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Alain Daniélou ET LA DANSE ( )

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Alain Daniélou

ET LA DANSE (1927-1937)

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Alain Daniélou et la danse

Je comprends que vous cherchez tout à fait autre chose que nous dans votre danse. Alors que nous cherchons une forme plus décorative et symbolique vous cherchez une expression directe de sentiments humains et de forces naturelles. Je crois avoir bien compris l'intensité de votre

expression.

Commentaire du poète Rabindranath Tagore, Prix Nobel de

littérature (1913), à la suite d'une présentation par Alain Daniélou de son

répertoire de danses. Ecole de Shantiniketan (Bengale), années 30.

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La danse comme moyen d’extériorisation du sentiment musical m’attirait beaucoup. A cet intérêt s’ajoutait le rêve

narcissique de manifester mon harmonie physique. La danse est, dans le monde chrétien, le seul domaine où le corps humain est mis en valeur et glorifié. Le sport, à l’époque, n’avait pas le côté spectaculaire qu’il a pris depuis.

Dès ma quinzième année, je pratiquais seul des tentatives d’interprétation et je faisais des exercices d’assouplissement très poussés. J’avais montré mes tentatives à quelques amis qui m’encouragèrent à me perfectionner. Aussitôt que je l’ai pu, j’ai assisté à tous les spectacles de ballet: les ballets russes, les ballets suédois, mais aussi ceux de l’école allemande, de Laban, de Mary Wigman.

La chance voulut que les filles de Bronislava Nijinska soient élèves dans l’institution de ma mère, qui avait trouvé cette personne très convenable et de plus célèbre, ce qui comptait beaucoup. Elle ne fit donc pas trop d’objection lorsque son

imprévisible fils alla trouver Nijinska. J’avais déjà vingt ans, ce qui semblait un peu tard. Pourtant, elle voulut bien s’intéresser à moi et me plaça dans l’école de Legat, le fameux professeur de Nijinski, qui donnait ses cours dans le studio Wacker, place Clichy. Après un bref épisode de service militaire, j’ai été transféré à Paris et j’ai repris aussitôt les cours de Legat. Ce fut une période de travail intense. J’acquis en quelques années une assez bonne technique classique. Mes deux tours en l’air

impeccables, des entrechats-six faciles, des jetés-battus élégants. En dehors des classes, je travaillais plusieurs heures par jour jusqu’à épuisement. J’ai suivi aussi des cours de danse acrobatique dans le gymnase de Saulnier à Montmatre où travaillaient les filles du fameux quadrille du Moulin-Rouge. C’était un milieu sympathique, merveilleux de gentillesse et d’entraide. J’y ai apprécié les profondes qualités humaines de ces filles soi-disant de mauvais vie, si différentes des jeunes filles du monde, frustrées et perfides, qui m’effrayaient ainsi que des énigmatiques « demoiselles » de l’entourage de ma mère.

J’ai été remarqué par une danseuse roumaine, Floria Capsali, plus tard maîtresse de ballet de l’Opéra de Bucarest. Elle m’engagea comme partenaire et nous avons donné ensemble quelques récitals et aussi des numéros dans des boîtes de nuit élégantes. J’ai eu ensuite une autre partenaire, une Anglaise, Marjorie Daw,, brillante technicienne avec laquelle j’ai donné quelques spectacles dans des music-halls. Mon frère Jean vint une fois secrètement me voir danser au Palais d’été de Bruxelles.

Marjorie partit pour une tournée en Angleterre, mais je ne pus obtenir un permis de travail et notre collaboration finit brusquement. J’ai utilisé à cette époque divers pseudonymes.

Ces expériences étaient intéressantes mais ne correspondaient pas à l’idée que je me faisais de la danse qui, pour moi, était une façon de vivre la musique. La manière dont on plaquait des mouvements sur des thèmes musicaux, que d’ailleurs on

déformait, me semblait plus une gymnastique qu’un art. Des danses que me composa Legat ne me plaisaient pas. Je me mis à composer mes propres danses dans lesquelles le mouvement était une interprétation directe du sentiment musical. J’ai donné quelques récitals qui m’ont acquis un certain nombre d’admirateurs.

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Un médecin, fils du peintre Carrière, un journaliste connu, le directeur d’une entrepris industrielle qui me connaissaient à peine m’offrirent des subsides pour des costumes, des salles de concert, etc.

Plusieurs photographes firent de moi des séries de photographies. Un peintre allemand connu, Arthur Grünenberg, fit aussi de nombreux dessins de mes danses.

Dans un récital au Cercle interallié, organisé par la comtesse de Pange, je dansais un fragment de l’Amphion d’Honegger.

Jacques Copeau, qui devait ensuite réciter des poèmes et qui se trouvait dans la coulisse, m’entendit prononcer les quelques mots qui sont indiqués dans la partition. Furieux que quelqu’un d’autre puisse réciter fût-ce une phrase dans un spectacle où il devait participer, il quitta les lieux et le poète Robert Honnert, qui récitait fort mal, dut le remplacer au pied levé.

Dans ce même récital, je portais un costume très succinct, imité des pagnes crétois, pour la Danse des ombres de Gluck.

Deux respectables dames qui se trouvaient au premier rang dirent à haute voix: «On ne peut pas voir cela d’aussi près ! » et elles allèrent ostensiblement s’asseoir trois rangs plus loin.

Ce furent les premiers voyages en Orient qui, graduellement, ont mis fin à ma carrière de danseur qui s’annonçait pourtant bien. Un Opéra allemand m’avait invité à venir régler un ballet sur la musique des Contes d’Hoffmann. J’avais toutefois refusé, ne me jugeant pas assez mûr pour une telle entreprise. J’ai continué durant mon séjour en France à donner quelques récitals, plusieurs avec le danseur javanais Suyana qui était revenu avec nous du premier voyage en Inde. Je me tordis la cheville lors d’un récital à Budapest. Finalement l’Inde prit le dessus, la guerre menaçait. J’ai dû renoncer à la danse.

J’avait connu durant cette période, en dehors de Nijinska, de Legat et de sa femme (qui partirent pour Londres), Karsavina, Preobrajeska, Spessivtseva, Maximova, Rolf de Maré, Mary Wigman, les Sakharov, Peretti, Balanchine, et aussi des musiciens, Max d’Ollone, Henry Sauget, Reynaldo Hann, Nicolas Nabokov, Georges Auric, Francis Poulenc. Beaucoup sont restés des amis. Reynaldo Hann me donna la partition d’un de ses ballets en espérant que je l’utiliserais pour une de mes danses. Max d’Ollone m’avait envoyé son ballet «Le Temple abandonné» avec comme dédicace (utilisant mon pseudonyme de l’époque): «A M. Alain Dunoéli en qui revit la Grèce antique et qui, je l’espère, incarnera un jour ce dieu.» Il y ajouta plus tard, après un de mes spectacles, une deuxième dédicace: « A Alain, qui fut en effet ce dieu, affectueux remerciements de son ami Max. »

La danse avait été pour moi une expérience très intense, une façon d’exprimer les sens profonds de la musique plus proche souvent de la manière dont la vivent certains chefs d’orchestre que des mouvements artificiels de beaucoup de danseurs.

J’avais pratiqué et servi la danse avec passion; peu à peu, elle s’éloigna de moi. Comme tous les arts, la danse est exigante ; une pratique constante est indispensable pour que l’instrument, qui est ici le corps entier, réponde sans effort et avec finesse au fluide merveilleux que déverse en lui la musique.

Extraits du Chemin du Labyrinthe, Souvenirs d’Orient et d’Occident Editions du Rocher, Paris, 1993.

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Studio H.E. Deutsch, Paris 5

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6 Danse tibétaine et à droite photo Alban Paris

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Danse crétoise : Photo Aladàr Székely, Budapest 9

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Alain Dunoéli

Dunoéli était le nom de scène d’Alain Daniélou. Il est d’abord peintre, pianiste, étudie le chant et la danse classique auprès de Nicolas Legat. Avec le photographe Raymond Burnier, il effectue en 1932 un voyage dans le Pamir afghan, en Afrique du Nord puis en Asie du Sud-Est. Il donne plusieurs récitals en 1933-1934. Son répertoire comprend Deux Préludes (Chopin), El Albaïcin (Albeniz), Danses des ombres (Gluck), Danse révolutionnaire (Debussy), Danse du feu (Falla). Il part en Inde en 1935 et devient l’un des grands spécialistes de la civilisation hindoue.

Page 241 :

Parmi les diverses danses qu’Alain Dunoéli présenta en 1933 au Théâtre de l’Oeuvre et en 1934 à la salle des Agriculteurs, figuraient trois danses exotiques, une Danse tibétaine (musique enregistrée), une Danse berbère

(transcription A. Ciappi) et une Danse kafire (transcription de Dunoéli), élaborées d’après les observations qu’il avait lui-même recueillies lors de voyages en Asie et en Afrique du Nord.

Page 262 :

En se tournant vers les danses d’ailleurs, les danseurs occidentaux interrogeaient la nature même du mouvement dansé, sa forme autant que sa signification. Ces danses leur révélaient, du moins le pensaient-ils, la source originelle du mouvement qui, selon l’imaginaire primitiviste, était encore connue des peuples exotiques. « Ce n’est pas tant par une curiosité d’esthète ou de théoricien qu’est poussé Alain Dunoéli quand il s’embarque pour observer les danses

primitives, affirme ainsi le poète Robert Honnert. Il part à la recherche des sèves éternelles…. La technique est utile mais un bon grammairien n’est pas un grand écrivain.. … Le technicien de la danse n’est pas le danseur. Il faut

retrouver le jaillissement, le tuf humain. La danse était faite pour donner aux hommes le spectacle de leurs inquiétudes ou de leurs joies profondes; elle était faite pour représenter de la vie à des vivants; et c’est ce secret que demande Alain Dunoéli à ces danseur des temps lointains, qui réunissaient si étroitement spectateurs et acteurs ». (Robert Honnert, Notre Temps, 8 Mai 1933.)

Associant les peuples exotiques à la primitivité, l’ancestralité, l’immuabilité et la religiosité, les danseurs occidentaux pensaient déceler dans leurs danses la quintessence même de la danse.

Danses exotiques en France 1880-1940, Anne Décoret-Ahiha, Centre National de la Danse, Pantin, 2004

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Amphion, à gauche photo Aladàr Székely, Budapest13

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14 avec Floria Capsali (Floria et Sephar) : Photos Studio Valery

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20 Photo Aladàr Székely, Budapest

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22 Photo Aladàr Székely, Budapest

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26 Deux danses kafires, danse tibétaine, danse canaque

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Soucieux de la conservation de ces photos anciennes et de révéler un aspect peu connu d’Alain Daniélou, à savoir sa carrière de danseur dans les années 30, le Centre d’Etudes Alain Daniélou a réalisé cet album qui fait revivre un pan de la vie de cet artiste avant son départ pour l’Inde.

C’est là qu’il aura l’occasion de danser pour le poète Rabindranath Tagore. Son installation à Bénarès en 1937 l’éloigne de la danse au profit de la musique : il étudie la musique indienne, apprend à jouer de la Vina, puis s’immerge dans la tradition hindoue, sa culture, sa philosophie.

En 1994 son ami, le compositeur Sylvano Bussotti s’intéresse aux musiques qu’Alain Daniélou avait composées dans sa jeunesse et publie un petit recueil « Quatre danses d’Alain » qu’il complète. Ces danses seront interprétées entre autres par le danseur Toni Candeloro.

Centre d’Etudes Alain Daniélou, Avril 2011 Réalisation Jacques Cloarec, Sylvain Dumont et Giorgio P. Pace © Fondation Harsharan

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28 Shiva Nata Raja, Seigneur de la danse, Musée de Delhi

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Photo de couverture :

Dessin à la sanguine d’Arthur Grunenberg Peintre et dessinateur, né le 24 Août 1886 à Königsberg, Prusse orientale. Il consacra ses études au droit et se tourna vers les arts grâce à l’influence de  F.v. Lenbachs ; il travailla auprès de C.  Landenberger à Munich et d’Arthur Kampf à Berlin. Il entreprit également des voyages d’étude en France et en Belgique pour parfaire sa formation. A son retour il s’installa à Berlin. Il peignit des pastels et des huiles (« Jeune noble polonais », pastel, 1908, Aristocrate polonais, Huile 1910, Pierrot, Huile, 1915, Jeune Slave, Pastel, 1916) puis se consacra à la composition figurative, en particulier la représentation de la danse et des mouvements rythmiques de jeunes personnages en mouvement. Les pastels, « Pas de Trois », « Le train des Bacchants », 1917,

« Rondes », 1911et 1918) en témoignent.  Par la suite il composa des bouquets de fleurs de couleurs vives et des compositions

monumentales de groupes comme « Chevaux maîtrisant les Dioscures », peinture à l’huile, 1921. A côté de ces créations, Grünenberg  révèle ses talents à travers une œuvre foisonnante : cartographie, lithographie : 

« Ballets Russes », « Anna Pawlona »,

« Personnages »,  puis, plus tard, comme illustrateur d’Horace, de Boccace, de Ninon de Lenclos, de Manon Lescaut, et d’Ekkehard  (par des dessins à la sanguine pour la plupart).  

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