Accouchements. \MM. RIVIERE.
■) CHAMBRELENT
Anatomie.
SECTION DESSCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
(MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
■ CANNIEU. Histoire naturelle BEILLE.
Physique
Chimieet Toxicologie
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTIiE.
DENIGÈS. I
lotus ( \iitns :
Clinique interne' ' desenfants MM.
MOUSSOUS.
.. DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENTJCÉ.
RIVIÈRE.
DENIGES LEMAIRE.
Clinique desmaladies cutanées etsyphilitiques.
Clinique desmaladiesdes voies urinaires
Maladies dularynx,desoreilles etdu nez Maladies mentales
Pathologie externe Accouchements Chimie
LeSecrétaire de la Faculté:
Pardélibération du5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les
Thesesqui lui sontprésentées doiventêtre considérées comme propresà leurs auteurs, et qu'elle n'entend leurdonnerniapprobation niimprobation.
A MON AMI D'ENFANCE PAUL ROBERT
INTERNE A L'ASILE PUBLIC D'ALIÉNÉS DU GERS
(AUCII)
A MON AMI LE DOCTEUR LEPIN TE
MÉDECIN DE LA MARINE
A. L. D. D. C. O.M.A.D.L. S.
N. M. A. J. J. J. S. S.
'mm
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BOUCHARD
PROFESSEUR D'ANATOMIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX MEMBRE CORRESPONDANT DEL'ACADÉMIE DE MÉDECINE
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE COMMANDEUR DE L'ORDRE DE CHARLES III D'ESPAGNE
COMMANDEUR DE i/oRDRE DE LA ROSE DU BRÉSIL, ETC., ETC.
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DIVISION DU SUJET
Introduction.
Première Partie. — Considérationsgénérales et anatomie.
Chapitre premier. — Considérations généralessurla plio- comélie. — Définition. — Historique.
Chapitre II. — Etude anatomique de nos sujets.
Deuxième Partie. — Exposé critique des principales théo¬
ries
embryogériiques.
Chapitre premier. — Compression du fœtus par Taninios.
Chapitre II. —Adhérences cicatricielles dans l'œuf.
Chapitre III. — Influence du
système
nerveuxet du moral.Chapitre IV. — Influence de l'hérédité.
Conclusions.
Index bibliographique.
INTRODUCTION
Des différents sujets quepeut se proposer
l'auteur
d'unethèse inaugurale, celui qui nous a paru s'accommoder
le
mieux aux conditions que
les nécessités delà vie militaire
nous
imposent, c'est de saisir,
pourainsi parler,
au passage,un fait curieux, intéressant dont l'application laisse encore le champ libre aux
chercheurs
etde le présenter
avec assez de clarté et de précision pour que des travauxultérieurs
puissent en tirer unparti sérieux
ettabler
surlui des théo¬
ries qui, dans le cas
particulier, seraient du plus haut inté¬
rêtscientifique.
Les petits sujets sur
lesquels
nousdésirons attirer l'atten¬
tion dans ce modeste travail nous ont été présentésparM. le professeur
Bouchard, de Bordeaux. Aidé des conseils bien¬
veillants de ce maître, autant que
pénétré
de sonenseigne¬
ment si nourri et si pittoresque dans sa
riche
concision,nous avons entrepris de
présenter à
nosjuges quelques
con¬sidérations critiques sur les différentes
théories
embryogé- niquesproposéespourexpliquer la Phocômélie. Nous n'avons
qu'unregret, c'est d'avoir laissé cet intéressant sujet à l'état
d'ébauche, c'est-à-dire quele temps et les moyens nous aient manqué pourfaire de
cetravail autre chose qu'une
œuvre de critique. On nousreprochera,
sans nul doute, de critiquertoutà notre aise sans rien mettre à leur place, des idées théoriques dont l'établissement est le fruit du travail pro¬
longé d'hommes de haute valeur; mais nous saurons recon¬
naître notre ignorance en la matière, bien
pénétré
de cette vérité que dansla suite des œuvres de l'esprit humain et enparticulier dans le domaine
scientifique,
la réfutation des opinions déjà admises, loin d'être levain exercice d'un criti¬que chagrin, est la façon la plus naturelle d'ouvrir la voie aux esprits chercheursetde favoriser dans une faible me¬
sure la marcheen avant de la science, ce qui est, à notre sens, un résultatautrement louable.
Avantd'abordernotresujet,que M. le professeur Bouchard, dont nous serons en grande partie
l'interprète
dans ce tra¬vail, veuille bien recevoir ici l'expression de notre déférence et nos remerciements pour l'honneur qu'il nous fait en ac¬
ceptant la présidence de notre thèse.
M. le professeur Bergonié a mis à notre
disposition,
pour nos expériences de radiographie, les ressources de son cabi¬net avec une bienveillance dont nous sommes heureux de pouvoir le remercier.
Mais nous manquerions à tousnos devoirs si nous ne re¬
merciions ici
publiquement
M. le D1- Torel, médecin de pre¬mière classe de la marine del'amabilitéaveclaquelle il amis à notre disposition sa scienceet ses conseils aussi précieux que bienveillants.
PREMIÈRE
PARTIECONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET ANATOMIE
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CHAPITRE PREMIER
Considérations
générales
surla Phoeomélie.
D'une façon
générale
onappelle monstruosité
«un ensem¬
bled'anomalies très graves
rendant impossible
oudifficile
l'accomplissement
de certaines fonctions et produisant chez
les individusqui ensont
affectés
uneconformation vicieuse
très différentede celle que présente
ordinairement leur
es¬pèce ». Cette
définition dTs. Geoffroy-Saint-Hilaire, peut-être
trop
générale, manquerait de précision si
onvoulait l'appli¬
quer
rigoureusement à toutes les anomalies rendant difficile
l'exécution de certaines fonctions. Il est telles fonctions
d'une importance
capitale dont l'absence
neconstitue
pasà proprement parler
unemonstruosité: la
vue,l'odorat, l'ouïe,
par
exemple; aveugles, sourds, muets,
nesont-ils pas de
malheureux infirmes plutôt que des
monstres? Sacrifions
cependantà la tradition vulgaire qui appelle monstruosité
unesortede faute contre le type
établi et habituel des for¬
mes extérieures d'unêtre.
LA PHOCOMÉLIE. ÉTYMOLOGIE ET DÉFINITION
Cette acception étant
admise,
remarquonsavant d'aller
plus loinquele
nomde la difformité qui
nous occupera sur¬tout,
phocomélie,
al'avantage d'avoir
uneétymologie
nonseulementimagée, maisencore
scientifiquement exacte. On
donne cenom en effet à l'absencedans un membredes deux
premiers segments, avant-bras et bras pour le membre supérieur, cuisse et jambe pour le membre inférieur.
L'individu ainsi constitué voit ses membres réduits à des moignons mobiles composés d'une main ou d'un pied plus ou moins étroitement fixés à la ceinture thoraci- que
supérieure
ou inférieure, moignons qui rappellent va¬guement les membres du phoque (owxr„
phoque
etj/iXoç,
mem¬bre). Mais ce qui complète la ressemblance, c'est que dans la plupart des cas la main ou lepiedsont reliésau corps par un
tronçon de membre très court dans lequel on retrouve sous forme devestiges les différentes parties du squelette des seg¬
ments absents;or, la même disposition se retrouve chez le phoque qui a un membre supérieur ostéologiquement com¬
plet quoique rudimentaire.
Geoffroy-Saint-Hilaire
relate, parexemple, l'observation,
d'après
Dumas, d'un phocoméliendes membres inférieurs chez lequel on a retrouvé fémur, tibia et péroné. L'analogie est donc complète etnous verrons
plus loin qu'elle est réalisée en grande partie dans les cas que nous publions.
Historique
Cettepartie de notre travail sera pas mal réduite, car bien que la phocoméliesoit vieillecomme l'homme lui-même, elle
a plutôtexcité la curiosité du public que fixé
l'esprit
des chercheurs.Voulant rester dans les limites que nous nous sommes
imposées, c'est à dire l'étude de la phocomélie exclusive¬
ment, nous passerons intentionnellement sous silence tous les ouvrages de tératologie générale, si nombreux dans ces dernières années, et que l'un de nos maîtres, M. le profes¬
seur agrégé Princeteau, cite au complet dans l'index biblio¬
graphique de sa thèse d'agrégation: « Des progrès de la Tératologie, depuis Is. Geoffroy-Saint-Hilaire, Paris 1886 ».
Aussi, quoiquepeu de travaux aientété publiés
spécialement
— 15 —
sur le sujet qui nous
intéresse,
noustâcherons de recueillir les faitsles plus remarquables ayant trait à cette monstruo¬sité, faitsqui sont unpeu épars dansla littérature médicale, heureux d'engrossir le nombre par quelques cas peut-être insuffisammentétudiés que nous rapporterons dans le cou¬
rant de ce travail.
La première mention qui soit faite de la phocomélie se trouve dans leslivres
hippocratiques.
L'auteursemble même ébaucherune théorieembryogénique
etpense que c'est dansunvice de conformation de l'utérus qu'il faut chercher la
causede cette anomalie.
« Les enfants, dit-il, deviennent estropiés decette manière- ci: quand dans les matrices il y a étroitesse à la partie où
en effet s'est produit
l'estropiement,
il est inévitable que le corps, semouvant en lieu étroit, soitestropié en cettepartie.C'est ainsi que les arbres qui dans la terre n'ont pas assez
-
| ' d'espace et
sontgênés
par une pierreou partoutautrechose,* deviennent tortus engrandissantou biengros en un point et
petits en un autre, L'enfant en éprouve autant lorsque dans les matrices une portion est relativement trop étroitepour la partie correspondante de l'enfant » (De la nature de l'en¬
fant, livre IV, § 10).
Jusqu'à la fin du xn9siècle s'étendunepériode dite « fabu¬
leuse» pendant
laquelle,d'après
Kirmisson,lessuperstitions les plus grossières serventd'explication
à la production des difformités.A.Paré,lui-même,n'a pas sules éviter.Nous n'in¬sisterons pasdavantage sur cette époque d'obscurité scienti¬
fique.
Déjà, au xvmesiècle,avecWinslow,Littre,Duverney,la cu¬
riosité
scientifique
est éveillée par les difformités des mem-4 bres, et un anatomiste,
Lémery, s'appuyant
sur des dissec¬tions et des observations soigneusement recueillies,soutient
,
L
contre Winslow que les monstruosités ne sont pas le pro¬duit de germes
primitivement
anormaux, mais qu'elles seproduisentsecondairement par un arrêt ou un excès de dé¬
veloppement.
i
5y; ,î<-sO ' ' •
La justesse
de cette opinion
aété démontrée par la suite,
dans les travaux plus
récents de Meckel (1812-1826) et d'Isi¬
dore
Geoffroy-Saint-Hilaire, dont le
«Traité de Tératologie »
estencore
aujourd'hui
undes monuments les plus complets
sur la
question.
Dans un intéressantmémoire
de la Société de chirurgie de
Paris (1863),
Debout
arassemblé 13 cas de phocomélie des
membres pelviens.
Duméril, de
soncôté, a étudié au point
de vueanatomique un
des faits les plus frappants de phoco¬
mélie des quatre
membres; c'est celui du Vénitien Marc Ca-
tozza qui se
servaitavecbeaucoup d'habileté de ses moignons
dans lesquels presque
tous les muscles étaient conservés à
l'état de vestiges
(1800).
Plus
près de
nous(1891), M. Dareste, dans ses « Recher¬
ches sur la
production artificielle des monstruosités », a
tenté de
reproduire expérimentalement les difformités les
plus
curieuses et les plus variées, depuis les ectromélies de
toute sorte
jusqu'à Tanencéphalie complète.
Citons enfinle travail de
Poirier
: «Du développement des
membres » où sontconsignéesavec
beaucoup de soin toutes
les
particularités
queprésentent, au point de vue anatomi¬
que, ces
ébauches de membres dont on trouvera quelques
exemples dans les pages qui vont suivre.
Telssont les
principaux
ouvragespubliés sur le sujet qui
nous occupe, tous
fruits d'une observation rigoureuse¬
ment scientifique,
mais dons lesquels, nous essaierons
du moins dele montrer,
il est difficile de trouver les élé¬
ments nécessairesà
l'édification d'une opinion satisfaisante
sur
l'embryogénie de
cescurieuses dispositions anatomi-
ques, et a
fortiori, d'une théorie dans laquelle puissent en¬
trer toutescelles que
l'on
aobservées jusqu'à ce jour.
'
\
§V
CHAPITRE II
Étude anatomique de
nossujets.
1° Cas de Charlotte X..., l'aînée de la famille (Personnel).
Charlotte X..., âgée de six ans, présente les particularités
suivantes:
A)
Anatomie.a) Membre supérieur droit.
— La main n'a que quatre doigts dont les trois premiers sont incurvés en dehors, lequatrième
en dedans; les deux doigts extrêmes passent par-dessus les deux du milieu, de façonà
venirse rejoindre sur la face dorsale. Chacun de ces doigts
est normalement conformé.
Le
métacarpe
se composede quatre os bien conformés.Le carpe a une
disposition
générale normale, saufpour letrapèze
quimanque,ce qui semble indiquer que le doigt de la main gauche absentestle pouce.Le segmentde membre qui représente l'avant-bras et le bras a 10centimètres de longueur pouvantse
décomposer
ainsi: Bras, 6 centimètres; avant-bras, -4 centimètres» Cir¬
conférence du bras, 16 centimètres.
Vépine de l'omoplate et la clavicule
présententleur
relief normal. L'articulationscapulo-humérale
paraît normale.p) Membre supérieur gauche.
—La main
atrois doigts
seulement, mais ils sont normaux et supportés par trois
Gr. t
métacarpiens. Le reste
du membre n'a
que6 centimètres
delongueur.
Longueur du doigt du milieu, 4
centimètres.
Longueur du
métacarpien.
4centimètres.
Longueur du carpe, lr5.
B) Physiologie. —
L'usage de
cesmembres supérieurs,
quoiquelimité,
estsuffisant
pourassurerl'existence de cette
enfant. C'est ainsi
qu'à
la main droite,le quatrième doigt
s'estlégèrement
différencié des
autres, et,par unmouvement
d'oppositiontrès imparfait, il
sertde
pouce pourla préhen¬
sion; aussi la fillette tient fort bien une
fourchette et même
une aiguille avec
laquelle elle
faitquelques points grossiers
de coutureen s'aidant de sa bouche.
Du côtédu bras gauche,tousles mouvements
d'extension
sontdifficiles, mais la flexion s'exécute
généralement
bien.A la main, on observeunevéritable pince de homard
formée
par les deux doigts
extrêmes, celui du milieu restant immo¬
bile et gênant.
La palpation
de l'épaule donne la sensation très nette
que la tête de l'humérusou de l'os qui le représente ne se meutpasdans unecavité
articulaire, mais dans la
massemême
des muscles
périphériques.
Examen radiographique. — Grâce à l'obligeance de M. le professeur Bergonié,
qui
abien voulu mettre à notre disposi¬
tion les ressources deson cabinet, nous avons pu exami¬
nerle
squelette de
nospetits sujets
aux rayonsdu tube de
Crookes. Notre intention première était de joindre
à
ce tra¬vail lesphotographies témoins du
résultat de
cetexamen : mais il nousa été absolumentimpossible d'obtenir d'enfants
de cetâge l'immobilité prolongée pendant
huit à dix minutes
qui estnécessaireà
ce genred'épreuves; l'anesthésie chloro-
formique aurait évidemmentlevé
toutedifficulté, mais
nousnous sommes buté, lorsque nous l'avons proposée à la fa¬
mille, à la résistance du père qui demandait de
telles
garan-— 19 —
ties de toute nature que nous avons
dû
nouscontenter de
l'examen à l'écran dépoli.
C'est
ce que nous avonsfait, et
voici ce que nous avons
constaté chez la fillette qui nous
occupe :
1° Membre
gauche.
—Le squelette du segment de membre
qui
rattache la main à l'épaule est composé ou de plusieurs
os absolument soudés ou
d'un seul
os.La partie supérieure
de cequi
représente l'humérus n'a pas de tète articulaire et
Losse termine par une
extrémité effilée qui parait un peu
flou, sans
doute à
causedu degré peu avancé d'ossification ;
extrémitéqui est
distante d'au moins 4 centimètres de l'omo¬
plate.
Rien de particulier à signaler dans le squelette du mé¬
tacarpe et des
doigts, sauf le nombre des rayons qui est de
quatre
seulement.
2<> Membre droit. —L'humérus
est ici terminé à sa partie
supérieureparune
tête articulaire en rapport étroit avec une
cavitéglénoïde
bien conformée.
2° Cas de Charles X...,
cadet de la famille (Personnel).
« On
conçoit, dit I. Geoffroy-Saint-IIilaire en parlant de la
phooomélie, la possibilité que la monstruosité n'affecte qu'un
membre tlioracique ou
abdominal : mais cette modification
dela
phocomélie
nem'est encore connue par aucune obser¬
vation authentique. »
Cettelacuneest
comblée par la description qui va suivre,
où l'on verra
qu'un seul membre tlioracique, le gauche, est
affectéde
phocomélie vraie.
Agé de
trois
ans,Charles X..., en apparence moins mal¬
formé que sa sœur,
nous offre cependant les dispositions
suivantes:
A) Anatomie.
a) Membre supérieur gauche. — A la main,
on trouve
seulement quatre doigts dont les trois derniers
sont normaux et
ont de 4 à 4 cent. 5 de longueur; le premier,
par
contre,
a sesdeux dernières phalanges soudées; il est
fortementincurvéen
dedans, et n'a que 3 cent. 5 de longueur ;
son métacarpien,
paraissant solidaire delà déformation, est
lui-même
considérablement atrophié.
Le métacarpe
est composé de quatre os dont trois nor¬
maux, et le
premier atrophié, comme nous venons de le dire.
Le carpe a
1 cent. 5 de longueur, mais paraît normal au¬
tant
qu'on
enpeut juger par la palpation. -
Le restedu
membre n'a que 5 cent. 6 de long et se compose
d'unbras et d'un
avant-bras non distincts et immobiles l'un
sur l'autre.
Du côté de Y
articulation de V épaule, on a la sensation très
nette d'une
dépression profonde limitée en haut par la voûte
acromiale, et dans
laquelle on peut facilement enfoncer trois
— 21 -
doigts sans rencontrer la moindre saillie rappelant la téte
humera le.
P) Membre
supérieur droit.
— La main n'a encore, ici, quequatre doigts, mais tous normaux, supportés par quatre métacarpiens ne
présentant
pas d'anomalie. Longueur du médius 5 cent. 6.Lecarpe
semble
grêle et incomplet; la saillie du trapèzen'est pas perceptible.
Vavant-bras est moins anormal que les autres segments du membre: il est facile de palper les deux
apophyses
styloïdes. Le cubitusa 10 centimètres de long.L"articulation du coudese dessine assez nettement et per¬
met une flexion assez complète. Toutefois la supination est impossible, ce qui tendrait à prouver que les extrémitéssu¬
périeures des deux os de l'avant-bras sont soudées. La cir¬
conférence de l'avant-bras est de 14 cent. 5 et les masses musculaires ont touteleur tonicité.
L'humérus, qui a 12 centimètres, n'apas
d'épicondyle,
mais l'épitrochléeest très nette ainsi que la gouttièreépitrochléo-
olécranienne, dans laquelle onsent le cubital dont lepince¬ment est douloureux. Circonférence du bras, 13 cent. 5.
L
"épaule
est normale et l'on sent nettement la tête de l'hu¬mérus semouvant dans une cavité contre laquelle elle est
retenuepar une capsule suffisamment serrée.
B) Physiologie. - L'usage du moignon de membre gauche estabsolument nul, et c'est à peine si l'enfant peut diriger
ses doigtsvers sa bouche; s'il y a donc des vestiges de mus¬
cles dans ce membre, ils sont atrophiésau point de rester absolument indépendants de la volonté.
Ledéveloppement moins rudimentaire du membre droit permettait
d'inférer
que ses fonctions devaient être plus étendues; eten effet, malgré l'absence du mouvement desu¬pination,
la flexion
etl'extension
de l'avant-bras sur le bras sontcomplètes
etassez énergiquespourqu'on puisse sentirun certain degré de durcissement du biceps et du triceps
quand
on veutrésister à
ces mouvements. De plus, l'enfantest assez adroit de cebras avec lequel
#il
peut mangeraisé¬
ment et mêmes'habiller.
Examen radiographique. — Cette épreuveest surtout
posi¬
tive pour
le membre droit
: ondistingue nettement deux
os à l'avant-bras et un humérus dont la tête bien conformée s'articule à une omoplate normale.Quantau squelette du bras
gauche, il est flou et l'on de¬
vine
plutôt qu'on
neles voit des
osdont l'ossification n'est
pasassez avancée pour
permettre
unedescription quelcon¬
que.
3° Cas de JeanX..., le pèredes' deux enfants (Personnel).
Le'père possède unbras droit normal etun bras gauche mal formé. Les particularités queprésente ce membre sont en tous points semblables à celles du bras droit de son petit garçon; cependant, la main possède 5 doigts et 5 métacar¬
piens; le pouceest remarquable en ce qu'il a trois phalanges
et que sa longueur est égale à celle des autres doigts. Ces particularités, peu marquées du reste, passeraient probable¬
ment
inaperçues
chez un individuquelconque
et isolé, mais offrent ici un intérêt considérable à cause de la descendance immédiate de ce sujet.Le
grand-père paternel
des petits enfants, mort à vingt- six ans, était atteint, au dire de sonfils, des mêmes diffor¬mités que le petit Charles, dont on vient de lire l'observa¬
tion.
Pour compléter l'histoireanatomique de cette curieuse fa¬
mille, disons que la mèredes jeunes enfants réalise à très peu près le type de la femme bien faite et qu'elle a une der¬
nière fillette de quinze mois admirablement conformée.
Enfin, si pour nous résumer, nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur cetteintéressante
descendance,
nous voyons que la plupart deses membres sont, atteints de malforma¬tions des bras à différents degrés; le grand-père paternelest
phocomèle
du bras gauche, le père partiellement ectromèle du bras gauche, la fille aînée phocomèle des deuxbras, et le petit garçon,phocomèle
du bras gauche comme son grand-père
etectromèle
du bras droit à lafaçon
de son père. Sans rienpréjuger
toutefois du mode de production de cesdiffor¬mités, notons d'ores et
déjà
leur succession dans une mêmefamille, succession qui se produit en ligne
directe du côté
des hommes, car dans les ascendants de la
mère qui, du
reste, estbien conforméecomme nous l'avons dit
plus haut,
il n'y a rien
à relever de semblable.
En présencede ces
faits qui s'enchaînent d'une façon si
étroite, nous devons nousdemander
quelle
estla
causequi
présideà
cessortes de monstruosités, et c'est à l'examen des
différentes théories émises à ce sujet que nous
allons
consa¬crer les chapitres que
l'on
valire,
nousréservant de
mon¬trer quel est,
à notre avis et dans l'état actuel de la science,
l'idée qui peutse
dégager de toutes
ceshypothèses aussi in¬
génieusesque
diverses.
CHAPITRE PREMIER
Compression
du fœtus parl'amnios,
f r
Comme on l'a vu au chapitre premier de la première partie, cette explication n'est pas nouvelle. L'auteur des livres
hippocratiques
la proposeclairement, puisque « il est inévitable, dit-il, que le corps se mouvant enlieu étroit soit estropiéencette partie». Mais c'est à M. Dareste surtout que revient l'honneur d'avoir tenté de donner corps à cette idéeetde vérifierpar l'expérimentation ce qui n'était qu'unevue de
l'esprit.
Dans une série de remarquables travaux que nous ne pouvons ici analyser même succinctement, cet auteur a, pour ainsi parler, créé de toutes
pièces
et à son gré les monstruosités les plus variées. Opérant sur des embryonsde poulets, il provoquait un processus sclérogène — au
moyen de cautérisations par exemple — sur un point des membranes correspondant à une partie déterminée de l'em¬
bryon. Si
l'atrophie
del'amnios
et par conséquent la com¬pression de l'embryonavait portésur un membre postérieur, lepoulet naissaitavec une patte, etc., et les poulets artificielle¬
mentrendus anencéphales sont trop connus dans la science pour qu'il soit utile d'y insister plus longuement.
De là à l'explication des monstruosités naturelles, il n'y
avait qu'un pas : l'amnios comprime
l'embryon
en un point, et là l'évolutionde cette partie du corps s'arrêteau point oùelleen était. Si le membre comprimé, par exemple, est à l'état de bourgeon celluleux, c'est l'ectromélie; si la com-
pression porte
surle bras et l avant-bras, c'est la phocomé-
lie, etc. Toutes lesmalformations
sont ainsi expliquées.
Cette théorie, séduisante parce
qu'elle est très simple et
expliquetout d'un seul
coup,n'est-elle
passuspecte par là
même?Vouloir donner d'anomalies aussidiverses une
expli¬
cation unique,
n'est-ce
pasaller à l'encontre des lois natu¬
relles, qui,en
biologie surtout, sont loin d'être très simples ?
Mais, sans nous engager
dans des considérations de cet
ordre, revenons auxexpériences sur
lesquelles est fondée la
théoriedéfendue par M. Dareste.
Cet auteur,
pourproduire
desdifformités à la naissance, portesur les
membranes des
irritationsdestinées à
produire
unesorte de tissu cicatriciel
qui ne se
développe plus. Au point de
vueexpérimental, la
chose s'explique
fort bien; mais
sereprésente-t-on ce qui
dans la nature peut
correspondre à cette action limitée et
artificielle? Est-ce une malformation de
l'utérus? Mais si
l'on suppose cet organe
suffisamment rétréci
enun point
pour
arrêter le développement d'un membre presque entier,
il est difficile de s'expliquer
l'accomplissement d'un des
temps
essentiels de l'accouchement, c'est-à-dire l'accommo¬
dation cUu muscleutérin à l'ovoïde
fœtal; la dystocie devrait
être manifeste; or, dans
les
cas que nous avonsobservés,les
couches ontété aussi normales que
possible.
Serait-ce une difformité analogue
à la précédente qui
atteindrait les membranes seules pour
vicier la conforma¬
tion du fœtus?Maiscommentla
comprendre si l'on éloigne
l'idée de lésions inflammatoires, ulcéreuses, ou
sclérosantes
de l'amnios?
Toutefois, admettons pour un
instant
quel'arrêt de déve¬
loppement de l'amnios provoqué expérimentalement se
produisedans la nature
par unprocessus quelconque.
Mêmedans ces conditions, il est
difficile de s'expliquer
une compressionaussi limitée. Dans les
casqui nous occupent,
en
particulier chez la petite fille (Chap. II, lre Part.), les portions
les plus
voisines du membre atrophié, l'épaule, la clavicule,
l'acromion lui-mêmesont si bien conformés que nousavons
— 29 —
constaté un vrai coup de hache
au-dessous de la voûte
acromio-claviculaire;la compression auraitdonc porté
sur la racine des deux membres supérieurs àla fois
sansattein¬
dre mêmel'acromion?
Poussons encore plus avant cette
idée de la compression
du bras à son origine,et nous voyons,
d'après les recherches
du professeur
His,
quedéjà, à partir du vingt-cinquième
jour de la vie
intra-utérine, les membresapparaissentcomme
de petits moignons
repliés
surla face ventrale. De plus, d'après
lemême auteur,
aumoment où les mains sont nette¬
ment différenciées et où la compression de l'amnios pour¬
raits'exercer sur les deux autres segments du membre,
l'œufa déjà la dimension
d'un œuf de poule, le fœtus
a40mra
de long et le liquide
amniotique est
encouche déjà considé¬
rable. Ceci posé, nous nous trouvons
à
cemoment
enpré¬
sence d'un embryon qui a pu se
développer normalement
jusqu'à 40 jours,dont la main, le métacarpe sont complets
etqui tout
à
coup, sanscauseappréciable,
au coursd'une
grossesse
nullement troublée, voit
sonliquide amniotique
disparaître sur unpoint limité, et les deux premiers
seg¬ments de ses deux membres supérieurs
comprimés
àla fois symétriquement et d'une façon
assezpersistante
pour queleur
développementsoit définitivement arrêté. Ces faits-là sont-ils
admissibles, étant donnée surtout cettebilatéralité
parfaitede lacompression?
Si nous remarquons e'nfin que dans la
même
famille legrand-père
etles deux enfants ont été victimes du même
ac¬cident au môme moment de leur vie intra-utérine, nous de¬
vons reconnaître que si la
théorie de
M. Dareste estla
vraie,il lui manquequelques
points et qu'elle est
aumoins incom¬
plète.
CHAPITRE II
Adhérences cicatricielles dans l'œuf.
Proposée par le professeur Lannelongue
(de Paris),
cette théorielaisse uneplusgrandeplace à la pathologie du fœtus.A un moment de la vie intra-utérine, pense cet auteur, une ulcération seproduit sur les membranes et, par ce fait, il peut seproduire une adhérence cicatricielle entre l'amnios et la partie fœtale correspondante; de là,arrêt de dévelop¬
pement du fœtus à cet endroit et difformité à la naissance.
Cetteexplication a évidemment sur la précédente l'avan¬
tage de donner une cause précise et bien connue à l'arrêt du développement : c'est l'adhérence produite par le processus cicatriciel.
Il est, de plus, un ordre de phénomènes dans lesquels
cette théorie est fort séduisante : nous voulons parler des doigts surnuméraires, difformité, comme on le sait, assez
fréquente ; et voici comment elle expliquecesfaits. Une ulcé¬
ration étant produite sur les membranes, le processus cica¬
triciel débute par un tissu de bourgeons charnus qui con¬
tracte quelque adhérence légère avecl'embryon. Si, parsuite de mouvements oudetiraillements,cetteadhérencese rompt, il peut rester du côté du fœtusune sorte de bourgeon em¬
bryonnaire qui en se développant formera une excroissance analogue à un doigt surnuméraire. Nous nediscuterons pas ici cetteexplication puisque les faitsauxquels elle s'applique
sont étrangers à notre sujet.
Reconnaissantdonc à la théorieduprofesseurLannelongue
i£IS&:
— 32 —
le mérite d'avoir cherché à trouver une cause immédiate à l'adhérence des membranes, l'ulcération, nous devons lui
reprocher de ne pas rechercher les causes mêmes de cette ulcération. Au cas par exemple
(et
c'est celui de nos petitssujets) où
il n'existe aucune maladie fœtale, ni syphilis hé¬réditaire, ni tuberculose, en un mot, aucune des affections qui
procèdent
généralement par l'ulcération,l'esprit
ne se trouve pas complètementsatisfait et voudrait remonter plushaut dans la recherche des causes de la malformation qu'il
étudie.
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✓ V
y*
CHAPITRE III'
Influence du
système
nerveux et du moral.A) Influence du système
nerveux. —- Les centres nerveux, eten particulier les centres encéphaliques, étant considérés àjuste titrecomme le grand régulateur de la vie cellulaire d'un être, il était naturel de croire que les affections ou les difformitésqui les atteignent doivent retentirsurl'organismeentier; et en effet, certains auteurs ont cherché dans une al¬
tération centrale la cause des arrêts de développement des membres.
Cette idée, proposéepar Morgagni, a été reprise et sérieu¬
sement commentéeces dernières années
(Gazette Médicale,
1866)par M. J.Guérin
qui s'exprime ainsi en substance : Si l'altération des centres nerveux se produit dès l'origine chez l'embryon, elletrouble l'harmonie préétablie de l'ensemble,bouleverse les rapports des parties, modifie le
développe¬
ment des organes, leursdimensions; elle entraîne ainsi les vices de conformation les plus disparates.
Il existe, il est vrai, quelques cas authentiques et bien observés de Michaux, de Gowers, dans lesquels les alté¬
rations desséreuses des centresnerveux ou de ces centres eux-mêmes ont arrêté le développement des membres.
Mais les auteurs discutent eux-mêmes sur la question de savoir si les arrêts de développement ainsi observés sont la conséquence des
lésions
centralesou si celles-ci sontsimple¬ment concomitantes. On comprend par ce simple exposé ce
quecette explication présentede difficultés à être scientifi¬
quement établie ; etcependant il faut reconnaître quesi cha¬
que casde phocomélie correspondait ou était dû à une lésion bien observée d'un point
quelconque
de l'axecérébro-spinal,
il ne serait pas étonnant de rencontrer cette monstruosité chez plusieurs membres d'une même famille.
Contentons-nous pour l'instant de poser la question, nous réservant de faire plus tard à ce sujet quelques recherches
nécroptiques
si l'occasion s'en présente.B)
Influence
du moral. — Nous feronsàcôté decette « théo¬rie nerveuse » de la
phocomélie,
une petite place à une idée chère au vulgaire et qui a aussi droit de cité dans la science, c'est-à-direla grandeimpressionnabilité
de la femme à l'état de grossesse. Nous touchons ici à une question tellement complexe que parcertains points elle tient du domaine de lafable, etl'histoire du moyen âge ne manque pasde faits où
un enfant est né avec une tête d'âne ou des pieds de porc parce que la mère avait, dans lecours de sa grossesse, subi
une influence
quelconque
de la part de ces animaux. Mais à côté de ceslégendes,
il existe bon nombre de cas où l'in¬fluence du moral sur le
physique
(influencequi est hors de douteaujourd'hui)
se faitsentir plusvivement chezla femme dont l'état de gravité affine enquelque
sorte la sensibilitéphysique,
demême qu'il modifie sessentiments : ce sont les cas sifréquents
dans lesquels on attribue à uneimpression
trèsvive, survenue pendant la gestation, souvent un désir
ou une envie
déraisonnable,
des dispositions particulières rencontrées plus tard chez l'enfant sous forme de nœvi de divers genres, de productionsépidermiques
supplémentai¬res, etc.
On a donc songé, par
analogie,
à rapporter à des phéno¬mènes
psychiques
de cet ordresurvenus du côté de lamère,
les malformations que nous étudions en
ce moment.
A partce quecette explication a de bizarre et de peu scien¬
tifique,
il n'estnullementprouvé (les observations manquent àce sujet, quand elles ne sontpas négatives comme les nô-
très)
que lesphénomènes psychiques invoqués aient exacte-
tement coïncidé avecle moment de la vie intra-utérine où les membres sont arrivés à la taille
qu'ils
nedevront plus
franchir. Et, du reste, est-il admissible que ces
sensations
ou ces désirs maternels si bizarres se soient produits suc¬
cessivement au même moment de la gestation chez
les fem¬
mes n'ayant
entre elles
aucunrapport,
commel'exigerait la
suitede nos observations ?
Sans rien préjuger
de la solution
quel'avenir
pourrapeut-
être apporter
à cette question
encorefort
peuétudiée, qu'il
nous soit permis de
croire
quecette dernière
ne sera pasré¬
solue par
l'affirmative, tout
en nousréservant de revenir
sur cette opiniondans le
casoù des travaux ultérieurs vien¬
draient l'infirmer ou la détruire.
CHAPITRE IV
Influence de l'Hérédité.
Nous voici en ce moment en présence d'uneopinion ou d'une théorie qui rallie la majorité des suffrages : « la Pho- comélie est héréditaire ».
Nous n'ignorons pas, certes, combien cette question est vaste et combien est brillant le terrain sur lequel
s'engage
une discusion quand il s'agit d'hérédité. Nous nous efforce¬
rons néanmoins de rester dans les limites que nous com¬
mande notre sujet, tout en recherchant quelle lumière peu¬
ventjetersur la cause de la phocomélie les idées de Darwin et de son école.
Comme enfait foi le remarquable exemple que nous pu¬
blions,onobservelesarrêts de
développement
de certains or¬ganes chez diversmembres d'une même
famille;
nousobser-vonsici 1egrand-père,lepère,1efi Ise11afi11e attei nts à différents degrés de malformations des
bras;
la phocomélieest donc héréditaire, cela ne paraîtpas douteux. Mais, enl'examinant de près, cette proposition est-elle autre chose que la consta¬tation d'un fait? Et sait-on exactementen quoi consiste cette hérédité? Nous ne voulons certes pas ajouter à cequi a été écrit sur cette intéressante et obscure question; mais nous devons nous demander, en présence de la famille qui fait l'objet de ce travail, quand et pourquoi a commencé cette anomalie qui s'est transmise de père en fils.
D'après
les ren¬seignements très précisque nous avons recueillis, la diffoi-
mité s'arrête au grand-pèreet ne
remonte
pasplus haut. Eh
bien, sous quelle
influence cet ancêtre est-il né phocomèle?
Comme on le voit, quand on a
prononcé le mot
«hérédité
», la question n'estpasrésolue, elle n'est
quereculée. C'est ici
que l'on pourrait
demander
autransformisme l'explication
que nous
refusent les autres systèmes biologiques.
Admettons un instant, avec Darwin et son
école,
quele
développement individuel n'est quel'image
enpetit du déve¬
loppement chronologique
de l'espèce,
ou,commele disent les
Allemands, sousune formeplus
hellénique
que «l'ontogénie
de l'homme est le résumé de sa philogénie ». Le
premier phocomèle s'est donc arrêté dans
sonévolution
en un mo¬ment où il ressemble à un être analogue qui occuperait en quelque sorte un
échelon de la grande échelle qu'a dû
parcourir la racehumaine
pours'élever de l'unité initiale jusqu'à
ce qu'elle est en ce moment.Soit. Si cet être intermédiaire existe ou a jamais existé,
reconnaissons qu'il n'a
laissé
aucunetrace connuedans la
science, que noussachions du moins. Et, même
enadmet¬
tantqu'il ait existé,
il
estbien certain qu'à
aucuneépoque
de l'évolution de l'embryon humain
normal, celui-ci
nepré¬
sente ladisposition de la fillette
phocomèle de
nosobserva¬
tions par exemple;
c'est-à-dire des membres thoraciques
ru- dimentaires et des membrespelviens complets etbien déve¬
loppés. Il paraît de toute évidence que nous sommes
bien là
en présence d'une difformité
locale
dumembre supérieur et
que ce type
de phocomélie
ne se retrouveà
aucunmoment
de « l'ontogénie » de l'homme normal.
Le
problème
se posedonc toujours de l'étiologie de la dif¬
formité chez le premier qui en a
été atteint. C'est ici
que pourraient prendreplace les diverses théories
que nousavons essayé de discuter dans
les chapitres qui précèdent.
M. Dareste, avons-nous vu, fait commencer
les accidents à
l'occasion d'un traumatisme expérimental
qu'il
fait portersur les enveloppes de l'œuf.