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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

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Academic year: 2022

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

LA VIE PRIVÉE DE MARIE-ANTOINETTE (Hachette). 1 vol.

8 mille.

LES AMOURS DE FRANÇOIS VILLON (Nouvelle Société d'Édition), 1 vol.

LA FONTAINE AUX TROIS MIRACLES (Delmas), 1 vol.

WATTEAU, L'ENCHANTEUR (Floury), 1 vol.

GAUGUIN, PEINTRE MAUDIT (Floury). 1 vol. 11 mille.

FORAIN (Ouvrage couronné par l'Académie des Beaux-Arts) (Rieder), 1 vol.

LA PEINTURE INDÉPENDANTE EN FRANCE (En collaboration avec Adolphe Basler) (Crès), 2 vol.

LE DESSIN ET LA GRAVURE EN FRANCE (En collaboration avec Adolphe Basler) (Crès), 1 vol.

CAMILLE PISSARRO (Crès), 1 vol.

JANE POUPELET (Crès), 1 vol.

L. MAINSSIEUX (Crès), 1 vol.

COUBINE (Crès), 1 vol.

LES ARTS DE L'AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE, L'AFRIQUE NOIRE ET L'OCÉANIE (Quillet).

PAUL ÉMILE PISSARRO (Girard), 1 vol.

A PARAITRE :

CHAS LABORDE (N. R. F.).

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La Vie Privée de l'Impératrice

JOSEPHINE

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• LES VIES PRIVÉES •

OUVRAGES PARUS* OU A PARAITRE

LA VIE PRIVÉE DE MARIE STUART, par Janine Bouissounouse.

LA VIE PRIVÉE D'ÉLISABETH D'ANGLETERRE,

par Marius Richard.

LA VIE PRIVÉE DE HENRI IV, par Marcel Aymé.

LA VIE PRIVÉE DE LOUIS XIV*.

par Georges Mongrédien.

LA VIE PRIVÉE DU RÉGENT*, par André Ransan.

LA VIE PRIVÉE DE LOUIS XV, par François de Roux.

LA VIE PRIVÉE DE MADAME DE POMPADOUR,

par Marcelle Maurette.

LA VIE PRIVÉE DE LA GRANDE CATHERINE,

par Louis Francis.

LA VIE PRIVÉE DE MADAME DU BARRY, par Pierre Descaves.

LA VIE PRIVÉE DE JEAN- JACQUES ROUSSEAU*, par René Trintzius.

LA VIE PRIVÉE DE FRÉDÉRIC II*, par Pierre Lafue.

LA VIE PRIVÉE DE MARIE- ANTOINETTE*,

par Charles Kunstler.

LA VIE PRIVÉE DE ROBESPIERRE*, par Bernard Nabonne.

LA VIE PRIVÉE DE DANTON, par Jean Guirec.

LA VIE PRIVÉE DE NAPOLÉON, par Francis Ambrière.

LA VIE PRIVÉE DE L'IMPÉRATRICE JOSÉPHINE*, par Charles Kunstler.

LA VIE PRIVÉE DE L'IMPÉRATRICE MARIE-LOUISE, par Hubert de Lagarde.

LA VIE PRIVÉE DE TALLEYRAND*, par Jacques Vivent.

LA VIE PRIVÉE D'ALFRED DE MUSSET*,

par André Villiers.

LA VIE PRIVÉE DE NAPOLÉON III, par Pierre de Lacretelle.

Etc., etc.

Directeur de la Collection : FRANCIS AMBRIÈRE

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CHARLES KUNSTLER

La Vie Privée

de l'Impératrice

JOSÉPHINE

Collection "Les Vies Privées"

• HACHETTE•

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays, Copyright by Librairie Hachette, 1939.

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AVANT-PROPOS

u N an avant le mariage de sa fille aînée, M. Tascher de la Pagerie écrivait au marquis de Beauharnais :

« Elle a une fort belle peau, de beaux yeux, de beaux

bras, une disposition surprenante pour la musique. Je lui

ai donné un maître de guitare pendant le temps qu'elle est

restée au couvent : elle en a bien profité; elle a une jolie voix. »

Que sont devenus ces agréments physiques sous le pinceau

des peintres et sous la plume des faiseurs de mémoires qui

ont vécu dans la familiarité de l'Impératrice Joséphine ?

Le Musée du Louvre possède deux portraits d'elle, l'un

par Prud'hon, l'autre par David. Prud'hon nous la montre

sous les ombrages de Malmaison, vêtue d'un châle rouge

et d'une robe blanche parsemée de points d'or. Elle incline

légèrement la tête. Ses yeux, brillants et doux, couleur de

café brûlé, ajoutent quelque chose de moelleux à l'expression

très tendre de ses traits. Ses épaules, ses bras, sa gorge, d'un

blanc de lait, ont plus d'éclat que son visage. Ses cheveux,

partagés sur le front, sont d'un châtain que les lames d'or

qui l'encerclent font paraître plus sombre. Dans le Sacre de

Napoléon, commencé par David en 1805 et terminé en 1808,

le teint de Joséphine est d'un éclat moins vif; ses cheveux

sont d'un châtain tirant sur l'acajou. A Malmaison, dans

la chambre de l'Impératrice, on peut voir son portrait en

buste, par Gérard. Les joyaux de sa couronne resplendissent

sur ses cheveux châtain foncé. Son visage est soigneusement

fardé; ses prunelles brunes vous regardent avec une curiosité

très caressante. En dépit de sa robe claire et de l'hermine qui

frôle une de ses épaules, ses chairs blanches, finement rosées,

ont le poli lumineux de l'ivoire.

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A propos du premier de ces portraits, Delacroix déclarait que. Prud'hon avait su joindre à une ressemblance parfaite un sentiment exquis de la pose. Cette « ressemblance » per- mettra de juger du crédit qu'on peut accorder aux biographes de l'lmpératrice Joséphine.

Si l' on en croit Lucien Bonaparte, sa belle-sœur « avait fort peu d 'esprit, point du tout ce que l'on pourrait appeler de la beauté, mais certains souvenirs créoles dans les souples ondulations de sa taille plutôt petite que moyenne. Une figure sans fraîcheur naturelle, il est vrai, à laquelle les apprêts de la toilette remédiaient assez bien à la clarté des lustres ».

« L'Impératrice Joséphine était d'une taille moyenne, déclare Constant, premier valet de chambre de Napoléon.

Dans le plaisir comme dans la douleur, elle était belle à regarder. Ses yeux, d'un bleu foncé, étaient presque toujours à demi fermés par ses longues paupières. Ses cheveux étaient longs et soyeux; leur teint châtain clair se mariait admira- blement à celui de sa peau, éblouissante de finesse et de fraî- cheur. »

De son côté, Mme de Rémusat, dame du Palais, nous ; affirme que « sans être précisément jolie, toute la personne de Joséphine possédait un charme particulier. Il y avait de la finesse et de l'accord dans ses traits. Son regard était doux; sa bouche, fort petite, cachait de mauvaises dents.

Son teint un peu brun se dissimulait à l'aide du rouge et du blanc qu'elle employait habilement. Sa taille était parfaite, tous ses membres souples et délicats.... Elle possédait un tact naturel assez fin; elle trouvait aisément à dire les choses qui plaisent.... » Au cours du XIX siècle, au début du nôtre, les histo- riens se sont plu à dénombrer les séductions de Joséphine....

Edouard Driault nous la montre adolescente, entourée d'esclaves « dont la peau noire et lustrée fait comme un écrin à l'éclatante blancheur de son teint ». Pichevin nous la pré- sente à seize ans et demi, au moment où elle va devenir la vicomtesse de Beauharnais. Elle n'est « ni grande ni petite »;

et, malgré sa peau « d'une éblouissante finesse », son principal

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charme réside en « ses yeux bleus, à demi fermés par de longues paupières ». Des cheveux « blonds, soyeux et longs, encadrent harmonieusement son agréable figure ». Arthur Lévy nous dépeint la veuve Beauharnais à l'époque de son second mariage : « Remarquez cette brune à la beauté langoureuse, pleine d'abandon et de nonchalance. » Ses cheveux, nous dit-il plus loin, sont d'un « châtain douteux d'une sorte de nuance fulgurante ». Enfin, tandis que Joseph Turquan la dote de cheveux « châtain doré », Frédéric Masson, qui a regardé le portrait de Gérard, donne à l'Impératrice Joséphine « des yeux bruns, curieux et tendres ».

Non seulement les intimes de l'Impératrice et les histo- riens qui se sont penchés sur leurs mémoires sont en contra- diction avec les peintres devant lesquels Joséphine a si sou- vent posé, mais encore ils ne s'accordent point entre eux.

Belle pour les uns, sans beauté, sans fraîcheur pour les autres, tour à tour brune, châtain ou blonde, elle attire ou déçoit comme la femme qui hante les rêves du poète

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre....

S'il est permis de douter de leur véracité lorsqu'ils nous présentent son image coloriée selon leurs goûts et leur humeur, comment les croire lorsqu'ils prétendent nous faire le por- trait moral de Joséphine ? A ce portrait, déjà défiguré par Lucien Bonaparte, dans ses Mémoires si haineux, l'ambi- tieuse, la très ingrate Mme de Rémusat est venue ajouter ses défomations. La changeante et prolixe duchesse d'Abran- tès a prêté à l'Impératrice bien des pensées, bien des mots, bien des gestes que démentent souvent les documents authen- tiques. Des hommes corrompus et cyniques, un Barras, un Bourrienne, se sont vengés du Maître en répandant des anecdotes mensongères sur son entourage.

Pour justifier Joséphine, certains ont pensé qu'il fallait

faire de l'Empereur une sorte de tyran domestique. Pour

grandir Napoléon, d'autres ont cru qu'il était nécessaire

d 'abaisser sa première femme. Remontant dans son passé,

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ils ont forcé des documents douteux ou énigmatiques à con- firmer leurs opinions préconçues et souvent désavantageuses.

Il en est ainsi du départ de la vicomtesse de Beauharnais pour la Martinique, en 1788, départ qui s'explique si aisé- ment, mais qu'on a voulu transformer en une fuite honteuse destinée à cacher une grossesse illégitime. On a fait de José- phine, aux Carmes, la maîtresse de Hoche. On a décrit avec force détails, — et quels détails! — ses relations avec Barras. On a romancé, d'une façon parfois ridicule, la scène du pardon de Bonaparte, au moment du retour d'Egypte....

Il a fallu l'intervention d'un écrivain aussi impartial et aussi documenté que M. Jean Hanoteau pour détruire ces légendes. Les notes nombreuses et précises dont il a enrichi son ouvrage sur Le Ménage Beauharnais, ainsi que les Mé- moires de la Reine Hortense et les Lettres de l'Impératrice Joséphine et de la Reine Hortense au Prince Eugène, jettent un jour nouveau sur la vie privée de Joséphine.

Une rivale méchante disloqua son premier mariage. Le second fut rompu par la haine que les Bonaparte avaient ? vouée aux Beauharnais. Haine inexpiable, à l'exemple de celle des Montaigues et des Capulets, et que ne fit taire ni le divorce de Joséphine et de Napoléon, ni la séparation de Louis Bonaparte — ce Roméo fou de jalousie — et d'Hortense de Beauharnais, cette Juliette sans amour.

Comme son père Gaspard Tascher de la Pagerie, José- phine ignora certaines vertus bourgeoises. Elle ne fut pas une héroïne; mais elle sut plaire et se faire aimer. Elle nous charme encore par ses séductions toutes raciniennes : son affabilité, sa grâce tendre, sa douceur. C'est ce que déclarait Napoléon à la Reine Hortense, au lendemain de Waterloo :

« C'était bien la personne la plus remplie de grâce que j'aie jamais vue. Elle était femme dans toute la force du terme, mobile, vive et le cœur le meilleur.... »

CHARLES KUNSTLER.

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LA VIE PRIVÉE DE L'IMPÉRATRICE

JOSÉPHINE

PREMIÈRE PARTIE

LA VICOMTESSE DE BEAUHARNAIS (1763-1796)

CHAPITRE PREMIER AUX TROIS-ILETS

s UR la côte occidentale de la Martinique, au pied des hauteurs que domine le Fort-Bourbon, s'ouvre le port de Fort-Royal. Protégé du soleil par des tamariniers,

des vents alizés par les mornes environnants, le glacis de la forteresse sert de promenade. Dès le rivage, dou- cement courbé, ondoient des champs de canne à sucre, auxquels succèdent des palmiers et des bosquets de caféiers. Au-delà c'est la forêt, d'où jaillissent les pitons aigus du Carbet.

De l'autre côté de la baie, « à une heure et demie de

pirogue », on aperçoit trois îlots rocheux, et, sur le rivage

tout proche, une cinquantaine de cases blanches grou-

pées autour d'une chapelle. De-ci, de-là, quelques habi-

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tations plus confortables complètent le bourg des Trois- Ilets. Derrière un mamelon, qui cache la mer, au milieu de plantations de cannes, une sucrerie construite en pierre et quelques maisons en bois.... C'est là qu'est née, le 23 juin 1763, Marie-Joseph-Rose, la future impé- ratrice des Français. Son père, Gaspard Tascher de la Pagerie, avait épousé, deux ans auparavant, Rose- Claire des Vergers de Sanois, « d'une ancienne noblesse de Brie ».

Quand ce mariage eut lieu, on était en guerre avec les Anglais. L'année suivante, l'île tombait en leur pouvoir.

L'enfant vint au monde peu de mois après le traité de Paris, qui restituait la Martinique à la France. On ne l'accueillit point avec allégresse; ses parents désiraient un garçon. Ils lui donnèrent pour parrain son grand-père maternel, Joseph de Sanois, et pour marraine sa grand- mère paternelle, Marie-Françoise de la Pagerie.

Jusqu'à l'âge de trois ans, Yeyette — on l'appelait ainsi en famille — vécut dans un enchantement inin- terrompu. Tout en la berçant, la mulâtresse Marion, sa nourrice, lui chantait de vieilles ballades créoles, où se succédaient les noms des fleurs les plus suaves, la tubé- reuse, l'acacia, l'œillet, la fleur d'orange, l'héliotrope, le jasmin et la rose....

Une nuit d'août, Yeyette fut réveillée par le tintement d'une cloche. Marion l'arracha de son lit, l'emporta en courant, rejoignit la famille réunie devant l'habitation.

Mme de la Pagerie, qui était grosse, tenait dans ses bras sa seconde fille, Catherine-Désirée. Soudain, un grand bruit retentit, suivi d'appels et de cris d'effroi. La mer, soulevée, couvre le rivage, brise les navires à l'ancre, engloutit tout, bêtes et gens. Le vent renverse arbres et maisons. La pluie tombe par larges nappes. On se réfugie dans la sucrerie. La nuit suivante, le sol tremble et se fissure. Au point du jour, le cyclone s'apaise. La mer et

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le vent se retirent, laissant les plantations dévastées.

De l'habitation et de ses dépendances, il ne reste que des débris. La purgerie, seule, a résisté; on s'y installe.

Vingt jours après, Mme de la Pagerie y accouche de sa troisième fille, Marie-Françoise.

Il ne fallait point songer à reconstruire la maison.

On aménagea tant bien que mal la sucrerie, autour de laquelle on éleva de nouvelles cases pour les esclaves.

Un malheur en appelle un autre : au début de l'année 1767, M. de Sanois mourut, laissant à ses héritiers 300 000 livres de dettes.

Imprévoyant et apathique, sujet à de fréquents accès de fièvre, M. de la Pagerie laissait ses affaires aller à l'aban- don. Quand sa santé le lui permettait, il ne restait guère au logis, d'où l'éloignaient ses soucis d'argent et le visage attristé de sa femme. Le plus souvent, il se rendait à Fort-Royal. Il y retrouvait son frère, le baron Tascher et sa sœur Rosette, qui vivait avec Mme de la Pagerie, la marraine de Yeyette. Il ne dédaignait pas, disait-on, de rendre visite aux beautés noires de la ville, malgré les scènes de jalousie qui l'accueillaient à son retour.

Ami du plaisir, épris de grâce et d'élégance, M. de la Pagerie parlait souvent de la France avec des regrets dans la voix. Ancien page de la Dauphine Marie-Josèphe, il gardait un souvenir ébloui de la Cour et de Versailles.

Nommé sous-lieutenant dans la compagnie franche de marine, à son retour à la Martinique, en 1755, puis lieutenant des canonniers de la côte, il s'était comporté bravement pendant le bombardement de Fort-Royal par la flotte anglaise ; réformé avec une pension de 450 livres, il s'était retiré aux Trois-Ilets pour s'y livrer à la culture de la canne à sucre.

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Tout en surveillant d'un regard distrait son domaine, il songeait à l'aînée de ses sœurs, Désirée Renaudin, qui vivait à Paris. Il l'admirait. Il l'enviait. Une maîtresse femme, cette Désirée ! Intelligente, habile, résolue ! Avec cela, remuante en diable !... Durant le séjour des Beau- harnais à la Martinique, elle avait su plaire à la femme du Gouverneur général de l'Ile. Elle ne déplaisait point non plus au marquis, séduit par sa beauté blonde et majestueuse. La marquise lui fit épouser un ancien mous- quetaire, Alexis Renaudin, officier d'ordonnance du Gou- verneur. Un joli galant, ma foi, que cet engrosseur de servantes, hargneux, tyrannique et brutal ! Mais Désirée n'était point femme à jouer les Elvires, encore moins à se laisser battre. Plantant là son butor de mari, elle se retira chez ses parents et laissa Renaudin regagner Paris et lui intenter un procès. Le 10 juin 1760, elle tint sur les fonts baptismaux le second fils des Beauharnais, Alexandre, puis s'embarqua sur le Vaillant avec son père et deux esclaves.

Moins d'un an plus tard, les Beauharnais quittaient à leur tour la Martinique. Trop jeune pour supporter les fatigues de la traversée, Alexandre fut confié à la mère de Désirée. A Paris, le ménage se disloqua. Autoritaire, opiniâtre, ne tolérant ni contrainte ni contradiction, la marquise de Beauharnais se retira dans le Blaisois. Le marquis rejoignit Mme Renaudin dans un hôtel, rue Garancière, et dès lors vécut avec elle.

Cependant, Françoise de la Pagerie choyait Alexandre comme s'il eût été son petit-fils. Quand il eut cinq ans, on le renvoya en France. Mme de Beauharnais mourut dix-neuf mois plus tard, et Mme Renaudin s'occupa seule de son filleul. Elle mit le petit chevalier au collège du Plessis, où il retrouva son frère aîné, François.

L'éducation des deux fils du marquis et la vie de Paris ne faisaient point oublier à Désirée les difficultés au

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milieu desquelles Gaspard de la Pagerie se débattait, tout là-bas, aux Iles. Bien résolue à lui venir en aide, elle lui offrait, dans chacune de ses lettres, d'élever ses nièces.

Qu'on lui envoyât d'abord Yeyette.... Se séparer de sa fille aînée, si douce, si aimante!... A cette pensée, Rose- Claire versait des larmes. Et comme Gaspard approu- vait sa sœur, la jeune femme lui demandait : « Où trou- verions-nous l'argent pour les frais du voyage? Nos revenus, tu le sais, nous permettent à peine de subsister. » Ces mots rappelaient M. de la Pagerie à la réalité. Il baissait la tête et se taisait.

Yeyette ne se doutait point des discussions dont elle était l'objet. Sa vie s'écoulait comme un songe. Elle vaga- bondait toute seule aux environs de la sucrerie, courait à travers les jardins clos de citronniers nains et d'épines, cueillait prunes-mombin et pommes-cannelle, mordil- lait des morceaux de canne à sucre, se mêlait aux esclaves, dansait et chantait avec eux, joignait à leurs zézaiements sa voix frêle.

Pour apercevoir la mer, elle gravissait le coteau sur lequel se dressait l'église où elle avait été baptisée, redes- cendait, en courant, sur le rivage, s'arrêtait devant une madone qui souriait dans sa niche de pierre, la contem- plait, puis repartait en suivant un chemin qui allait se perdre dans les mornes. Rien de plus sauvage que ces sommets abrupts, aux entailles profondes, d'où bondis- saient des torrents, au temps des grandes pluies.

Yeyette allait avoir dix ans quand on la mit en pension

chez les Dames de la Providence, à Fort-Royal. A la

vérité, on y apprenait peu de chose. A 7 heures, on

entendait d'abord une messe. A 8, on entrait dans la

classe. Avant de se mettre au travail, on récitait à genoux

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le Veni Creator Spiritus. Sortie à 11 heures, rentrée à 1 heure. Le soir, à 5 heures, on sortait encore. Le samedi, jour de congé, Yeyette passait l'après-midi chez sa grand- mère Françoise et sa tante Rosette. Le baron Tascher arrivait parfois à l'improviste. Il était bon homme, vif et gai, se plaisait à conter ses aventures. Au cours d combat sur mer avec les Anglais, il avait reçu une esta- filadé qui lui avait dénudé la moitié du crâne. Neuf ans plus tard, il avait obtenu le brevet de capitaine de port.

Grâce à son activité, Fort-Royal était, aujourd'hui, en état de recevoir une grande flotte....

Après le repas, le capitaine emmenait sa nièce chez un maître de ballet, un certain Francis, qui donnait à Yeyette des leçons de danse et de maintien. On se dirigeait ensuite vers la Savane, où les habitants de la ville venaient contempler le soleil couchant. On s 'asseyait sous les tamariniers dont les branches vertes « faisaient frais aux yeux ». On dînait encore en famille, puis on ramenait Yeyette au couvent.

Au temps des vacances, elle rentrait aux Trois-Ilets.

Sa grâce ingénue, son rire, sa douceur animaient un intérieur souvent morose, éloignaient pour longtemps querelles et soucis. Son retour apportait la joie dans le village. Elle arrivait, tout était en fête. Il lui fallait se laisser embrasser, caresser, cajoler par Marion, sa nour- rice, par la fille de cette mulâtresse, la nonchalante Euphémie, par le petit Sylvestre, un marmot de trois ans.

Maximin, Louis, Laurier — un garçon de son âge lui offraient des fleurs, des fruits, des oiseaux rares. La nuit, on dansait pour elle, au son des tam-tams, à la lueur des torches. Les vieilles négresses lui chantaient des com- plaintes, lui disaient la bonne aventure....

Obligeante et généreuse, aisément attendrie, elle se

plaisait à venir en aide à ces pauvres gens, apaisait

leurs révoltes, les arrachait à la brutalité, à la cruauté des

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« commandeurs ». Elle avait même obtenu de ses parents la liberté de plusieurs esclaves, entre autres de Brigitte.

Comment ne l 'aurait-on pas adorée ?

L'après-midi, elle passait de longues heures dans un hamac, les paupières à demi fermées, prêtant l'oreille au bruit de la mer voisine. Envahie par cette voix lente, insistante et grave, impérieuse comme un appel d'âme, elle songeait à cette France mystérieuse et lointaine, où sa tante l'appelait dans chacune de ses lettres. Vers le soir, aux heures douces, elle se baignait dans le ruisseau qui bordait la route, à l'ombre d'un gros manguier.

Son premier chagrin lui vint de la mort de Catherine- Désirée, sa sœur cadette. Quand on sortit, aux Trois- Ilets, de l'accablement où ce deuil avait plongé toute la famille, Yeyette ne retourna point au couvent. Elle venait d'avoir quinze ans. En quelques mois, elle s'était transformée, d'enfant était devenue femme. Seuls ses traits demeuraient indécis, un peu noyés dans son visage épanoui qu'enfermait une chevelure soyeuse, passée du blond au châtain clair. Plus tendre encore, plus cares- sante que ses regards et son sourire, sa voix vous péné- trait, vous captivait.

Tous ses désirs se tournaient vers la France. Elle l'avouait à son père qui, si souvent, lui avait vanté les amusements de Paris et les délices de Versailles. Elle souhaitait aussi de connaître sa tante Désirée, et plus encore de se marier. Justement, dans une de ses lettres, Mme Renaudin annonçait à M. de la Pagerie que Fran- çois de Beauharnais venait d'épouser sa cousine germaine, la fille aînée de Fanny, la poétesse. C'était le tour de son jeune frère Alexandre. Désirée voulait le marier selon ses vues, affermir par cette union « sa position incer-

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taine auprès du marquis ». Pourquoi M. de la Pagerie n'accorderait-il pas une de ses filles au chevalier de Beauharnais? Alexandre trouvait l'aînée d'un âge trop rapproché du sien; le choix de M. de Beauharnais s'était porté sur la seconde, dont Mme Renaudin était la mar- raine. Le marquis ne tenait pas à une dot....

Tout en apprenant à M. de Beauharnais le décès de Catherine-Désirée, Gaspard de la Pagerie lui proposait sa troisième fille, Marie-Françoise — « Manette » — âgée de onze ans et demi. Il ajoutait :

« L'aînée, qui est sortie du couvent et m'a plusieurs fois demandé de la mener en France, sera, je crois, un peu affectée de la préférence qu'il semble que je donne à la cadette.... Il est dommage qu'elle n'ait point le secours de la France pour son éducation; et s'il n'y avait que moi, je vous en aurais amené deux au lieu d'une. »

A cela Mme Renaudin répondait :

« Arrivez, mon cher frère, avec une de vos filles, avec deux; tout ce que vous ferez nous sera agréable, et trouvez bon que nous vous laissions guider par la Providence, qui sait mieux que nous ce qui nous convient. Vous connaissez nos vrais sentiments.... Il nous faut une enfant à vous. Le cavalier mérite d'être parfaitement heureux. Vous êtes à portée de connaître la figure, le caractère, enfin toutes les qualités néces- saires d'une femme faite pour plaire; agissez donc en conséquence. »

On avait compté sans Mme de la Pagerie. Rose-Claire ne pouvait se décider à laisser partir Manette. Et quand son mari revint d'un voyage à Sainte-Lucie, il trouva la mère et la fille, et même la grand-mère Sanois, liguées contre lui. Plus irrésolu, que de coutume, M. de la Pagerie fit part de sa déconvenue à Mme Renaudin et au marquis de Beauharnais. Tout en l'engageant à partir sans retard avec celle de ses filles qu'il jugerait « le mieux convenir

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à son fils », le marquis lui adressa un pouvoir pour faire publier les bans. Sur ce papier, le prénom de la future était laissé en blanc.

Les hostilités venaient de reprendre entre l'Angleterre et ses colonies d'Amérique, quand M. de la Pagerie, Yeyette, la tante Rosette et la mulâtresse Euphémie s'embarquèrent sur la flûte l'Isle-de-France qu'escortait la Pomone. Le moment était mal choisi pour s'aventurer sur une mer qui n'était plus libre. Aussi la traversée fut- elle longue et rude, d'autant plus rude que l'Atlantique était démonté.

II pleuvait quand l' Isle-de-France jeta l'ancre dans le port de Brest. Les passagers trouvèrent un logement dans la paroisse Saint-Louis. La ville leur parut sale, maussade et triste. M. de la Pagerie, très malade, dut s'aliter.

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CHAPITRE II

MARIE-ROSE EN MÉNAGE

M.

DE LA PAGERIE était à peu près remis de ses fatigues quand Alexandre de Beauharnais parut devant lui.

Il arrivait à franc étrier de Paris et précédait de peu sa marraine. Capitaine depuis quelques mois au régiment de la Sarre-Infanterie, commandé par le duc de la Roche- foucauld, il avait fort belle mine dans son habit neuf de drap blanc, à revers et parements gris argentin.

Mlle de la Pagerie, qu'on n'appelait plus Yeyette, mais Marie-Rose, ou plutôt Rose, ne sut point cacher son admiration. Qu'il était charmant ! Qu 'il était aimable ! Son visage, son air, ses manières, tout en lui l' attirait, tout la séduisait.

Dès son arrivée, Mme Renaudin voulut se rendre compte de l'impression que Marie-Rose avait faite sur Alexandre. Elle observait tour à tour sa nièce et son filleul. Si sa nièce, très « avancée » pour ses seize ans, en paraissait dix-huit, et semblait un peu gauche dans ses vêtements ajustés au goût des Iles, son maintien, sa démarche ne manquaient point de grâce. Dans son visage, un peu trop calme, ses yeux, bordés de longs cils recourbés, mettaient comme une ardeur secrète.

Ses bras étaient beaux, ses mains fines, ses pieds petits et bien cambrés.

Maintenant que ses projets étaient sur le point de se

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réaliser, Mme Renaudin redoutait le jugement d'Alexan- dre. Ce cavalier de dix-neuf ans n'était plus un novice. Un an auparavant, en septembre 1778, alors qu'elle cherchait à le marier à l'une de ses nièces, son filleul ne lui avait-il pas avoué sa liaison avec une de ses parentes à la mode...

de la Martinique, Laure de Girardin, femme de M. de la Touche de Longpré, officier de marine à Brest?

Alexandre n'était-il pas allé jusqu'à lui déclarer, au sujet de cette personne, qu'elle était la première à lui avoir fait éprouver un véritable amour? « L'objet qui me l'inspire, ajoutait-il, est si sensible que je suis désespéré de voir arriver le moment qui doit me séparer d'elle.... » Mme Renaudin n'ignorait point que Mme de la Touche avait onze ans de plus qu'Alexandre, mais elle lui parais- sait dangereuse par ces manières et cet esprit que donne la fréquentation du monde. Rose avait sur Laure l'avantage de la jeunesse. Et de la nouveauté. On la formerait. Quelques conseils et Paris aidant, elle finirait par s'imposer.

On se mit en route le 2 novembre. Le lendemain, Mme Renaudin écrivit au marquis de Beauharnais :

« Nous avons enfin quitté Brest hier, mon bon ami.

Le couché a été à Morlaix et nous voici arrivés, ce soir, à Guingamp, sans accident que beaucoup de fatigue de la part de notre malade.... Nous allons, comme vous voyez, à petites journées et nous nous trouverons bien heureux de coucher, après-demain, à Rennes. »

Au cours du voyage, la douceur et la gentillesse de Rose finirent par triompher de la froideur d'Alexandre.

Si bien que le 6, Mme Renaudin reprit la plume pour dire au marquis : « Les choses vont de mieux en mieux. » Alexandre ajoutait ces mots : « Le plaisir d'être avec Mlle de la Pagerie, avec celle à qui le nom de votre fille a paru si doux, a été la seule cause de mon silence. »

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Le mariage eut lieu à Noisy-le-Grand, où Mme Renau- din possédait une maison. Une trentaine d'invités assis- tèrent à la bénédiction nuptiale. Aux parents, aux amis d'Alexandre s'était joint son ancien précepteur, Patricol, professeur de mathématiques et pédant notoire. Repris de son mal, M. de la Pagerie se fit représenter par l'abbé Tascher, prieur de Sainte-Gauburge.

Dans le contrat passé trois jours auparavant, le « haut et puissant seigneur » Alexandre de Beauharnais n'avait point hésité à troquer son titre de chevalier pour celui de vicomte. Ses biens provenaient des héritages de sa grand-mère et de sa mère. Marie-Rose apportait une dot de 120 000 livres « en avancement » de sa future succession. Sur cette somme, M. de la Pagerie prélevait 20 000 francs pour l'achat du trousseau. Quant au reste, il devait en payer les intérêts tous les six mois, au denier vingt. Mme Renaudin donnait à sa nièce sa maison de Noisy, toute meublée, mais s'en réservait l'usufruit....

Les nouveaux mariés s'installèrent rue Thévenot, dans l'hôtel du marquis. Marie-Rose s'épanouissait brus- quement dans un bien-être, dans un luxe auquel elle n'était pas habituée mais pour lequel elle se sentait faite. Il y avait dans son bonheur quelque chose d'irréel, d'inconsciemment désiré, qu'elle découvrait avec des exclamations émerveillées. Elle ne se lassait point de contempler les girandoles, les bracelets, la montre enrichie de diamants qu'Alexandre lui avait offerts.

Quand elle sortait avec sa tante, elle emportait ses bijoux;

et, tout en marchant, elle les tenait dans ses mains, les

pressait, les caressait. Ses naïvetés, ses enfantillages, ses

mines gourmandes amusaient Mme Renaudin, faisaient

sourire le marquis.

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Elle eût voulu aller dans le monde où son mari était reçu, être présentée à la Cour ! Alexandre résistait, pro- mettait, retardait toujours. Elle devait d'abord recom- mencer son éducation, par trop négligée. Quand elle serait plus instruite.... Pour le moment, que savait-elle?

Lire, écrire, chanter en s'accompagnant de la guitare;

au total, fort peu de chose.

La modestie de Rose, sa docilité, son enjouement, son égalité d'humeur, sa sensibilité, sa fraîcheur d'âme rete- naient Alexandre au logis. On s'en étonnait dans le monde. Comment cette petite créole ignorante, gauche, empruntée, point jolie, sans tournure et lourde, avait-elle pu fixer ce papillon jusqu'alors si changeant, si volage?

Le « vicomte » savait pourtant que Mme de la Touche venait de perdre son mari. Mais il semblait avoir oublié jusqu'aux faveurs qu'il avait reçues d'elle.

Ces bonnes dispositions durèrent peu. Alexandre se montra bientôt moins empressé, distrait, préoccupé. Il sortait souvent et seul, n'autorisait point sa femme à l'accompagner. La volonté de Rose pliait devant la sienne. Pourtant, il lui arrivait de se plaindre. Défiante, inquiète, aussi facile à calmer qu'à émouvoir, elle inter- rogeait Alexandre sur ses fugues. Un sentiment, jus- qu'alors inéprouvé, s'éveillait en elle, une jalousie qui prenait, chaque jour, plus d'ampleur et plus d'acuité, s'exhalait en reproches timides, en larmes, en bouderies.

Agacé, irrité, le vicomte s'en allait, mettait des conditions

à son retour. Elle le suppliait de rester, promettait d'être

docile, oubliait bientôt ses promesses. Et ses reproches

recommençaient. Alexandre se faisait alors ironique et

brutal, méprisant même, parfois cynique. Pour mettre

fin à des scènes qui l'importunaient, qu'il jugeait indi-

gnes de lui, il se vantait des bonnes fortunes que lui

valaient sa jolie figure, son talent de danseur et son

esprit.

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Rose dut accepter ses conditions. Tandis qu'Alexandre dansait ou jouait des comédies chez le duc de la Roche- foucauld, chez Mme de Montesson, chez les Rohan- Chabot, il lui fallait demeurer auprès de sa tante, du marquis de Beauharnais et de M. de la Pagerie, qui assistait, « navré, à l'effondrement de son œuvre ».

Grand admirateur des philosophes, et surtout de Rousseau, dont il avait fait son idole, Alexandre voulait transformer Rose en une sorte de bas-bleu, capable de briller en société. Qu'il y avait loin de la Sophie du vieux Jean-Jacques à cette épousée de dix-sept ans qui ne demandait qu'à aimer, à être aimée! Que lui impor- taient la littérature, l'histoire et les sciences ! La vie ne valait-elle pas mieux que tous les livres? N'était-elle pas et plus simple et plus belle? Plus savoureuse aussi ?...

Malgré son état de grossesse, Rose se penchait sur des ouvrages qu'elle lisait des yeux, sans les comprendre, et repoussait bientôt, d'un geste las. Pour se distraire, un seul plaisir, et quel plaisir ! Parcourir l'hôtel du mar- quis. Du jardin, fort petit, monter aux combles, se mettre à la fenêtre et regarder passer les piétons qui venaient de l'horrible rue des Deux-Portes.... Rien de plus triste que ce logis qui s'ouvrait sur une venelle malodorante, humide et privée de soleil, où jamais une voiture n'osait s'aventurer. Parfois un regret amer lui venait en songeant à cette île vêtue de lumière, où elle avait vécu toute son enfance insoucieuse, sans déplaisirs, sans rudesse et libre.

Alexandre voyageait, se pavanait de château en château, de fête en fête. Quand il eut rejoint son régiment, il adressa, rue Thévenot, des lettres assez tendres, mêlées de dissertations morales et d'allusions à l'enfant qu at- tendait Rose. Mais l'éloignement ne fit qu'accroître la désunion des deux époux. Mme Renaudin, désolée, écrivit à Patricol, l'ancien précepteur d'Alexandre, pour

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le prier d'intervenir auprès de son élève. Tous deux se trouvaient alors chez le duc de la Rochefoucauld, à la Roche-Guyon. Dans sa réponse, longue et pesante, le cuistre rapportait les propres paroles d'Alexandre.

« En voyant Mlle de la Pagerie, déclarait le vicomte, j'ai cru pouvoir vivre heureux avec elle. Dès aussitôt j'ai formé le plan de recommencer son éducation. Le manque de volonté de Rose, son indifférence et sa non- chalance m'ont détourné de ce projet. Au lieu de rester chez moi, près d'une femme qui n'a rien à me dire, j'ai repris ma vie de garçon. » Certes, il lui en coûtait de

« renoncer au bonheur que lui promettait l'idée d'un bon ménage ». En agissant ainsi, il imaginait que Rose ferait des efforts pour acquérir les qualités qui pouvaient le fixer. Le contraire était arrivé. « Au lieu de se tourner du côté de l'instruction et des talents, ma femme est devenue jalouse. Elle veut que dans le monde je m'occupe uniquement d'elle; elle veut savoir ce que je dis, ce que je fais, ce que j'écris, et ne pense pas à acquérir les vrais moyens de parvenir à ce but et de gagner cette confiance que je ne réserve qu'à regret et lui donnerai à la pre- mière marque de son empressement à se rendre plus instruite et plus aimable. »

Alexandre revint à Paris pour assister au baptême de son fils Eugène. Cette naissance semblait avoir réconcilié les deux époux. L'accouchée rétablie, il recommença ses fredaines. Déçue, dépitée, humiliée, Rose se deman- dait quel mauvais génie le pousssait de nouveau à s'éloi- gner d'elle. Pendant la longue absence de ce maître exi- geant et bizarre, elle s'était pourtant efforcée de lui plaire. Après les Révolutions Romaines, de l'abbé Vertot, elle avait lu « de bons poètes », appris par cœur des pièces de théâtre, ouvert des atlas.... Peine perdue!

Deux mois après la naissance d'Eugène, Alexandre partait pour l'Italie.

(26)

Quand il reparut, de longs mois plus tard, M. de la Pagerie et la tante Rosette étaient de retour à la Marti- nique. Mme Renaudin venait de s'établir à Noisy, avec sa nièce, pour y passer l'été.

Durant plusieurs semaines, Rose put croire que le bonheur était revenu avec Alexandre. Jamais mari ne fut plus tendre et plus aimable. Soudain, il redevint nerveux, irritable, revêche. Étonnée de cette saute d'humeur, sa marraine le prit à part : Que lui manquait- il? N'était-il pas entouré de tous les soins qu'il pouvait souhaiter?... Elle lui fit l'éloge de Rose. Malgré sa nou- velle grossesse, la jeune femme n'avait pas interrompu les lectures que lui avait conseillées Patricol.

Rien de plus exact ; Alexandre le reconnaissait. Depuis son retour, il jouissait d'une existence attrayante et douce. Cette oisiveté, ce bien-être un peu fade, cette nonchalance de corps et d'esprit, un bourgeois de Paris pouvait s'en contenter. Mais un militaire?... A son âge, à vingt-trois ans, déjà, il n'était encore que capitaine ! Jus- tement, le marquis de Bouillé, gouverneur des Iles du Vent, était en France. Il allait regagner sous peu la Martinique, de nouveau menacée par les Anglais. Grâce à l'appui du duc de la Rochefoucauld, Alexandre espé- rait combattre sous ses ordres, devenir son aide de camp, revenir colonel. Mme Renaudin se taisait. Pour la persuader, son filleul prononçait de grands mots, parlait d'avancement, de réputation, de gloire....

Deux jours plus tard, on apprit que M. de Bouillé venait de s'embarquer pour la Martinique. Rose ne put cacher sa joie : son mari resterait auprès d'elle. Mais Alexandre, irrité de son échec, ne renonçait point à son voyage. On ne voulait pas de lui comme aide de camp?

Il partirait quand même; comme simple volontaire, voilà tout! Rose ne comprenait point cette opiniâtreté.

Quels mirages l'attiraient donc si loin? L 'ambition?...

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PORTRAIT DE JOSEPHINE (Par Isabey.)

Imprimé en France.

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