• Aucun résultat trouvé

^^^^^^^^0^0 LA GUERRE D'ISRAËL

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "^^^^^^^^0^0 LA GUERRE D'ISRAËL"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)

^^^^^^^^0^0

LA GUERRE D'ISRAËL

Nous étions aux confins occidentaux du désert du Sinaï, à dix kilomètres du Canal de Suez, sur la ligne ou s'était arrêtée l'armée juive, à la distance prescrite par l'ultimatum franco- britannique du 31 octobre.

Je partageais l'ordinaire ~ Spartiate de l'intendance israélienne avec les soldats d'un escadron blindé ramassé en « hérisson » sur la crête d'une vague de la mer minérale, écrasée sous le soleil de midi.

A travers l'air transparent et immobile, le Canal inaccessible brillait comme une rivière de diamants, les arbres et les pelouses d'Ismaïlia opposaient une verdure de mirage aux ocres mats et aux blancs aveuglants des sables. Sans jumelles, mais avec des lunettes noires, on apercevait le pont d'El Ferdan et les bornes géantes de l'entrée du Canal. De quart d'heure en quart d'heure, des points noirs apparaissaient, haut dans le ciel, s'effaçaient et réapparaissaient presque au niveau de l'horizon, au moment ou parvenaient à nos oreilles le bruit de soie déchirée que font en plongeant les avions à réaction. Des flammes brèves comme des étincelles, aussitôt surmontées de panaches noirs, majestueux et sinistres, accompagnaient les piqués des appareils franco-bri- tanniques.

La D.C.A. égyptienne, à distance, paraissait active, mais peu efficace : les explosions de ses projectiles traçaient dans le ciel un cadre trop vaste à l'intérieur duquel les avions attaquants évoluaient sans gêne apparente.

Après deux bouchées de côrned-beef au sable, presque impos- sible à déglutir par des gorges parcheminées, après une poignée de dattes sèches provenant des stocks abandonnés par lés Egyptiens, les soldats d'Israël, désaltérés avec trois gouttes de jus d'orange, prirent la faction, partirent en patrouille, ou s'apprêtèrent à dormir,

(2)

6 2 2 LA REVUE

i

la tête sous une couverture, à l'ombre brève des « Sherman » et des

« A.M.X. ».

J'ai vécu ainsi quelques jours avec l'armée des Hébreux dans le désert du Sinaï, parcourant en taxi, en autobus réquisitionnés, en camionnette, les pistes et les routes jadis foulées par Moïse et son peuple pendant quarante ans, suivant dans leurs opérations des blindés ornés de l'Etoile de David, du Chandelier à Sept Bran- ches et des Tables de la Loi. Fraternellement accueilli, comme journaliste et surtout comme Français, à tous les échelons d'une organisation conçue avec le seul préjugé de l'efficacité, j'ai eu l'oc- casion unique de prendre contact, par son armée et dans un moment d'exaltation nationale, avec le peuple le plus disparate et le plus uni, le plus révolutionnaire et le plus traditionnel, le plus indivi- dualiste et le mieux organisé. Car l'armée qui a bousculé les belles divisions cuirassées de Nasser, qui a dispersé une infanterie armée jusqu'aux dents et équipée de neuf, qui a ramassé des mil- liers de tonnes de matériel ultra-moderne venant en bonne partie d'U.R.S.S. et de Tchécoslovaquie, était une troupe de civils grou- pés en quelques heures autour d'un noyau d'instructeurs et de spécialistes d'activé, que les attachés militaires étrangers à Tel Aviv évaluent à « plus de cinq pour cent et moins de dix pour cent » du total des effectifs.

On a souvent comparé les Forces de Défense israéliennes à l'Armée helvétique. Correct pour le principe — chaque citoyen prend les armes quand la patrie est menacée — ce rapprochement ne l'est pas dans l'application. La menace permanente exercée par quatre Etats arabes sur les frontières d'un pays auquel les Nations-Unies ont donné en 1939 un tracé * surréaliste », oblige les dirigeants d'Israël à appliquer Je principe de la nation armée beaucoup plus rigoureusement qu'en Suisse. Pour défendre les 951 kilomètres de frontières terrestres et les 254 kilomètres de front de mer, qui mesurent un périmètre étiré sur 450 kilomètres dans le sens de la longueur, avec des étranglements dont le plus étroit est de 14 km. 500, l'Etat d'Israël doit mobiliser tous les hommes et toutes les femmes en état de porter les armes, et compter * en heures, presque en minutes, le temps nécessaire à leur mobili- sation.

L'instruction des Forces de Défense est obtenue grâce à de très lourdes obligations militaires, acceptées par tous, sinon avec plaisir, du moins avec une conscience aiguë de leur caractère

(3)

LA GUERRE D'ISRAËL 623 inévitable. Tous les hommes sont astreints à deux ans et demi de service militaire s'ils sont âgés de dix-huit à vingt-six ans, à deux ans, s'ils ont vingt-sept, vingt-huit ou vingt-neuf ans. Toutes les femmes non mariées de dix-huit à vingt-six ans accomplissent deux ans sous le drapeau bleu et blanc. Ces conscrits et ces cons- entes forment ce que l'on appelle l'armée régulière.

La réserve à laquelle appartiennent tous les hommes de moins de cinquante ans, doit à l'armée trente et un jours consécutifs

"par an, pour les hommes de moins de quarante ans et les femmes de moins de trente-cinq ans, et quatorze jours consécutifs pour les hommes de quarante à cinquante ans. En outre, chaque réserviste, quel que soit son âge, doit encore une journée de ser- vice par mois. Les officiers et les sous-officiers des deux sexes sont taxés d,'une semaine supplémentaire d'exercices chaque année.

Pour moins gêner la production industrielle et l'agriculture, ces périodes d'instruction sont échelonnées sur toute l'année et ont lieu le plus près possible de la résidence des réservistes. En fait, pour beaucoup, elles remplacent les congés payés...

La mobilisation de la nation est minutieusement organisée atix échelons bataillon, compagnie, et dans certains cas, section.

Chaque officier, chaque sous-officier connaît les hommes qu'il doit avoir sous ses ordres ; les véhicules sont réquisitionnés avec leurs conducteurs, mobilisés généralement dans le cadre des entre- prises de transport.

La levée d'armes des derniers jours d'octohre fut exécutée dans ces conditions ; chacun fut prévenu par téléphone, par message personnel, par la visite d'un camarade ou d'un chef. J'ai ren- contré, dans le Sinaï et dans la poche de Gaza, de nombreux sol- dats d'unités spécialisées —• chars et transmissions — qui, travail- lant le matin dans leur usine ou à leur bureau, se trouvaient le même soir en campagne, n'ayant passé dans leurs dépôts que le temps nécessaire à prendre les pièces d'équipement, les armes et les munitions rangées dans un casier étiqueté à leur nom.

Il est à peu près impossible de savoir exactement combien d'hommes et de femmes furent mobilisés pour l'opération « Sinaï », car l'armée israélienne a conservé des habitudes de secret héritées de la lutte clandestine contre l'Angleterre. Comme la vie de tous les jours ne fut qu'à peine désorganisée dans les grandes villes, on peut déduire que la mobilisation militaire fut seulement « par- tiellement générale ». Sur le plan moral; elle fut totale : ceux qui

(4)

624 LA REVUE

ne portaient pas les armes acceptèrent avec enthousiasme de travailler jusqu'à la limite de leurs forces. On peut dire que, pen- dantrla courte guerre contre l'Egypte, personne, en Israël, n'a dormi plus de trois ou quatre heures par nuit. Rarement, sans doute, dans l'histoire, un peuple connut une telle volonté et une telle communion dans l'effort.

Au militaire traditionaliste, partisan des formes extérieures de respect, des uniformes, des insignes et des médailles, l'armée israélienne apparaît comme très peu orthodoxe. Les officiers — à part ceux des forces régulières qui ont gardé d'un passage dans l'armée britannique le goût de l'uniforme et du drill — ne se dis- tinguent de la troupe que par des insignes très discrets, qu'ils ne portent pas toujours. La tenue habituelle consiste en une chemise et un pantalon de toile kaki, à quoi s'ajoute, suivant la saison, un chandail parfois assorti, parfois de couleur différente. La coiffure est, soit une casquette de type anglais, soit un petit chapeau de toile à bords étroits, ou un bonnet de police, ou encore une

« cap », du genre affectionné par les joueurs de base-bail. Le plus souvent, les hommes et les officiers vont nu-tête.

L'armement individuel paraît disparate, avec une forte pro- portion de mitraillettes de fabrication locale. On ne voit guère d'emblèmes indiquant l'arme ou le service, encore moins de numéros d'unités. Ces omissions sont volontaires, afin die dérouter e s - pionnage, en rendant les unités difficiles, sinon impossibles à iden- tifier.

La hantise de l'espionnage, facile à comprendre dans un pays aux frontières resserrées, à l'intérieur desquelles opèrent cons- tamment les « commandos de la mort » égyptiens, est poussée à l'extrême. Officiers, sous-officiers, soldats sont muets, concernant les opérations, même passées, et les mouvements, même accomplis.

Je n'ai pas rencontré un seul homme qui m'ait raconté, hors de la présence d'un officier de renseignements et sans ordre exprès de celui-ci, la plus petite opération à laquelle il ait participé. Ce secret n'exclut pas la cordialité, mais, comme me le dit un soir un caporal d'origine marocaine ayant servi dans l'armée fran- çaise, « on ne sait jamais à qui l'on a affaire ».

Une autre fois, sans penser à mal, je demandais à un sous-

(5)

LA GUERRE D'iSRAEL 625 lieutenant de parachutistes ce que signifiait l'insigne qu'il portait au col de sa chemise. L'homme me regarda avec méfiance, s'avi- sant que je ne parlais pas hébreu, quoique passager d'une voiture militaire et vêtu de kaki comme tout le monde. « Que fais-tu ici ? » demanda-t-il, portant la main à son arme. L'officier qui m'accom- pagnait lui expliqua les raisons de ma présence ; le parachutiste soupçonneux me serra la main amicalement, mais en grommelant :

« Pourquoi posez-vous des questions pareilles » ?

La nourriture en campagne est sommaire, mais suffisante : du pain, du bœuf en conserve, des cornichons, des fruits secs, du jus d'orange, du thé. Ces denrées constituent d'ailleurs la base de l'alimentation d'Israël qui est un pays où les spaghetti à la sauce tomate sont considérés par beaucoup comme un régal gastro^

nomique !

J'ai recueilli l'impression, et même la certitude, que l'absence de confort — pas, où très peu de tentes, pas, ou très peu de cui- sines roulantes — ne gênait pas des gens habitués à la vie austère et collective des « kibboutz ».

Au milieu des hommes, dans les escadrons de reconnaissance aussi bien que dans les services de l'arrière, on remarque des jeunes filles habillées comme des garçons et armées comme eux. Elles combattent comme leurs frères, et plus d'une s'est fait une répu- tation de tireur ou de grenadier d'élite. Comme elles se tiennent toutes parfaitement bien et qu'elles sont souvent jolies, leur pré- sence contribue à donner à cette troupe bigarrée, un aspect

« Auberges de la Jeunesse » fort sympathique.

Les types humains sont incroyablement variés et très éloignés, surtout chez les jeunes, du « type juif », tel qu'il fut décrit par les théoriciens du national-socialisme. La vie au grand air, le retour à la terre, le climat excellent, la disparition du « complexe du ghetto » (ici, m'a-t-on souvent dit, on n'a pas honte d'être juif) ont radicalement transformé les caractères physiques.

De même qu'aux Etats-Unis les fils de Napolitains chloro- tiques sont devenus des gaillards d'un mètre quatre-vingt-dix, les enfants des Juifs blafards, à la poitrine creuse, aux pieds plats et aux yeux inquiets des « Stetells » d'Europe centrale sont main- tenant des garçons aux muscles puissants, aux manières directes, aux épaules larges, et des filles saines et gracieuses. Phénomène extraordinaire, la métamorphose n'attend pas la deuxième géné- ration : dès son arrivée sur la terre d'Israël, le Juif redresse l'échiné,

(6)

626 I,A. KEVUE

\

respire profondément et devient Israélien. J'ai souvent pris pour des « Sabris » — c'est ainsi que l'on nomme ceux qui sont nés dans le pays — des jeunes gen§ et des jeunes filles qui ^avaient vu le jour en Pologne, en Roumanie, en Allemagne et mênie dans les camps de concentration où furent anéantis leurs parents. Les plus âgés ont gardé sous le hâle les marques physiques de la misère et des persécutions, mais la fierté d'être Israélien a transformé les regards et les expressions.

Les Juifs du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, dont l'immigra- tion entre 1919 et 1948 ne représenta que vingt pour cent environ du total des 655.000 entrées pour cette période, arrivent mainte- nant en masse. Du 15 mai 1948 au 1e r juillet 1956, sur un total de près de 800.000 nouveaux Israéliens, 52,3 pour cent, soit 420.000 environ, sont venus du Yémen, d'Irak, du Maroc, de Tunisie, etc.. Ils constituent aujourd'hui quarante pour cent de la population totale et ont déjà commencé, en se mêlant aux Juifs d'origine .européenne, à donner naissance à un nouveau type humain, très beau, qui sera celui de l'Israélien de demain.

L'examen superficiel des caractères ethniques des centaines de soldats mâles et femelles que j'ai rencontré m'a laissé perplexe quant à l'existence d'une « race juive » et m'a convaincu au con- traire de la réalité de la « nation juive ». En mettant à part, les

« sabris », et les jeunes déjà « israélisés », j'ai remarqué des Russes, des Yéménites, des Allemands, des Polonais, des Turcs, etc.. et aussi quelques Français, qui portèrent l'étoile jaune au temps d'Hitler, mais qui avaient étrangement acquis tous les caractères des pays où leurs ancêtres vécurent des siècles et parfois des millé- naires. Il suffit de passer quelques jours en Israël, surtout dans le microscome humain de l'armée, pour échantillonner entre deux extrêmes — par exemple un Moscovite grand, pâle, blond aux yeux bleus d'allure typiquement slave, et un Yéménite petit, brun, au teint cuivré et aux yeux de braise — tous les types possibles, du Britannique au Mongol, du Nord-Africain au Scandinave.

Ce mélange incroyable de races n'est pas lié par la religion : le nombre des agnostiques est très supérieur à celui des pratiquants et les orthodoxes sont en petit nombre. Les éléments de la nation israélienne, âgée de huit ans seulement, sont liés entre eux par le respect d'une tradition de quarante siècles et par l'idéal sioniste, qui n'a pas soixante ans.

Pour beaucoup la Bible n'est plus un livre religieux, mais un

(7)

LA GUERRE D'iSRAEL 627

manuel d'histoire, et ses personnages sont de simples héros natio- naux, dépourvus de tout caractère spirituel. Moïse est Une sorte de Charlemagne, Judith i est, Jeanne d'Arc, Salomon Louis XIV, et le David du combat contre Goliath s'apparente à Joseph Bara.

Dans la campagne du Sinaï, de livre d'histoire la Bible devint un guide, une sorte de Baedeker, que consultaient les chefs d'unités à la recherche des points d'eau et des pistes traditionnelles. On m'a assuré que le commandant en chef, Moshe Dâyan, prépara son offensive foudroyante la Bible à la main, non pour y puiser une inspiration providentielle, comme M. Foster Dulles, mais pour mieux comprendre un terrain décrit minutieusement. La Thora au service du Kriegspiel, voilà un point auquel les Talmu- distes n'avaient jamais pensé I

* *

Le bandeau noir qu'il porte sur l'œil gauche et qui dissimule

\ une orbite écrasée, a permis aux amateurs d'images faciles de comparer le visage du général Moshe (ou Moïse) Dayan, à celui d'un corsaire et même d'un pirate.

Il suffit de regarder quelques instants le « Rav Alouf », pour constater que le vainqueur du Sinaï ressemble beaucoup plus à un Campagnard qu'à un écumeur des mers.

Du paysan, Dayan, né dans une ferme collective il y a quarante et un ans, ancien élève d'une école d'agriculture, possède les mains carrées, la démarche tranquille, le .'teint bronzé en profondeur, le sens du réel et l'intelligence concrète. Vingt années de baroud contre les Arabes, les Britanniques et les Français du général Dentz, deux, ans d'emprisonnement politique, ont développé ces aptitudes foncières en leur ajoutant la pratique de la réflexion, le goût de l'action rapide, et de la préparation minutieuse. Ces traits sont devenus typiques du Juif d'Israël, qui a gardé ses brillantes qua- lités d'individu, mais tout en acquérant le sens du « collectif » qui lui manquait notoirement quand il vivait dans la Diaspora.

Physiquement, Moshe Dayan, qui est de taille moyenne, repré- sente le « sabri » parfait. Les siècles passés par ses ancêtres dans un « stettel » d'Ukraine n'ont laissé aucune trace sur son visage ouvert, éclairé par un œil tantôt noisette, tantôt vert, tantôt gris.

Des cheveux rares coupés très court, dégagent un front large et

(8)

628 LA REVUE

font ressortir l'asymétrie d'une face cruellement labourée par la mitraille. Les oreilles sont attentives, le nez noble et droit, la bou- che et le menton sont plus généreux qu'autoritaires. La moitié gauche du visage est sans expression, figée par les chirurgiens qui la raccommodèrent. La moitié droite est pétillante d'intelligence et de vivacité.

Moshe Dayan parle hébreu comme un personnage de l'Ancien Testament, et son anglais, parfait grammaticalement, possède une rondeur et une chaleur très shakespeariennes, mais pas du tout « british ». . ^

En civil, il a l'air d'un jeune homme, surtout quand il danse le mambo avec sa fille. de dix-sept ans. En uniforme, il paraît un peu plus âgé, malgré un pantalon de simple soldat, une chemise à col ouvert et un chandail tricoté à la.main, sur lequel il oublie souvent d'agrafer les insignes de son grade : deux larges feuilles de chêne accompagnant une courte épée et un rameau d'olivier posés en sautoir.

Le « nouveau Josué » est très populaire chez les soldats qui aiment sa simplicité, son ardeur au travail et au combat et qui admirent son énergie et son génie militaire. Les théoriciens du sionisme, et parmi eux le président du Conseil, David Ben Gourion, voient en lui « le produit parfait de la greffe sioniste sur la souche ancestrale »,

C'est entre Oum Gatev et Abu Agheila, au milieu du prin- cipal bastion de la défense égyptienne et le long de la route d'Is- maïlia, que j'ai eu la vision la plus tragique de ce que pouvait être la défaite matérielle et morale d'une armée.

Une brigade égyptienne d'infanterie portée, renforcée d'une artillerie de corps d'armée, était enterrée dans des positions excel- lentes établies de longue date d'après les plans et les indications des experts militaires nazis de Nasser, à moins de quarante kilo- mètres de la ligne, d'armistice de 1949. Conformément à la tac- tique de la guerre-éclair, les « AMX » et les « Sherman » israéliens contournèrent l'obstacle, poursuivirent leur avance vers le Canal

\ de Suez, et bousculèrent les « bouchons » de moindre importance, dont les garnisons refluèrent sur Abu Agheila, gonflant les effectifs de cette place forte, augmentant ses moyens de feu, mais aussi

(9)

\

/

LA GUERRE D'iSRAEL 629

ses besoins en eau. Il s'écoula, avant le premier assaut contre Abu Agheila, trois jours pleins, pendant lesquels le rideau de troupes disposé par les Israéliens borna son activité, faute de moyens suffi- sants, à un léger harcèlement d'artillerie. Chaque obus tombant dans le camp retranché provoquait des paniques, dont les patrouilles assiégeantes profitaient pour capturer des centaines d'égyptiens fuyant sans chaussures ni chemises dans le désert.

Une première attaque tentée avec des moyens trop légers n'eut pas de suites ; un deuxième assaut mené avec un nombre suffi- sant de blindés et un appui aérien provoqua, après moins de deux heures, la reddition des quelques centaines d'Egyptiens — sur quatre mille environ —* qui avaient résisté. Le reste* fuyant en camions vers le Sud-Ouest, fut poursuivi par les chars et harcelé par l'aviation, ou bien tenta de rallier en désordre la zone de Gaza qu'occupaient déjà les Forces de Défense du général Dayan.

Lorsque j'arrivai — en taxi — aux positions d'Oum Gatev, c'est-à-dire aux avant-postes de la place forte, deux chars, un Egyptien et un Israélien,. flambaient, après s'être entre-détruits.

Dans un emplacement d'arme automatique étayé de rondins et garni de sacs de sable, deux Soudanais morts étreignaient leurs fusils, un troisième cadavre, celui d'un sergent égyptien, assis • derrière une mitrailleuse/dont la bande était engagée, perdait ses entrailles et son sang.

Un char détruit au combat, trois morts les armes à- la main, sont les seuls1 témoignages de résistance que j'aie pu recueillir sur ce champ de bataille. A l'intérieur du vaste quadrilatère irré- gulier, des Egyptiens accouraient de toute part, au pas gymnas- tique, les bras en l'air, se constituer prisonniers entre les mains des fantassins d'Israël qui les faisaient accroupir, les mains à la nuque et qui inspectaient avec précaution des centaines de camions, de jeeps et de canons abandonnés, de crainte qu'ils n'eussent été piégés. Sur le sol, éparpillés sur des centaines de mètres carrés, des milliers de chaussures, de pantalons, de couvertures, de fusils, de mitraillettes, paraissaient attendre la visite des chiffonniers. Les canons étaient rangés, en batterie, avec des caisses de munitions, dont beaucoup étaient encore clouées ; toutes les -culasses étaient intactes, aucun tube n'était « égueulé », personne n'avait eu l'idée de saboter les pièces, comme le prescrivent les règlements de toutes les artilleries du mond.e, en cas d'abandon aux mains de l'ennemi.

La plupart des canons, d'ailleurs, n'avaient jamais tiré, du moins

(10)

630 LA. REVUE

récemment : plusieurs étaient encore encapuchonnés de bâches toutes neuves et les âmes de beaucoup d'autres ruisselaient de graisse d'arme rancie. Il y avait surtout des « 25 pounders » de fabrication britannique (un canon qui correspond, dans son emploi, au « 105 » français et américain), et des antichars tchèques de 57 millimètres, au tube très long et'très effilé. Les véhicules, jeeps, command-cars, voitures-radio, camions, de marques anglaises, américaines et russes, étaient parqués en bon ordre et en état de marche. J'eus la curiosité de mettre en route les moteurs de plusieurs camions qui partirent tous au « quart de tour ».

Cette gigantesque foire à la ferraille était silencieuse : les avant- poste^ étaient tombés une ou deux heures auparavant, il n'y avait eu personne, même parmi les officiers égyptiens qui furent pris, avec un exemplaire de Mein Kampf en arabe dans leurs poches, pour organiser le moindre « baroud d'honneur ».

Quand le vent portait de l'Ouest, on entendait des coups sourds, ceux que tiraient les blindés israéliens contre les camions et les chars qui avaient fui les derniers. Quelques vieux « Mustangs », chasseurs à tout faire de la dernière guerre, volaient très bas vers leurs! bases après avoir « straffé » comme à l'exercice les véhicules de tous modèles dont les passagers avaient préféré la fuite à la capitulation sans conditions.

Poursuivant ma route, après avoir inspecté ce que la propa- gande égyptienne qualifia plus tard de «glorieux champ de bataille » et qui n'était qu'une sorte de souk pour matériel de guerre aban- donné, j'eus, sans quitter la route et presque sans descendre de voiture, le plus terrible des tableaux de la guerre, qui est celui de la destruction sans combat et de la mort sans lutte. Sur plus de deux cents kilomètres, par paquets ou isolés, cloués sur place, renversés dans les fossés, échoués dans le sable en dehors du ruban goudronné, trois cent cinquante à quatre cents véhicules crevés, tordus, défoncés, brûlaient en mélangeant aux odeurs d'essence et de gazoil, celle de la chair grillée. Autour des camions détruits, des cadavres, beaucoup de cadavres, en tas, en chapelets, en grappeB, carbonisés, éventrés, décapités.

Des Israéliens ramassaient les survivants, blessés ou non, hébé- tés, à demi vêtus et les chargeaient dans des camions, tout en tiraillant sans conviction dans la direction de ceux qu'on voyah) courir en rond sur les dunes de sable.

Les prisonniers étaient tous en sous-vêtements de coton et

(11)

LA GUERRE D'iSRAEL 631

pieds nus, alors que la plupart des morts avaient gardé leurs uni- foirmes et leurs chaussures/ Interrogés sur les raisons de leur « strip tease », des captifs déclarèrent aux officiers de renseignements qu'on leur avait dit que les Israéliens exécutaient sommairement tous les soldats arabes qui leur tombaient entre les mains. D'autres avouèrent qu'ils avaient espéré être recueillis par des Bédouins nomades ou gagner des villes comme El Arish, Rafla ou Gaza pour s'y dissimuler parmi la population civile.

Ceux qui eurent la chance de déserter ou de s'enfuir à proxi- mité des très rares centres habités du Sinaï les atteignirent parfois.

La sécurité militaire israélienne arrêta après les combats un nom- bre important de fuyards dans ces villes, grâce à leur défaut de pièces d'identité et surtout aux dénonciations de leurs compatriotes.

Les malheureux qui « prirent le désert » loin des points habités et loin de la zone du Canal, n'avaient que de très faibles chances d'être recueillis par les très rares Bédouins qui parcourent habi- tuellement cet espace inhumain, et qui s'étaient cachés de leur mieux aux premiers échos de la canonnade.

Beaucoup se rendirent, à demi-morts de soif et 4'exhaustion après deux ou trois nuits de inarche dans les sables croulants.

A moins de vingt kilomètres du Canal, intrigué par,deux taches sombres au pied d'un monticule surmonté d'un buisson d'épineux, je décidai quelques Israéliens armés à m'accompagner pour voir de quoi il s'agissait.

Nous découvrîmes, à cinq cents mètres de la route, deux soldats égyptiens sans chaussures, mais en uniformes, morts de soif, la tête enfouie dans le sablé brûlant. Leurs armes chargées étaient posées auprès d'eux. Les corps desséchés et sans blessures, les vête- ments intacts ne laissaient aucun doute sur les circonstances de la fin tragique de ces pauvres diables tombés si près de leur salut.

Dans leur conquête éclair de la péninsule du Sina! et de la poche de Gaza, les Israéliens se sont emparés d'un armement dont le décompte exact n'a pas été rendu public, mais qui a été évalué à environ 150 milliards de francs frqnçais. Aucun chiffre n'a été donné, à ma connaissance, sur la valeur du matériel détruit, qui doit être presque aussi considérable. Le général Moshe Dayan a donné la proportion de cinquante pour cent environ, comme repré- sentant le matériel de guerre terrestre provenant d'URSS et de Tchécoslovaquie et pris sur l'Egypte.

Parmi les chars russes T-34 figurait en plusieurs exemplaires

(12)

632 LA REVUE

un modèle très récent, inconnu des attachés militaires étrangers à Tel Aviv. J'ai vu, dans un des parcs de récupération où s'affairaient les experts eh armement et les mécaniciens, un véhicule étrange et tout neuf, construit spécialement par les techniciens soviétiques pour la guerre dans le désert. C'est un énorme camion à six roues motrices, à la cabine blindée surmontée d'une tourelle légère, pouvant transporter vingt hommes avec leur équipement. Un dis- positif ingénieux commandé par six boutons placés à portée de la main du conducteur permet de gonfler ou de dégonfler à volonté les pneus de chacune des six roues, selon la nature et la résistance du sol. ' '

J'ai vu aussi un poste de commandement mobile, protégé par un blindage formidable, monté sur un châssis et des chenilles de T-34, un assortiment impressionnant de transmetteurs et récepteurs radio, et un nombre presque infini de camions^tous-terrains clas- siques, dont les compteurs kilométriques marquaient tout juste la distance qui sépare Port-Saïd, où ils furent débarqués des cargos soviétiques, des parcs où ils se trouvent actuellement.

*

J'ai trouvé admirable la manière positive et réaliste dont le peuple d'Israël, exalté mais non enivré par la victoire de ses armes, accueillit le « Halte-là, rendez vos billes » des Nations-Unies, plus promptes à fulminer contre une campagne préventive dont l'enjeu était l'existence d'un pays qu'à tenter même un geste symbolique pour arrêter les bouchers de la Hongrie.

Moins de trente-six heures après avoir célébré en termes émou- vants et bibliques la campagne du Sinaï et avoir exalté l'impor- tance matérielle et morale de cette conquête pour l'avenir d'Israël, le « Vieux David », comme on appelle familièrement M. Ben Gou- rion, soumis à une pression diplomatique intense, accablé d'ulti- matums plus ou moins directs lancés de Moscou, de Washington et même de Londres, eut le prodigieux courage moral d'annoncer à ses concitoyens qu'il avait promis d'évacuer le Sinaï.

J'avais assisté, dans le désert, autour d'un feu de camp maté- rialisé par un peu d'essence brûlant dans trois boîtes de corned beef vides, à l'explosion de joie des guerriers recueillant, grâce au récepteur d'une jeep-radio de prise, la parole victorieuse de Ben Gourion.

(13)

LA GUERRE D'iSRAEL 633 C'est au « P. I. 0. » de Tel Aviv, où se trouvaient groupés les services d'information et de censure du gouvernement et de l'armée, que j'ai entendu le second et dramatique discours, prononcé à une heure du matin.

Pendant que Ben Gourion s'adressait en hébreu à son peuple, j'imaginais le « Vieux David », ses yeux bleu clair de savant, son visage tanné de pionnier, ses sourcils broussailleux et les deux houp- pes de cheveux de neige qui encadrent fantastiquement son crâne dénudé. Les fonctionnaires de l'information, le visage crispé, distri- buaient à la centaine de journalistes internationaux envoyés spé- ciaux du monde entier, une traduction en anglais du sombre discours.

Les correspondants étrangers, et parmi eux les Américains les plus hostiles à ce qu'ils ne se gênaient pas pour appeler the foolish

• war (la guerre idiote), étaient bouleversés par ce qu'ils lisaient, et pris à la gorge par l'émotion intense que dégageait la voix du vieux prophète du Sionisme, articulant les mots rocailleux et incom- préhensibles de la langue hébraïque.

Un journaliste israélien, près de moi, pleurait de grosses larmes.

Lorsque la radio s'arrêta, il murmura ce proverbe familier des ghettos de Pologne: «Ce n'est pas facile d'être juif». Posément, il tira son mouchoir, s'essuya les yeux, se redressa et dit sans rien de théâtral :

— Regretter ne sert à rien, discuter non plus. Si le vieux a cédé, c'est qu'il avait de bonnes raisons. Au travail.

J'ai rencontré la même attitude chez les intellectuels israéliens, qui rejettent avec une sorte d'horreur les discussions stériles et les spéculations métaphysiques.

* * *

Un sujet d'étonnement, toujours renouvelé, pour les Israéliens est l'incompréhension têtue manifestée par l'Organisation des Nations Unies et par l'opinion publique américaine à l'égard de l'existence dangereuse menée par l'Etat juif.

Les menaces constantes d'extermination proférées par les leaders arabes, les expéditions des « Fedayin » égyptiens, syriens et jor- daniens, font régner dans le pays une atmosphère d'insécurité qu'on ne peut pas comprendre dans ceux où l'on circule sans crainte à toute heure du jour et de la nuit. Heureusement pour Israël, les frontières biscornues que lui ont données les Nations Unies, qui n'ont pas hésité à partager entre deux pays une ville comme Jérusalem, sont protégées par la nullité des chefs militaires des"

(14)

6 3 4 LA REVUE

Etats arabes, par la lâcheté de leurs soldats et l'inefficacité de leurs gouvernements. Personne n'a oublié la guerre de 1948, quand cinq armées, celles du Liban, de Syrie, de Jordanie, d'Irak et d'Egypte

— s'élancèrent contre l'Etat qui venait de naître en annonçant qu'elles allaient exterminer les 655.000 habitants qu'il comptait alors. Personne n'a oublié les cuisantes défaites de ces armées, représentant des populations supérieures à quarante millions d'êtres, dont l'intervention des Nations Unies sauva à peine la face.

Ces nations arabes, après avoir signé des conventions d'armis- tice, refusèrent de traiter d'une paix durable avec Israël, et n'ont pas cessé d'organiser sur son territoire des raids terroristes et des sabotages. Entre 1949 et 1955, l'activité « fedayin » se manifesta par 360 assassinats, par 733 blessés du côté israélien, par 280 actes de sabotages et par 2.494 rencontres armées. Du 1e r janvier 1956 au jour du déclenchement de la campagne du Sinaï, 74 Israéliens ont été tués, 209 blessés, du fait des Fedayin, qui ont commis 93 sabotages. 590 rencontres armées se sont produites pendant la même période. Officiellement, c'est le fanatisme religieux qui inspire la haine des musulmans contre les juifs et c'est le patriotisme arabe qui revendique les terres de la Palestine! prélevées sur le patrimoine national.

En réalité, le monde arabe hait Israël', parce qu'Israël, c'est l'Europe, avec son ardeur au travail, son organisation et, on peut bien le dire, la supériorité de son intelligence.

C'est là où l'affaire israélienne rejoint l'affaire algérienne, tout en montrant un aspect différent du problème de la cohabitatiqn sur le même sol d'un peuple fort mais peu nombreux avec un peuple faible, qui a pour lui la masse. Autrefois, avant les complications sentimentales nées de l'humanitarisme du xixe sièjcle, les civilisations supérieures absorbaient, faisaient disparaître ou amenuisaient les peuples incapables de se maintenir à leur niveau. C'est ainsi qu'aux

Indes, il existe encore vingt-cinq millions d'aborigènes, jamais assimilés par les Hindous qui les ont relégués dans les jungles et dans les montagnes, et qui créent à M. Nehru des problèmes d'un ordre très « colonial », quoique, hélas ! trop peu connus.

C'est ainsi également qu'il reste aux Etats-Unis quelques Péaux-Rouges, reliquat des peuples qui n'ont pas résisté à la vigueur de la civilisation importée par les pionniers. Aujourd'hui, en Israël, on assiste à l'implantation et au développement d'un des peuples

^

(15)

LA GUERRE D'iSRAEL 635 les plus forts qui aient jamais existé, puisqu'il est constitué par des gens provenant de tous les pays du monde, dont ils ont /assimilé les cultures et les techniques, par des hommes qui montrent une volonté prodigieuse de vivre, parce qu'ils ont été persécutés et qui

ont résolu de donner à leurs enfants une patrie conforme à une tra- dition et à un idéal.

Là où vivaient misérablement quelques Arabes entassés dans des huttes de boue, s'élèvent des villages aux maisons confortables.

Là où quelques chèvres étiques erraient entre des touffes d'herbe sèche, s'étendent des orangeraies et des champs de blé.

Là où des artisans tissaient à la main les burnous de leurs familles se dressent des usines qui exportent des textiles dans le monde entier.

Le contraste entre le monde moderne, représenté par Israël et l'Orient somnolent que les fausses notes du clairon de Nasser n'arrive pas à réveiller, est particulièrement brutal quand on franchit l'ancienne frontière de la zone de Gaza. C'est la même terre, ce sont les mêmes ruisseaux, le même climat, et pourtant, on a l'impression de quitter un jardin pour entrer dans un terrain vague.

J'ai fait cette expérience avec un Américain, envoyé spécial d'un journal de Chicago connu pour son hostilité à Israël. Il venait de me dire, à propos de l'action franco-anglo-israélienne contre l'Egypte, sans dissimuler une certaine hargne :

— Maintenant, vous allez partager les dépouilles. (C'était avant le cessez-le-feu).

En voyant les cabanes branlantes, les carrés de terre mal cul- tivés entre des espaces de sable aride, les enfants couverts de mouches qui réclamaient des bakhchich, les femmes voilées traînant leurs babouches et les hommes dormant vautrés dans la poussière; en contemplant de ses propres yeux de représentant d'une race forte cet échantillon de la réalité arabe, il eût l'honnêteté de me dire :

— On/se croirait au Moyen-Age.

Il ajouta cependant :

— C'est pourquoi les Etats-Unis doivent aider les Arabes.

—• Soi^, dit l'officier israélien qui nous accompagnait, mais est-il nécessaire, pour aider les Arabes, de leur sacrifier un million six cent mille juifs qui ne demandent qu'à cultiver en paix les quel- ques arpents de terre de leur dernier asile ?

MAX OLIVÏER-LACAMP.

Références

Documents relatifs

[r]

• Chapter 1, Preparing for the Installation, describes the prerequisites for installing and verifying VAX LISP.. • Chapter 2, Installation and Verification,

The one chosen is the most recently enabled (globally or locally) generalized print function for which the predicate specified with

[r]

Vous vous en doutez, je ne dis pas cela parce qu'il fait beau et chaud, ni à cause de la soif que cela provoque (hummm, une bonne Flag au bord de l'océan), mais bon, un peu quand

La valeur 0 K est dite zéro absolu : c’est la température où il n’y a plus d’agitation thermique des particules, et on ne peut plus abaisser la température en dessous de

Pour un poste d’opérateur de machinerie lourde, Natasha a le choix entre recevoir un salaire hebdomadaire de 675 $ ou travailler 40 heures par semaine à 16,90 $/h... Selena vend

[r]