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FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1895 — 1896 N° 25.
CONTRIBUTION A L'ETUDE
DE
LIRITOMIE
Nouveau procédé pour l'établissement de la pupille artificielle
par l'Iritomie à ciel ouvert
THÈSE
POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 22 Novembre 1835
FAR
Marie - Pierre - Victor DOR
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
Né le 39 Novembre 1871, à. Marseille (I5ou.clies-dxx-IÎ,hône)
MM. BADAL professeur Président
- . , , « . ) LANELONGUE professeur i
Examinateurs de laThese..< SABRAZÈS abrégé rHaes
BINAU1) acrécé ( ô
Le Candidat répondra àtoutesles questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI, P. CASSIGNOL 91, RUE PORTE-DIJEAUX, 91
1895
j
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
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Clinique interne.
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PITRES.
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LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que lesopinions émises dans les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs etqu'ellen'entend leurdonner ni approbationni improbation.
A LA MÉMOIRE DE MON GRAND'PÈRE
LE DOCTEUR JP ■ DOR
CHIRURGIEN DES HOPITAUX DE MARSEILLE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
ET
A LA MÉMOIRE DE MON ONCLE
LE DOCTEUR EMILE
MARTIN
MÉDECIN-OCULISTE A MARSEILLE
DIRECTEUR DE L'iNSTITUT OPHTALMOLOGIQUE DU PRADO
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
A MON ONCLE ET A MA
TANTE PIERRE DOR
■- V
A MA TANTE M. MARTIN
A MON ONCLE ET A MA TANTE L. GUBERT
A TOUS MES PARENTS
A MES EXCELLENTS CAMARADES D'ÉCOLE
PAUL
AYNÈS
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FRANÇOIS DONNART
MEDECIN DE LA MARINE
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A MONSIEUR LE DOCTEUR LAGRANGE
PROFESSEUR AGRÉGÉ
CHIRURGIEN DES HOPITAUX
CHEF DU SERVICE OPHTALMOLOGIQUE A L HOPITAL DES ENFANTS
OFFICIER D'ACADÉMIE
CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE DE PARIS
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BADAL
PROFESSEUR DE CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Dor 2
INTRODUCTION
La thérapeutique chirurgicale des affections oculaires a fait dans ces dernières années de si grands progrès qu'il paraît maintenantbien difficile d'innover en pareille matière.
L'établissement de la pupille artificielle notamment, vieille
de plus d'un siècle, a été l'objet de l'attention de beaucoup d'ophtalmologistes qui ont perfectionné sa technique et paraissent l'avoir rendue facile dans tous les cas'.
Nous croyons cependant, avec notre maître M. Lagrange,
que si les résultats opératoires de l'iridectomie sont devenus certains, les résultats fonctionnels en sont encore défec¬
tueux, particulièrement lorsque l'on opèresur un œil dont le
cristallin est transparent.
En pareil cas, en effet, lesopérateurs ont toujours recours à une excision cle l'iris. Cette excision donne une pupille
trop large, et ouvre la porte à des cercles de diffusion qui
troublent la vision et font perdre à l'opéré une grande partie
du bénéfice de l'intervention chirurgicale.
Il convient chez de pareils malades de faire l'iritomie et
— 12 —
non l'iridectomie : la pupille artificielle beaucoup plus étroite
dans le premier cas que dans le second est évidemment très supérieure à celle que donne l'iridectomie.
Pour réaliser ce desideratum : la pupille la plus étroite possible, notre maître M. Lagrange a imaginé un procédé
que cette thèse a pour but essentiel de faire connaître.
Ni M. Lagrange ni moi ne pensons que cette nouvelle opé¬
ration doive apriori être acceptée sans discussion, bien que
ses avantages théoriques soient très évidents, mais nous
sommes convaincu que lorsque elle aura été expérimentée
suffisamment, et avec tout le soin quelle mérite, elle prendra
dans lapratique une place importante.
Lesfaits que nous apportons sont encore peu nombreux,
mais ils nous paraissent sufffisants pour attirer et retenir
l'attention des ophtalmologistes.
Avec cette nouvelle opération, dont la sécurité ne le cède
en rien à celle de ses devancières, ils donneront à leurs
malades une acuité visuelle plus grande qu'avec les autres procédés connus.
Nous aurons d'ailleurs, dans ce travail, le soin de rappeler
tous les divers procédés de pupille artificielle, ainsi que l'his¬
torique de la question. Ces notions, en
quelque
sorte préliminaires, auront pour principal résultatde
faire bienressortir l'originalité du procédé nouveau d'iritomie que nous
mettrons en valeur en terminant.
Avant d'entrer dans l'étude de notre sujet, il nous reste un
agréable devoir à remplir : celui de rendre un public hommage à M. le professeur agrégé Lagrange, auteur du
nouveau procédé décrit dans cette thèse. Nous lui adressons
ici nos plus sincères remerciements pour avoir bien voulu
nous confier un sujet aussi intéressant, nous communiquer
ses notes personnelles et nous aider de ses conseils. Nous l'assurons de notre vive reconnaissance pour les enseigne¬
ments judicieux et pratiques qu'il nous a donnés sur les
maladies des yeux, et pour l'inappréciable complaisance et l'aimable cordialité qu'il a toujours montrées à notre égard.
Que M. le professeur Badal reçoive ici le témoignage de
notre sincère gratitude pour l'honneur qu'il nous fait en
acceptant la présidence de notrethèse.
DIVISION DU SUJET
PREMIERE PARTIE : Historique.
DEUXIÈME PARTIE : Iritomielorsquele cristallin estabsent.
TROISIÈME PARTIE : Iritomie lorsque le cristallin doit être respecté.
Chapitre I: Indications et contre-indications.
Chapitre II : Procédés de Bowman etde De Wecker.
Chapitre III: Procédé deM.le professeuragrégé Lagrange.
CONCLUSIONS.
PREMIÈRE
PARTIEHISTORIQUE
L'idée première de l'opération de l'iritomie fut conçue vers
1720, par Thomas Wolhouse, oculiste de Jacques II, roi d'Angleterre, qui proposa d'inciser l'iris dans le but de faire
-une pupille artificielle; mais comme on ne possède aucun écrit de ce dernier, on est en droit de croire à l'absence de toute tentative opératoire de sa part.
C'est à Cheselden que revient l'honneur d'avoir fait, le premier, l'iritomie, en 1728, sur un jeune homme venu au monde avec une occlusion complète de la pupille, et cela
dans les deux yeux également; et Morand, dans son
Éloge
de Cheselden, décrit ainsi l'opération qu'il lui a vu faire : « Il
fit une incision au milieu de l'iris avec une espèce d'aiguille plus large et moins pointue que celle à cataracte, et n'ayant
le tranchant que d'un côté : il la plongea au travers de la
sclérotique, et lui fit traverser presque toute la chambre postérieure de l'humeur aqueuse ; arrivé aux deux tiers et à la partie postérieure de l'iris, il tourna la pointe contre cette membrane de façon à la couper en travers et à en entamer
Dor
assez, en retirant l'instrument, pour
faire
uneincision hori¬
zontale de laquelle il devait
résulter
uneprunelle oblongue,
plus ouverte.dans le
milieu qu'aux deux pointes, à
peuprès
figurée, mais à contre sens, comme
celle des chats.
)>Cette opération ne donna pas un
résultat excellent. On
sait aujourd'hui que des cataractes
secondaires,
parsuite de
lésion du cristallin, succédèrent à l'opération; de plus,
il
estcertain qu'une incision
horizontale,
sansparler des chances
d'occlusion, n'aurait pas permis àl'opéré une vue
bien bril¬
lante à cause des nombreux cercles de diffusion qui devaient
se produire inévitablement
dans
cettepupille fusiforme. Du
reste, une des preuves les plus probantes
du
peude succès
obtenu fut l'abandon subit que Cheselden lui-même
fit de
l'iritomie.
Celle-ci fut laissée dans l'oubli jusqu'en 1756, époque à laquelle Heuermann tenta
de la
remettre en vogue enlui
faisant subir des modifications. Ce chirurgien pratiquait
l'iritomie avec un couteau lancéolaire à double tranchant et
au lieu de suivre la voie de Cheselden, pour le passage de
l'instrument, il traversait la cornée et sectionnait le
dia¬
phragme irien en restant avec son couteau
dans la chambre
antérieure.
Cette méthode n'évitait que certains accidents
consécutifs
à l'opération de
Cheselden, puisqu'elle
nemodifiait
enrien
la position et la forme
de la pupille.
Aussi, en 1759, Guérin se proposa-t-il de modifier la forme
de la pupille artificielle.
11 refit l'iritomie
entraversant la
cornée avec un simple couteau à cataracte.
C'était là le
pre¬miertemps de sa méthode;
puis il
seservait d'un autre instru-
ment pour sectionner l'iris; cet
instrument fut construit
parlui dans le but de pratiquer rapidement quatre
petites inci¬
sions sur la périphérie de la pupille : il
obtenait ainsi
une prunelle à peu près ronde.— 19 —
Enfin, Janin, en 1772, après de nombreuses observations
relatées dans ses Mémoires surl'œil, inaugura un progrès en donnant le précepte de se servir de ciseaux pour l'opération.
Voici comment il décrit son procédé : « J'ouvre les deux
tiers de la cornée avec le bistouri de M. Wenzel et je relève
ensuite la calotte de la cornée avec une curette que je tiens
de la main gauche, tandis que la droite est munie de ciseaux
courbes dont la branche inférieure est terminée en pointe;
l'ayant plongée dans l'iris, à environ une ligne de son limbe
inférieur et un peu du côté du grand angle, je dirigeai la pointe decet instrument de basen haut, et, m'éloignant envi¬
ron d'une demi-ligne de l'ancienne prunelle, je fisma section
d'un seul coup : cette plaie forma une pupille en forme de croissant, la partie convexe faisait face au petit angle, et la
concave au côté du nez. »
Pour arriver à un écartement convenable de la plaie, il indique qu'il estnécessaire de pratiquer l'incision de façon à sectionner verticalement les fibres <c circulaires » et « que les
lèvres d'une telle plaie doivent s'éloigner l'une de l'autre lorsque les fibres circulaires sont en action. »
De plus, il croit que l'iritomie est propice à l'établissement
d'une pupille artificielle sur des yeux seulement privés de
cristallin : au cas contraire, il faudrait a imaginer une opéra¬
tion qui pût mettre le corps cristalloïde à l'abri des atteintes
des instruments, sans quoi elle serait imparfaite ou pour mieux dire vicieuse. »
Malgré le véritable progrès que Janin fit faire à l'iritomie,
en France comme àl'étranger on ne mitpas à profit les idées
du maître et l'iritomie tomba alors dans un profond oubli.
Cet oubli doit être attribué à deux causes : d'une part, ce fut le peu de succès obtenu par les diverses opérations que
nous venons d'indiquer et que l'on doit mettre sur le compte
de fausses conceptions anatomiques et
physiologiques de
l'œil.
A l'époque de Cheselden on admettait en
effet
:1° Existence d'une chambre postérieure réelle, alors que les connaissancesactuelles ont montré qu'elle n'existait que virtuellement;
2° Présence d'un seul genre de fibres allant de la plus grande circonférence de l'iris à la
pupille.
Janin, il est vrai, admet déjà des fibres radiées et
circu¬
laires, et nous avons vu qu'il trouva dans cette juste notion anatomique la raison d'un progrès à apporter au
manuel
opératoire de Cheselden.
Il devait forcément advenir queces procédés, basés sur de
telles notions anatomiques, ne pouvaient s'exécuter sans
amener une blessure du cristallin, résultat toujours très
fâcheux et qui suffît à lui seul àexpliquer
l'abandon de telles
opérations par lesauteurs eux-mêmes.Mais une seconde cause d'oubli fut surtout la découverte
quefit Wenzel, en 1786,
de l'iridectomie. Cette nouvelle
mé¬thode, perfectionnée encore au commencement
du siècle
parSiebel et Desmarres et qui mitdans l'esprit des chirurgiens la
conviction qu'on pouvait arracher un lambeau de
l'iris
sans provoquer de réactionfâcheuse
et avec unepleine réussite,
fit que l'iritomie
parût'f
jamaisexclue du domaine de la chi¬
rurgie oculaire.
Néanmoins, il ne pouvait échapper à des praticiens expéri¬
mentés que des obstacles très sérieux s'opposent
parfois
àl'iridectomie; aussi, dès 1812, Maunoir mit tous ses efforts
pour réhabiliter en France l'opération
de l'iritomie.
Pourmener à bien le résultat de sa méthode, il conseille de faire
l'incision de l'iris dans une direction perpendiculaire à celle
des fibres à couper; alors seulement on pourra espérer que la plaie faite à l'iris ne se réunira pas :
(( Je commence, dit-il, par faire à la cornée au côté externe,
autant que faire se peut, une incision longue de G millimè¬
tres et à 2 millimètres de distance de la sclérotique. Puis on
introduit des ciseaux h plat par l'ouverture de la cornée ;
lorsque la pointe est parvenue vers l'endroit de l'iris où l'in¬
cision doit commencer, on les retourne de manière à ce que le plat devienne perpendiculaireà la cornée et à l'iris; on les
ouvre légèrement et en même temps 011 pousse assez pour que la lame pointue qui touche l'iris pénètre dans cette membrane de toute la longueur que doit avoir l'incision,
alors on ferme rapidement les ciseaux et l'iris se trouve coupé. )>
Le procédé était nouveau, mais échappait-il aux inconvé¬
nients des autres méthodes? Nous ne le pensons pas, car d'une partsi la pointe de la lame des ciseaux qui doit traver¬
serl'iris n'est pasintroduiteassez profondément, dans l'épais¬
seur de cette membrane, elle file entre les couches antérieu¬
res de l'ir's et les procès ciliaires et l'opération est manquée.
C'est ce qui est arrivé une fois à Maunoir lui même. D'autre part, si la lame est portée trop profondément, elle entame infailliblement le cristallin; il en résulte soit l'issue du cris¬
tallin hors de sa capsule, soit une cataracte traumatique qui
nécessite uneseconde opération.
Aussi, devant de tels désavantages, Beer avait-il raison de
dire ceci : « Maunoir s'est donné beaucoup de peine pour réhabiliter l'iritomie; malgré cela, il n'aura guère de chance
de faire fies prosélytes. »
C'est ce qui arriva, et ce n'est qu'en 1869 que de Graëfe, reprenant les anciens procédés de Heuermann et Cheselden
lui-même et les modifiant à sa manière, réintégra dans le
domaine chirurgical une opération que l'on avait complète¬
ment oubliée.
22
De Graëfe remit donc en honneur l'iritomie mais pour les
cas seulement où le cristallin avait été extrait ou résorbé à
la suite d'un traumatisme, et lorsqu'en pareille circonstance
l'excision ou l'arrachement de l'iris s'étaient déjà montrés
insuffisants ou devaient l'être nécessairement.
Voici du reste une note à ce sujet que nous tirons de l'ou¬
vrage de M. Meyer et qui lui fut communiquée par de
Graëfe
lui-même:
«. Dans les cas d'absence du cristallin par suite de l'opéra¬
tion de la cataracte etd'exsudation rétro-iridienne très déve¬
loppée avec désorganisation des tissus
de l'iris, aplatisse¬
ment de la cornée, et les autres conséquences d'une irido- cyclite destructive, j'ai substitué à
l'opération de l'iridecto-
mie la simple iritomie. Le procédé consiste à plonger un
couteau à double tranchant se rapprochant dans sa forme
d'un couteau Jancéolaire très pointu, à travers la cornée et
les tissus de nouvelle formation, jusque dans le corps vitré
et à l'en retirer immédiatement en élargissant la brèche
faite dans ses membranes plastiques sans agrandir la plaie
de la cornée. L'expérience a démontré que ces membranes plastiques réunies à l'iris atrophié et à la
capsule du cristal¬
lin ont assez rie tendance à se rétracter pourlaisser écartée
dans une certaine dimension l'ouverturequ'on y a faite.
)> Si dans les procédés ordinaires d'iridectomie combinés
avec dilacération ou extraction des fausses membranes la pupilleartificielle a coutume de se refermer,
il faut attribuer
ce fait à la vulnération trop forte qui dispose immédiate¬
ment aux proliférations ries tissus qu'on a tranchés, et
qui
sont doués, par suite de leur structure, d'une
irritabilité
tout à fait particulière. On sait que même la réduction tran¬
sitoire de la pression intra-oculaire qui suit l'évaporation
de
l'humeur aqueuse suffit pour provoquer des hémorrhagies
dans la chambre antérieure qui s'opposent à une termi¬
naison bien exacte des opérations bien intentionnées ; mais
c'est surtout l'irritation provoquée par l'action des pinces et
le tiraillement des parties voisines que nous devons accuser
comme cause d'insuccès clans les procédés ordinaires. »
La simple iritomie est exempte de ces inconvénients : elle présente pourainsi dire un acte sous-cornéen, etjouit cle l'avantage de l'opération des plaies sous-cutanées.
A la suite de l'exposé de l'opération cle De Graëfe, Meyer,
dans son Traité des opérations qui se pratiquent sur l'œil,
fait la remarque suivante sur l'iritomie : « Applicable seule¬
ment aux cas d'absences du cristallin, l'iridotomie a été recommandée dernièrement par M. cle Graëfe po<ur certains
cas déterminés d'occlusion cle la pupille après l'extraction
de la cataracte. » Ceci indique où en était l'iritomie en 1871.
Quoi qu'il en soit, De Graëfe obtint des succès multipliés
dans l'indication qu'il avait déterminée et ces réussites sti¬
mulèrent de nouveau les chirurgiens qui cherchèrent si le cadre des indications cle l'iritomie ne pouvait pas s'étendre
utilement.
C'est alors que deux habiles chirurgiens, Bowman et De Wecker, cherchèrent, par des procédés différents, à réaliser
le desideratum général, c'est-à-dire rechercher le moyen de
faire une pupille aussi étroite que possible pour remédieraux inconvénients cle la pupille trop large donnée par l'iriclec-
tomie.
Mais nous croyons nécessaire cle réserver un chapitre spé¬
cial pour la description cle leurs procédés, les seuls employés jusqu'à ce jour,et pour en faire ressortirleurs inconvénients.
Disons seulement ici que Bowman proposa d'inciser les
fibres du sphincter de l'iris dans le cas de cataracte zo-
nufaire.
— 2't -
L'inconvénientde ce procédé n'échappa point âDe Wecker qui s'aperçut bien
vite de la difficulté réelle de limiter l'ac¬
tion à l'iris, sansentamer la membrane de Descemet.
C'est pour remédier à ce danger et
élargir le. champ des
indications de l'iritomie que De Wecker reprit la question et
l'étudia avecsoin. Il se rattacha de préférence à la manière
de faire de Janin, mais en faisant construire des couteaux et
des ciseaux spéciaux pour l'opération de l'iritomie ; et en
fa¬
cilitant ainsi l'exécution de cette opération, il lui a donné
une valeur nouvelle et a élargi beaucoup le champ de ses
indications.
A cette même époque, la presse étrangère fut bien con¬
vaincue de l'importance de l'iritomie et nous ne pouvons
mieux faire, pour en montrer ious les essais
de perfectionne¬
ment, que de citer les paroles d'hommes
plus autorisés
quenous dans la matière.
En Italie, M. le professeurSi-mi, dansundiscours prononcé
à la Société physico-médicale de Florence, en 187G,
faisant
ressortir les avantages de l'iritomie s'exprime ainsi:
(c Je suis convaincu que si une opération pareille entrait
comme elle le mérite dans la pratique chirurgicale, le nom¬
bre des aveugles laissés dans les ténèbres par
l'impossibilité
de les fairejouir des avantages d'une
pupille artificielle serait
beaucoup moins considérable. »
En Allemagne, M. le professeur
Rothmund s'énonce ainsi
dans une thèse publiée parM. Garvens,son
élève:
ceL'iritomie
est une méthode opératoire grâce à laquelle nous pouvons attaquer, par un procédé
simple
exemptde dangers,
un étatmorbide (occlusion pupillaire) de
l'œil, devant lequel
notre chirurgie oculaire restait naguère tout àfait désarmée.
Nous ne ferons que citer les témoignagesnon moins
impor¬
tants du professeur Béker dans son compte
rendu annuel des
travaux et progrèsen ophtalmologie, et clu docteur Gross-
mann, médecin à l'hôpital de Pesth-Open qui font ressortir
dans leur rapport l'innocuité complète de la méthode opéra¬
toire d'iritomie.
Calhoum dans une brochure publiée en 1875 et le docteur
Henri de Noyés, de New-York, s'accordent à vanterles méri¬
tes de l'iritomie et à reconnaître que dans bien des cas, elle remplace avantageusement l'iridectomie.
Enfin, le docteur Henri de Gouvéa, de Rio-Janeiro, termine
ainsi une importante brochure sur la question :
<( Attendu ces résultats et d'autres analogues que j'ai
recueillis touchant l'iridotomie, je suis convaincu que la res¬
tauration de cetteopération est venu satisfaire une grande
nécessité de la thérapeutique chirugicale. »
Tellessont lesprincipales méthodes proposées jusqu'à ce
jour pour faire l'opération de l'iritomie. Nous n'avons pas
cru utile d'ajouter à cette liste, déjà assez longue, le détail
d'un certain nombre de modifications très peu importantes apportées aux principales méthodesque nous avons décrites.
Aussi, n'avons-nous point parlé de Mauchart, Weinhold,
Baratta qui nefirent que changer l'instrument Cheselden ; D'autres pratiquent l'iritomie en traversant la cornée,
comme Reichenbach, Heukel, Richter, Walter, Pellier de
Quérigsy.
L'incision cruciale de Guérin fut modifiée par Flajani,
Richeran.
Caron de Yillars invente un procédé pour faire l'incision
en Y de Maunoir.
De môme, plus récemment, Kruger, Scherk, Manolescu ne
firent que reprendre le procédé de Wecker, en modifiant la
forme de l'instrumentation, mais sans rien apporter de
nouveau au manuel opératoire.
Dor 4
- 26 —
Néanmoins, malgré ces méthodes perfectionnées ces suc¬
cès répétés, ces éloges de toutes sortes,
l'iritomie, avait
encore un grand pas à faire pour répondre au desideratum
des chirurgiens: ce-pas, elle vientde le fairegrâceau nouveau
procédé de notre maître, le professeur agrégé
Lagrange.
Parce procédé, dont la description est notre
plus intéressant
chapitre, l'iritomie est devenue uneopération
àla fois sim¬
pleet parfaite et prendra désormais
le
rangqu'elle mérite dans
ki chirurgie oculaire.
DEUXIÈME
PARTIEIritomie lorsque le cristallin est absent.
L'étude complète de la question iritomie, en même temps
que la division logique de ce sujet, comprend deux grands chapitres :
1° Iritomie lorsque le cristallin estabsent ;
2° Iritomie lorsque le cristallin doit être respecté.
Mais, nous tenons à dire de suite que ce premier point, ayant rapport à l'iritomie alors que le cristallin n'existe pas,
ne pourra pas nous retenir longtemps, carles opérations que
itojs avons détaillées assez longuement dans notrehistorique
sont toutes applicables dans les cas où l'absence du cristal¬
lin est évidente, et Janin lui-même dans la critique qu'il
fait de son opération, termine en disant « qu'elle n'est pro¬
pice sur des yeux seulement privés de cristallin. »
Ce serait donc s'exposer à des redites fâcheuses que de
vouloir reprendre chacune de cesopérations.
Mais nous croyons utile de citer ici une opération de De Wecker, appelée par lui iritomie double et qui s'adresse
exclusivement aux veux privés de leur cristallin par une
- 28 —
intervention chirurgicale ou par un
traumatisme
etdans les¬
quels la pupille est
fermée
parsuite de l'irritation inflam¬
matoire ou parce que le
bord pupillaire s'est complètement
enclavé dans la plaie qui alivré passage à
la lentille.
Cette opération a été
modifiée
parde Wecker lui-même
par suite d'une
nouvelle construction de pinces-ciseaux
:les
pinces-ciseaux boutonnés.
Le premier temps consiste à faire
avecle couteau àarrêt, à la cornée seule, unesection
située
en dehors, à 1 millimètre de son bord,
de telle façon
quela plaie soit
verticale
et partagée endeux portions égales
par le diamètre
horizontal. Il est indispensable de faire
écouler l'humeur aqueuse très lentement.
Pendant le second temps, on ouvre les ciseaux,
quand
onestarrivé à la plaie internede la cornée,
puis
on poussel'ins¬
trument jusqu'au bord opposé.
Pendant
cemouvement la
branche pointueglisse sous
l'iris
etd'un
couprapide
ondivise
le sphincteren deux
points
opposés:la capsule et les
massesexsudatives sont du môme coup divisées. Instantanément
la
plaie ainsi formée
s'entrebâille largement.
Cette opération trouve son
indication dans
:1° La cataracte secondaire avec adhérences plus ou
moins
épaisses du pourtourde la pupille à la capsule cristali-
nienne ;
2°La cataracte traumatique avec
résorption
presque com¬plète du cristallin ;
3° L'irido choroïdite glaucomateuse, dont nous trouvons
une observation de cecas,traitéeavec succès par
Masselon,
dansle compte rendu clinique
de l'année 1873.
Cette opération a donné entre
les mains De de Wecker
et de ceux qui l'ont pratiquée
de fort bons résultats.
11 est évident que cette
méthode, employée dans le
casde
cataracte secondaire a l'immense avantage d'éviter sur
des
— 29 -
yeux qui ont passé par des phases inflammatoiresgraves, un changement brusque de la tension intra-oculaire ainsique les
tiraillements sur l'iris et le corps ciliaire.
C'est du reste l'opinion de M. le docteur Grossman qui s'exprime ainsi dans son rapportsur
l'iritomie
:« Je partage entièrement la manière de voir
du
professeurHorner, exprimée au Congrès de Heidelberg, à savoir que l'avantageessentiel de l'iridotomie préconisée par De
Wecker
consiste en ce qu'elle détermine laplus minime
modification
dans la pression de l'oeil que l'on
puisse désirer dans
une opération, qu'elle ne provoque quele moins de tiraillements
possible et qu'elle atteint parcela
même unminimum dans
les causes de troubles circulatoires. Ces effets nuisibles
sont parcontre facilement
développés
enpareille circonstance
par l'iridectomie et
engendrent
une pousséenouvelle d'irido-
cyclite qui, comme on
le sait,
amènela phtisie de l'œil. Cette
issue fatale ne semontre passuivant ma propre expression,
dansl'iridotomie d'après De Wecker. »
Voilà ce que nous tenions à
ajouter
pourcompléter
ce pre¬mier point : notre
devoir
n'est pasd'y insister plus longue¬
ment, puisque nous déclarons que tout ce
qui
aété dit
sur ce sujet reste dit etbien dit,
etqu'à notre avis, il n*y
arien à
changer à lapratique
actuelle de l'iritomie,lorsque le cristallin
est absent.
C'est du second cas dont nous allons seul nous entretenir: de ce cas où la présence du
cristallin vient rendre l'opéra¬
tion plus délicate et où
les nombreux procédés employés
jusqu'à ce jour
n'ont
pasdonné de résultats
assezsatisfai¬
sants pour ne pas remettre
la question à l'étude.
Nous allons doncaborder l'étudede l'iritomie avec présence
du cristallin, en commençant' par en poser
les
indications et contre-indications.TROISIEME PARTIE
Iritomie lorsque le cristallin doit être respecté.
CHATITRE PREMIER
Indications et contre-indications de l'Iritomie.
Les cas dans lesquels ITritomie estindiquée lorsque le cris¬
tallin doitêtre respecté sont les suivants :
1° Cataractes congénitales ;
2° Taies de lacornée.Leucomes adhérents ; 3°Kératocones.
1° Cataractescongénitales
Les cataracteszonulaires, lorsque une portion assez large
du bord cristallin setrouve libre de toute opacité, sont préfé-
rablementtraitéesparl'iritomie,et cela ressortdavantage des
nombreux inconvénients qu'offrent les
procédés employés
jusqu'ici.
En effet, par la
cliscision,
onrisque de voir
seproduire une
iritis, une irido-choroïdite
traumatique
: or, àquoi bon
ameneraussi sûrement la perte du
pouvoir accomodatif et l'obligation
pourl'enfantdeporter
constamment de forts verres convexes?
surtout sans aucune chance d'amener une
amélioration de
l'acuité visuelle: celle-ci aucontraire estaugmentée par
l'iri-
tomie qui a d'autant
plus
saraison d'être dans le
casprésent
qu'elle offre
les garanties d'un meilleur résultat, tout en
laissant àl'opérateur,dans
l'éventualité d'un insuccès,le loisir
de faire la cliscision.
I/iridectomie n'est pas non plus exempte
de sérieux incon¬
vénients: d'abordon produit une
cicatrice justementà l'endroit
oùl'onvacréer une pupille
artificielle; de plus,
parl'excision
d'une portion du sphincter
iridien,la partie semi-transparente
ducristallin non seulement est exposéedavantage auxrayons lumineux, là où on l'a mise à jour par
l'ablation d'une partie
del'iris,mais encore se trouve découverte
dans
uneplus large
étendue par suite du
défaut de contractilité de la pupille
qu'avant
l'opération
et unequantité de lumière diffuse péné¬
trant dans l'œil troublera sensiblement la
vision, de là
résultent, en effet, des éblouissements très gênants pour
le
malade.
Il est vrai qu'on peut
remédier
àcet inconvénient et
con¬server la contractilité du sphincter enclavé dans
la plaie,
touten masquant en
grande partie le disque semi-transparent du
cristallin, par l'iridésis,
méthode de Critchett, et l'iriden-
cléisis, procédé de De
Wecker. Malheureusement, la création
des pupilles par ces
procédés offre des dangers sérieux, et
la crainted'une irido-choroïdite, pouvant à une époque
éloi¬
gnée de l'opération
éclater
surl'œil opéré lui-même, et par
sympathie sur le congénère, a fait presque complètement
abandonner ces sortes d'opérations. Ajoutons de plus que
l'opération de Critchett, crée près de la nouvelle pupille une cicatrice avec synéchie antérieure, en d'autres termes un faible leucome adhérent, et que les continuels tiraillements
que la contraction de la pupille exerce sur la cicatrice, font
que celle-ci n'acquiert pas une solidité analogue à celles des parties voisines : d'où il résulte une inégalité de niveau qui
se manifeste surtout par les symptômes d'un astigmatisme irrégulier, réduisant sensiblement le chiffre de l'acuité
visuelle.
L'iritomie se montre donc préférable à l'iridésis et à l'iri- dectomie, parce que dans ce cas, la pupille artificielle n'in¬
téresse pas le prochain voisinage de la cornée qui doit servir
à la vision et n'exerce aucune influence par le retrait ou la
distension ultérieure d'une cicatrice, surla courbure de cette
partie de la cornée.
« Nous pouvons donc résumer, dit De Wecker, en disant qu'abstraction faite d'une contractilité moins parfaite de la pupille, la simple incision de l'iris présente, pour les per¬
sonnes atteintes de cataractes stratifiées, tous les avantages
que l'iridésis asur l'iridectomie et cela sans offrir les dan¬
gers des procédés d'enclavement. Au point de vue de l'acuité visuelle, des recherches comparatives démontreront que l'iridotomie est préférableauxprocédés d'iridésis et d'iridec-
tomie. Il ne nous paraît donc pas douteux, si tout d'abord il
a été jugé que chez un enfant atteint de cataracte zonulaire
la pupille artificielle, eu égard au peu d'étendue de lacouche
opaque, doit être préférée à une discision ou à une extrac¬
tion périphérique, que le seul choix à faire parmi les procé¬
dés opératoires estl'iridotomie. »
Dor 5