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Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Enfances en guerre. Témoignages d’enfants sur la guerre, Chêne-Bourg, Georg, 2013, 269 p., ISBN 978-2-8257-1018-0

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Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Enfances en guerre. Témoignages d’enfants sur la guerre, Genève, Georg, L’Équinoxe collection de sciences humaines, 2013, 269 p. ISBN : 978-2-410-00988-0 Tout au long de leur vie, Alfred Brauner (1910-2002) et Françoise Brauner (1911-2000) ont porté attention aux enfants et à leurs manières d’exprimer leurs expériences vécues par le dessin et la parole. Une dizaine d’années après leur disparition, s’est tenu à Paris un colloque intitulé « Enfances en guerre. Témoignages d’enfants sur la guerre », dans le cadre du projet de recherche « Enfance Violence Exil » financé en 2009 par l’ANR et sous le haut patronage de l’UNESCO. Cette rencontre avait comme principal objectif de rendre hommage à Françoise et Alfred Brauner, on ne s’étonnera donc pas que l’ouvrage qui en est issu, sous la direction de Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux, interroge l’utilisation des témoignages d’enfants dans le cadre de recherches visant à mieux comprendre leurs expériences des situations de guerre.

La première partie de l’ouvrage est logiquement consacrée à une présentation du couple Brauner et de la formidable collection de dessins d’enfants qu’il a constituée. Le mathématicien Claude-Michel Brauner livre un témoignage filial sur les parcours et les engagements de ses parents : la Grande Guerre, la guerre d’Espagne, la Résistance et toujours les enfants. Comme l’écrit Philippe Valls, lui aussi engagé dans l’espace de la cause des enfants, « ils ont été mêlés à toutes ces guerres et se sont mêlés de toutes ces enfances », en rétablissant l’enfant victime en tant que personne et acteur de sa propre vie. En spécialiste de la bande dessinée, Viviane Alary évoque une facette moins connue d’Alfred Brauner : une éphémère activité de scénariste d’albums pour enfants publiés à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le dessin d’enfant considéré comme un objet d’étude à part entière est le thème de la deuxième partie et au centre de l’ouvrage. Comme l’ensemble de la production des enfants, ces documents pourtant riches en informations furent pendant longtemps délaissés par le monde de la recherche. Les trois contributions rassemblées ici démontrent parfaitement, par trois études de cas illustrant des réflexions épistémologiques et méthodologiques, que l’expression des enfants par le dessin constitue une source de premier ordre pour les historien.ne.s. Émilie Lochy montre que les enfants juifs allemands et autrichiens réfugiés au château de la Guette en 1939 ont dû par le dessin et d’autres formes d’expression redéfinir leur projet d’existence. C’est une tout autre démarche qui est à l’origine des collections de dessins de l’AFSC présenté par l’archiviste Donald Davis. L’association quaker, venant en aide aux populations civiles lors des conflits du XXe siècle, a sollicités les enfants pour écrire et dessiner ce qu’ils vivaient afin de contribuer à la mobilisation des donateurs. Cet échange don/contre-don – comparable à celui en œuvre dans les parrainages transnationaux d’enfants qui se développent à partir de la Guerre d’Espagne –, suscite de nombreuses questions sur les modalités de réalisation du dessin et implique une analyse critique et méthodologique poussée. Après avoir souligné l’intérêt majeur de pouvoir se situer à hauteur d’enfant (chère à Janusz Korczak), Manon Pignot montre bien que l’étude des dessins d’enfants se prête à différentes échelles d’analyse, de l’individuel au collectif générationnel. L’expérience enfantine de la guerre est ainsi à replacer dans des contextes spécifiques, qui certes n’excluent pas des comparaisons transnationales ou chronologiques, mais en modèrent le caractère universel.

Différentes situations d’enfances en guerre sont présentées dans les deux parties suivantes de l’ouvrage, dont trois relatives à la guerre d’Espagne, ce qui est légitime au regard du moment fondateur qu’elle a constitué pour les époux Brauner. Rose Duroux et Célia Keren détaillent

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l’évolution de la pensée des Brauner sur les dessins d’enfants entre 1939 et 1991. La figure de l’enfant-héros trouvant sa place dans l’engagement antifasciste et résistant du couple, quand l’enfant-victime est plus adapté à leur militantisme pacifiste. Verónica Sierra Blas et Alicia Pozo-Gutiérrez présentent deux chantiers sur les enfants espagnols exilés en Russie et en Grande-Bretagne. Le premier à partir de leurs correspondances, le second portant sur des sources orales. Les témoignages et analyses rassemblés dans la quatrième partie portent sur des épisodes guerriers très divers, mais aucun sur les guerres de décolonisation. La question de la transmission traumatique de génération en génération est traitée par Janine Altounian à partir de l’histoire de sa famille arménienne. Le théâtre et le dessin sont analysés par Amina Rachid pour les enfants palestiniens et Nicole Dagnino pour les enfants réfugiés du Guatemala comme des modes d’expression qui participent à leur résilience. Notion particulièrement développée par Aude Merlin et Marie-Odile Godard à propos des enfants tchétchènes et rwandais.

La cinquième partie de l’ouvrage est moins bien identifiée. Intitulée « Témoins », elle rend compte de la table ronde organisée lors du colloque de 2011. Mais seule figure une transcription des propos de Boris Cyrulnik insistant sur deux risques à éviter dans l’étude des enfances en guerre : l’héroïsation et la victimisation. Le témoignage d’Esther Mujawayo qui a vécu sur le génocide rwandais en tant qu’humanitaire et mère de trois enfants petits est particulièrement fort. Enfin, l’ouvrage se termine par trois textes très courts (une à deux pages) dans lesquels Boris Cyrulnik revient sur sa rencontre avec les Brauner, et Stéphane Audoin-Rouzeau et Manon Pignot insistent sur le caractère interdisciplinaire de la recherche sur et à partir des dessins d’enfants.

Cet ouvrage marque une étape dans le développement des Childhood Studies en France en considérant les sources de l’enfance (i. e. issues des enfants eux-mêmes : dessins, témoignages, correspondances) comme une documentation de premier intérêt à traiter avec méthode et esprit critique. Ce faisant il ouvre la voie à des études transdisciplinaires où l’histoire à toute sa place, notamment sur l’empowerment/agency des enfants et leur construction subjective.

Yves Denéchère, Université d’Angers – TEMOS CNRS

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