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1.1. La dépigmentation volontaire

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1. Introduction

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1.1. La dépigmentation volontaire

La dépigmentation volontaire est une pratique bien connue en Afrique sub-saharienne, pour réduire la pigmentation mélanique des gens de couleur foncée. La dépigmentation volontaire porte différentes appellation suivant les cultures et les pays. Au Rwanda, cette pratique est appelée « Kwitukuza », littéralement traductible par « rendre sa peau rouge ». Nous allons, dans cette section, donner certaines appellations suivant les pays. Nous définirons ce qu’est la dépigmentation volontaire suivant différentes sources bibliographiques. Nous donnerons ses origines, son historique et sa localisation géographique. Nous parlerons d’arguments motivants et dissuasifs envers cette pratique et de l’évolution de la domination de la peau claire. Nous aborderons également la question du trafic des produits dépigmentants, de la réglementation liée à leur utilisation et des produits vendus sur le marché européen et international pour traiter les taches dues au soleil et au vieillissement sur la peau claire.

1.1.1. Notion de dépigmentation volontaire

Appelée « xeesal » ou « leeral » au Sénégal, «tcha-tcho» au Mali, «maquillage» au Congo, décapage au Cameroun, « bojou » au Bénin, « kwitukuza » au Rwanda, la dépigmentation de la peau est une pratique essentiellement observée au sein des populations génétiquement pigmentées. Elle se définit comme l’ensemble des procédés visant à obtenir un éclaircissement de la peau dans un but cosmétique (Morand et al., 2007). Par cette pratique, une personne, de sa propre initiative, tente de diminuer la pigmentation mélanique physiologique de sa propre peau (Levang et al., 2009).

Le teint de la peau, source de préoccupations, pousse les personnes de type caucasien (peau blanche) à acquérir un bronzage dont les bénéfices psycho-sociaux ont longtemps prévalu sur les dangers en termes de vieillissement et de risque cancérigène. À l’opposé, les personnes de type pigmenté (peau noire) sont désireuses d’un teint de peau aussi clair et homogène que possible. Dans la plupart des sociétés, ce teint constitue un avantage social (Brenner and Hearing, 2008).

La dépigmentation volontaire est qualifiée de cosmétique et artificielle, touchant principalement les

femmes. Les utilisateurs appliquent sur le corps, généralement sans surveillance médicale, de manière

soutenue et prolongée, des produits ou des mélanges chimiques composés d’actifs dépigmentants

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3

souvent d’une grande nocivité (Morand et al., 2007; M'bemba-Ndoumba, 2004). Ces produits peuvent avoir des aspects différents : soit de pommades, de crèmes ou de savons, soit sous forme de médicaments issus de la production pharmaceutique et détournés de leur usage médical premier, soit des mélanges de produits d’usage courant (exemple: pétrole et dentifrice pour préparer un mélange appelé « Mfiya » chez les Congolais) (M'bemba-Ndoumba, 2004). Leur application quotidienne vise à l’éclaircissement ou au blanchissement progressif de la peau, souvent en cohérence avec des canons esthétiques édictés par la société locale (Emériau, 2007).

Les raisons avancées par les gens qui se dépigmentent sont variées mais touchent toutes à la notion de beauté, d’esthétique, de séduction et d’appréciation.

1.1.2. Historique de la dépigmentation volontaire

Le contact Noirs-Blancs a provoqué un choc dont finalement le Blanc sortit vainqueur, imposant ainsi son mode de vie, sa couleur de peau comme idéaux. Au temps de l’esclavagisme par exemple, les maîtres avaient établi une hiérarchie de couleur, allant du plus sombre (négatif) au plus clair (positif).

L’esclavagisme et la colonisation ont donc forgé les préjugés des Blancs sur les Noirs, et fait naître chez ces derniers un sentiment d’infériorité qu’ils tentent de juguler en se dépigmentant (M'bemba- Ndoumba, 2004; Bilé, 2010).

L’addiction dont souffrent les victimes noires de la dépigmentation ressort d’une série d’expériences hallucinantes conduites par les scientifiques européens et nord-américains. Ces derniers ont en effet, à partir du dix-huitième siècle, essayé de blanchir les noirs par tous moyens. En France on les plongeait dans un bain d’acide oxymuriatique (acide chlorhydrique actuel), au Québec, on les bombardait de nitrate d’argent et aux états unis on les décapait aux rayons X, provoquant de graves brûlures (Bilé, 2010).

On ne peut pas parler de la dépigmentation en oubliant l’hydroquinone. C’est dans les années 50 que la première manifestation du potentiel éclaircissant de l’hydroquinone a été découverte de façon fortuite sur des ouvriers à peau dite noire travaillant dans une usine de caoutchouc aux Etats-Unis (dépigmentation des parties non couvertes) (Ondongo, 1989; AFSSAPS, 2011).

D’autres auteurs attribuent la découverte de l’hydroquinone comme principe actif dépigmentant à un

ingénieur-chimiste travaillant dans une usine de fabrication de pneus pour automobiles. La découverte

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a été faite toujours sur les ouvriers noirs (immigrés mais d’origine Libérienne) qui présentaient, au bout d’un certain temps dans l’usine, une dépigmentation sélective de la peau, surtout les parties visibles et dénudées (M'bemba-Ndoumba, 2004).

Les produits dépigmentants à base d’hydroquinone auraient d’abord été produits aux USA. Les marchés anglophones africains constituent la destination initiale des produits (description dès 1961 en Afrique du Sud et dès le début des années 70 au Sénégal). Le phénomène se répand rapidement en Afrique subsaharienne à partir des années 80. La dépigmentation volontaire s’est largement développée au cours de ces 20 dernières années, avec la mise à disposition, à la fin du XXème siècle, de moyens techniques d’éclaircissement efficaces, faciles d’emploi et bon marché. Cette progression pourrait en partie s’expliquer par l’influence que peuvent exercer certaines industries spécialisées dans les cosmétiques pour peaux fortement pigmentées, par le biais de publicités volontairement agressives et omniprésentes dans certaines presses notamment féminines (AFSSAPS, 2011; M'bemba-Ndoumba, 2004).

Quant à la recherche de la peau claire, elle se situe bien avant les années soixante. En effet, certaines civilisations anciennes (en Egypte par exemple) utilisaient déjà des composants naturels, comme l’argile appliquée en masque, empêchant ainsi la pigmentation de la peau du visage par le soleil (Petit, 2007).

1.1.3. Localisation géographique de la pratique de dépigmentation volontaire

Un peu partout sur la planète, des femmes et des hommes utilisent des produits de dépigmentation,

principalement par souci esthétique. Cependant, l’Asie et l’Afrique sont les deux continents

principalement concernés par la dépigmentation volontaire cosmétique. La pratique est bien connue en

Afrique noire (Del Giudice et al., 2003). Elle est essentiellement rapportée au Sénégal (Mahé et al.,

2003; Del Giudice and Y., 2002), au Mali (Mahé et al., 1993; Faye et al., 2005; Maze et al., 2004), au

Burkina Faso (Traoré et al.) au Togo (Pitche et al., 1998), au Nigéria (Ajose, 2005), en Côte d’Ivoire

(Bilé, 2010; Ake et al., 2007), au Congo (Brazzaville) (Gathse et al., 2005; Adhikari et al., 2008), au

Kenya (Barr et al., 1972) et en Afrique du Sud (Hartshorne, 2003; Schulz, 1982).

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Cette pratique semble fréquente également dans l'Océan Indien (Mayotte) (Levang et al., 2009), dans la région des Caraïbes, c’est le cas des pays situés dans les Antilles (M'bemba-Ndoumba, 2004), au Moyen-Orient (Arabie Saoudite) (Alghamdi, 2010) , en Asie (Inde, Philippines, Hong Kong, Vietnam, Malaisie, ...) (AFSSAPS, 2011), en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Elle semble plus marginale en Amérique du Nord et aux Etats-Unis (Hoshaw et al., 1985; Kass, 2009).

Une enquête menée en Chine, en Malaisie, aux Philippines et en République de Corée a montré que près de 40 % des femmes interrogées utilisaient des produits éclaircissants pour la peau (Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE, 2008).

La dépigmentation volontaire est observée aussi dans les populations génétiquement pigmentées vivant en Europe, notamment en France dans la population migrante (Petit, 2007). On cite souvent le quartier de Château-Rouge à Paris et de Matongé à Bruxelles comme fréquentés par bon nombre d’Africains pour se procurer des produits dépigmentants.

1.1.4. Evolution de la domination de la peau claire

Pendant la préhistoire, l’image de la peau noire n’était à priori pas négative. Les vestiges archéologiques d’Egypte démontrent que les Africains noirs ont été intégrés dans la société égyptienne.

La couleur noire était également évaluée comme le symbole de la fertilité. La boue noire du Nil fécondait la terre et apportait la prospérité. Au cours de l'expansion de l'Empire romain germanique, le peuple noir d'Afrique du Nord était incorporé dans l'armée romaine pour se battre dans le Sud-est de l’Asie et en Afrique. Cela leur a donné une réputation positive. En outre, les Pères de l'Église des premiers siècles du Moyen Âge se sont joints avec le peuple éthiopien, qui était Chrétien et Juif, pour combattre l'Islam (Westerhof, 1997).

Le changement de l'image de la couleur noire est survenu au cours du Moyen Âge, avant et pendant les

croisades, lorsque les Islamistes sont devenus ennemis des Chrétiens. Dans leur language, le noir a un

sens négatif, le Noir est la couleur du diable, le péché, et l'ennemi. Durant cette période, le

christianisme occupe une place prépondérante dans la vie quotidienne et prône certaines

considérations quant à la couleur de la peau des individus (Bonniol, 1995). Dans l’optique chrétienne,

il était communément admis que la couleur noire était associée « au péché, à la tache, à la malédiction

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6

divine » et à la mort. Tandis que le blanc était considéré comme la pureté, la vie et le bien (M'bemba- Ndoumba, 2004). Notons cependant le paradoxe inexpliqué des statues dites «Vierges noires »

Cette supériorité de la couleur blanche s’est accentuée lors de la période coloniale. En effet, la colonisation fut l’occasion de nombreux contacts entre des peuples colonisateurs, occidentaux, et des populations indigènes à peau foncée, établissant ainsi des rapports sociaux spécifiques entre eux. Ces rapports, toujours en faveur des colons, se sont d’abord traduits par l’instauration d’un système de pouvoir occidental. Ils modifièrent également les modes de vie (construction de maison en bois, habillement, etc.), repères, valeurs sociales et esthétiques des populations locales (Bonniol, 1995;

Emériau, 2007). Le but ultime de cette démarche était de modifier les aspects physiques, moraux, mentaux et psychologiques des colonisés pour qu’ils ressemblent aux colons (Emériau, 2007).

Ainsi, la pigmentation de la peau devient un caractère physique établissant une différence entre ces deux catégories de personnes et impliquant « la domination de la peau blanche sur la peau noire symbolisant l’étranger, l’impur, le mal » (Emériau, 2007).

Encore faut-il parler de la traite négrière qui existait officiellement jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle. Pour justifier l'exploitation et l'exclusion des Noirs, le groupe blanc dominant abusait de la bible en se référant à Cham (Ham) comme l’ancêtre de tous les Noirs. Au fil du temps, être un esclave et avoir une peau noire sont devenus synonymes. Cette catégorisation des personnes par la couleur de peau a conduit à une sinistre implication politique aboutissant à l'apartheid et au nazisme (Bilé, 2010).

Bien que l'esclavage et le colonialisme militaire et politique soient historiques, la supériorité supposée de la couleur blanche à la couleur noire persiste. L'accent mis sur cette pensée est exprimé en termes de couleur de la peau ainsi qu’en termes de culture. Il est ainsi généralement admis que la culture occidentale est supérieure aux autres cultures, non seulement dans le monde occidental, mais aussi en Inde et dans d’autres pays Asiatiques (Westerhof, 1997).

Battus militairement, vendus au plus offrant, humiliés chez eux, assommés par l’avancée

technologique des colons, beaucoup d’Africains finirent en effet par douter d’eux-mêmes et par

intégrer l’idée qu’on leur a souvent répétée, à savoir que leur âme et leur peau étaient « sales et

laides ». Ils se mirent alors à idéaliser le « blanc » et cherchèrent à lui ressembler, quitte à se blanchir

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7

en supprimant par tous les moyens leur mélanine. La dépigmentation effaçait leur prétendue

« souillure » et leur donnait le sentiment de changer de condition et de rang social (Bilé, 2010).

Pour les peaux blanches, la pratique qui correspond socialement à une modification de la pigmentation est, quant à elle, appelée « bronzage ». En effet, avant la révolution industrielle, les pauvres travaillaient à l’extérieur et avaient une peau foncée à cause du soleil tandis que les classes moyennes et aisées restaient à l’intérieur. La classe supérieure se réjouissait alors de montrer sa peau claire. Mais, après la révolution industrielle, les travailleurs restaient à l’intérieur et avaient alors également la peau claire, aussi la classe supérieure « décida » qu’une peau bronzée était plus prestigieuse, associée à une démonstration de temps libre et de moyens pour profiter de loisirs en extérieur (Direction générale de la santé, 2003).

1.1.5. Les motivations à la dépigmentation volontaire

Les enquêtes qui ont eu lieu dans plusieurs pays sur la dépigmentation volontaire montrent que les motivations sont souvent d’ordre esthétique. On évoque le plus souvent un certain complexe (« mon teint noir d’origine ne me plait pas »), la mode ou le mimétisme (« je veux ressembler à ceux qui sont beaux ; beaucoup de gens le font »). (Bilé, 2010)

Au Congo, comme pour des milliers de Noirs, outre les attributs traditionnels comme l’habillement et les traits réguliers et naturels du visage, l’acquisition d’une peau claire constitue un critère de beauté et de propreté (« je me dépigmente pour être plus beau et donc moins noir » « pour séduire, car le teint clair est un critère de beauté, chez nous les congolais») (M'bemba-Ndoumba, 2004).

Certaines personnes justifient leur pratique par un pseudo-traitement médical pour éliminer les

boutons ou l’acné sur la peau. Ce qui les pousse à utiliser des médicaments à base de cortisone. Ces

produits sont souvent mélangés avec d’autres de fabrication artisanale (M'bemba-Ndoumba, 2004).

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Nous avons encadré un travail relatif aux motivations et dissuasions des adolescents du Rwanda (ville

de Butare) dont les résultats sont présentés en Figure 1 et 2 (Hollerich, 2011). Signalons que, dans la

plupart des cas, ces motivations et dissuasions sont très semblables dans plusieurs pays.

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Figure 1 : Arguments motivant la pratique de la dépigmentation volontaire au Rwanda (Hollerich, 2011)

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Figure 2 : Arguments dissuasifs à la pratique de la dépigmentation volontaire au Rwanda (Hollerich, 2011)

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1.1.6. Le trafic des produits dépigmentants et la réglementation quant à leur utilisation.

En 2004, les plus grandes entreprises de fabrication de produits dépigmentants étaient implantées aux Etats Unis (Chicago) et en Grande-Bretagne. Ces entreprises avaient des extensions en Afrique anglophone comme au Nigéria, Libéria, Ghana, Gambie (M'bemba-Ndoumba, 2004). De ces pays, la diffusion se faisait dans les pays francophones en passant par les pays où la dépigmentation volontaire était fortement pratiquée, comme le Sénégal pour l’Afrique de l’Ouest, le Congo et la République Démocratique du Congo pour l’Afrique Centrale et de l’Est et l’Afrique du Sud pour toute la partie sud d’Afrique (Bilé, 2010).

Ces produits sont le plus souvent à base d’acide kojique et d’hydroquinone, à des concentrations, dépassant respectivement 2 et 4 %. On trouve aussi des produits à base de dermocorticoïdes, surtout le propionate de clobétasol à 0,05 %. Ce dernier fait partie des corticoïdes topiques les plus puissants (Ake et al., 2007). On rencontre aussi des produits à base de dérivés mercuriels : chlorures mercurique (HgCl

2

) et mercureux (Hg

2

Cl

2

), oxyde de mercure (HgO) et chloramidure de mercure (HgClNH

2

) (Sin and Tsang, 2003).

Dans son annexe II, la directive européenne 76/768/CEE modifiée, numéro d’ordre 300, a interdit l’utilisation des corticoïdes dans les produits cosmétiques (AFSSAPS, 2011). En 1984, l’hydroquinone a été autorisée dans les produits cosmétiques à condition de ne pas dépasser la concentration de 2 %, par la Directive 84/415/CEE. Plus tard son usage fut limité aux préparations pour ongles artificiels par la Directive 2000/6/EC. L’incorporation de tous ces dépigmentants dans la composition des produits cosmétiques est par conséquent interdite dans l’Union Européenne.

Le mercure et ses composés sont inscrits à l’annexe II de la directive 76/768/CEE modifiée, relative

aux produits cosmétiques (liste des substances qui ne peuvent pas entrer dans la composition des

produits cosmétiques - numéro d’ordre 221). Leur incorporation dans les produits cosmétiques est

donc interdite, à l’exception du thiosalicylate d’éthylmercure sodique (thiomersal) et du

phénylmercure et ses sels qui sont autorisés comme agents conservateurs à la concentration

maximale de 0,007 % en mercure (Hg) (AFSSAPS, 2011).

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12

Au Congo, les produits à base d’hydroquinone sont interdit depuis 2006 (M'bemba-Ndoumba, 2004). En Côte d’Ivoire la publicité pour les produits dépigmentants a été interdite récemment, le 18 août 2009 par le conseil supérieur de la publicité (Bilé, 2010).

En 2007, les études ont montré que l’acide kojique peut induire des effets indésirables graves. Ces études précisent que l’acide kojique a été banni dans les produits cosmétiques par de nombreux pays (Draelos, 2007).

Sur le marché européen, les produits dépigmentants sont nombreux. Bien que ces molécules soient interdites dans beaucoup de pays, cela n’empêche pas de les rencontrer, surtout dans des magasins de produits exotiques. Nombre de produits sont saisis par les services de douane à leur entrée ou par la police dans les magasins.

En 2004, les douaniers de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle interceptent pas moins de 15.000 tubes de produits blanchissants, dissimulés dans le frêt commercial d’un avion en provenance du Sénégal. En 2006, la police du Havre saisit un lot d’environ 7.000 crèmes, lotions et savons éclaircissants dans un conteneur venant du Nigéria, la marchandise étant destinée à une société Française. Un mois plus tard, ces mêmes douaniers interceptèrent environ 12.000 produits éclaircissants et médicaments interdits qui arrivaient par bateau de la côte d’Ivoire pour une boutique Parisienne (Bilé, 2010).

Alors que la législation européenne interdit l’usage de l’hydroquinone dans les cosmétiques, une autre directive européenne autorise les usines et laboratoires à fabriquer ces produits, pour autant que ceux-ci soient réservés à l’exportation (Bilé, 2010).

En France, les analyses de laboratoires ont déjà constaté que, contrairement à ce que mentionne leur étiquetage, nombre de produits contiennent encore à ce jour de l’hydroquinone (Bilé, 2010).

La même législation se retrouve en Suisse. Par différentes campagnes de sensibilisation, ce pays a

réussi à diminuer sur son territoire les cosmétiques à base d’hydroquinone ; ceux-ci ont cependant

laissé place à l’acide kojique dont la fréquence dans les produits dépigmentants est passée de 5 % en

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2003 à 50 % en pas moins d’un an, avec des concentrations proches de 1%, teneur à laquelle l’effet dépigmentant est efficace mais avec des risques d’effets secondaires (DASS, 2003; Bilé, 2010).

En 2003, les acide kojique et azélaïque ont été également interdits en Suisse dans les produits dépigmentants. Une étude réalisée par le Comité scientifique des produits de consommation (SCCP) a montré également les méfaits de l’acide kojique à 1% sur la santé du consommateur (DASS, 2003). Néanmoins, cette étude n’a toujours pas été prise en compte en France où on trouve encore les produits dépigmentants contenant de l’acide kojique et azélaïque. En Belgique, les produits dépigmentants sont aussi en vente illégal, mais des nouvelles méthodes d’identifications ont été développée récemmment et permettront d’éclaircir le problème (Desmedt et al., 2013; Desmedt et al., 2014)

En 2009, fut lancée pour la première fois en France une campagne de prévention des dangers du blanchiment des peaux noirs à l’initiative de la Mairie de Paris. Plus tard, d’autres campagnes seront lancés par des particuliers comme Isabelle Mananga-Ossey, Présidente de l’association « Label Beauté Noire ». Cette campagne s’appuiera sur la distribution d’un fascicule pédagogique sur les méfaits des crèmes éclaircissantes et la mise en ligne d’une bande dessinée intitulée « Beauté d’ébène » (Bilé, 2010).

Dans plusieurs pays, les publicités pour les produits éclaircissants ne laissent pas cette pratique confidentielle. En effet, les magazines destinés aux populations noires comme « Amina » en France en font une publicité.

1.1.7. Classification des actifs dépigmentants trouvés sur le marché de certains pays d’Afrique

Le tableau 1, reprend des produits éclaircissants utilisés dans quelques pays d’Afrique. Signalons que la liste n’est pas exhaustive et que certains principes actifs sont souvent en mélange.

Pour le Rwanda, la liste des produits dépigmentants utilisés est présentée dans la section Résultats et

Discussion (article 2).

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Tableau 1 : Quelques spécialités dépigmentantes utilisés au Congo, au Nigéria et au Sénégal

Congo (M'bemba-Ndoumba, 2004) Nigéria

(Olumide et al., 2008) Sénégal (Mahé et al., 2003) Hydroqui-

none et acides organiques

Corticoïdes Sels de mercure

Shampooing détergents et autres

Hydro- quinone

autres Hydroquinone Corticoïdes Sels de

mercure

Agents caustiques + actifs inconnus Paulina®

(pommade) Lustra®

(pommade) Clear-tone®

(savon et pommade) Venus de Milo®

(savon et pommade) Lactacid®

(pommade) Dermacid®

(Savon) Pain ramet dalibonor®

(Savon)

Diprosone®

(pommade) Topsyne gel®

(pommade) Topifram®

(pommade) Synalar®

(crème) Bingo®

(pommade) Envie®

(pommade) Nifluril®

(pommade) Dear®

(pommade)

Ambi-vert®

(pommade) Sukissa bango®

(Savon) Néco® (Savon) Pharmapur®

(Savon) Ambi-rouge®

(pommade) Mililo®

(pommade) Rico® (savon et pommade) 3fleurs®

(pommade) Roberts®

(Savon) Crusader®

(Savon)

Eau de javel®

Cétavlon®

Sopa®

Glycérine®

Dop rouge®

Dop aux œufs®

Zazou®

(artisanale) Paic citron®

Ciment®

(construction)

Looking Good® Peau clair®

Ambi® Skin Success® Sivo claire® Mic®

Movate® Crusader®

Tura® A3® Tony Montana® Shirley® IKB® Ultra® Venus ® Swiss collagen® Fashion Fair®

Skin Light®

(pommade, crème, savon)

Emos® (crème) Body Clear®

(pommade, crème) CBL® (pommade) HT26® (pommade) Clairliss® (pommade) Black Star®

(pommade) MGC® (pommade) Akagni® (pommade, crème) Immediat Clair®

(pommade, crème) Niuma® (pommade) Top-tone® (Crème) Sivoclair®

(pommade, crème) Peau Claire®

(pommade, crème) Fair White®

(pommade, crème)

Tenovate®

(Crème, Gel) Fashion Fair®

(Crème)

Civic®

(Crème, Gel) Diana® (Crème) Prosone® (Gel) Maxim® (Gel) Neoprosone® (Gel) Dermovate®

(Crème, Gel) Clovate® (Crème) Topgel® (Gel) Lumière®

(Crème) Neomat®

(Crème, Gel) PC® (Crème, Gel), Niuma Extra Cream®

Movate®(Crème)

Niuma®

(Savon) Movate®

(Savon) Jaribu®

(Savon) Idole®

(Savon) Sukisa Bango®

(Savon) Rico®

(Savon)

Savon liquide Idéal® (Crème) Asepso® (Savon) Shirley® (Crème) Si Claire®

(pommade, crème), Peroxyde d'hydrogène

(15)

15

1.1.8. Effets indésirables liés à l’usage de certains produits dépigmentants

Dans la majorité des cas, les complications liées à la dépigmentation volontaire sont avant tout cutanées (Levang et al., 2009). Le tableau 2 montre des exemples de produits dépigmentants ainsi que les effets indésirables liés à leur utilisation. Nous reviendrons sur ces molécules dans la section 1.4 pour parler des principales découvertes dans le domaine de l’hypopigmentation.

Il est rapporté dans plusieurs études (Mahé et al., 2003; Del Giudice and Y., 2002; Raynaud et al., 2001; Mahé, 2000) que 60 à 70 % des utilisatrices présentent des effets nocifs cutanés. Les complications les plus fréquentes et les plus sévères sont en rapport avec l'usage des produits à base de corticoïdes (Mahé et al., 2003)

Tableau 2 : produits dépigmentants usuels, mode d’action et effets indésirables

Produit à base de

Mode d’action Effet indésirable Références

Acide azélaïque

Inhibition de la tyrosinase

- prurit, érythème, brûlures

- effet cytotoxique et antiprolifératif sur les mélanocytes

(David et al., 2011)

Acide kojique Inhibition de la tyrosinase

- effet mutagène sur des cultures cellulaires

- dermatite

- cytotoxicité et cancer cutané

(David et al., 2011) ;

(Draelos, 2007) Corticoïdes Effet indirect par

l’effet anti- inflammatoire et antagoniste de la MSH

Effet

immunosuppresseur

- dermatophyties - gale

- pyodermites superficielles (folliculites, impétigo, furoncles) - dermohypodermites bactériennes

(érysipèle)

- Pityriasis versicolor

- acné (12 à 53% des utilisatrices) - vergetures irréversibles (7 à 44%

des utilisatrices) - atrophie cutanée - hyperpilosité

- hypercorticisme (syndrome de Cushing) et freinage de la

sécrétion endogène de cortisol au

(Ndiaye et al., 1996) ; (Mahé et al., 2003);

(Perret et al., 2001) ; (Perret et al., 2001;

Morand et al.,

2007) ; (Mahé

et al., 2007) ;

(Petit, 2007) ;

(16)

16

niveau de l’axe hypothalamo- hypophysaire avec risque d’insuffisance surrénalienne - hypertension artérielle et diabète - pendant la grossesse : un petit

poids des nouveau-nés à la

naissance (rapporté chez 69 % des femmes interrogées)

- dépendance «psychologique»

(dimension addictive de la dépigmentation volontaire Dérivés

mercuriels

Inhibition de la tyrosinase

- dermatites de contact irritatives - eczémas de contact

- complications rénales

(néphropathies glomérulaires) - neuropathies périphériques ou

centrales

- cataracte bilatérale associée à une anémie et une insuffisance

tubulaire rénale a été décrit chez un nourrisson de 3 mois à cause du savon utilisé par la mère.

(Haustein and Barth, 1983) ; (AFSSAPS, 2011) ; (Lauwerys et al., 1987) ; (AFSSAPS, 2011)

Hydroquinone

Arbutine : Formation d'hydroquinone (après

hydrolyse de l'hétéroside)

Altération des mélanosomes

Inhibition de la tyrosinase

- dégradation des mélanosomes - destructions des mélanocytes - irritation

- dermatite allergique de contact - hyperpigmentation post-

inflammatoire,

- décoloration des ongles,

ochronose (pigmentation bleu-noir des muqueuses de la peau) très difficile à éliminer

- risque potentiel d’adénome rénal et de toxicité fœtale (montré chez le rat)

- hyperchromie périorbitaire « en lunette ».

- renforcement de la couleur des pigments en post-inflammatoire

(David et al.,

2011)

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17

Coloration grise bleutée du pavillon de

l’oreille lors d’ochronose après

utilisation de l’hydroquinone (Morand et al., 2007) et al., 2007)

Décoloration des ongles et hyperpigmentation des faces dorsales des articulations interphalangiennes par

utilisation de l’hydroquinone (Morand et al., 2007).

(Pseudo-)ochronose exogène après utilisation de l’hydroquinone (Morand et al., 2007)

Figure 3 : Quelques images montrant des effets indésirables liés à l’utilisation des produits dépigmentants contenants des corticoides ou de

l’hydroquinone sur la peau noire.

(18)

18

Nappes réticulées noirâtres d’ochronose

exogène; les vergetures après

utilisations de corticoïdes (Morand et al., 2007)

Acné sérieusement aggravé par l'utilisation de corticoïdes (Mahé et al., 2003)

Dermatophytie étendue après

utilisation de corticoïdes (Morand et

al., 2007)

(19)

19

1.1.9. Les produits dépigmentants vendus sur le marché Européen et international contre les taches pigmentaires de la peau claire.

Suite au rayonnement solaire et à l’âge, des amas de mélanine se forment par endroit, formant des taches pigmentaires sur la peau appelées lentigo. Ce phénomène se remarque souvent sur les peaux claires. Pour pallier ce problème, certains laboratoires produisent des dépigmentants combinant plusieurs actifs dépigmentants qui visent à inhiber la formation de la mélanine à plusieurs stades de sa synthèse. Les principaux producteurs de produits dépigmentants sont La Roche-Posay, Vichy et Caudalie Belgique. Le tableau 3 donne une liste des produits les plus courants sur le marché européen et international, les laboratoires producteurs ainsi que les composants actifs de ces produits.

Tableau 3 : Quelques produits cosmétiques dépigmentants vendus sur le marché Européen et international pour la peau blanche (IMShealth)

Produits Laboratoire dépigmentant

Age Re-perfect L’Oréal Vitamine C pure à dosage élevée: antioxidant et inhibiteur de tyrosinase

Depiwhite advanced®

crème dépigmentante tube 40 ml

Acm Crawford SAS

Ester d’acide α-hydroxylé: exfoliant ; Antipollon®

(hydroxyde d’aluminium) : exfoliant ; Acide kojique:

inhibiteur de tyrosinase ; Vitamine C : antioxydant.

Eucerin Anti- Pigment®

Fluide SPF30 50 ml

Beiersdorf Acide dioïque: inhibiteur de tyrosinase ; Filtre UVA/UVB

Gamme Sheseido white lucent®

Sheseido Rice Germ Extract : mécanisme inconnu & Vitamin C : antioxydant.

Witch Hazel Extract : propriétés anti-inflammatoires Idealia pigment

corrector® 30ml

Vichy Un complexe de composés « actifs » (composition non entièremen décrite)

Melaclear® lotion 15 ml

Auriga Vitamine C : antioxydant ; Acide phytique : inhibiteur de

tyrosinase

(20)

20

Mela-D® crème

visage 30 ml

La Roche- Posay

Acide kojique : inhibiteur de la tyrosinase ;

Meladerm®

crème 50 ml

Civant Skin Care

Arbutine, acide kojique, extrait de Réglisse : inhibiteur de tyrosinase ;

Vitamine C : antioxydant Melascreen

dépigmentant®

crème 40 ml

Ducray Acide azélaïque : inhibiteur de la tyrosinase ; Acide glycolique : effet peeling qui élimine la mélanine dans les couches superficielles et facilite la pénétration de l’acide azélaïque.

Neostrata Pigment Lightening Gel® 40 g

Hdp medical int.

Acide kojique: inhibiteur de tyrosinase ; Vitamine C : antioxydant ; Acide glycolique, Acide lactique, et glyconolactone : effet peeling

Revitol Skin Brightener® Crean

Revitol Arbutine: inhibiteur de tyrosinase ;

Vinoperfect sérum Eclat Anti-Taches®

30 ml

Caudalie Belgique

Acétate de tocophérol: antioxydant; Extrait de sarment de

vigne palmitoylé (antioxydant)

(21)

21

1.2. La pigmentation de la peau humaine

Dans cette deuxième partie de l’introduction, nous allons parler de la peau en tant que siège de la pigmentation. Nous parlerons des effets du soleil sur la peau en se concentrant principalement sur la formation de pigments. Nous détaillerons le processus de la mélanogenèse ayant lieu dans des cellules spécialisées appelées mélanocytes, plus précisément dans des organites cellulaires spécifiques appelés mélanosomes. Nous parlerons aussi du transfert de ces derniers aux kératinocytes de la peau.

1.2.1. La peau

La peau est le plus grand organe du corps humain. Elle pèse 4 kg et représente une surface de 2 m

2

, son épaisseur est de 2 à 3 mm en moyenne mais elle varie de 1mm au niveau des paupières à 4mm au niveau des paumes et des plantes des pieds. Elle se dresse comme une barrière physique qui protège les tissus et les organes internes de la plupart des agressions extérieures, physiques, chimiques et infectieuses. Par sa visibilité et surtout ses caractéristiques chromatiques, elle constitue depuis très longtemps un critère de « classement » des Hommes. Dans nos sociétés actuelles, on lui octroie une grande importance car c’est sur elle que porte le premier regard. Sa fermeté, sa couleur et son homogénéité sont des signes de bonne santé et des indicateurs de la position socio-économique (Hwa et al., 2011; Brenner and Hearing, 2008; Duez, 2001).

1.2.1.1. Les différentes fonctions de la peau

La peau possède différentes fonctions ; elle exerce principalement une fonction de barrière contre les agressions extérieures physiques, chimiques et infectieuses et contre les rayons solaires et la chaleur.

La pénétration du rayonnement solaire dans la peau dépend de la longueur d’onde du rayonnement. La

surface de la peau est capable de réfléchir le rayonnement solaire; la peau blanche, plus efficace que la

peau noire, peut réfléchir 40 % des radiations visibles. La réflexion se fait essentiellement au niveau

de la couche cornée de la peau. Ainsi, chez un sujet à peau blanche, 20 % d’UVB atteignent la couche

(22)

22

du corps muqueux de Malpighi et moins de 10 % le derme. La majorité d’UVA et du visible traversent l’épiderme mais 20 à 30 % seulement atteignent le derme. Le rouge et l’IR parviennent jusqu’à l’hypoderme et sont responsables de la sensation de chaleur.

La peau a également une fonction d’échange, par l’entrée et la sortie de l’eau grâce à sa perméabilité et l’élimination de sueur. Elle joue un rôle important dans la thermorégulation.

Par sa fonction sensorielle, la peau est le siège du toucher et permet une adaptation au milieu environnant. La peau remplit des fonctions métaboliques dont la synthèse de la vitamine D sous l’influence des rayons ultraviolets B (Hwa et al., 2011; Mélissopoulos and Levacher, 2012).

1.2.1.2. Les effets biologiques du soleil sur la peau

L’exposition aux rayons solaires a des effets favorables et néfastes sur la santé humaine :

Parmi les effets positifs, nous pouvons citer la synthèse de la vitamine D, le bronzage, la chaleur, la photothérapie, l’action bactéricide et la pigmentation (Durand, 2010; Duez, 2001; Mélissopoulos and Levacher, 2012).

Parmi les effets néfastes (surtout après des expositions intenses au soleil), nous citons :

 Activation de certains chromophores. En effet l’énergie lumineuse captée par un chromophore le fait passer à un niveau supérieur (état activé) qui est un état très réactif ;

 Rupture et reformation désordonnée des liaisons dans des molécules qui ont été pénétrées par des photons, ce qui aboutit à la formation des radicaux libres ;

 Stress oxydant, formation des espèces réactives de l’oxygène ou ROS, est accru sous l’effet des UVA. Ces ROS sont très instables et très réactives et ont une action nocive sur de nombreuses molécules ou macromolécules. Ils sont responsables d’une partie des dommages à l’ADN ;

 Erythème actinique ou « coup de soleil » ;

 Action sur les mélanocytes conduisant à une pigmentation immédiate et retardée et les cancers de la peau ;

 L’effet sur les composants du derme, attaque de l’ADN des fibroblastes et production des ROS ;

 Effet sur la vascularisation à savoir l’altération de la microcirculation ;

 Vieillissement cutané (Photovieillissement) (Duez, 2001; Mélissopoulos and Levacher, 2012).

(23)

23

1.2.1.3. Structure de la peau

Sur le plan structural, la peau est constituée de trois couches superposées, dont la plus externe est

« l’épiderme », l’intermédiaire étant « le derme » et la plus profonde étant l’hypoderme, les dernières références n’attribuent pas l’hypoderme à la peau, mais il est en interaction fonctionnelle avec elle (Marieb et Hoehn, 2010). La pigmentation de la peau a lieu dans des cellules spécialisées, les mélanocytes, situés au niveau de la couche basale de la peau à la jonction dermo-épidermique (Figure 4).

Figure 4: Profil de la peau des mammifères indiquant trois principales couches : l’épiderme, le derme et la couche sous-cutanée ainsi que la position des mélanocytes et la dispersion du pigment (Parvez et al., 2006).

L’épiderme est la couche la plus externe de la peau ; c’est un épithélium de revêtement stratifié car il

est constitué de plusieurs assises cellulaires. Il est pavimenteux étant donné que les cellules de sa

couche superficielle sont plates. Kératinisé, il secrète la kératine qui est une protéine fibreuse et

résistante.

(24)

24

L’épiderme est formé de 5 principales couches superposées. On distingue de la profondeur vers la surface (Figure 5):

- La couche basale ou couche germinative, qui est la couche la plus profonde de l’épiderme;

- La couche épineuse ou couche du corps muqueux de Malpighi ; - La couche granuleuse ;

- La couche claire (qui n’existe qu’au niveau de la peau épaisse) ;

- La couche cornée (Sibomana, 2013; Mélissopoulos and Levacher, 2012; Durand, 2010).

Figure 5 : les cinq principales couches de l’épiderme (Mélissopoulos and Levacher, 2012)

L’épaisseur de l’épiderme est environ celle d’une feuille de papier mais varie d’un endroit à l’autre du corps. L’épiderme n’est pas vascularisé; les nutriments proviennent du derme et y pénètrent par diffusion. L’épiderme est constitué de 4 types de cellules : les kératinocytes, les mélanocytes, les cellules de Langerhans ou macrophagocytes intraépidermique et les cellules de Merkel (Durand, 2010;

Tortora et Derrickson, 2007) .

1.2.1.4. Les kératinocytes

(25)

25

Les kératinocytes représentent la majorité des cellules de l’épiderme. Ils proviennent de cellules de la couche basale qui se divisent de façon continue.

Les kératinocytes se différencient de façon centrifuge, c'est-à-dire qu’au fur et à mesure qu’elles s’éloignent da la jonction dermo-épidermique, les cellules se remplissent de kératine pour se transformer en kératinocytes basaux puis en kératinocytes cornés (Figure 6) (Durand, 2010).

Au cours de leur migration, les kératinocytes subissent une apoptose pour ne devenir que des membranes plasmiques remplies de kératine à la surface de la peau (les cornéocytes). Les cornéocytes de surface desquament et sont remplacés par des kératinocytes synthétisés au fur et à mesure au niveau de la couche basale.

1.2.1.5. Les mélanocytes

Les mélanocytes dérivent des mélanoblastes qui apparaissent dans la crête neurale embryonnaire entre la 8

ème

et la 14

ème

semaine de vie fœtale et migrent vers l’épiderme.

Les mélanocytes matures ont pour fonction principale la synthèse des mélanines ou mélanogenèse.

C’est au niveau de la couche basale de l’épiderme que se trouvent les mélanocytes. On retrouve également des mélanocytes à la base des follicules pileux et dans certains organes sensoriels tels que la rétine. Les mélanocytes représentent moins de 1% de la totalité des cellules de l’épiderme et leur nombre est identique d’un individu à l’autre, peu importe la couleur de peau. La répartition des mélanocytes n’est par contre pas identique sur toute la surface du corps, ils sont plus abondants sur les organes génitaux (2.400/mm

2

) que sur le visage (2.000) et moins encore sur le tronc (890/mm

2

) (Mélissopoulos and Levacher, 2012).

Les mélanocytes sont des cellules de grande taille, possédant des expansions cytoplasmiques appelées

« dendrites mélanocytaires », (Figure 6 et 7) qui leur permettent de rentrer en contact avec les

kératinocytes des couches supra-basales de l’épiderme. Chaque mélanocyte est en relation avec

environ 36 kératinocytes, formant ainsi une « unité épidermique de mélanisation » (Figure 8). Celle-ci

se définit comme un ensemble comprenant un mélanocyte qui synthétise la mélanine dans des

(26)

26

mélanosomes et les kératinocytes qui reçoivent la mélanine de ce mélanocyte (Ebanks et al., 2009;

Mélissopoulos and Levacher, 2012).

Les mélanocytes présentent un faible taux de renouvellement chez l’adulte. Dans les follicules pileux, ce taux est plus élevé et dépend du cycle pilaire. Le nombre de mélanocytes actifs diminue avec l’âge et cela explique le grisonnement des cheveux et des poils (Mélissopoulos and Levacher, 2012).

Figure 6: Culture mixte de mélanocytes, kératinocytes et fibroblastes sous microscope optique. On

distingue des dendrites (flèches) d’un mélanocyte établissant des jonctions avec deux kératinocytes.

(27)

27

Figure 7: Unité épidermique de mélanisation. Le mélanocyte, qui repose sur la membrane basale de l’épiderme, est entouré de 36 à 40 kératinocytes vers lesquels sont transférés les mélanosomes le long des dendrites (Delevoye et al., 2011).

1.2.1.6. La mélanogenèse

Les radiations ultraviolettes (UV) stimulent la production de mélanine par les mélanocytes contenus dans l’épiderme humain. La mélanogénèse est un processus biologique de synthèse, de distribution et de transfert des mélanines dans l’épiderme. La mélanine est un mélange de polymères hétérogènes qui déterminent la couleur de la peau humaine, des cheveux et des yeux. C’est un polymère formé par polymérisation de radicaux phénols (5-6 quinone). On en distingue deux types (Figure 8) : les eumélanines, brunes ou noires, qui sont des molécules très polymérisées, contenant peu de soufre.

Elles sont présentes chez tous les mammifères.

Les phéomélanines, jaune-orange, qui contiennent beaucoup de soufre dérivant de la cystéine (-S-S-

cystéinyl-DOPA), et sont moins polymérisées (Olivares et al., 2001; Mélissopoulos and Levacher,

2012).

(28)

28

Figure 8: Unités de base des polymères d’eumélanine (B) et de phéomélanine (A) (Durand, 2010)

1.2.1.7. Biochimie de la mélanogénèse.

La mélanine est synthétisée dans les mélanocytes, précisément dans les mélanosomes.

1.2.1.7.1. La maturation des mélanosomes

Les mélanosomes sont le lieu de synthèse et de stockage de la mélanine. Ils sont distribués dans le cytoplasme des kératinocytes de la couche basale. Ils sont synthétisés par les mélanocytes (Figure 7), migrent dans les kératinocytes pour se concentrer au dessus du noyau et protéger l’ADN de l’action des rayons ultraviolets (Delevoye et al., 2011).

Avant d’être distribués aux kératinocytes avoisinants, les mélanosomes subissent 4 stades de maturation successifs (Figure 9) au cours desquels ils acquièrent des protéines de structures spécifiques (Pmel17) et des enzymes, la tyrosinase (Tyr), la Tyrosinase-related protein 1 (Tyrp1) et la dopachrome tautomérase (Dct), provenant de l’appareil de Golgi, leur permettant de synthétiser les mélanines. Au premier stade (Stade I), on retrouve les endosomes qui sont ronds et non pigmentés. Ce stade correspond à la synthèse de l’organite. A l’intérieur, on trouve des molécules de tyrosinase non actives formant des filaments hélicoïdaux (Mélissopoulos and Levacher, 2012).

A B

(29)

29

Par la suite, au stade II, ces endosomes produisent des fibres protéiques qui vont se déformer en leur donnant une allure ellipsoïdale particulière ; ce sont des prémélanosomes. Le constituant principal de ces fibres est une protéine transmembranaire Pmel17. A ce stade, la tyrosinase devient active.

Aux stades II et III, les enzymes mélanogéniques en provenance du trans-Golgi sont transmises au mélanosome en cours de maturation. L’organite s’opacifie très nettement en raison de la synthèse de mélanine due à l’activité importante de la tyrosinase (Delevoye et al., 2011; Mélissopoulos and Levacher, 2012). Au stade IV, la tyrosinase n’est plus active et les mélanosomes complètement mélanisés seront phagocytés par les kératinocytes. Au cours de leur maturation, les mélanosomes qui synthétisent des eumélanines s’aplatissent alors que ceux qui synthétisent des phéomélanines ou des trichochromes

1

restent ronds.

Figure 9: Formation des mélanosomes synthétisant les eumélanines (gauche) (Mélissopoulos and Levacher, 2012). La microscopie électronique du cytoplasme des mélanocytes (droite) révèle non seulement des mélanosomes noirs contenant la mélanine (mélanosomes matures), mais également des organites non pigmentés (prémélanosomes A, compartiments précurseurs des mélanosomes)

(Delevoye et al., 2011).

1

Les trichochromes sont une classe de petites molécules présentes dans la phéomélanine et absents

dans d'eumélanine (Simon et al., 2006)

(30)

30

1.2.1.7.2. La synthèse de la mélanine (mélanogenèse)

La Figure 10 schématise le processus de synthèse de la mélanine dans le mélanosome.

Figure 10: Représentation schématique de la chaîne de biosynthèse de la mélanine dans le mélanosome (Delevoye et al., 2011).

La mélanogenèse (Figures 10 et 11) débute par la réaction d’hydroxylation/oxydation de la L-tyrosine

en DOPAquinone. Ces réactions sont catalysées par la tyrosinase, via son activité monophénolase et

diphénolase. Ces réactions sont les étapes limitantes de cette voie de biosynthèse. La dopaquinone

emprunte ensuite deux voies : soit qu’elle se lie à la cystéine ou au glutathion pour donner le

cystéinylDOPA ou le glutathionylDOPA, ce qui oriente la voie vers la synthèse de la phéomélanine ;

soit qu’elle se cyclise en DOPAchrome. Ensuite, trois voies sont possibles : une principale de

conversion spontanée en DHI (dihydroxyindole) et ensuite en eumélanine. Une voie secondaire de

catalyses enzymatiques utilisant la TRP-2 (Tyrosinase related protein 2 ou Dopachrome tautomérase)

qui convertit le DOPAchrome en acide 5,6-dihydroxyindole-2-carboxylique (DHICA) suivie d’une

polymérisation en mélanines. Bien que la TRP-1 figure sur le schéma, son activité DHICA oxydase

n’a pas encore été démontrée chez l’homme. Le dopachrome peut aussi subir un remaniement

spontanné le convertissant en acide 5-indole-2- carboxylique, 6-quinone (ICAQ) et ensuite en

eumélanine (Ebanks et al., 2009). La figure 12 décrit les différentes étapes de la synthèse des

mélanines.

(31)

31

Figure 11 : La biosynthèse des mélanines (Chang, 2009). TYR : tyrosinase; TRP; tyrosinase related protein; dopa : 3,4-dihydroxyphénylalanine; DHICA : acide 5,6-dihydroxyindole-2-carboxylique;

DHI : 5,6-dihydroxyindole; ICAQ : acide 5-indole-2-carboxylique, 6-quinone; IQ, indole-5,6-quinone;

HBTA, 5-hydroxy-1,4-benzothiazinylalanine.

1.2.1.7.3. Transfert des mélanosomes.

La mobilisation des mélanosomes, sous la membrane plasmique, aux extrémités dendritiques précède leur transfert par phagocytose aux kératinocytes (Figure 10). Ce transfert est contrôlé par différents facteurs, notamment le PAR-2 (Proteinase-Activated Receptor 2) qui est le plus important et couplé aux protéines G, exprimés par les kératinocytes (Delevoye et al., 2011).

Trois processus distincts mais non mutuellement exclusifs sont proposés pour expliquer l’acquisition du pigment par les kératinocytes : (1) l’exocytose du pigment nu de toute membrane suivie de son endocytose par le kératinocyte ; (2) le transfert des mélanosomes par des nanotubes établis entre mélanocytes et kératinocytes ; (3) la phagocytose par le kératinocyte des extrémités dendritiques des mélanocytes riches en mélanosomes (Mélissopoulos and Levacher, 2012; Brenner and Hearing, 2008;

Delevoye et al., 2011).

(32)

32

1.2.2. La pigmentation chez les mammifères et sa régulation hormonale

La régulation de la pigmentation chez les mammifères est contrôlée à différents niveaux et est assez complexe à chaque niveau. La régulation de la mélanogenèse est assurée par les kératinocytes qui produisent, à partir de la POMC (pro-opiomélanocortine), de l’α-MSH (Melanocyte stimulating Hormone) et de l’ACTH (hormone corticotrope) qui vont activer respectivement les récepteurs MC1R et MC2R présents sur les mélanocytes. Cela conduit à l’activation de la voie de l’AMP cyclique laquelle aboutit à la stimulation de la synthèse du facteur de transcription Mitf (Microphtalmia- associated Transcription Factor), qui stimule à son tour la transcription des gènes cibles dont les enzymes impliquées dans la mélanogenèse (Mélissopoulos and Levacher, 2012).

La pigmentation est régulée (i) au niveau cellulaire par les mélanocytes qui produisent les mélanosomes en différentes tailles, nombres et densités ; (ii) au niveau subcellulaire où le niveau de la synthèse et l'expression de diverses enzymes mélanogéniques et leurs inhibiteurs joue un rôle crucial (Parvez et al., 2006).

Dans l'épiderme, les mélanocytes sont en étroite harmonie avec les cellules voisines. Ils sont

influencés par une variété de facteurs biologiques, y compris les interleukines, les interférons, les

facteurs de croissance, les vitamines et les prostaglandines, qui déterminent non seulement la synthèse

de la mélanine, mais aussi quel type de mélanine est produit. Vraisemblablement, ces facteurs

fournissent des signaux complexes qui stimulent la pigmentation après un traumatisme, l'exposition

aux UV, ou d'autres stimulis environnementaux qui induisent des modifications dans les niveaux de

production de pigment (Rana et al., 1996).

(33)

33

1.2.3. Les différents types de peau ou phototypes

Selon la réaction de la peau lors de l’exposition au soleil, Fitzpatrick a élaboré une classification des différents types de peau. La Figure 12 et le tableau 4 illustrent ces différents phototypes.

Figure 12: illustration des phototypes selon la classification de Fitzpatrick (Beltina.org encyclopedia

of health)

(34)

34

Tableau 4: Classification de Fitzpatrick (Sachdeva, 2009)

Types de peau

Traits principaux Caractéristiques et réactivité I - Peau très claire

- Taches de rousseurs - Yeux clairs

- Cheveux blonds-roux

- Jamais de bronzage

- Coups de soleil: toujours, sévères

- Temps d’autoprotection

(a)

de la peau: 5 à 10 min

II - Peau claire

- Taches de rousseurs:

souvent - Yeux clairs

-

Cheveux clairs ou châtains

-

Bronzage très légère ou très lentement

-

Coups de soleil: généralement sévères - Temps d’autoprotection

(a)

de la peau: 10 à

20 min III - Peau légèrement mate

- Yeux bruns ou clairs

-

Cheveux bruns

-

Bronzage: bon si la peau est exposée progressivement

-

Coups de soleil: parfois, moyens

-

Temps d’autoprotection

(a)

de la peau: 20 à 30 min

IV - Peau très mate - Yeux bruns

-

Cheveux bruns-foncés ou noirs

-

Bronzage rapide et en profondeur

-

Coups de soleil: rares

-

Temps d’autoprotection

(a)

de la peau: 30 à 45 min

V - Peau foncée

- Yeux foncés

-

Cheveux noirs

-

Bronzage toujours profond

-

Coups de soleil: très rares

-

Temps d’autoprotection

(a)

de la peau: 45 à 60 min

VI - Peau noire - Yeux noirs

-

Cheveux noirs

-

Coups de soleil: presque jamais

-

Temps d’autoprotection

(a)

de la peau: 60 à 90 min

(a)

temps de résistance au soleil

D’après Mélissopoulos (2012), pour adapter un traitement cosmétique à chaque peau, il faut connaitre

son type de peau en fonction de la production lipidique et de l’hydratation de la couche cornée

(Tableau 5). On distingue quatre types de peau : une peau normale et mixte, une peau grasse, une peau

sèche et une peau à anomalies.

(35)

35

Tableau 5 : les différents types de peau et les caractéristiques relatives à chaque type.

Les types de peau Caractéristiques

Peau normale et mixte - Douce au toucher, uniforme et sans

imperfections apparentes

- Peut être grasse et luisante dans la zone T (prolongement du front, nez, jusqu’au menton) : peau mixte

- Production du sébum non excessive - Bien hydratée

- Ne secrète pas trop de sueur

Peau grasse - Elimine en permanence du sébum, des

graisses et de la sueur.

- Luisante, épaisse, avec pores dilatés sur les ailes du nez et sur les joues

- Coloration terne,

- Présence de comédons ouverts ou fermés - Peut développer de l’acné.

- Résistante et vieillit moins vite

Peau sèche : - Manque d’eau, de lipide et de sébum.

- Perte des propriétés de barrière, d’élasticité, altération des propriétés mécaniques.

- Manque de sébum Peaux à anomalies :

- Peau avec pellicules - Peau mal irriguée

- Peau carencée (en raison de maladie)

- Squames anormalement abondants au niveau du cuir chevelu

- Défauts de circulation cutanée (rougeurs)

(36)

36

1.2.4. Peau « noire » et peau « blanche »

La teneur en mélanine constitue la seule différence entre peaux noire et blanche (Figure 14). En effet, selon Mahé (2000) la peau n’est pas réellement de couleur noire et blanche ; ce sont des variations dans le spectre du rouge. La détermination génétique de la couleur de la peau restant mal connue, des études suggèrent que soit un petit nombre de gènes (3 à 6) soit un grand nombre (150 gènes) est à la base de la régulation de la couleur (Mélissopoulos and Levacher, 2012; Mahé, 2000).

La couleur de la peau est une fonction de la taille, du nombre et de la distribution des mélanosomes plutôt que de la densité de mélanocytes. En fait, le nombre de mélanocytes est le même dans toutes les

« races ». Toutefois, les mélanocytes de la peau pigmentée sont épais, plus longs avec des dendrites ramifiées (Rana et al., 1996). Pour d’autres auteurs, la pigmentation cutanée ne dépend pas du nombre de mélanocytes mais de paramètres incluant le niveau d’activité des mélanosomes, la disponibilité en substrats, la nature des tyrosinases (Tyrp-1 ou Tyrp-2) qui modulent la nature chimique des mélanines produites (phéomélanines, eumélanines), le nombre, le type et le mode de répartition des mélanosomes dans les kératinocytes avoisinants ainsi que le taux d’élimination et de dégradation des mélanosomes (Briganti et al., 2003; Jablonski and Chaplin, 2001).

Il semble également probable que les différences raciales dans la couleur de la peau humaine proviennent essentiellement de différences dans l'activité de la tyrosinase. Les mélanocytes dérivés de peau noire ont jusqu'à dix fois plus d'activité et peuvent donc produire jusqu'à dix fois plus de mélanine (Parvez et al., 2006). Toutefois, le niveau élevé de l'activité de la tyrosinase dans les mélanocytes de peau noire n'est pas dû à une surabondance de tyrosinase. En effet, le nombre de molécules de tyrosinase présentes dans les mélanocytes de peaux blanches et de peaux noires très pigmentées est semblable (Valverde et al., 1996).

Selon Rana et al., (1996), la mélanine persiste au sein de la couche cornée de la peau noire. Dans la

peau blanche, par contre, le pigment est dégradé dans la couche granulaire, probablement par son

propre processus enzymatique. Cela indique donc que la couche cornée de la peau blanche ne contient

pas de mélanine (Rana et al., 1996) (Figure 13).

(37)

37

Figure 13: Distribution des mélanosomes dans les peaux blanches (type caucasien) et noires (Mélissopoulos and Levacher, 2012).

1.3. Modulation de la pigmentation.

La pigmentation de la peau, des poils et des yeux résulte de variations quantitatives et qualitatives des pigments mélaniques. Le processus de la pigmentation, bien qu’intimement lié à la synthèse mélanique se compose de multiples étapes, initiation, mélanogenèse, transfert, dégradation et élimination. Nous détaillerons les différents niveaux possibles d’inhibition de la pigmentation en présentant quelques principes actifs capables d’agir à chaque niveau.

Beaucoup de recherches dans le domaine de la pigmentation se sont focalisées sur l’inhibition de la

tyrosinase. Nous parlerons de la tyrosinase en tant qu’enzyme-clé de la mélanogenèse et nous en

présenterons les différents mécanismes d’inhibition.

(38)

38

1.3.1. Pourquoi inhiber la mélanogenèse ?

La mélanine joue un rôle important dans la protection de la peau humaine contre les effets nocifs des rayonnements UV. Pour les peaux claires cependant, l'accumulation d'une quantité anormale de mélanine dans différentes parties spécifiques de la peau, sous forme de plaques pigmentées (mélasma, taches de rousseur, lentigos séniles éphélides, etc.), peut devenir un problème esthétique.

Dans les pays occidentaux, les inhibiteurs de la formation de mélanine sont utilisés pour la prévention et le traitement de telles hyperpigmentations.

Pour les Asiatiques et les populations à peau foncée, partout sur la planète, la peau blanche constituerait un atout social qui les pousse à utiliser les produits éclaircissants dans le but de diminuer la pigmentation. Les produits utilisés pour inhiber la mélanogenèse sont appelés « dépigmentants » ou

« éclaircissants ».

1.3.2. Les cibles potentielles d’inhibition de la pigmentation.

La mélanogenèse débute par la réaction d’hydroxylation/oxydation de la L-tyrosine en DOPAquinone catalysée par l’enzyme tyrosinase (Figure 11) et constitue l’étape limitante de cette voie de biosynthèse. En effet, le reste de la séquence de réactions peut s'effectuer spontanément à un pH physiologique (Halaban et al., 2002). Selon plusieurs auteurs, l’inhibition de la tyrosinase suffirait à inhiber la mélanogénèse. Cependant, la complexité du processus de pigmentation laisse à penser que l’on ne peut agir de manière sûre et efficace en s’attaquant à une seule et unique étape de celui-ci (David et al., 2011).

La pigmentation peut être inhibée depuis l’initiation de la mélanogénèse jusqu’à l’élimination du

pigment (Figure 14).

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Figure 14: Inhibition de la pigmentation à différentes étapes de la mélanogenèse (Ortonne and Bissett, 2008)

Les inhibiteurs de la pigmentation peuvent agir à différents stades de la mélanogenèse:

 Les mesures d’éviction et de protection contre l’action des rayons solaires, des troubles hormonaux (grossesse, contraceptifs oraux) et la formation de radicaux libres sont proposées pour ralentir l’initiation ou l’aggravation des troubles pigmentaires. Les anti-inflammatoires, comme les phytostérols, et les antioxydants comme les vitamines C et E agissent à ce niveau.

 Au niveau de la synthèse de la mélanine, celle-ci se fait en trois étapes :

 L’initiation : Les modérateurs de la transcription du gène de la tyrosinase comme l’acide trans-rétinoïque, le rétinol et ses esters ainsi que le rétinaldéhyde ;

 L’activation : les inhibiteurs de la glycosylation comme la glucosamine, la N-acétyl glucosamine agissent à ce niveau ;

 La synthèse : à cette étape, la tyrosinase est activée et catalyse la synthèse de la

mélanine par différentes réactions d’oxydation. Les différents inhibiteurs de la

tyrosinase et les antioxydants agissent à ce niveau pour empêcher son action.

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 Après la synthèse de la mélanine, celle-ci est transférée aux kératinocytes. La niacinamide et les inhibiteurs de protéases peuvent empêcher ce transfert et, par là, limiter la pigmentation de la peau ;

 Une fois que la mélanine est au niveau de la peau, on peut accélérer la desquamation et le renouvellement cellulaire. Les stimulants du renouvellement cellulaire et de la desquamation comme la vitamine C agissent à ce niveau (Ortonne and Bissett, 2008; David et al., 2011).

1.3.3. La tyrosinase (E.C. 1.14.18.1)

La tyrosinase (synonymes : la monophénol monooxygénase, la catéchol oxydase, la polyphénol oxydase, la phénolase, la catécholase et la crésolase) est une enzyme contenant du cuivre très répandue dans la nature. Elle appartient au groupe des oxydases. Chez les mammifères, elle se trouve exclusivement dans les mélanocytes, avec une masse moléculaire d'environ 60 - 70 kDa (Parvez et al., 2006; Khan, 2007).

Cette enzyme bifonctionnelle catalyse deux réactions distinctes impliquant l'oxygène moléculaire, l'hydroxylation de monophénols en o-diphénols (activité tyrosine hydroxylase ou crésolase) et l'oxydation d’o-diphénols en o-quinones (activité diphénolase ou catécholase). Le terme tyrosinase se réfère à son substrat principal la tyrosine. Les premières investigations biochimiques ont été réalisées en 1895 sur le champignon Russula nigricans, dont la chair coupée devient rouge-noire à l'air libre.

Depuis cette étude, l'enzyme a été largement caractérisée dans les règnes végétal et animal. Les tyrosinases les mieux caractérisées sont dérivées de Streptomyces glausescens, Neurospora crassa et Agaricus bisporus (Chang, 2009).

La tyrosinase peut être impliquée dans le processus de mue des insectes et l'adhérence d'organismes marins (Azhar-Ul-Haq et al., 2006). Chez les champignons et les vertébrés, la tyrosinase catalyse la première étape de la formation de la mélanine. Chez les plantes, divers composés phénoliques en sont les substrats physiologiques; la tyrosinase les oxyde dans la voie de brunissement observé lorsque les tissus sont lésés (Chang, 2009).

La tyrosinase extraite du champignon Agaricus bisporus est fortement semblable à celle des

mammifères, ce qui en fait un modèle pour les études sur la mélanogenèse. En fait, presque toutes les

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