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Analyse de livre. <i>La relation aidant-aidé dans la maladie d’Alzheimer</i>, de Pierre Charazac, Isabelle Gaillard-Chatelard, Isabelle Gallice

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1816 Date: May 16, 2018 Time: 3:59 pm

Livres

L’Information psychiatrique 2018 ; 94 (5) : 408-10

Analyse de livre

Pierre Charazac, Isabelle Gaillard-Chatelard, Isabelle Gallice La relation aidant-aidé

dans la maladie d’Alzheimer Paris : Dunod, 2017

Cet ouvrage contribue à la connaissance d’une situation que les praticiens et autres intervenants du monde sanitaire et médicosocial connaissent de fac¸on partielle et partiale, la relation aidant-aidé au sein de la maladie d’Alzheimer.

Sa force est de mettre la focale sur ce lien et ses « vicissitudes » dans une perspective avant tout clinique, une orientation qui évite toute catégorisation des aidants ou typologie du lien. Cette position éthique se double d’une conception dynamique où les capacités affec- tives et relationnelles du malade Alzheimer sont mises en avant plus que les déficits. Relevons également laconsidération1pour les différents protagonistes du drame humain que constituent l’émergence et le déroulement d’une maladie d’Alzheimer.

L’exposé relève plus du témoi- gnage d’expérience que d’un désir de démonstration ; il convainc le lecteur de la pertinence des pro- pos introductifs. Le développement prend appui sur un constat : la mala- die d’Alzheimer affecte les fonctions symboliques. Il s’agit de la consci-

1«La confrontation avec la vulnérabilité de l’autre et l’acceptation de la nôtre sont les conditions de la considération et ce qui trans- forme le sentiment que nous avons d’être concernés par le sort d’autrui en une action visant à le conduire vers son bien propre». C.

Pelluchon,Ethique de la considération. Seuil : Paris, 2018. p. 121.

ence de soi, des autres, du monde environnant et de leurs représen- tations. Les troubles affectifs et relationnels en sont le corrélât2. Le lien aux autres et d’abord au proche-aidant, ses altérations, ses évolutions doivent être l’objet du soin tout autant que les troubles présentés. « Bien des symptômes attribués à l’évolution de la mala- die d’Alzheimer prennent sens dans les affects et les pensées qui s’échangent ou non dans ce couple, et pas seulement dans les actes de son quotidien car, aussi nécessaires soient-ils, les gestes de l’aide ne suf- fisent pas pour doter la relation des qualités requises », ce qui conduit les auteurs à faire l’hypothèse que les symptômes comportementaux dépendent au moins autant de l’adéquation de la relation d’aide que de la maladie proprement dite.

Dernier point, l’approche du lien aidant-aidé dépasse l’aide ou l’accompagnement pour se hisser au niveau de l’engagement et du questionnement propres au soin et à son action psychothérapique.

D’où l’intérêt d’intervention de guidance auprès des proches- aidant. Ce recentrage est patent si l’on considère la part consa- crée dans la thérapeutique des troubles psycho-comportementaux de la maladie d’Alzheimer aux traitements psychotropes, et la valorisation par les auteurs des interventions par la parole visant le sujet et sa relation à l’autre qui sont habituellement mis en annexe dans les approches non médicamen-

2Selon les auteurs :«plus ses (du patient) moyens symboliques sont altérés, plus les émotions s’expriment d’une manière directe, rendant possible leur reprise et leur inscription dans le quotidien du couple».

teuses de l’affection. L’intérêt du livre est d’éclairer ce que les profes- sionnels des champs sanitaires et médico-sociaux intervenant auprès de ces patients ou de leur proche constatent au quotidien. Le discours et le comportement de proches- aidant peuvent être perc¸us comme contradictoires, jugés inadaptés, interpeller les équipes et les amener à des jugements moraux hâtifs, binaires. . . Le décryptage effectué est précieux et exemplaire. Dans le quotidien de notre exercice nous n’avons souvent ni le temps, ni les outils théoriques, ni l’exigence d’entreprendreun travail d’analyse des pratiques. La démarche cli- nique présentée s’appuie sur les discours, les comportements, les représentations éclairées par les concepts analytiques. Il s’agit d’une psychanalyse en application auprès des institutions : la quête est celle du sens à donner, en repérant les mouvements affectifs, émotionnels et transférentiels. Les attitudes procèdent de forces agissant à l’insu des sujets qui témoignent de l’ambivalence et des comporte- ments contradictoires dictés par des désirs inconscients. Les concepts utilisés sont le transfert, les diverses formes de la méconnaissance, les mécanismes de défense, la dualité pulsionnelle, ainsi que le retour à l’infantile et à la qualité des rela- tions aux parents qui structurent le sujet et son mode de relation dans l’axe narcissique-objectal.

La construction du moi condi- tionne, avec la qualité antérieure d’un lien de complémentarité, d’interdépendance ou de rivalité, les compétences de l’aidant.

L’ouvrage comporte deux par- ties, l’une théorico-clinique, l’autre faite d’observations commentées à trois voix : celle du psychiatre, celle du gériatre consultant en centre-mémoire et celle du gériatre coordonnateur d’Ehpad. À la définition des termes couple, dépendance, aidant, démence, far- deau, succède l’analyse du couple

doi:10.1684/ipe.2018.1816

Rubrique coordonnée par Joséphine Caubel

408 Pour citer cet article : Analyse de livre.L’Information psychiatrique2018 ; 94 (5) : 408-10 doi:10.1684/ipe.2018.1816

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1816 Date: May 16, 2018 Time: 3:59 pm

Analyse de livre

aidant-aidé et de son évolution en fonction des cycles de la maladie.

Les chapitres suivants installent la relation d’aide dans le soin en essayant de cerner la définition d’une aide adaptée, ce qui conduit à la notion del’aidant suffisamment dévoué, ainsi que les fondements et le cadre de la guidance du couple aidant-aidé.

La définition de l’aidant donnée par les auteurs peut être complé- tée par le rappel de celle de la loi3 qui fixe le terme de proche- aidant. À côté des données socio- logiques apportées sur la nature des proches aidants conjoints/enfants, et leurs attributions, qui relèvent

«d’idéaux éthiques de la société. . . et répondent aussi à des impéra- tifs communautaires d’ordre éco- nomique et politique ainsi qu’à des déterminations privées d’ordre familial», il est utile de s’intéresser aussi au mode de désignation fami- lial ou d’autodésignation de l’aidant.

Parmi les repères théoriques pré- sentés dans les premiers chapitres, nous retenons icila parentalisation de l’enfant aidant, avec fantasme du renversement de l’ordre des générations ou la parentalisation du conjoint aidant, et les identifi- cations narcissiques mobilisées qui conduisent à l’idéalisation et à la dépression.Le chapitre 2 est consa- cré à la notion du fardeau soit

«l’ensemble des contraintes maté- rielles et morales que la dépendance d’un proche fait subir à l’aidant, et leurs conséquences sur sa santé physique et psychique. Le fardeau est défini par des critères objectifs liés à la nature de la dépendance mais qui sont à relativiser : la souffrance et l’énergie mobilisée dans les actions positives comme dans le contre-investissement des représentants pulsionnels négatifs,

3Il s’agit de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 31 décembre 2015 qui donne une définition du proche-aidant mais pas un statut avec des droits afférents.

Les associations professionnelles utilisent le terme d’«intervenant à domicile»pour se dis- tinguer de l’action des aidants familiaux.

peuvent être compensées par la satisfaction narcissique d’assumer une fonction conforme à ses idéaux et à son surmoi. Souffrance et satisfaction peuvent coexister. Le refus d’aide extérieure malgré la surcharge de travail conduit les auteurs à souligner la culpabilité qui éclaire certains comportements des aidants : leur sollicitude, leur dévouement parfois à l’excès est dicté par l’amour-le devoir-le senti- ment de honte, le désir de réparation ou le poids de la dette. La logique de contrepartie éclaire les motiva- tions à consacrer une tranche de vie à prendre soin d’un conjoint ou parent. Elle peut conduire au sacri- fice. La maladie d’un proche atteint d’une maladie d’Alzheimer consti- tue une épreuve mettant à mal à la fois l’aidant lui-même et le lien qui est attaqué dans ses fonda- tions faites d’amour, d’admiration et de considération pour le parte- naire. Les affects mobilisés face à l’adversité amènent à des moments de désolation, de dépression ou de défense maniaque marquée par le sentiment de toute puissance. Les auteurs décrivent des cycles dans l’avancée de la maladie et dans la dépendance, avec des moments charnière vécus par le patient mais aussi perc¸us par ses proches : l’annonce du diagnostic, le maintien au domicile au prix d’unhuis-clos, l’entrée en institution et la fin de vie anticipée par une phase de pré- deuil. Ces temps cruciaux, ainsi que le surgissementd’événements- seuil amènent l’aidant à ajuster son positionnement, à recourir à d’autres intervenants, à partager l’accompagnement, le soin. L’aidant est en dialogue avec les interve- nants au domicile, les équipes de l’hôpital, puis celle d’un Ehpad. Ces rencontres conduisent le proche- aidant qui détient un savoir profane fait d’intuitions, de trouvailles pour contrer l’angoisse, le sentiment, d’insécurité, la peur de la perte, res- sentis par le patient, à le confronter à celui des professionnels.

Les derniers chapitres sont dédiés aux mesures de soutien de

l’aidant. Y sont décrits les recours depuis les intervenants au domi- cile, aux groupes de parole, aux plates-formes de répit, et inter- ventions psycho-éducatives. La qualité de l’aide, ce qui la rend adaptée, entre carence et excès, ce qu’elle mobilise, y compris les risques de « sortie de la bientrai- tance»et la notion de travail de la dépendance y sont abordées. Le dernier chapitre traite des solutions sous forme d’une guidance avec propositions d’entretien et des préconisations.

La seconde partie de l’ouvrage est consacrée à des présentations cliniques. Le regard croisé des trois praticiens qui fait suite aux douze observations enrichit la réflexion et amène à une discussion de cas, à la description des enjeux mobilisés, à l’analyse du système familial, le tout ouvrant à des dilemmes éthiques.

Les orientations prises sont inter- rogées tour à tour par le regard du psychiatre, du gériatre consul- tant et du gériatre institutionnel.

Le lecteur est impliqué par ces situations retenues pour leur exem- plarité ou leur complexité. Notons l’effet de circularité entre la partie théorico-clinique qui porte un éclai- rage sur les cas cliniques qui à leur tour sont un matériau pour la par- tie théorique. La richesse, la clarté des appoints théorico-cliniques au service de la relation d’aide font regretter que cette recherche trans- posable à d’autres entités patho- logiques chroniques se limite au domaine de la maladie d’Alzheimer.

Cette affection neurodégénérative cérébrale se distingue cependant par l’atteinte première des fonctions intellectuelles et relationnelles ; la perte d’autonomie décisionnelle ou physique en découle. L’approche holistique des auteurs privilégie le sujet malade à la maladie. La pers- pective dynamique se démarque d’une conception des troubles iso- lés de leur contexte et réduits à un effet du lésionnel. Dans un temps marqué par l’influence des neurosciences sur notre discipline et l’appropriation de la maladie

L’Information psychiatriquevol. 94, n5, mai 2018 409

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d’Alzheimer par les neurologues, il convient de souligner cette paru- tion qui illustre aussi bien la place de la psychanalyse dans notre champ que celle de la psychia- trie dans celui des maladies neu-

rodégénératives. Nous engageons l’ensemble des équipes et per- sonnes concernées par l’approche de sujets présentant de telles patho- logies à se saisir de cet ouvrage de référence.

Georges Jovelet

<georges.jovel@wanadoo.fr>

Liens d’intérêts

l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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