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La danse

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Vol 62: january • janVier 2016

|

Canadian Family PhysicianLe Médecin de famille canadien

e43

Prix AMS—Mimi Divinsky | Récits en médecine familiale

Meilleur récit rédigé par un résident

La danse

Jessica Ladouceur

MD CCFP

M

me J est une femme d’âge moyen. Comme elle n’a pas le moral depuis un certain moment déjà, elle sent que le moment est venu de consulter. Au début de notre discussion, on peut facilement voir qu’elle est anxieuse. J’imagine qu’elle se demande où se trouve le « vrai » médecin. Je songe à une façon de la mettre à l’aise pour l’amener à partager son histoire avec moi. Je lui demande de me parler de son travail, puis au moment où un rapproche- ment s’établit, nous passons des choses superficielles à des questions plus sérieuses. Je prends conscience de mon langage corporel, de ma posture et du contact visuel, car j’essaie de lui montrer mon ouverture afin de créer un espace sécurisant.

Nous explorons ses états d’âme et ses sentiments d’inadaptation, de culpabilité et de désespoir. Nous par- lons du fait que plus rien ne lui fait plaisir, qu’elle ne peut plus dormir et qu’elle n’a pas l’énergie nécessaire pour se sortir du lit. Je me rends compte que je suis arrivé, je ne sais trop comment, à faire qu’elle se sent à l’aise. Il n’y a plus d’hésitation; elle raconte son histoire, libérée de toute entrave. Elle pleure, si bien que je lui offre un mouchoir, puis la réassure. Je suis ravie d’avoir pu faire tout cela dans cet entretien.

Soudainement, le désespoir me saisit moi aussi. Je me rends compte qu’elle me rappelle beaucoup ma

tante et que je me sens dépassé par ce qu’elle est en train de décrire. Je reconnais que sa situation me touche, ce qui fait que je prends un moment pour me ressaisir.

J’essaie de prendre conscience de ma réaction, puis je me rappelle qu’elle n’est pas ma tante et que de percevoir cette différence fait que je suis bien mieux placée pour l’aider. Je pense à mon rôle dans cette situation et à mes responsabilités en tant que professionnel.

La conversation se poursuit. Elle me raconte des choses qu’elle n’a dites qu’à très peu de gens. Elle parle de choses douloureuses comme la violence corporelle, sexuelle et verbale. Elle m’en dit plus sur son ex-mari, expliquant qu’il frappait ses enfants et que c’est la rai- son pour laquelle ils n’ont pas grandi dans leur famille.

Elle me raconte qu’elle n’a pas pu rétablir sa relation avec ses enfants après cela, mais qu’elle est maintenant avec un homme qui tient beaucoup à elle et qui la traite bien. Rapidement, je songe aux déterminants sociaux en santé et à l’ensemble d’événements qui ont fait en sorte qu’elle se soit retrouvée dans cette situation. Nous par- lons de certains événements de cet ensemble.

La conversation prend fin. Elle se sent soulagée d’avoir pu dire ce qu’elle avait sur le cœur et entrev- oit le traitement et l’avenir avec enthousiasme. Je suis étonnée de cette danse dans laquelle nous venons tout juste de nous lancer et du naturel de l’entretien. Son

« vrai » médecin arrive pour donner son accord au plan de gestion que nous avons négocié.

Lors du suivi, deux semaines plus tard, Mme J demande tout particulièrement à me voir, et cette fois, nous n’avons pas à nous apprivoiser, car une relation a déjà été établie entre nous. C’est pour moi un honneur, et je suis émerveillée par ce nouveau type de relation que j’ai forgée, la relation médecin-patient.

Dre Ladouceur est en sa première année de pratique à Belleville (Ontario).

The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the January 2016 issue on page 67.

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