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La nature médicatrice autrefois et aujourd'hui

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Thesis

Reference

La nature médicatrice autrefois et aujourd'hui

KRATCHKOWSKA, Lydia

KRATCHKOWSKA, Lydia. La nature médicatrice autrefois et aujourd'hui. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1897

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:27243

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:27243

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LA

NATURE MÉDICATRICE

AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI

THÈSE INAUGURALE

PRÉSENTÉE

A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE GENÈVE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR EN MÉDECINE

PAR

Mue Lydia KRATCHKOWSKA

née à Gitomü· (Volhynie)

---<>~~---

GENÈVE

IMPRIMERIE REY & MALAV:ALLON 18, rue de la Pélisserie

1897

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La Faculté de Médecine, autorise l'impression de la présente thèse) sans prétendre par là émettre d'opinion sur les proposi- tions qui y sont énoncées.

Genève, 1er novembre 1897.

LE DOYEN.

A.-H. VAUCHER.

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A MON CHER

ET

VÉNÉRÉ MAITRE

- MoNSIEUR LE PROFESSEUR LÉON REVILLIOD

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LA NATURE MÉDICATRICE

AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI

PRÉFACE

L'autorité, que donne l'expérience et l'érudition, étant la première qualité que doit posséder celui qui cherche à aborder les gTandes questions de pathologie générale, il peut paraître fort étrange qu'un élève à peine sorti des bancs de l' écol~ ose y toucher.

Mais la pratique, avec toute sa responsabilité, attend cet élève et là, au lit du malade, la première idée qui se présentera à lui sera certainement celle-ci : Qu'est-ce . que la maladie? Qu'est-ce que mon malade? Une ré-

ponse, quelle qu'elle soit, s'in1pose.

Réponse ardue, car, si parfaites que soient les descrip- tions des ·pathologistes et des nosographes, qui alignent les faits, classent les maladies dans un ordre convention- nel, en vue d'en faciliter l'étude, si scrupuleux que soient les formulaires qui donnent la nomenclature des remèdes et de leurs effets, l'esprit d'un débutant reste inquiet, hésitant devant la diversité des symptôrnes et des indications qui se pressent en foule, aussitôt qu'il a jeté un coup d'œil sur son malade. Ce sentiment sollicite le désir de rassembler les faits particuliers dans une vue synthétique qui relie les causes et les effets, qui fasse ressortir l'évolution des phénomènes, leur harmonie, leur action réciproque et d'apprécier à leur juste valeur

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les mille manières d'envisager les choses, de comprendre telle maladie, tel malade.

De là, la nécessité d'une méthode, d'un plan, d'une doctrine, ·nécessité qui s'impose dès le début cles études médicales.

C'est dans ces principes que nous élève M. le pro- fesseur Revilliod et dont il nous démontre la vérité dans . son enseignement, à propos de chaque malade- de sa

clinique.

Savoir juger la valeur diagnostique et pronostique d'un symptôme, établir sa cause, sa pathogénie, son but, .reconnaître la nature du trouble dont il témoigne, l'action· nuisible ou favorable qu'il pourra exercer à son tour" étudier enfin ses modalités diverses selon l'indivi- dualité de chaque cas, telles sont_ les r_?jgles fondamen- tales sur lesquelles s'appuie l'art de guérir, but de la médecine.

Avant d'intervenir comme thérapeutiste, il faut con- naître les procédés naturels, les phénornènes spontanés qui conduisent à la guérison, se rendre compte de leur raiE on d'être, en un mot se faire une doctrine. « La thé- rapeutique a toujours suivi Je sort des doctrines >> (Alix, Transformations des Doctrines). - <C On ne peut pas aborder le traiteinent d'une maladie sans avoir une con- ception générale de cette maladie >> (Bouchard, Patho- logie générale). - <cNe ,quittez pas ~es bancs de l'école, pe vous lancez pa~ dans la pratique sans vous être fait une doctrine >> (Grasset).

Réfléchissant à ces préceptes et pénétrée de leur vé- rité, je me suis décidée ·à exposer dans ce travail les principes que m'ont suggérés soit ma propre expérience, si pauvre soit-elle, soit mes lectures dans le ·champ de ]a médecine ancienne et nouvelle. Je l'ai fait surtout pour

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fixer la ligne de conduite qui me dirigera dans la pratique médicale, tout en me réservant de tenir compte plus tard de toutes les observations et de toutes les acquisi- tions scientifiques que m'apportera mon éducation médi- cale ultérieure. Si j'ai entrepris cette tâche trop grande pour le temp~ et les moyens dont je dispose, c'est que je considère cette profession de foi médicale comme un devoir moral, qui s'impose à chaque élève au moment .où il va entrer dans la carrière médicale avec toute la respon-sabilité qu'elle comporte.

Quel que soit l'accueil réservé à ce travail, auquel j'ai consacré de longues heures de recherches et de médita- tions, c'est avec un sentiment de reconnaissance que je le dédie à notre cher maître, M. le professeur Revilliod, car c'est sous son inspiration que je l'ai conçu et rédigé, et c'est à lui que revient une certaine paternité dans les idées que j'ai exposées.

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INTRODUCTION

En présence de l'étendue et de la rapidité. du progTès

·que nous constatons de nos jours dans les sciences mé- dicales, un besoin d'unité se fait sentir. Cherchant à con- centrer dans un même horizon les acquisitions récèntes et l'ensemble de connaissances traditionnelles, l'esprit s'adresse instinctivement aux auteurs anciens, qui, dé- pourvus de nos moyens d'investigation, traçaient les

gran~es lignes de cette unité, en s'inspirant par une conception plus large des lois générales qui commen- . dent les phénomènes vitaux.

cc C'est à l'antiquité qu'il a été donné de tracer ces gran- des lignes, que la postérité parcourt de siècle en siècle )) (Littré).

<< Les produits d'observation des. siècles passés peu-

vent être mieux compris et interprétés à la lumière des résultats de la science expérimentale contemporaine )) (Bouchard).

« Revenez à l'étude de l'antiquité, )> disait Semmola (Médecine vieille et nouvelle).

C'est ainsi que, parlant d'Hippocrate, Daremberg dit : c( Si on peut comparer la médecine à un arbre, ses racines sont dans Hippocrate et la sève en est intaris- sable.))

C'est, en effet, l'Hippocratisme qui maintient à tra- vers les siècles cette notion de l'unité de l'agrégat, ce

· consensus unus, qui représente l'idée de l'unité dans ]a vàriété et)a variété dans l'unité et qui fait quë la moindre impression, perçue sur un point, se transmet à l' ensem- ble, réalisant cette solidarité qu'exprime si bien la de- vise : un pour tous, tous pour un.

Sans parler des êtres les plus simples où le tout et la

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partie sont confondus, l'être humain, si compliqué et si différencié, ne présente-t-il pas, grâce au système fl:er- . veux qui le pénètre et le gouverne, cette unité merveil- . le use?

« Il suffit quelquefois de la plus légère irritation, dit . Brown-Séquard, pour 1nettre tout le système nerveux, .avec ses pouvoirs d'inhibition, de dynamog·énie, dans un état particulier. Donc, modifier le système nerveux, n'est-ce pas modifier du mên1e coup les fonctions,. ]a nutrition, ce stoifwechsel de l'organisme, en un mot toute la statique et la dynmnique de l'individu? ))

Hippocrate disait déjà : · << La maladie est une et com- mune. )> Une par son développement, « indépendam- ment de l'organe qu'elle affecte et de la forme qu'elle revêt. La maladie est quelque chose qui a sa marche, son développement, sa fin)) (Hi'pp., trad~ Littré).

Elle est commune par certains phénomènes qui cmis- tituent 1' état général; elle devient la participation de tout l'être. N'est-ce pas à notre époque, où les maladies

·locales disparaissent de plus en plus des cadres nosolo- g-iques, ·où les rapports .entre les maladies générales et les lésionslocales sont compris et interprétés d'une ma- nière toute différente, quant à leur siège, leur intensité, leur évolution, où enfin la lésion locale tend à recevoir un sens nouveau, n'est-ce pas à présent que cette unité et cette «communauté)) de la maladie apparaissent dans

tot~ te leur grandeur?

« La maladie est un effort de la nature pour éliminer la nature peccante, )) disait Hippocrate. L'effort de la nature, voilà l'idée magistrale d'Hippocrate., l'idée pui- sée dans la vie et qui reste toujours conforme à la vie.

C'est dans ce naturisme que la maladie nous apparaît pour la première fois comme une lutte où l' organis1ne exerce sa part active. << La maladie est le travail de la nature pour éliminer les principes morbifiques, >> répète Sydenham, l'Hippocrate anglais. La conception actuelle

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de la maladie ·qui fait dire à Chantemesse : « La fièvre typhoïde est une maladie générale qui traduit la réaction de l'organisme envahi par le bacille typhique, )> ne se rapproche-t-eiie pas de ce naturisme d'Hippocrate? Par- tout dans le monde vivant nous voyons des réactions qui tâchent de contrebalancer les effets du milieu exté- rieur. Ces réactions sont des fonctions. Ce sont elles qui produisent l'adaptation, la défense, la conservation de l'individu, en lui créant des organes nécessaire~, en rén- forçant les faibles, en transformant ou atrophiant les inutiles. C'est la fonction qui crée J'organe, qui <<veut l'organe, )> comme dit M. le professeur Revilliod.

Pourquoi c.ette loi de réaction destinée à contrebalan- cer, adapter et sauver, ferait~elle défaut dans l'organisme aux prises avec le mal? N'est-ce pas là, au contraire, que ces réactions se montrent dans toute leur intensité, évoquant tout le potentiel de l'organisme, toutes ses

<< forces radicales. ))

<< La nature travaille de toutes ses forces, )> disait Sy- denham.

Un vomissement qui débarrasse l'estomac surchargé, la diarrhée, qui élimine les principes nuisibles, le frisson causé par le froid qui fait de suite augmenter la tempé- rature intérieure, ne sont-ce pas autant d'exemples de ces réactions utiles et nécessaires? La fièvre qui, si eUe n'est pas produite par la combustion exagérée des élé- ments, en est toujours accompag·née, dans combien de cas ne peut-eUe pas devenir aussi salutaire"?

Les lois de synergie, de compensation, de suppléance, n'apparaissent-enes pas comme autant de gTands moyens de défense et leurs efforts ne se v-oient-ils pas jusque sur la table d'autopsie, alors même qu'ils ont été vaincus par l'intensité du mal.

L'élimination, opération terminale de la désassimila- tion, est un effet,-un des actes principaux de la nutrition, dont l'intégrité est absolument nécessaire à l'état ·de

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santé. A plus forte raison doit-elle se faire lorsque, outre les déchets normaux, l'économie doit se débarras- ser. des produits anormaux accumulés par un état patho- logique. C'est ainsi .. que nous voyons la peau, l'intestin, le foie, le rein, le poumon accomplir' outre leurs fonc- tions spéciales, le rôle d'émonctoires, s'entr'aidant, se suppléant même le~ .. uns les autres pour concourir à un but commun, lequ~Î consiste à entraîner en dehors les substances hétérog·ènes, les toxines, les microbes, en un mot les substances inutiles et nuisibles·. Ne sont-ce pas là autant de pottes de sortie qui s'ouvrent toutes grandes lorsque le salut de l'éconornie l'exige. ·

Fidèle au principe « un pour tous, tous pour un, )) chaque celh1le vient aussi prendre part à la lutte. Elle accourt sur le lieu du combat, tantôt pour accomplir son pouvoir phagocytaire, tantôt pour cerner et enkyster l'ennemi, ou pour régénérer les tissus détruits.

Mais la loi g·énérale devra se modifier pour adapter les phénomènes à chaque individualité. Ici encore Hip- pocrate, cherchant dans le passé, le présent et dans tout ce qui entoure le malade, les éléments de son pronostic, posait dans la prognose les bases de Pindividuafité, la loi de l'individualité, comme l'a dit C. Bernard.

« Par-dessus tout, dit Littré, Hippocrate cherchait à examiner comn1ent un organisme donné se comporte vis-à-vis des différents agents. A tel mode de vie corres- pond tel mode de réagir. C'est ainsi que toutes les par- ticularités individuelles de la vie normale posent leur empreinte sur la vie patholog·ique; c'est ainsi que les réactions intenses souvent exagérées chez les individus vigoureux, deviennent traînantes et languissantes jus- qu' à engendrer une maladie chronique chez les faibles · et les débiles. ))

Cette loi de la spécificité individuelle n'a jamais été mieux établie que de nos jours, quand on se trouve en face de ces phénomènès de réceptivité, d'immunité,

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-d'antagonisme, de ces idiosyncrasies inexplicables ; .. quand on voit que non seulement la dynamique de l'indi- . vidu, mais même la statique (la composition du kilogr.

du corps), varient dans des proportions si étonnantes

· -d'un individu à l'autre.

Le grànd esprit intuitif des anciens nous frappe par- tout, dans les grands traits commc:::.dans les détails, et il nous ramène constamment vers c{; naturisme d'Hippo- -crate, qui, con1me l'a dit Littré, a découvert le fait qui -dom.ine tous les autres dans les opérations de la vie, fait qui contient en germe toute la science et toute la prati- que de la médecine, en un mot le fait d'une puissance formatrice, conservatrice et médicatrice. C'est la Nature Médicatrice d'Hippocrate. C'est cette cause générale de Barthez sur la nature de laquelle, dit-il, on ne peut rien dire, mais dont on sait ceci, qu'elle agit.

Ainsi l'esprit humain, sans pouvoir jamais pénétrer la -cause première, le but final, ne peut néanmoins renon- cer à y revenir, et à y songer toujours. Si l'organisme,

·comme corps, doit subir toutes les lois de la matière, si la grande loi de Rob. Mayer et de Helmholtz : la trans- mation de l'énergie, la c.orrélation des forces se retrouve dans toutes les manifestations vitales, avant et au-dessus .de. ces lois nous apparaît le plan, avec son unité et sa régularité qui frappent l'esprit et l'imagination.

Tout ce qui vit se reproduit et meurt; tout cela se dé- veloppe, se défend, se répare et se conserve, et le pour- quoi de tout ceci se dresse· involontairement devant

nop.s, comme un problème insoluble qui se pose en de- hors des limites de la science.

Rien n'est plus imposant, par exemple, que le tablea.u de l'évolution d'un œuf fécondé, avec ce mouvement mathématique et régulier dont il est le siège. Les cen- trosomes amenant leurs sphères directrices, les frag- ments du noyau se divisant, se fusionnant et accomplis- sant leur quadrille. Devant cette (( pantomime muette, ~)

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suivant l'expression de Delage, l'esprit se sent ému et.

confondu.

(( Le dessin vital, voilà le quid proprium de la vie, >>-

disait Bouchut. ·

Il y a, dit Cl. Bernard, dans tout phénomène vital,.

comme dans tout phénomène naturel, deux ordres de causes: d'abord une cause première, législative et direc~

triee de la vie et inaccessible à ·notre connaissance, en- suite une cause prochaine et exécutive du phénomène.

Enfin le dualisme éterflel entre· le ·physique ·et le psychi- que, partout et toujours présent et toujours inconnu;

ce fait que le mouvement le plus compliqué ne saurait.

jamais rendre compte du plus simple des états de con- science>) (Spencer), voilà le gran~ motif psychologique~

grâce auquel les théories 'spiritualistes, comrne le dit Bouchard, combattues souvent, tenaissent sans cesse.

PREMIÈRE PARTIE

QUELQUES CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA MALADIE

~ 1. Historique.

La conception de la maladie, qui n'est qu'une m,oda- lité de la vie, se base sur la notion de la vie et de la sa~ té.

C'est la biologie qui renferme la pathologie.

((La vie d'abord, la maladie ensuite,)) disait Chauffard~

(( Ce sont les doctrines de la vie qui font la base. de toute la philosophie et de toute la pratique de la méde- cine. >> (Paine, The Philosophy of the Vitality).

C'est pourquoi de· tout temps, les conceptions médi- cales suivent et reflètent les doctrines philosophiques de l'époque. Hippocrate était contemporain de Socrate et de Platon; c'est Aristote qui se lit sur les pages de Galien;

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. c'est des préceptes d'Epicure et de Zénon que se pénè- tre Asclépiades, fondateur du solidisme.

C'est enfin Descartes qui, ainsi que le dit Pidoux, par un effort prodigieux de la métaphysique,. suscitait des g·éomètres et des physi~iens en fcmle, qui affranchissait aussi l'esprit scolastique en Inédecine, qui créait l'ani- misme .et d'autre part suscitait en rilême temps que Ba- con, père du numérisme, le besoin des méthodes et des expériences. précises.

Ainsi, toute doctrine philosophique:·, serait-c~ les ato- Ines de Démocrite, les homéométries d'Anaxagore ou les monades de Leibnitz, toute doctrine philosophique pénè- tre nécessairement et impressionne la médecine. Le pré- cepte du vieil Hipp0crate: <<pour connaître la' nature de l'homme, il faut connaître la nature de toutes choses, >>

fait sentir sa vérité à tous les âges.

En médecine comme en philosophie, pp.rtout et tou- jours se dessinent. nettement deux grandes tendances:

l'une spiritualiste, l'autre matérialiste.

<< Déjà avant Hippocrate, dit Boyer, des deux écoles italique etionienne, la première était frappée de la forme intellectuelle des objets et de leurs rapports avec l'Être supérieur, l'autre s'attachait à leur côté sensible. >>

Cette opposition se lit sur toutes les pages de l'histoire de la médecine.

<< Si c'est dans l'école de Cos, dit Daremberg, qu'on trouve l"org·anisme et la maladie, c'est dans l'école de Cnide qu'il faut chercher les organes et les maladies. >>

Hippocrate, le divin vieillard de Cos, sort~nt imrné- diatement du fait l'idée qn.e son génie concevait et in- terprétait, était éclectique. .

Pour lui, la maladie était

vn

èffort de la nature pour combattre le mal. << La nature, disait.:..il, sait elle-même ce qui lui est nécessaire, sans avoir besoin qu'on le· h:ti montre. » Voilà l'idée féconde de ce naturisme qt'li a traversé les siècles et nous a apporté plusieurs· de ces

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vérités traditionnelles, que l'expérience·ne fait que con- firmer.

A côté d'Hippocrate et de Galien, Asclépiades et Thé- mison émettent leurs théories solidistes. Pour Asclépiades la maladie est un état .contre nature, produit par le mou- vement irrégulier des atomes ; pour Thémison c'est un état de resserrement ou de relâchement des fibres du corps. Resserrer ou relâcher les pores, humecter les secs, dessécher les humides, voilà la thérapeutique.

Ce sont· les écoles des iatrochimistes( des iatromé- caniciens, qui continuent ce solidisme.

Sylvius le Boë, Willis, assimilant les corps vivants aux cornues et aux alambics, disent: «Les âcretés alcali- nes, mais surtout les acidités des hun1eurs, voilà la cause essentielle des maladies. ))

Les esprits animaux sont sécrétés dans l'encéphale, leurs sécrétions se rapprochent de la distillation.

Les iatromécaniciens, Borelli, Baglivi, Boërhaave, Hoffmann, etc., ne voient que dans les solides la cause active de la maladie. -L'aphorisme de Malebranche, disant: <<L'organisme n'est qu'une montre remontée)) trouve ici son application.

Les organovitalistes réunissent les opinions opposées et considèrent les propriétés vitales comme inhérentes à la matière.

C'est Brown qui admet la contractilité comme fa- culté vitale universelle et la maladie comme n'étant qu'une modification de cette faculté en plus ou moins.

Broussais, «l'ardent réformateur, )) adopte aussi cette dychotomie,,considérant l'irritation comme étant le prin- cipe de toute action physiologique et pathologique.

Bichat sépare le corps vivant de la matière brute, lui·

donne les propriétés vitales et Inontre ainsi les effets sans parler de la cause.

De là découlent les opinions ultra-organicistes de no- tre siècle.

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<< Il n'existe pas de maladies, il n'y a que des états or-·

ganopathiques. >> (Piorry).

((La vie est un résultat, la Inaladie est la lésion. )) (Rostan).

<< Il n'existe pas de maladie sans .la lésion d'un organe

ou d'un élémentorganique. >> (Bouilland). Toute activité de l'être est banni~ . de cette définition ; l'organisme ne · fait que subir passivement les lésions.

A côté et parallèlement à ces doctrines, faisant ainsi une réaction constante, les théories spiritualistes sui- vaient leur cours. .

Paracelse; alchimiste et chimiste, attaquant avec véhémence toutes les doctrines anciennes et tout en dé- clarant que c'est la chimie qui est la clef de toute la mé- decine, invoquait. et qherchait dans la maladie la force saine qui iutte et r.ésiste. Vita sana superstes in morbis.

C'est V an, Helmont qui crée son vitalisme en plaçant dans chaque organe une archée spéciale et en subordon- nant toute~ les archées à une archée-maîtresse. La ma- ladie c'est le désordre des archées.

C'est Stahl qu.i crée son animisme. Pour lui, la mala.:..·

die est « un effort de l'âme pour rétablir les actes nor- maux et expulser les puissances nuisibles. >>

.· C'est la même idée hippocratique de l'effort de la na- ture qui atteint ·s~ plus grande expression dans ·ces pa- roles de Sydenham : << La nature travaille de toutes· ses forces pour expulser la matière morbifique. >> '

Vient ensuite Barthez, le célèbre chef du vitalisme de :Montpellier, qui invoque son principe vital, présidant à la formation des organes et allant fatale1nent vers un but de développement et de conservation. >> «Dans l'état actuel des sciences, disait Barthez, la for.ce vitale doit être conçue par des idées distinctes de celles qu'on

a

de l'âme et du corps; c'est-à-dire d'après les lois différentes des lois psychologiques aussi bien que des lois de la physique et de la chimie. >>

---~----

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17

Lordat, Berard, Cayol et tànt d'autres. suivent cette doctrine vitaliste.

Pour. Bouchut, c< la: maladie est une altération·du prin- cipe de la vie, ce ferment séminal dilué dans toute la substance du corpS.)) Cette altération peut ou non être accompagnée par des lésions des organes et des fonction~.

Il ne faut pas oublier, dit Chauffard, que l'impression vi- tale. délétère est toujours présente derrière l'acte, der- rière l'ensemble phénoménal par lequel la vie cherche sa conservation.

Nous arrivons à la conception actuelle de la maladie, exprimée par cette belle définition de Bouchard·: « la maladie est l'ensemble des actes fonctionnels et secon- dairement des lésions anatomiques qui se produisent dans l'économie, subissant à la fois les ça uses morbifi- ques et réagissant contre elles. ))

C'est ainsi que reparaît l'ancienne idée de la maladie · - lutte; l'organisme subit et agit, passif et actif il.ma- nifeste cette lutte.

Telle est la doctrine qui s'impose aujourd'hui, parce que tout en ayant de puissantes racines dans le passé, elle s'appuie sur les acquisitions de la science moderne, - doctrine qui promet d'être stable~. parce qu'elle se con- firme au lit du malade, lequel est-, en dernier ressort le

jug·e suprême. '<

' )

~ 2. La maladie.

L'impression et la réaction, voilà la clef de toute la pathologie, ,disait Bouchut.

La cause morbide, quelle qu'elle soit : le microbe, les habitudes vicieuses de la nutrition, . le traumatisme, les réactions nerveuses ·-.-· cette cause agit ·en impres- sionnant l'économie . .C'est une action à laquelle répond immédiatement une réaction propqrtionnelle. De même qu'un organisme ne vit qu'en opposant des réactions

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incessantes aux agents extérieurs qui 1; entourent, de même il ne se g·uérit qu'en présentant cette opposition constante à la cause morbide ; il doit vaincre le mal et

<< expulser la matière peccante. )) (( Ces réactions ne

sont que des fonctions et. c'est ainsi que la maladie de- vient une fonction propre à l'état pathologique, )) comme le disait Barthez.

Le mot fonction - celle- ci ne serait-elle qu'une réaction à l'action extérieure - · implique néanmoins l'idée d'_un but à remplir et la nécessité de ce but, puis- que chaque fonction s'accomplit en vue de quelque chose.

. Or le but unique de tout ce qui vit est de vouloir vivre . et partant de se conserver et de se propager; c'est la vis intima, c'est la psychée d'Aristote ou l'agent inconnu des choses connues de Voltaire.

Cette fonction prime tout dans l'ordre biologique.

Elle e~iste et s'accomplit avant l'apparition de l'organe, qui n'est que son support spécial. Dans un œuf, le sang se forme ·et circule avant la formation des vais- seaux; cet œuf a respiré sans poumon; il a rejeté de l'acide carbonique et a fait de la chaleur avant d'avoir les or- ganes pour accomplir cette. fonction, et il a ressenti les impressions avant d'avoir les cordons nerveux de la sen- sibilité.

(( Ainsi les attributs spéciaux de la vie existent anté- rieurement à toute organisation)) (Bouchard). L'organe formé répondra aux besoins de l'économie; mais que des circonstances viennent le mqdifier ou l'altérer, la fonc- tion trouvera d'autres reSSOUrCeS en ·VUe du rôle qu'elle doit remplir. Elle utilise et adapte tel autre organe, te]

tissu qui pourront même servir à plusieurs fins. L'hydre retournée en doigt dè gant, digère avec sa peau et respir~

. avec son estomac devenu tégument. Si enfin la fonction est devenue inutile, l'organe s'atrophie, comme on

· l'observe chez ces. parasites dégradés qui ne gardent qu'un léger vestige de leurs organes primitifs.

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"

Cette nécessité de la fonction se voit partout dans la physiologie et la pathologie humaine. La menstruation peut être suspendue si une cause vient en fermer la voie naturelle, mais la fonction existe et elle ira se manifester ailleurs sous la forme d'une ·hémorragie -su:pplémen- taire.

Cette tendance à vaincre le mal, à lui résister préside tout le tableau de la maladie, et devient ainsi l'expression de la synergie des fonctions renforcées et dirigées vers ce but.

·La maladie est"une lutte, où les deux facteurs, l'orga- nisme et la cause morbide, sont en présence. Cette lutte sollicite toutes les forces de défense et de résistance de l' org·anisme, lequel seul est l'élément vivant, actif; mais elle augmente aussi les forces d'un autre combattant, le microbe, dans les maladies infectieuses. C'est ainsi que la maladie devient une évolution successive des môments de cette lutte; à côté de l'impression se manifeste la réaction; l'organisme tantôt accepte, consent, subit plus ou moins passivement, tantôt réagit plus ou moins acti- vement. Ainsi cette évolution forte et rapide dans les maladies aiguës, infectieuses, devient lente, sou vent si- lencieuse dans les maladies, dont Celsè disait : << Faites par le temps, elles ne peuvent être détruites que par le terp.ps. )) Ici la cause morbifique agit par des impressions lentes, successives, qui viennent peu à peu modifier le mode de la vie de l'organisme, lui créer les habitudes . nouvelles, établir une nouvelle capacité mutuelle entre le stimulus et son support, comme le disait Trousseau.

Ainsi ce n'est souvent qu'à la suite d'une véritable accumulation de ces impressions qu'apparaissent les

premières 1nanifestations objectives de la n1aladie.

De là, les diathèses qui préparent, provoquent et entretiennent les maladies. De là, cet état latent, ces formes frustes, ces formes larvées des maladies, qui -s'observent à chaque pa~ dans la pathologie.

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Partout se retrouve cette même· évolution, qui n'est qu'une suite d'impressions et de réactions. c< A l'acte morbide est toujours opposé un acte curatifn disait Bou- chut, bien que cet acte puisse être imperceptible,, dé- guisé et bien souvent insuffisant dans son action.

Mais ce sont les maladies infectieuses qui nous présentent dans toute son éloquence le tableau typique de la maladie-lutte. Les actes successifs, les moments de cette lutte, impression, incubation, réaction, élimi- nation, purification, s'enchaînent méthodiquement dans une évolution régulière, souvent cyclique et représen- tent tantôt la réceptivité passive de l'organisme, tantôt sa réaction salutaire. Les symptômes deviennent les si- gnes réactionnel~ de la lutte et nous apportent la repré- sentation objective de l'activité de cette nature médica- trice, qui en protégeant et défendant l' org·anisme dans sa vie n-ormale, l'assiste aussi dans sa souffrance. Les maladies infectieuses, étant· le champ d'action le plus ostensible de la nature médicatrice, c'est à elles surtout que nous nous adressons pour cherche.r des arguments à nos déductions.

« C'est la doctrine de la spécificité, disait Trousseau, qui domine la pathologie, la thérapeutique, toute lamé- decine, en un mot. >) La spécificité, propriété univer- ;;

selle, qui fait que chaque groupe d'atomes, chaque atome a une nature propre à lui, une affinité élective qui lui fait choisir et puiser dans le milieu ce qui lui convient, cette spécificité est empreinte dans chaque phénomène du laboratoire et de la Clinique, c'est elle qui préside aux lois de l'espèce, de la -race, de l'individu et qui nous donne les premières règles du diagnostic, du pronostic et du traitement.

Pourquoi ne peut-on pas inoculer la, syphilis aux ani- maux; pourquoi le microbe de la salive humaine provo- que-t-il une véritable septicémie chez ·le la pin ; pourquoi un pneumocoque pathogène poyr l'homme reste-t-il

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sans effet pour le même lapin; ·pourquoi la transfusion du sang est-elle si dangereuse d'une espèce à l'autre?

Parce que telle est la loi de l'espèce.

De deux jumea':lx nouveau-nés, un a contracté la variole dans le sein de sa mère malade, l'autre est resté·

indemne; une armée de soldats sous l'influence d'une même cause morbide occasionnelle : froid, chaleur, nous fournira un grand nombre de maladies différentes.

Telle est la loi de l'individu.

« L'organis1ne réagit contre les troubles dynamiques

·et organiques du mal d'une façon particulière en sa qua- lité d'être vivant d'après sa spécificité d'être vivant et d'après sa spécificité individuelle. )). (Bouchard).

·Le rôle de la spécificité dans la pathologie et la clini-.

que était entrevue de tout temps. Ainsi Arétée nous donne déjà une description du mal syriaque, de l'angine diphtéritique qu'il disting·ue de toutes 'les autres formes de l'inflammation. De mêmP que tant de siècles après, Bretonneau, con1battant le système dichotomique de Broussais, disait : c< Ce qui importe daris· une inflamma- tion ce n'est pas sa quantité c'est sa qualité. ))

Les plus anciens médecins formaiènt déjà un gToupe à part de ces maladies, qui occupent actuellement dans la nosolog·ie la place des maladies infectieuses. Leur In ode d'invasion, de propagation, leur aspect clinique en était le criterium suffisant. Mais c'est la découverte de l'infiniment petit dans les maladies, qui a donné toute la consécration expérimentale à cette doctrine de la spéci- ficité. La cause des maladies, entité ontolog·ique des an- ,ciens, s'individualise réellement. Les 1nonstres et les

esprits de l'antiquité et du moyen âg·e, devenus animal- cules, Würmchen et Tierchen, après la découverte des

vers dans le vinaigre par Lœwenhock, se transforment dans ~otre siècle en ~u1 « contag·ium vivum, )) le mi ...

crobe, un être avec toute une autonomie biologique.

Aux causes spéciales sont opposés les effets spéciaux

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et les rrwyens speciaux. Voilà pourquoi les specifiques de Paracelse avec leurs qualites occultes trouvent et trouveront toujours leur place dans la thérapeutique.

L'organisme_. l'individu réagissant sous la pression de la race, des climats, des saisons, de l'hérédité, de la constitution et de nombre d'autres facteurs et le mi- crobe, individu, avec ses aptitudes et ses facultés pro- pres, voilà deux elements vivants, qui sont en présence l'un de l'autre. Du choc de ces deux individualites jaillit la maladie, empreinte de toutes les particularites de cette double individualite qui fait dire : Autant de mala- des, autant de maladies; autant de cas, autant de diffe- rences. L'organisme, c'est le terrain changeant constam- ment sa statique et sa dynamique; le microbe c'est la graine variable dans sa vitalite et ses forces. Con1me le ' terrain n'attend qu'un moment opportun pour faire ger-

mer la gTaine déposée, de rnême le microbe attend son moment opportun, celui où l'économie consentira à son éclosion. cc C'est pourquoi, comme le dit Bouchard, les maladies ·infectieuses né" sont que des accidents, l' ag·ent infectieux ne trouvant qu'exceptionnellement des condi- tions non à sa pénétration, mais à son developpement et à sa rnultiplication. »

. Ainsi, comme c'est l'organisme et non le microbe qui fait la maladie, c< le microbe. ne saurait rien enlever aux causes depuis longtemps assignees par la vieille medecine, ;> dit encore Bouchard. Le froid restera tou- jours la cause occasionnelle, banale de la pneurnonie; la puissance si reelle des emotions trouvera toujours son expression dans une phrase comme c~lle de Peter : cc Il est mort de chagrin et de pneurnonie. >> Toutes les fois que dans ce grand système de défense, dont notre orga- nisme est si ingénieusement muni, survient uri derange- ment, toutes les fois que ses moyens de defense flechis- sent devant une cause fournie soit par le 1nilieu exte- rieur, soit ·par· le milieu interieur voilà le momeTlt

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opportun qui apparaît. La cause morbifique partout présente peut produire son action ..

C'est ainsi que la part de la contagion se rétrécit de.

plus en plus. L'ubiquité de beaucoup de germes patho- gènes, le changement de leurs aptitudes, tour à tour saprophytes ou pathog·ènes violents, leur pléomorphisme rnême, si bien défendu par Metchnikoff, tout cela ac- quiert chaque jour de nouvelles preuves expérimentales.

L'histoire du choléra, du typhus des camps, des fièvres éruptives, apporte nombre d' exeinples de' cette sponta- néité. Ainsi, au sujet des fièvres éruptives, Kelsch dit (Ac. demed., r8g6): «Il s'en faut de beaucoup que la notion exclusive de la contag·ion suffise à l'interpré- . tation des caractères épidémiolog'Ïques de l'affection.

L'origine de l'épidémie, de l'atteinte individuelle, ajoute- t-il, se pose en médecine comme un mystérieux pro- blèrne. ))

Notre milieu i_ntérieur est habitable par nombre dë microbes physiologiques et pathologiques. N etter, en examinant la salive de 12 7 personnes bien portantes, a trouvé chez toutes le staphylocoque pyogène; dans 20 ° J 0

des cas,.le pneumocoque de Frrenkel; dans 5 ° J~ le strep- tocoque pyog·ène. On connaît égalernent le cas de ba-.

cilles de Loffler, d'Eberth, de Koch et d'autres trouvés dans la salive physiologique. Dans le duo<iénum des personnes en bonne santé, on trouve souvent le strepto- coque pyogène (Gessner). Le canal intestinal abonde en coli commune si capable d'acquérir rapidement la plus grande virulence. Le bacille de. Nicolaier a été trouvé chez la vache, etc. Voilà le microbisme latent de Ver- neuil.

(( La faculté que possèdent la plupart des microbes de perdre leur virulence pour un temps illimité ei de la récupérer sous l'influence de facteurs d'ordre _organi- que, cosmique et autre, cette faculté nous donne d~1 développement autochtone ou spontané de la maladie

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une interprétation scientifique rigoureusement conforme aux doctrines pathogéniques en cours)) (Kelsch). cc Ne connaît-on pas ces poussées successives d'érysipèle à la suite des émotions (Chantemesse, Sen~. méd., 1 8g5) ou au retour des règles? Quant aux stomatites aiguës, aux angines, à la furonculose, aux diarrhées, combien sou- vent ne sont-elle"s que les produits de l'auto-infection survenant à un moment d'affaiblissement de notre auto- défense? Et c'est ainsi qu'intervient toute l'importance de cette noüon des causes secondes : le froid, le. trauma- tisme, etc. En refroidissant la poule, animal immunisé naturellement pour le charbon, on la rend apte à le contracter. Max Schultze, en produisant un trauma- tisme à un. animal et en lui inoculant la furonculose, fait . germer cel1e-ci au point lésé .. L'influence du moral sur

·l'état physique est un fait d'expérience quotidienne, connue dans tout les temps. Déjà Galien disait: <<Que la colère vienne enflammer ces caractères bilieux et san- guins et les voilà disposés aux fièvres aiguës comme aux synoques putrides. )) Ne voit-on pas journellement cette influence sur l'état des plaies"?

Le système nerveux régit les grands appareils; il accélère, ralentit, inhibe la vie ·de chaque ceiiule.

cc Les réactions nerveuses, dit Bouchard, réalisent au plus haut degré la prédisposition ou opportunité mor- bide, étant rarement cause provocatrice ou prochaine. >;

La maladie infectieuse formant un tout dans son dé- veloppement méthodique et régulier, avec son début, sa période d'état et sa fin caractéristique, ne nous démon- tre-t-elle pas dans toute sa réalité l'ancienne idée d'Hip- pocrate : cc La maladie est une. )> Les fièvres synoques, les fièvres éruptives avec leur cycle déterminé, ne pré- sentent-elles pas autant de ces unités systématiques?

La participation de tout 1' être,~ la communauté de la maladie n'est-elle pas aussi évidente dans la maladie infectieuse?

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L'agent nocif, le microbe, pënètre localement, mais·

c'est par les symptômes généraux que se révèle la mala- die. cc C'est en impressionnant la totalité de l'économie qu'agissent les' substances microbiennes. )>

D'ailleurs l'importance des symptômes généraux dans les maladies les mieux localisées saute aux yeux de l'ob- servateur. Une simple contusion fait accélérer <?u ralen- tir la respiration, augmenter les battements du cœur; la nutrition modifiée localement va impressionner anornla- lement le système nerveux, qui associera ainsi toute l'économie à la partie lésée. La suppression d'un organe à sécrétion interhe retentira immédiatement sur toute l'éconorrlie, en impressionnant les facultés cérébrales, en changeant toute la constitution de ]'individu? Ainsi s'accomplit la prévision de Brown-Séquard : << C'est un

phéno~ène général que chaque tissu, même en dehors de ses connexions nerveuses, influence toute l'économie d'une façon favorable, quand il vit de sa vie normale, d'une façon défavorable s'il est malade. )> La maladie infectieuse nous enseigne aussi que la maladie, c'est un chang·ement du mode de la vie de l' o~g·anisme, c'est une imprégnation qui modifie,toute la statique et la dynami- que de l'individu. Les produits morbides anorrnaux im- prègnent chaque c.ellule, troublent leur vie, leur mouve- ment nutritif en le modifiant dans sa qualité et son intensité et finissent ainsi par do,nner à l'organisme une constitution et un tempérament nouveaux. << Ainsi, dit Duclaux (Revue de Parz:'J) 1897), de nombreux éléments anatomiques d'un homme qui relève d'une maladie sont revêtus d'une propriét~ nouvelle, qui ]es fait au fond ' différents de ce q~1'ils étaient auparavant. Même les cel-

lul~s qui président à nos plus ha11tes fonctions, ajoute-t- il, qui forment notre nature morale, par exe1nple, sont modifiables elles-mêmes et peuvent acquérir une sensi- bilité qui leur manquait ou perdre une prédisposition acquise .. )) Voilà l'origine de l'imrnunité ·acquise ; Je

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1noment de la g·ùérison n'est le plus sou vent que le mo- ment de cette immunité. C'est pourquoi un syphilitique devient insensible au poison syphilitique ; c'est pourquoi un atome de vaccin confère à l'organisme une immunité plus ou moins prolongée pour la variole, etc. De là aussi r.es antagonismes entre les diverses maladies qui ont été observés de tout temps et qui ont fait dire à Hul\ter cet aphorisme un peu trop exclusif : <<Deux actions ne peu- vent exister en même temps dans la même partie ou la même constitution )) (t. I, p. 35g). C'est ainsi qu'on

· donne des exemples de l'antagonisme entre la tubercu-·

lose et la fièvre intermittente (Boudin); la fièvre ty- phoïde et la fièvre intermittente (Boudin, Const. Paul), . entre l' arthritis et la tuberculose, la tuberculose et la fièvre typhoïde (Revilliod), le rhumatisme aigu et la tuberculose (Louis Clarac, Thèse de Paris) 1892 ).

Une cellule ayant son mode de vie eng·endre une autre cellule douée de la même vitalité, c'est la conservation à travers la rénovation incessante. C'est l'hérédité, pro- priété fatale de tout ce qui vit. De là l'origine de toutes ces réceptivités, imn1unités innées, auxquelles notre époque a donné une consécration expérimentale si évi- dente .. Ainsi c'est dans la maladie infectieuse que nous voyons l'organisme acquérir une suracti vité spéciale, traduire l'effort salutaire que sollicite en lui l'impression nwrbide,. par la fièvre, par l'inflammation; c'est alors que les gTands appareils <<travaillent de toutes leurs for- ces; )) ces phagocytes mobilisés forment une véritable armée; ils s'exaltent et s'éduquent; chaque cellule de l'organisrne, sous cette nouvelle impulsion, change sa Jlutrition, son mode de vie ; la lésiàn locale elle-même devient un émonctoir~. Tout cela est régi par le système nerveux, qui donne l'ordre de dilater les vaisseaux, qui stimule la diapédèse, qui ouvre et ferme les portes d'en- trée et de sortie pour l'élimination des substances nui-

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sibles. Nous retrouvons la même exaltation des proprié- tés chez l'Çtutre combattant, le microbe.

Le microbe, comme le démontrent les expériences in vitro, lutte aussi pour son existence. Il acquiert des propriétés particulières pour s'adapter au milieu dans lequel il se trouve. Les anaérobies s'habituent à l'oxygène. Les saprophytes deviennent pathogènes.

L' élabora:tion de leurs toxines est considérée par·

Podwyssocky comme un moyen de défense. Citons.

encore la production du pigment, le changement de l~

forme, le pléomorphisme constaté par Metchnikoff pour- les spirobacilles, pour les bacillus Allantocideus et autres; l'auréole bleue de Bordet, qui préserve le bacille de l' eng·loutissement par le phagocyte; le pouvoir ag- glutinant qui est considéré. par Courmont, de -Lyon,.

comme moyen de défense, enfin la faculté de conserva-·

tion dans l'intérieur des leucocytes, des bacilles de Ja lèpre, de la tuberculose, etc. Voilà autant de moyens d'attaque et de défense dont le microbe est pourvu.

C'est ainsi que Pasteur, -Roux et Chamberlarid ont prouvé qu'en faisant traverser aux bacilles un corps immunisé pour eux, loin de les faire périr, ce passag·e ne fait qu'aug·menter leur virulence. De même, Duclaux nous _dit que les bactéries charbonneuses inoculées à un anÏlnal vacciné se retrouvent au point d'inoculation retenues, mais menaçantes. Ainsi chaque fait constaté dans le laboratoire et dans la clinique nous apporte la consécration de cette idée, la maladie est lutte! et c'est.

ici que nous pouvons répéter ces paroles de Bouchut :

« A côté de la nature créatrice, il y a une nature médi-- catrice. )> C'est elle qui préside à cette lutte et qui I' entretient, en évoquant toute la force latente de l' orga- nisme et la développant jusqu'à ce qu'elle ait atteint son but.

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SECONDE PARTIE

LA LÉSION

· Avant) pendant) après.

Sa cause) sa pathogénie) son but.

La lésion a été et sera toujours le centre autour duquel gravite la conception de la maladie. Avant Vésale, avant Morgagni, la médecine livrée à la symptomatolo- gie, privée de contrôle nécroscopique, ne pouvait sortir -. des hypothèses. Cruveilhier, Virchow ont fait faire à la médecine plus de progrès, grâce à la description des lésions, que toutes les écoles médicales antérieures.

Depuis ce siècle, le diagnostic n'a d'autre but que de rechercher et d'indiquer quel est le tissu et l' org·ane lésé et quelle est la nature de la lésion. Le traitement basé sur la lésion cherche les médications capables d'attaquer celle-ci et de combattre les ,effets que celle-ci peut exer- cer sur le jeu des fonctions. C'est cette conception qui, dépassant son but, a fait dire : la maladie, c'est la lésion, la lésion, c'est la maladie. Tel était, tel est encore le

·dogme fondamental de l'école organicienne. Pour elle, , la lésion est la cause de tous les symptômes, qui ne sont que son expression objective. Mais à ~ette affirmation, le vitalisme d'aujourd'hui et de tous les temps, disons la clinique, répond : (( La lésion est l'effet de la maladie, )Y

car si â son tour elle devient cause des phénomènes ulté- .rieurs, la lésion a été précédée par divers actes morbides,

·par des troubles fonctionnels qui évoluent dans un ordre déterminé, intéressant toute l'économie, venant à leur heure échouer, pour ainsi dire, sur un ou plusieurs ap- pareils qui subiront l'impression anormale, dont l'éco- nomie a été la victin1e.

L'arthrite du gros orteil u'est pas cause de la g·outte.

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La néphrite ne donne pas nécess-airement l'albuminurie;

c'est mêrne souvent le passage de l'albumine qui cause la néphrite. De même que l'intention précède le fait, de même l'organisme s'influence dans toute sa substance avant de répondre, de manifester.

cc Nulle lésion ne se. produit sans le trouble préalable de l?impressibilité )) disait Bouchut. La-lésion des solides, des parenchymes est précédée par l'altération des hu- meurs, laquelle est elle-même précédée par un trouble dynamique. Au .moment où la cause morbide, quelle qu'elle soit, exerce son action, l'économie répond aussi- tôt par action réflexe ou maints autres agents toujours·

prêts à agir au moment voulu pour rétablir l'équilibre.

Après l'action, la réaction. La lutte est engagée pendant une· période, longue quelquefois, durant laquelle les fonctions ne sont compromises que dans leur dynamisme perverti ou actionné en plus ou en moins, avant qu'une altération quelconque ait modifié le substratum . anato- mique. Les cellules et les parenchymes résistent long·- temps au trouble fonctionnel. Ainsi nous lisons (Sem.

Méd., 1897, Congrès de Berlin, Goldscheider): c< ·La lé- sion ne donne pas la clef de tous les phénomènes. Dans le tabes, nous ne savons pas si les douleurs fulgurantes ne précèdent pas l'établissement. des lésions matérielles.)>

La maladie-lutte peut être engagée bien avant que la lésion se soit manifestée et localisée.; lorsque celle-ci se révèle nous sommes déjà à l'acte terminal. Le diagnostic attendu sera posé, mais l'évolution est à son terme. Cette évolution se compose de plusieurs actes successifs en- chaînés méthodiquement, indiquant, les uns la récepti- vité passive de l'organisme, les autres, la réaction salu- taire. L'organe a subi le choc morbide·, puis il a réag·i et exprimé cette réaction par une lésion, laquelle repré- sente les modifications passives et actives, destructives et réparatrices auxquelles il a dû se soumettre.

La lésion, au lieu d'être l'ennemie, la cause du désor ...

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d.re, devient un des phénomènes objectifs·de la lutte, un indice révélateur. L'évolution morbide intéresse toute l'économie avant· de se localiser ; elle a sa période .d'incübation, sa période d'invasion qui précède la mani-

festation locale. C'est au début de l'attaque, c'est avant

"la lésion que le médecin doit observer les phénomènes

<JUη ont mis l' écol).omie en branle, qui ont modifié son mode de vivre, mobilisé ses moyens d'attaque et de dé- fense. Ainsi, avant le diagnostic anatomique, il y a le .diagnostic physiologique, qui interprète le trouble fonc-

tionnel, lequel est encore précédé par sa cause. Si la tur- gescence du goitre basedowien est due à une influence du grand sympathique, il reste à pénétrer la cause de ce phénomène nerveux. Ainsi c'est l'acte avant la lésion, · qui constitue l'essence de la maladie, si bien que l'évolu- tion de la maladie peut arriver à son terme avant que la lésion ait eu le temps de se manifester.

On connaît la variole sine variolis) les fièvres larvées, les formes frustes. La maladie est, la lésion manque. On connaît la longue liste des névroses sine m~teriâ, 1' épi- lepsie, l'hystérie, la chorée, etc., ma~adies qui se décla- rent avec un formi9,able appareil symptomatique, comme pour témoigner le désaccord entre l'intensité des symp- tômes et l'étendue de la lésion. Nous avons vu ces états fébriles sans nom qui se prolongent des semaines jus- qu'à occasionner la mort, sans qu'aucune lésion spéciale ait pu permettre un diagnostic local, anatomique. Il est des microbes <<sans domicile fixe,)) suivant l'expression pittoresque de M. le professeur RevilJiod, qui n'en exé- cutent que mieux leur action nocive, précisément parce qu'ils n'ont pas pu se .localiser, à moins qu'ils finissent par venir s'installer quelque part, dans l'endocarde en particulier.

Le trouble dynamique, prélude de la lésion, peut et d.oit souvent se continuer longtemps avant de créer ce11e-ci. Des spasmes longtemps et souvent répétés ar-

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rivent à créer des rétrécissements ; le pylore nous en fournit un exemple frappant. L'orifiee auriculo-ventri- culaire g·auche avec son rétrécissement primitivement spasmodique, seco'ndairement organique, a été sou vent invoqué comme exemple et démontré sur les malades par M. le professeur ·Revil1iod. Le spasme peut conduire à la contracture, celle-ci à la lésion permanente et défi- tive. On connaît les rétractions tendineuses organiques eonsécutives à des contractures hystériques : l'hyper- trophie permanente du corps thyroïde, consécutive à la turgescence passagère de la maladie de Basedow. Par- tout et toujours la lésion est un effet, une conséquence d'un trouble dynamique qui la précède de longtemps.

« L'économie a une 'grande tendance à répéter les actes dynamiques qu'elle s'est habituée à accomplir. )) Ainsi se eonstituent les tics, les habitudes morbides, qui de passagères deviennent perri?anentes, qui prennent racine et deviennent peu à peu maîtresses de la situation, créant une nouvelle entité et provoquant à leur tour un ensemble de sy1nptômes nouveaux et secondaires. La maladie rhumatismale a créé une affection du cœur, effet qui devient cause et va, à son tour, donner lieu à d'autres phénomènes d'ordre. vital et mécanique.

La lésion est donc partout avant de se localiser.

Cette vieille doctrine vitaliste a reçu aujourd'hui dans la bactériologie la conséeration la plus éclatante .. C'est par les sy1nptômes généraux que se révèlent les .maladï.€s ..

infectieuses. Plus tard, ces symptômes s'apaisent en même temps que le mal se localise et à mesure qu'il se localise, qu'il gagne en étendue et en intensité, les phé- nomènes généraux antérieurs vont en diminuant. L'or- ganisme offensé a voulu la lésion et a conduit le proces- sus morbide vers cette lésion par un chemin déterminé.

La lésion, qu'on la considère comme un acte morbide banal ou comme une émonction, se fixera sur tel ou tel organe ; le principe pathog·ène lancé dans la circula-

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tion g·énérale, sera dirigé vers un territoire spécial, sans~

se conformer nécessairement à l'agencement anatomi- que. Ainsi la marche d'un érysipèle ambulant suivra uU:

itinéraire spécial, symétrique, mais indépendant des vaisseaux sanguins et lymphatiques. C'est la loi de la spécificité qui donne à chaque maladie ses localisations propres; tel microbe affectionne tel viscère, tel système.

Le rhumatisme aime l'endocarde, la syphilis les parois des artères, etc.

La localisation de la lésion pourra être éloignée du siège réel de la maladie. L'épistaxis, lésion locale de la muqueuse nasale, indiquera auss~ bien une lésion de plaques de Peyer, une cong·estion du foie, sans qu'il y ait pour cela la moindre relation anatomique entre ces ap- pareils. En clinique, on s'habitue bien vite à délocaliser le mal, à chercher Jans le système digestif la ca~se d'une convulsion, dans le cerve~u la cause d'un vomissement.

S'il y a des symptômes; fonction de la lésion, repré- sentation rnécanique, anatomique de l'altération de l'or- g·ane, cri de l'organe souffrant, comme on l'a dit, le vrai tableau clinique, priinitif, offert par le malade, est indé- pendant de cette lésion. Il y a une symptomatologie - c'est la plus importante- avant la lésion et sans rap- port avec cette lésion. « Les lésions les plus légères, dit Jules Falret, peuvent exister accompag·nées des troubles les plus marqués; les lésions les plus considér~bles peu- vent exister de longues années sans s'accuser par des symptômes. ))

Rien n'est plus variable, par exemple, que l'histoire de la tuberculose chez l'homme. « On connaît la tuber- culose, mais on ignore la phtisie. >> On voit la phtisie pulmonaire faire périr certains individus avec des lésions de pouinons à peine développées, d'autres vivant très longtemps avec une énorme désorganisation. Les dys- pnées les plus fortes sont le. plus souvent dispro- portionnées avec leurs lésions. Il en est de même des

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névralgies et des névroses. Et les lésions des névrites expliquent-elles les formes purement motrices, sensi- tives, trophiques ?

Cmnment comprendre l'intermittence si fréquente des symptômes correspondant à des lésions permanentes?

A un symptôme passager correspon~ une lésion persis- tante, à une lésion passagère un symptôme permanent.

« Ainsi, comme l'a dit Brown-Séquard, ·un acte réflexe peut persister, bien que la cause soit dès longtemps sup- primée. )) La maladie générale s'épuise sur la lésion lo- cale. Souvent elle va en diminuant à mesure que la lésion gagne en étendue et en intensité. Depuis longtemps, l'école de Montpellier considérait la lésion comme une sorte de crise jugeant l'état morbide général. De même Quinquaud dit, en parlant de la .goutte : « Le foyer de la g·outte, c'est un dépôt au lieu d'élection, ce n'est point une fabrique, rp.ais c'est un émonctoire. )) N'a-t-on pas vu des véritables métastases, dans l'ancienne accep- tion du mot, se produire après la suppression dP ces émonctions?

<<La lésion locale, dit le prof. Bouchard 1, renforce l'immunité et diminue la gravité de la Inaladie générale.

L'immunité générale empêche le développement de l'in- fection et de la lésion; l'immunité naturelle favorise le développement d'une lésion locale; l'absence de l'immu- nité provoque l'infection générale, souvent sans la lésion locale. ))

Si on confère au préalable à un lapin l'immunité acquise du bacille pyocyanique, on peut, en inoculant ensuite la culture de ce microbe sous la peau, détermi- ner la production de la lésion locale.

<< Le résultat du combat entre l'organisme et le mi- crobe, dit le professeur Podwyssocky, dépend de la force de vitalité de ces deux facteurs. Ce résultat sera,

1 Rôle et mécanisme de la lésion locale dans ses maladies -infec- tieuses (Sem. Med. 1889, p., 413}.

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ou une pullulation des microbes et la mort de l'animal, ou leur localisation dans un nid et la destruction plus facile des microbes et des toxines qu'ils élaporent. ))

. Si la lésion manque, .si la maladie ne se localise pas, le pronostic est mauvais.

M. Fochier crée des abcès de fixation dans les fièvres . puerpérales qui ne se localisent pas et sont redoutables de ce fait. L'absence de la lésion locale indique l'absence de l' émonction, aucune porte de sortie ne s'offrant en vue de l'élimination. Ainsi c'est l'évolution qui prépare et conduit la lésion dans ses phases de début, d'état et de déclin. Si locale qu'elle soit, cette lésion organique dé- pend de l'ensemble de la maladie, qui dirige le mouve- ment nutritif du début à la fin.

Si les phénomènes généraux qui constituent la crise font défaut, la ·marche du processus local s'arrête et la lésion passera à la chronicité.

Ainsi dans les maladies infectieuses, la lésion est non seulement l'acte terminal de la maladie, elle en est la solution. Elle est le témoignage de l'effort de la nature médicatrice, comme le démontre scientifiquement l'école

Bouchard. ·

In me PARTIE

NATURE MÉDICATRICE

Quo natura vergit) eo ducendum, tout l'esprit de la médecine hippocratique est dans çes mots.

L'organisme élaborant la matière cc peccante )) lui fai- . sant subir sa c< coction, )) l'éliminant en dehors, apparaît

dans cette médecine comme un être actif, qui veille, di- rige, lutte, répare et conserve. C'est l' autocratia ipsœ naturœ, <<la nature se suffit elle-même. )) Cette idée, re- poussée par l'école positiviste· qui veut ignorer les cau- ses premières, a au contraire toujours été justifiée par la clinique, soit par l'observation du malade. C'est toujours

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le cas de dire avec Hippocrate: Natura morborum me- dicatrix (Epid. nat. 6 No 1)) et avec Baglivi (De Praix Med. Cap. 1) p. 7) : Medicus naturœ minister et inter- pres. Quid quid medit et ur et Jaciat) si na tura non

obtemperat) naturœ non impe rat.

C'est Paracelse qui, en prônant ses spécifiques, invo- quait et cherchait la force saine dans la maladie et dé- clarait : Vit a sana superstes in morbis.

Ce sont V an Helmont, Stahl et Sydenham qui érigent des autels à la nature médicatrice, puis Bouchut, Chauf- fard, etc.J qui de nos jours ont cultivé cette mên1e doctrine.

«Partout où l'acte morbide s'accomplit, se trouve aussitôt un acte curatif, spontané, dynamique ou orga- nique; or l'art du médecin consiste à découvrir la nature et le n1écanisme de cet acte pour le favoriser par les moyens en son pouvoir >> (Bouchut). La découverte de ce contagium vivum si longtemps pressenti, qui prouve dans toute sa vérité expérimentale cette notion de la maladie-lutte, qui met en action tous les procédés et les moyens d'attaque et de défense si ingénieux de l' org·a- nisme, cette découverte n'a-t:...elle pas donné une consé- cration réelle à la notion de la nature médicatrice, cette entité mythologique de l'antiquité? La théorie des mala- dies infectieuses nous montrant les substances Inicro- biennes et les microbes eux-mêmes, digérés, détruits, neutralisés, élin1inés par l'organisme, ne nous rappro- che-t-elle pas singulièrement de la vieille doctrine hip- pocratique?

L'organisme humain possède au plus haut degré ces moyens de défense et d'attaque qui le font vivre de sa vie normale et physiologique et qui ont leurs procédés pour combattre le mal, le vaincre ou le tolérer. La santé n'est-elle pas l'adaptation merveilleuse toujours cons- tante de l'organisme aux conditions qui l'entourent, sa

défense toujours vigilante?

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« Si l'homme vit, dit Bouchard, c'est grâce à la théra- peutique qu'il exerce constamrnent en lui-mê1ne. ))

. « Notre org·anisme, dit-il, est un réceptacle et un la- boratoire des poisons; il en reçoit par l'alimentation, il en fabrique par ses désassimilations et ses sécrétions.

Le corps humain est. encore le théâtre d'élaborations toxiques, qui sont opérées par les microbes normaux.

Ainsï 10 kilogrammes d'homme fabriquent en

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heures de quoi tuer

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kilogrammes d'animal. Mais la neutrali- sation s'opère partout : dans l'intestin,.le foie, les tissus, le sang. Le sang contient constamment des poisons, mais il s'en -décharge aussitôt soit en les cédant aux or- · ganes, soit en les brûlant au contact des globules, mais surtout en les livrant aux émonctoires. Le rein est la sauvegarde principale de l' org·anisme; si le sang est peu toxique, c'est que les urines le sont beaucoup. ))

Nos tissus ont normalement un certain pouvoir bacté- ricide, manifestant ainsi un moyen statique de défense, Cette propriété des tissus vivants est universelle ; c'est ainsi que les parenchymes des plantes présentent égale- ment un milieu défavorable pour le développement des microbes et ce n'est qu'à la suite de lésions que la mul- tiplication de ceux-ci peut s'effectuer (Lomionsky).

Le sang extrait de l'organisme est microbicide. C'est sur cette propriété que Fodor a basé sa théorie de l'im- munité. Lubarch a vu qu'tine goutte de sang du lapin tue une plus grande quantité de bacilles de charbon, que celle qui est nécessaire pour l'empoisonnement général du même lapin.

La salive est également plus ou moins antiseptique;

c'est ce qui a été mis en évidence par Guignard dans ses expériences avec le bacille pyocyanique (Sem. Méd.

1892. Moyens de défense. Charrin).

Le mucus du nez possède les mêmes propriétés, Lar- moyez, Wartz, Renill'ont prouvé; ainsi un staphyloco- que doré en contact avec ce mucus périt au bout de

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heures. Les sécrétions vaginales présentent une cer- taine tendance à l'acidité, condition défavorable pour les microbes. On connaît les propriétés antiseptiques de la ·Qile. Mais c'est le suc gastrique contenant par litre

2 gr. 3o d'acide chlorhydrique, qui nous présente un des plus puissants milieux bactéricides.

A côté de cette action chimique de nos tissus, nous voyons la réaction active de la cellule vivante et c'est à cette force qu'est réserv~e la plus grande place ·parmi nos moyens de défense.

Les surfaces épithéliales opposent une barri~re

solide à la pénétration des attaquants toujours présents.

Les leucocytes, g·arde' cellulaire mobilisable, répondent irnmédiatement aux mig-rations qui se produisent cons- tamment dans les tissus; les amygdales sont un atelier de destruction des microbes (Ruffer) ; la rate devient souvent un des points où l'activité cellulaire se défend . au plus haut degré contre les envahisseurs (Bouchard).

Nous trouvons encore des organes de défense dans les ganglions lymphatiques, dans la moelle des os, dans le tissu adénoïde, dans les plaques de Pey er, dans les· folli-

~ules clos, disséminés dans le tube digestif, milieu si favorable à toutes les sortes d'infections et d'intoxica- tions. Ce sont autant d'adaptations ingénieuses, d'éta- pes successives, qui retiennent immobilisent et détrui- sent l'ennemi.

Le poumon stérilise l'air inspiré (Tyndal). Il détruit en

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heures les spores du charbon. La muqueuse du nez et de la bouche résiste aussi à l'infection charbon- neuse (expériences de Wissokovitch et de Trammatchi- koff sur le lapin).

L'organisme dans son ensemble est un thermorégula- teur vivant, qui adapte constamment sa température à.

tous les change1nents du n1ilieu extérieur, en modifiant les battements du cœur, en accélé~ant ou en raÎentissant

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