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Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : l’appauvrissement de Gaza sous le blocus

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Academic year: 2022

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Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : l’appauvrissement de Gaza sous le blocus

C O N F É R E N C E D E S N A T I O N S U N I E S S U R L E C O M M E R C E E T L E D É V E L O P P E M E N T

Printed at United Nations, Geneva

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Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : l’appauvrissement

de Gaza sous le blocus

NATIONS UNIES

Genève, 2020

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© 2020, Nations Unies Tous droits réservés pour tous pays

Les demandes de reproduction ou de photocopie d’extraits de la présente publication doivent être adressées au Copyright Clearance Center depuis le site Web copyright.com.

United Nations Publications 405 East 42nd Street,

New York, New York 10017 États-Unis d’Amérique

Courriel : publications@un.org Site Web : shop.un.org

Les constatations, interprétations et conclusions qui y sont exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’Organisation des Nations Unies, de ses fonctionnaires ou des États Membres.

Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui figurent sur les cartes n’impliquent de la part du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Publication des Nations Unies établie par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.

UNCTAD/GDS/APP/2020/1

eISBN : 978-92-1-005263-4

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Note

La présente étude a été établie par le secrétariat de la CNUCED, à partir de recherches effectuées par le consultant de cet organisme, M. Jean-Louis Arcand, professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et du développement, Genève. Elle vise à stimuler le débat sur la question considérée.

Le terme « dollar » s’entend du dollar des États-Unis d’Amérique.

Dans les tableaux, un tiret (-) indique que l’élément considéré est sans objet.

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Table des matières

Abréviations ... vii

Résumé ... viii

I. Introduction et objectifs ... 1

A. Mandat ... 1

B. Objectifs ... 2

II. Bouclage, restrictions et hostilités récurrentes à Gaza : vue d’ensemble ... 3

A. Bouclage terrestre, maritime et aérien ... 3

B. Restrictions sur la circulation des personnes ... 5

C. Restrictions sur la circulation des marchandises ... 5

D. Les trois opérations militaires ... 6

E. Impact et coûts du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes ... 6

III. Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien à Gaza : bouclage, restrictions et hostilités récurrentes, 2007-2018 ... 8

A. L’économie palestinienne à Gaza : situation et évolution ... 8

B. L’économie palestinienne à Gaza sous l’effet du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes ... 11

C. Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : effets du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes à Gaza, 2007-2018 ... 14

IV. Estimation du coût du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes en termes de pauvreté, 2007-2017 ... 18

A. Mesure de la pauvreté à Gaza, 2007-2017 ... 18

B. Mode d’allocation de l’assistance ... 30

C. Impact des coûts économiques du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes sur la pauvreté à Gaza ... 33

V. Conclusion et recommandations ... 37

A. Observations finales ... 37

B. Recommandations ... 38

Annexe 1 Variables : Définition et mesure... 39

Annexe 2 Statistiques récapitulatives tirées des enquêtes sur les dépenses et la consommation et des recensements palestiniens, 2007 et 2017 ... 41

Bibliographie ... 45

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Carte Gaza : Accès et circulation, décembre 2018 ... 4

Figure 1 Gaza : Taux de croissance réel et taux de chômage ... 8

Figure 2 Gaza : Part dans l’économie palestinienne ... 9

Figure 3 Gaza : Ventilation sectorielle de l’économie ... 10

Figure 4 Gaza : Ventilation sectorielle de l’emploi ... 11

Figure 5 Gaza : Composantes du produit intérieur brut ... 13

Figure 6 Gaza : Produit intérieur brut, scénario 1 ... 16

Figure 7 Gaza : Produit intérieur brut, scénario 2 ... 16

Figure 8 Gaza : Fonctions de densité cumulée empirique pour les dépenses mensuelles totales des ménages par équivalent adulte, y compris l’assistance... 20

Figure 9 Gaza et Cisjordanie : Courbes de Lorenz, 2007 et 2017 ... 22

Figure 10 Gaza et Cisjordanie : Inversion du niveau d’inégalité entre 2007 et 2017 ... 23

Figure 11 Gaza : Courbes de Lorenz avec et sans assistance, 2007 et 2017 ... 24

Figure 12 Estimation semi-paramétrique de l’effet des dépenses par équivalent adulte avant assistance sur l’assistance par équivalent adulte ... 32

Figure 13 Estimation semi-paramétrique de l’effet des dépenses par équivalent adulte avant assistance sur l’assistance en tant que fraction des dépenses avant assistance ... 32

Figure 14 Gaza et Cisjordanie : Courbes d’incidence de la croissance, 2007-2017 ... 34

Figure 15 Territoire palestinien occupé : Courbe d’incidence de la croissance, 2007-2017 ... 35

Tableau 1 Gaza : Situation économique avant et après le bouclage et les restrictions – quelques indicateurs ... 12

Tableau 2 Gaza : Produit intérieur brut réel, scénarios 1et 2 ... 17

Tableau 3 Gaza : Produit intérieur brut réel par habitant, scénarios 1et 2 ... 17

Tableau 4 Résultats de régression : Dépenses mensuelles réelles logarithmiques par équivalent adulte, avec assistance ... 27

Tableau 5 Résultats de régression : Dépenses mensuelles réelles logarithmiques par équivalent adulte, sans assistance ... 28

Tableau 6 Gaza : Incidence de la pauvreté et écart de pauvreté, avec et sans assistance ... 29

Tableau 7 Partie paramétrique de l’estimation semi-paramétrique des éléments déterminants de l’assistance par équivalent adulte et de l’assistance en tant que fraction des dépenses totales par équivalent adulte ... 31

Tableau 8 Gaza : Mesures de l’incidence de la pauvreté et de l’écart de pauvreté selon les scénarios 1 et 2 ... 35

Tableau 1.1 Variables : Définition et mesures ... 39

Tableau 2.1 Statistiques récapitulatives : Enquête palestinienne sur les dépenses et la consommation de 2007 ... 41

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Tableau 2.2 Statistiques récapitulatives : Recensement de 2007 ... 42 Tableau 2.3 Statistiques récapitulatives : Enquête palestinienne sur les dépenses

et la consommation de 2017 ... 43 Tableau 2.4 Statistiques récapitulatives : Recensement de 2017 ... 44

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Abréviations CIC Courbe d’incidence de la croissance

MPE Meilleure prédiction empirique

PCBS Bureau central palestinien de statistique PIB Produit intérieur brut

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Résumé

Depuis juin 2007, la bande de Gaza est soumise à un bouclage complet et à des restrictions des accès terrestres, maritimes et aériens, assimilables en fait à un blocus, qui concernent près de 2 millions de personnes vivant sur 365 kilomètres carrés. À cette date, Israël a renforcé les restrictions sur la circulation des personnes et des biens à l’entrée et à la sortie de Gaza. L’entrée des marchandises a été réduite au minimum et les exportations ont été interdites. Outre ce bouclage et ces restrictions, les hostilités ont repris trois fois sur une période de six ans, la première opération se déroulant en décembre 2008. Si les restrictions à l’entrée et à la sortie de Gaza se sont légèrement assouplies au cours des années suivantes, la circulation des personnes et des biens reste à la fois très limitée et imprévisible, ce qui a contribué à une crise humanitaire permanente sans précédent.

Le bouclage, les restrictions et les opérations militaires ont entraîné le quasi-effondrement de l’économie régionale de Gaza, ainsi que sa séparation du reste de l’économie palestinienne. Gaza a enregistré l’un des taux de chômage les plus élevés au monde, et plus de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La majorité de la population n’a pas accès à une eau salubre, à un approvisionnement régulier et fiable en électricité ou à un véritable réseau d’égouts. En onze ans, entre 2007 et 2018, l’économie régionale de Gaza a connu une croissance d’à peine 4,8 %, et sa part dans l’économie palestinienne est passée de 31 % en 2006 à 18 % en 2018. De ce fait, le produit intérieur brut (PIB) par habitant a diminué de 27 %, le chômage s’est accru de 49 % et la pauvreté a augmenté de 42 %.

Deux trajectoires ou scénarios de croissance contrefactuels pour Gaza à partir de 2007 permettent d’évaluer les pertes économiques dues à l’occupation et aux mesures connexes.

Le scénario 1 suppose que l’économie de Gaza a continué de croître de 3,7 % par an, comme au cours de la période 1995-2006. L’application de ce taux de croissance annuel à partir de 2007 montre que le PIB de Gaza aurait été supérieur de 23,7 % par an à sa progression effective.

Les pertes économiques réelles cumulées qui en découlent se chiffrent à 7,8 milliards de dollars, soit 2,7 fois le PIB de Gaza ou 50 % du PIB du Territoire palestinien occupé en 2018. Le PIB par habitant en 2018 aurait été de 46,7 % supérieur à son niveau effectif.

Le scenario 2 considère qu’à partir de 2007, la part de Gaza dans l’économie du Territoire palestinien occupé est restée la même qu’en 2006. Cela signifie que l’économie de Gaza a continué à croître au même rythme que celle de la Cisjordanie, c’est-à-dire de 6,6 % par an. Dans ce scénario, le PIB de Gaza aurait été 50 % plus élevé que dans le scénario de référence et les pertes économiques réelles cumulées avoisinent 16,7 milliards de dollars, soit 5,7 fois le PIB de Gaza ou 107 % du PIB du Territoire palestinien occupé en 2018. Le PIB par habitant en 2018 aurait été supérieur de 105,5 % à son niveau effectif ou égal à 1 539 dollars (en dollars constants de 2015).

Il est à souligner que les deux scénarios envisagent uniquement les coûts économiques de l’occupation qui sont dus aux mesures de bouclage, aux restrictions et aux opérations militaires de la période 2007-2018 à Gaza. Ils sont donc à la fois prudents et partiels, et ne prennent pas en compte les coûts totaux imposés au peuple palestinien à Gaza par l’occupation, car aucun des deux scénarios ne prévoit la fin de celle-ci. Autrement dit, ils supposent l’un et l’autre l’existence de toutes les mesures et restrictions appliquées sous l’occupation, à Gaza ou en Cisjordanie, la

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différence étant l’imposition prolongée d’un bouclage et de restrictions à Gaza et les hostilités répétées. Il convient également de noter que le scénario 2 est plus pertinent, car il montre que, si le bouclage, les restrictions et les hostilités n’avaient pas eu lieu, il n’y aurait pas eu d’effets aussi importants, qui ont empêché Gaza de garder sa place dans l’économie palestinienne.

L’analyse des données microéconomiques fait également ressortir la dégradation des conditions de vie à Gaza entre 2007 et 2017. En utilisant des méthodes statistiques standard qui associent des données d’enquête et de recensement, l’analyse montre que l’incidence de la pauvreté qui, en 2007, touchait 40 % de la population, a atteint 56 % en 2017. Parallèlement, l’écart de pauvreté à Gaza est passé de 13,95 % à 19,87 %. Lorsque l’aide est exclue, les mesures de la pauvreté sont plus élevées.

L’analyse montre que la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 44,45 % en 2007 à 63,66 % en 2017 et l’écart de pauvreté de 17,36 % à 26,06 %. Cette dernière estimation permet de calculer le coût annuel minimum total de l’élimination de la pauvreté, qui a quadruplé entre 2007 et 2017, passant de 209 millions de dollars à 838 millions de dollars. Ces chiffres représentent 8,7 et 28,7 % du PIB de Gaza en 2007 et 2017, respectivement. La différence de 629 millions de dollars entre 2007 et 2017 donne une idée du coût du bouclage et des restrictions en termes de pauvreté. Elle représente 22,3 % du PIB de Gaza ou 4 % du PIB du Territoire palestinien occupé en 2017 (en dollars constants de 2015).

Combiner les scénarios de croissance de portée macroéconomique avec les données relatives aux ménages permet de mieux quantifier les coûts de l’occupation. Selon le scénario 1, le taux de pauvreté serait tombé de 56,19 à 35,12 % et l’écart de pauvreté aurait été ramené de 19,87 à 11,88 % en 2017. Selon le scénario 2, le taux de pauvreté aurait même davantage baissé, pour atteindre 14,99 %, et l’écart de pauvreté aurait reculé à 4,26 % en 2017. Par conséquent, que le problème soit considéré dans une perspective macroéconomique ou microéconomique, le coût de mesures propres à contrebalancer l’impact du bouclage, des restrictions et d’hostilités répétées sur le bien-être des ménages à Gaza reste considérable.

La présente étude formule aussi diverses recommandations visant à mettre Gaza sur la voie d’un développement durable. Elles consistent notamment à : lever le bouclage et les restrictions, ainsi que toutes les entraves aux voies d’accès et à la circulation, afin de réintégrer Gaza à la Cisjordanie et au reste du monde ; tirer parti du potentiel économique de Gaza en aménageant un port maritime et un aéroport ; lancer d’importants projets dans les secteurs de l’eau et de l’énergie pour rétablir le plein accès de la population à l’eau et à l’électricité ; exploiter les riches ressources pétrolières et gazières se trouvant au large de Gaza.

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I. Introduction et objectifs

Israël a occupé Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, en juin 1967. Cependant, en dépit de son désengagement de Gaza en 2005, l’occupation est restée pleinement en vigueur, pesant sur les perspectives de paix. Les années qui ont suivi se sont révélées encore plus difficiles pour la population appauvrie de Gaza.

À l’exception d’une section de 12 kilomètres limitrophe de l’Égypte, la Puissance occupante a conservé le contrôle de toutes les frontières terrestres, maritimes et aériennes de Gaza. Subissant depuis juin 2007 un bouclage total et des restrictions des accès aériens, terrestres et maritimes, près de 2 millions de Palestiniens vivent sur 365 kilomètres carrés, soit une des plus fortes densités de population au monde. Outre le bouclage et les restrictions, il y a eu depuis décembre 2008 trois grandes périodes d’hostilités qui ont fait des milliers de morts et de blessés parmi les Palestiniens, anéanti la capacité de production et conduit à une crise humanitaire et à un grave problème de dépendance à l’égard de l’aide.

En 2012, l’Organisation des Nations Unies a prévenu qu’il faudrait enrayer les tendances négatives actuelles pour faire de Gaza un lieu vivable en 2020 (United Nations, 2012). Depuis, la situation sociale et économique s’est au contraire aggravée et Gaza a connu l’une des pires évolutions économiques à l’échelle de la planète, a enregistré l’un des taux de chômage les plus élevés au monde et a vu plus de la moitié de sa population tomber sous le seuil de pauvreté (International Labour Office, 2018). La grande majorité de la population n’a pas accès à l’eau potable, à l’électricité ou à un véritable réseau d’égouts et l’environnement ne cesse de se dégrader. Depuis le début du bouclage et des restrictions, le peuple palestinien de Gaza a subi treize années de régression du développement, de destruction du potentiel humain et de déni des droits de l’homme fondamentaux. Des efforts de relance ont été faits, mais les interventions se sont concentrées sur la reconstruction et l’aide humanitaire, laissant peu de ressources pour le développement ou la remise en état de l’appareil productif.

A. Mandat

L’occupation a eu de profondes répercussions socio-économiques sur le peuple palestinien et lui impose un tribut qui n’a cessé de s’alourdir au fil du temps. Dans six résolutions (69/20, 70/12, 71/20, 72/13, 73/18 et 74/10), l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé à la CNUCED de lui faire rapport sur les coûts économiques que l’occupation israélienne entraîne pour le peuple palestinien.

Ces coûts ont été décrits et évalués dans divers rapports établis en application des résolutions susmentionnées. La CNUCED a, en 2015, adressé à l’Assemblée générale une note sur les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien (United Nations, General Assembly, 2015). En 2016, elle a établi un rapport plus détaillé en prévision de la soixante et onzième session de l’Assemblée et en 2018, lui a adressé un rapport à sa soixante-treizième session (United Nations, General Assembly, 2016 ; 2018). Plus récemment, la CNUCED a rédigé un rapport pour la soixante-quatorzième session de l’Assemblée (United Nations, General Assembly, 2019). Dans ces divers rapports, la CNUCED fait ressortir le coût économique élevé que l’occupation continue d’imposer au peuple palestinien. Elle y souligne combien il est urgent de

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procéder à une nouvelle évaluation de ces coûts et de mieux comprendre leurs retombées sur le bien-être des Palestiniens et les perspectives de développement économique dans le Territoire palestinien occupé. La CNUCED insiste également sur la nécessité de mettre en place, au sein du système des Nations Unies, un cadre durable permettant d’évaluer ces coûts d’une manière systématique, factuelle et exhaustive, mesure indispensable pour réparer les dommages causés par l’occupation, atteindre les objectifs de développement durable dans le Territoire palestinien occupé et instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient.

B. Objectifs

La présente étude a principalement pour objet de faire la lumière sur la situation critique à Gaza et de chiffrer les coûts du bouclage et des restrictions ainsi que des opérations militaires pour le peuple palestinien qui y vit, une attention particulière étant accordée à la situation sociale et économique des ménages. Après une vue d’ensemble du bouclage, des restrictions et des hostilités répétées, la première partie de l’étude examine deux trajectoires de croissance contrefactuelles pour Gaza à partir de 2007, afin de donner un ordre de grandeur de la croissance économique qui aurait pu être réalisée si ce bouclage, ces restrictions et ces hostilités n’avaient pas eu lieu, autrement dit de laisser entrevoir les coûts économiques en termes de perte de PIB. La deuxième partie de l’étude applique la méthode de la meilleure prédiction empirique (MPE) de Molina, Rao et Datta (2015) pour tirer parti à la fois des enquêtes sur les ménages et des recensements, en vue de calculer l’incidence de la pauvreté et d’autres indicateurs, qui permettent ensuite d’évaluer l’impact du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes sur les ménages de Gaza en utilisant les indices de l’écart de pauvreté et de l’intensité de la pauvreté. Pour finir, l’étude formule à l’intention de la Puissance occupante, des décideurs palestiniens, de la communauté internationale et des organismes de développement une série de recommandations concernant la nécessité de mettre fin au bouclage et aux restrictions à Gaza et d’en atténuer le lourd impact.

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II. Bouclage, restrictions et hostilités récurrentes à Gaza : vue d’ensemble

Les restrictions appliquées de longue date sur la circulation des personnes et des biens à destination et en provenance de Gaza ont fragilisé les conditions de vie de 2 millions de Palestiniens. Bon nombre des mesures restrictives actuellement en vigueur, initialement établies par Israël au début des années 1990, ont été intensifiées en juin 2007 avec l’imposition d’un bouclage et de restrictions (United Nations, 2017). Israël a alors renforcé les entraves à la circulation et à l’accès des personnes et des biens à l’intérieur et à l’extérieur de Gaza, en réduisant au minimum l’entrée de produits, en interdisant l’exportation de marchandises et en limitant l’entrée de carburant et les voyages entre Gaza et la Cisjordanie ainsi que Jérusalem-Est. Si les restrictions à la liberté d’aller et venir se sont quelque peu assouplies depuis le bouclage complet appliqué en 2007, la circulation reste très limitée et imprévisible (United Nations, 2017).

A. Bouclage terrestre, maritime et aérien

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’Organisation des Nations Unies a comparé Gaza à une prison à ciel ouvert, dans laquelle la circulation des personnes et l’accès des marchandises aux frontières sont entièrement déterminés par la Puissance occupante (United Nations News, 2009). À compter de juin 2007, les frontières de Gaza sont restées fermées pendant la quasi-totalité de la journée de travail, alors qu’en 1999, elles étaient ouvertes pratiquement chaque jour ouvrable. Avant 2007, Gaza disposait de cinq points de passage avec Israël pour les piétons et la circulation des marchandises (voir la carte) :

• Point de passage de Kerem Shalom (Karam Abou Salim), actuellement ouvert (pour les marchandises)

• Point de passage de Soufa, fermé depuis 2008

• Point de passage de Karni (Al Montar), fermé depuis 2007

• Oléoduc de Nahal Oz (Ash Shuja’iah), fermé depuis 2010

• Point de passage d’Erez (Beït Hanoun), actuellement ouvert (pour les piétons)

Le contrôle exercé par Israël concerne non seulement les points de passage terrestres pour les piétons et le commerce, mais aussi l’espace maritime et aérien de Gaza. Israël a établi une « zone à risque » qui s’étend sur 100 à 500 mètres à l’intérieur de Gaza depuis sa propre frontière, ainsi que des zones d’accès restreint sur 100 à 300 mètres à l’intérieur de Gaza depuis la frontière israélienne, auxquelles seuls les piétons et les agriculteurs peuvent accéder, et une zone interdite de 100 mètres le long de la frontière (voir la carte). En outre, les terres agricoles situées près de la frontière ont fait l’objet de pulvérisations d’herbicides (Gisha, 2019). En mer, la zone de pêche convenue dans les accords d’Oslo s’étendait à 20 milles marins, mais n’a en pratique pas dépassé 12 milles marins et a le plus souvent varié entre 3 et 6 milles marins depuis 2006, s’étendant occasionnellement à 9 milles marins pendant quelques semaines d’affilée. Les restrictions imposées par Israël rendent la pêche au large des côtes de Gaza dangereuse. Il est arrivé qu’Israël recoure à la force pour assurer le respect des restrictions, faisant parfois des blessés et des morts, et les bateaux et équipements palestiniens sont souvent endommagés, saisis ou confisqués (Gisha, 2019).

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Gaza : Accès et circulation, décembre 2018

Abréviations: NM, milles marins ; OCHA, Bureau de la coordination des affaires humanitaires ; Q3, troisième trimestre ; UN, Nations Unies ; UNDP, Programme des Nations Unies pour le développement ; UNRWA, Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ; UNSCO, Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient.

Source: Bureau de la coordination des affaires humanitaires, 2018, Occupied Palestinian Territory: Gaza Strip access and movement, septembre, disponible à l’adresse https://www.ochaopt.org/content/gaza-strip-access-and-movement-december-2018-0.

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B. Restrictions sur la circulation des personnes

Deux points de passage seulement sont aujourd’hui utilisés pour les piétons qui entrent à Gaza et en sortent, à savoir ceux de Rafah (Al Awda) avec l’Égypte et d’Erez (Beït Hanoun) avec Israël (voir la carte). Au début du bouclage et des restrictions, la sortie des Palestiniens par le point de passage d’Erez était limitée aux cas humanitaires. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, n/d), le point de passage de Rafah a été ouvert pendant 2 118 jours et fermé pendant 2 257 jours au cours de la période 2007-2018, le bouclage ayant été principalement imposé en 2014-2017. Lorsque ce point de passage est fermé, celui d’Erez, contrôlé par Israël, est la seule voie d’accès de Gaza vers le reste du monde et vers la Cisjordanie, dont l’entrée est contrôlée par Israël (Gisha, 2019). Les mesures imposées par ce pays continuent de peser lourdement sur la vie quotidienne des Palestiniens de Gaza. Bon nombre de familles sont séparées en permanence entre Gaza et la Cisjordanie ou Israël et les proches ne peuvent se rencontrer que dans des circonstances précises, comme une maladie grave, un décès ou le mariage d’un parent au premier degré. Un rapport des Nations Unies publié en 2017 constate que « l’absence de contact avec des personnes en dehors de Gaza a des conséquences sociales, économiques et même psychologiques importantes, car la population reste pour l’essentiel coupée du reste du monde » (United Nations, 2017).

C. Restrictions sur la circulation des marchandises

En juin 2007, Israël a commencé à imposer des restrictions sur l’entrée des marchandises à Gaza, n’autorisant que des produits humanitaires de base. En 2010, trois des quatre points de passage de marchandises entre Gaza et Israël étaient fermés. De juin 2007 à juin 2010, 2 400 camions en moyenne entraient chaque mois à Gaza par Israël, contre 10 400 camions par mois en 2005, année au cours de laquelle Israël n’appliquait pas de restrictions majeures à l’entrée des marchandises à Gaza (Gisha, n/d). Entre juin 2007 et la mi-2010, le bouclage de Gaza a été mis en œuvre selon plusieurs critères, dont l’emploi de formules mathématiques pour déterminer la quantité de marchandises admises en fonction des éléments suivants : estimation des stocks de biens et de produits de base ; consommation quotidienne par habitant de chaque produit de première nécessité selon le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS) ; et nombre d’habitants de Gaza (ces critères ont été consignés dans des documents du Ministère israélien de la défense ; voir Gisha, 2010). Compte tenu de ces calculs, il était établi un projet de rapport d’estimation des stocks dans lequel, à partir d’un seuil d’alerte, les autorités israéliennes autorisaient l’admission d’une plus grande quantité du produit en question, bien que l’entrée de biens ait été réduite ou bloquée pour certains produits pendant des périodes de troubles politiques (Gisha, n/d).

Une autre contrainte majeure pèse sur les activités productives : la liste des biens civils « à double usage » qu’Israël interdit aux Palestiniens d’importer parce qu’ils peuvent avoir des applications militaires (World Bank, 2018). Sur la liste figurent des engins de type civil, des pièces de rechange, des engrais, des équipements médicaux, des appareils, des équipements de télécommunications, des métaux, des produits chimiques, des tuyaux d’acier, des fraiseuses, du matériel optique et des aides à la navigation. La liste des biens à double usage contient 56 articles nécessitant une autorisation spéciale pour être introduits dans le Territoire palestinien occupé (tant à Gaza qu’en Cisjordanie) et 61 autres articles dont l’inscription s’applique à Gaza, notamment des matériaux de construction, des matières premières pour les secteurs productifs, comme le bois et les pesticides, le matériel

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médical et les pompes à eau utilisées lors d’inondations saisonnières. En dépit d’un certain assouplissement des restrictions, en particulier pour les matériaux de construction, la procédure d’agrément accuse d’importants retards pour l’importation d’autres articles à double usage (World Bank, 2018). Le Mécanisme pour la reconstruction de Gaza a été mis en place en 2014 afin de coordonner l’entrée des matériaux de construction et des biens agréés par Israël et le Gouvernement de l’État de Palestine, sous la surveillance des Nations Unies. Des matériaux de base tels que le ciment et l’acier, destinés à des projets privés et financés par des fonds internationaux, peuvent ainsi être introduits à Gaza.

D. Les trois opérations militaires

En sus du bouclage et des restrictions, Gaza a connu trois grandes vagues d’hostilités sur une période de six ans, la première ayant eu lieu en décembre 2008. Ces hostilités répétées ont coûté la vie à 3 804 Palestiniens et 95 Israéliens, dont 79 membres des forces de sécurité (B’Tselem, n/d ; Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, n/d). Selon le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies en visite à Gaza en octobre 2014, les destructions étaient

« indescriptibles » (United Nations News, 2014). Le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui s’y est également rendu en avril 2015, a déclaré que « nul ne peut rester insensible aux terribles ravages que l’on voit ici à Gaza » et que, aussi choquants que soient les bâtiments saccagés, « l’état de dévastation des moyens de subsistance des habitants est dix fois plus révoltant » (United Nations News, 2015).

D’après un rapport des Nations Unies (United Nations, 2017), l’impact des hostilités récurrentes peut être résumé comme suit :

• Au cours des hostilités qui se sont déroulées du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, près de 1 400 Palestiniens ont été tués, 13 Israéliens ont perdu la vie et quelque 60 000 logements ont été endommagés ou détruits, faisant environ 20 000 sans-abri.

De plus, 5 380 personnes ont été blessées (State of Palestine, 2015).

• Pendant les huit jours d’affrontements de novembre 2012, 174 Palestiniens, dont 107 civils, ont été tués ; 6 Israéliens, dont 3 civils, ont été tués ; et quelque 10 000 logements ont subi des dégâts.

• Du 7 juillet au 26 août 2014, les hostilités ont causé la mort de 2 251 Palestiniens, dont au moins 146 civils, et de 71 Israéliens, dont 5 civils, et 171 000 logements ont été endommagés, 17 800 devenant complètement inhabitables, ce qui a provoqué le déplacement de 100 000 habitants.

E. Impact et coûts du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes Quelques indicateurs de l’impact et des coûts occasionnés sont énumérés ci-après :

• Selon le Fonds monétaire international (International Monetary Fund, 2017), les hostilités de décembre 2008 à janvier 2009 ont occasionné des dommages équivalant à plus de 60 % du stock de capital total de Gaza et celles de 2014 des dégâts représentant 85 % du capital existant après les hostilités antérieures.

(19)

• Le Fonds monétaire international (International Monetary Fund, 2018) note que, si Gaza avait pu utiliser autant de moyens de production que la Cisjordanie, la croissance y aurait été trois fois supérieure aux taux effectivement enregistrés.

• En 2014, année où Gaza a connu 50 jours d’hostilités, son PIB a été amputé de 460 millions de dollars (World Bank, 2015).

• Des estimations prudentes de la Banque mondiale (World Bank, 2017) donnent à penser que la levée des restrictions économiques pourrait engendrer une croissance cumulée supplémentaire de l’ordre de 32 % d’ici à 2025. Rien qu’un allègement de la liste des biens à double usage pourrait entre-temps produire un surplus de croissance de 11 % à Gaza.

• Les pertes économiques directes causées par l’opération militaire de décembre 2008 à janvier 2009 sont estimées à 2,5 milliards de dollars (UNCTAD, 2009).

• Au cours des opérations militaires de 2012 et 2014, plus de 64 000 logements et au moins un millier d’établissements industriels et commerciaux ont été détruits ou endommagés. La valeur (et non le coût de remplacement) des biens endommagés à Gaza à la suite de ces deux dernières opérations est estimée à plus de 2,7 milliards de dollars (UNCTAD, 2015).

• Le coût total des activités de relèvement et de reconstruction à Gaza à la suite de l’opération militaire de 2014 est estimé à 3,9 milliards de dollars (State of Palestine, 2015)

(20)

III. Coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien à Gaza : bouclage, restrictions et hostilités récurrentes, 2007-2018

A. L’économie palestinienne à Gaza : situation et évolution

Au cours de la période 1994-2018, l’économie régionale de Gaza a connu, à l’exception des cinq premières années, l’une des pires évolutions économiques à l’échelle planétaire. En 25 ans, le PIB de Gaza s’est accru de 48 % en valeur réelle et la population a augmenté de 136 %, d’où une baisse de 44 % du PIB réel par habitant. Celui-ci a dégringolé, passant de 96 % du PIB par habitant de la Cisjordanie en 1994 à 30 % en 2018. En même temps, le chômage a augmenté de 22 points de pourcentage, atteignant 52 %, soit l’un des taux les plus élevés au monde. Depuis plus de 13 ans, l’économie de Gaza est plongée dans un cercle vicieux de régression du développement (voir la figure 1).

Figure 1

Gaza : Taux de croissance réel et taux de chômage (En pourcentage)

a) Taux de croissance réel b) Taux de chômage

Source :PCBS, 2019a.

Selon la CNUCED (UNCTAD, 2017), la croissance réelle du PIB devrait être durablement supérieure à 5,3 % par an pour entamer le chômage. Le Fonds monétaire international (International Monetary Fund, 2017) explique l’incapacité à enrayer la tendance à la hausse du chômage au cours des 25 dernières années en laissant entendre qu’une croissance annuelle du PIB d’au moins 4 % est nécessaire pour simplement maintenir le chômage aux niveaux actuels et éviter que la situation socio-économique se dégrade encore plus rapidement. À moins d’une inversion des tendances actuelles, le chômage empirera, le revenu par habitant chutera et la pauvreté s’aggravera, contribuant au risque de voir réapparaître un cercle vicieux de déclin économique et de crise politique.

L’économie palestinienne à Gaza est passée par trois phases structurelles. Dans la période 1994-1999 qui a suivi la signature des accords d’Oslo, l’économie régionale de Gaza a connu une croissance annuelle moyenne de 6,1 % et celle de la Cisjordanie de 10,7 %.

(21)

En 2000, après le déclenchement de la deuxième intifada, il a été interdit aux ouvriers palestiniens de Gaza d’entrer ou de travailler en Israël. Au cours de la période 2000-2006, une grande partie des infrastructures palestiniennes, y compris des institutions de l’Autorité nationale palestinienne, ont été détruites et la circulation des travailleurs et des biens a été soumise à des restrictions.

La croissance économique, l’emploi et le développement global en ont lourdement pâti, de même que la pauvreté. Durant cette période, l’économie de Gaza a connu une croissance annuelle de 2 % seulement. Enfin, depuis juin 2007, Gaza fait l’objet d’un bouclage complet et de restrictions des accès terrestres, maritimes et aériens, et trois opérations militaires ont été menées. Durant la période 2007-2018, l’économie de Gaza a crû en moyenne de 0,8 % par an et celle de la Cisjordanie, qui est sous occupation et fait face à des entraves comparables, mais qui n’est pas touchée par le bouclage et les restrictions, a connu une croissance annuelle de 6,6 %. La part de Gaza dans l’économie palestinienne a été ramenée de 37 % en 1995 à 18 % en 2018. Avant 2007, elle n’avait pas été inférieure à 31 % et avoisinait 35 % en moyenne (voir la figure 2). En outre, l’investissement à Gaza a quasiment disparu, passant de 31 % de l’investissement total et 11 % du PIB du Territoire palestinien occupé en 1994 à 10 % et à peine 2,7 %, respectivement, en 2018.

Les investissements autres que dans la construction à Gaza sont restés infimes, représentant 0,2 % du PIB et seulement 2 % du total des investissements hors construction en 2018.

Figure 2

Gaza : Part dans l’économie palestinienne

Source: PCBS, 2019b.

(22)

Depuis 1995, la structure de l’économie de Gaza s’est considérablement transformée en raison de l’augmentation des risques politiques, des restrictions sur la libre circulation et les voies d’accès, de la difficulté de se procurer des moyens de production importés, des destructions et de l’isolement par rapport aux marchés mondiaux. La part des secteurs productifs, à savoir l’agriculture et l’activité manufacturière, dans l’économie a été ramenée de 26 % en 1995 à 12 % en 2018 et leur contribution à l’emploi est tombée dans le même temps de 34 % à 23 % environ (voir les figures 3 et 4). Cette évolution a été exposée en détail par la CNUCED (UNCTAD, 2016 ; 2017) dans des analyses de la désindustrialisation et de la « désagriculturalisation » de l’économie. Elle suscite de graves inquiétudes quant au développement futur de l’économie de Gaza, car les secteurs agricole et manufacturier se prêtent davantage à l’innovation, aux gains de productivité, aux économies d’échelle et à l’expansion de l’emploi.

Figure 3

Gaza : Ventilation sectorielle de l’économie (En pourcentage)

Source: PCBS, 2019b.

Services Construction

Secteur manufacturier, électricité et eau Agriculture, sylviculture et pêche

(23)

Figure 4

Gaza : Ventilation sectorielle de l’emploi (En pourcentage)

Source: PCBS, 2019a.

B. L’économie palestinienne à Gaza sous l’effet du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes

L’économie de Gaza a toujours été loin de pouvoir réaliser pleinement son potentiel en raison des politiques, des restrictions et des mesures appliquées sous l’occupation. Depuis 2007, la situation économique s’est encore aggravée sous l’effet du bouclage, des restrictions et des opérations militaires, qui continuent d’empêcher l’économie gazaouie d’exploiter toutes ses possibilités.

Alorsque des politiques favorables au développement auraient pu être mises en œuvre, les mesures imposées par la Puissance occupante à Gaza ont provoqué une crise humanitaire. Le tableau 1 présente quelques indicateurs de l’évolution économique consternante observée en 2006-2018, avant et après le bouclage et les restrictions.

Agriculture, sylviculture et pêche Secteur manufacturier, électricité et eau Construction Services

(24)

Tableau 1

Gaza : Situation économique avant et après le bouclage et les restrictions −quelques indicateurs

Indicateur 2006 2018 Différence Variation en

pourcentage

Population (milliers) 1 349 1 933 0,584 43

d’habitants par kilomètre carré) 3 696 5 296 1 600 43

PIB réel (millions de dollars

constants de 2015) 2 691 2 819 128 4,8

Part dans le PIB du Territoire palestinien

occupé (pourcentage) 31,1 18.1 -13,0 -42

PIB réel par habitant (millions de dollars

constants de 2015) 1 994 1 458 -536 -26,9

Part de l’investissement dans le PIB du Territoire palestinien occupé

(pourcentage) 9,5 2,7 -6,8 -71,6

Part des exportations dans le PIB du

Territoire palestinien occupé 0,8 1,0 0,2 20

Part des exportations dans le PIB du

(pourcentage) 19 7,5 -11,5 -61

Taux de chômage (pourcentage) 34,8 52,0 17,2 49,4

Pauvreté (pourcentage) 39

(2007) 55,4

(2017) 16,4 42,1

Source: PCBS, 2019a ; PCBS, 2019b.

En onze ans, entre 2007 et 2018, l’économie de Gaza a crû de 4,8 % seulement et sa part dans l’économie palestinienne a diminué de 42 %, passant de 31 % en 2006 à 18 % en 2018. Le PIB par habitant a ainsi baissé de 27 %, le chômage a grimpé de 49 % et la pauvreté a augmenté de 42 %.

La figure 5 montre les tendances négatives de la consommation, de l’investissement et des importations depuis la mise en place du bouclage et des restrictions.

Les restrictions d’accès ne se limitent pas à la circulation à l’intérieur et à l’extérieur de Gaza. Israël a également défini des zones d’accès restreint sur terre et en mer ; jusqu’à 35 % des terres agricoles de Gaza et jusqu’à 85 % de sa zone de pêche ont été touchés à divers endroits. En mer, si la zone de pêche convenue dans les accords d’Oslo s’étendait à 20 milles marins, elle a, dans la pratique, oscillé entre 6 et 15 milles marins (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, 2019).

Cela a entraîné une surpêche et mis en danger la durabilité des ressources halieutiques (United Nations, 2017).

(25)

Figure 5

Gaza : Composantes du produit intérieur brut (En millions de dollars constants de 2015)

a) Consommation b) Investissement

c) Exportations d) Importations

Source: PCBS, 2019b.

Les mesures de bouclage et de restriction et la destruction des infrastructures à Gaza après trois opérations militaires ont eu un profond impact sur l’accès à l’électricité et à l’eau potable, ainsi que sur l’environnement.

Les coupures d’électricité ont paralysé des activités économiques et productives essentielles.

En 2017, les ménages ne pouvaient compter que sur deux heures d’électricité par jour en moyenne, et les coupures de courant continuent de perturber la vie quotidienne en limitant les activités productives et en entravant la fourniture des services de base (Al-Haq, 2017). En dépit de la demande croissante, la centrale électrique de Gaza ne couvre que 6 % des besoins et fonctionne à moins d’un cinquième de sa capacité de 140 mégawatts faute de combustible et de pièces importées.

Gaza importe donc plus de 85 % de son électricité d’Israël. L’approvisionnement en électricité reste limité à 4 à 8 heures par jour (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, 2018).

La pénurie d’eau potable pose de graves problèmes sanitaires et économiques. L’aquifère côtier de Gaza, sa seule source d’eau, est pratiquement épuisé à cause de la surexploitation et de l’intrusion d’eau de mer. Seulement 4 % des eaux souterraines de Gaza sont aujourd’hui propres à la consommation humaine. En 2000, 98 % de la population avait accès à l’eau potable distribuée par le

Consommation Niveau de consommation en 2006 Investissement Niveau d’investissement en 2006

Exportations Niveau des exportations en 2006 Importations Niveau des importations en 2006

(26)

réseau public, mais ce pourcentage est tombé à moins de 11 % en 2014 et la situation n’a fait qu’empirer depuis lors (United Nations, 2017).

Les pannes de courant tout comme la destruction et le délabrement des installations d’assainissement sont à l’origine d’une catastrophe écologique. Plus de 100 millions de litres d’eaux usées non traitées se déversent chaque jour dans la mer Méditerranée, d’où une pollution des plages quatre fois supérieure aux limites prévues dans les normes internationales relatives à l’environnement (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, 2018 ; UNCTAD, 2019a).

Gaza a subi de lourds préjudices tant sur le plan du bien-être et du moral général de la population que de l’environnement ou de l’économie. Reste à savoir ce qui se serait passé si Gaza n’avait pas connu le bouclage, les restrictions et les opérations militaires. Même si des vies perdues et d’autres souffrances humaines ne peuvent être mesurées en termes monétaires, il est néanmoins possible d’évaluer le manque à produire.

C. Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : effets du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes à Gaza, 2007-2018 Compte tenu des analyses d’Arcand et d’Al-Azzeh (à paraître), on trouvera ci-après une estimation détaillée des coûts économiques supportés par le peuple palestinien en raison du bouclage, des restrictions et des opérations militaires à Gaza au cours de la période 2007-2018. L’incertitude politique, le bouclage et les restrictions en vigueur et les lourdes contraintes qu’ils entraînent pour la circulation des personnes et l’accès des marchandises, conjugués à trois opérations militaires, ont imposé d’importants coûts à l’économie de Gaza. Les méthodes susceptibles d’être utilisées pour les estimer se heurtent à de nombreuses difficultés, telles que l’endogénéité, la superposition de différents facteurs et les problèmes de mesure. En outre, les coûts liés au bouclage et aux restrictions ne peuvent être mesurés indépendamment des coûts dus aux hostilités à répétition, et inversement.

Cependant, une estimation de trajectoires de croissance contrefactuelles pour Gaza à partir de 2007 peut donner une idée de l’ampleur des pertes économiques, en supposant que le bouclage, les restrictions et les opérations militaires n’aient pas eu lieu. Un tel exercice n’a pas pour seul but de répondre à la question « Et s’il n’y avait pas d’occupation » ? Il vise plutôt à étudier les conséquences du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes en examinant ce qu’aurait pu être la situation si ces événements ne s’étaient pas produits. Les résultats donnent à penser que le manque à produire est considérable en termes de PIB dans toutes les trajectoires de croissance évaluées, ce qui montre du même coup que le produit par habitant aurait été nettement plus élevé qu’il n’est en réalité.

Au vu de l’évolution de la croissance à Gaza avant 2007 et du rapport entre l’économie de la région et celle de la Cisjordanie, deux trajectoires ou scénarios de croissance contrefactuels sont évalués.

Les résultats économiques enregistrés à Gaza au cours de la période 2007-2018 sont utilisés comme scénario de référence pour estimer les pertes économiques potentielles.

(27)

Le premier scénario suppose que l’économie de Gaza a suivi la tendance historique observée dans les années 1995-2006. Autrement dit, elle aurait continué de croître de 3,7 % en moyenne par an depuis 2007. Selon ce scénario, le PIB annuel de Gaza aurait été, en moyenne, supérieur de 23,7 % à celui du scénario de référence et les pertes cumulées potentielles de PIB réel (coût économique en dollars constants de 2015) sur la période 2007-2018 se chiffreraient à 7,8 milliards de dollars, soit l’équivalent de la moitié du PIB du Territoire palestinien occupé et de 276 % du PIB de Gaza en 2018 (voir la figure 6 et le tableau 2). Le PIB par habitant en 2018 aurait été de 695 dollars, soit 46,7 % de plus que dans le scénario de référence (voir la figure 6 et le tableau 3).

Le second scénario postule qu’à partir de 2007, la part de Gaza dans l’économie du Territoire palestinien occupé est restée la même qu’en 2006. Cela signifie que l’économie de Gaza a continué à croître au même rythme que celle de la Cisjordanie, c’est-à-dire de 6,6 % par an en moyenne au cours de la période 2007-2018. Dans ce scénario, le PIB annuel de Gaza aurait été, en moyenne, supérieur de 50 % à celui du scénario de référence et les pertes potentielles cumulées de PIB réel (coût économique en dollars constants de 2015) sur la période 2007-2018 atteindraient 16,7 milliards de dollars, soit l’équivalent de 107 % du PIB du Territoire palestinien occupé et près de six fois la valeur du PIB de Gaza en 2018 (voir la figure 7 et le tableau 2). Le PIB par habitant en 2018 aurait été de 1 539 dollars, soit 105,5 % de plus que dans le scénario de référence (voir la figure 7 et le tableau 3).

La perte de PIB potentiel dans les deux scénarios est substantielle et signifie que le produit par habitant aurait pu être considérablement plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. Cela étant, il convient de souligner que ces scénarios reposent l’un et l’autre sur l’hypothèse d’une croissance sous occupation. Autrement dit, ils supposent l’existence de toutes les mesures et restrictions imposées sous l’occupation à Gaza et en Cisjordanie, la différence étant le bouclage et les restrictions à Gaza et les trois opérations militaires. En outre, le scénario 2 est plus pertinent car il montre que, si le bouclage, les restrictions et les opérations militaires n’avaient pas eu lieu, il n’y aurait pas eu d’effets aussi importants, qui ont empêché Gaza de conserver sa part dans l’économie palestinienne.

Les estimations présentées ici restent donc prudentes et partielles et n’incluent pas les coûts totaux de l’occupation pour le peuple palestinien de Gaza. Elles couvrent uniquement les coûts économiques de l’occupation dus au bouclage, aux restrictions et aux opérations militaires à Gaza au cours de la période 2007-2018.

Qui plus est, les estimations ci-dessus représentent seulement des pertes de PIB potentiel. Outre ces pertes, d’autres coûts découlant des mesures et des restrictions imposées par la Puissance occupante sont à prendre en compte. Ce sont notamment les coûts liés tant à la destruction d’infrastructures, de logements et de structures commerciales occasionnée par les hostilités récurrentes qu’aux travaux de reconstruction qui ont suivi.

Il est essentiel de mettre fin à l’occupation et de lever toutes les restrictions de circulation pour développer le potentiel économique de Gaza, en créant un port maritime et un aéroport et en lançant de vastes projets dans les domaines de l’eau et de l’énergie en vue de redonner à la population un libre accès à l’eau et à l’électricité, ainsi qu’en tirant parti des riches réserves de gaz naturel qui se trouvent au large de Gaza. Selon la CNUCED (UNCTAD, 2019b), la perte que représente, pour le peuple palestinien, la privation du droit d’exploiter ses ressources pétrolières et gazières pourrait se chiffrer en milliards de dollars.

(28)

Figure 6

Gaza : Produit intérieur brut, scénario 1 (En millions de dollars constants de 2015)

a) Produit intérieur brut réel b) Produit intérieur brut réel par habitant

Source: Calculs de la CNUCED.

Figure 7

Gaza : Produit intérieur brut, scénario 2 (En millions de dollars constants de 2015)

a) Produit intérieur brut réel b) Produit intérieur brut réel par habitant

Source: Calculs de la CNUCED.

Scénario de référence Scénario 1 Scénario de référence Scénario 1

Scénario de référence Scénario 2 Scénario de référence Scénario 2

(29)

Tableau 2

Gaza : Produit intérieur brut réel, scénarios 1 et 2 (En millions de dollars constants de 2015)

Année Scénario de référence

Scénario 1 Scénario 2

PIB réel Différence Différence en

pourcentage PIB réel Différence Différence en pourcentage

2007 2 393,2 2 790,5 397,3 16,6 2 868,5 475,3 19,9

2008 2 196,7 2 893,7 697,0 31,7 3 057,8 861,1 39,2

2009 2 350,8 3 000,8 650,0 27,6 3 259,6 908,8 38,7

2010 2 586,3 3 111,8 525,5 20,3 3 474,8 888,5 34,4

2011 2 840,5 3 226,9 386,4 13,6 3 704,1 863,6 30,4

2012 3 076,7 3 346,3 269,6 8,8 3 948,6 871,9 28,3

2013 3 320,5 3 470,2 149,7 4,5 4 209,2 888,7 26,8

2014 2 860,7 3 598,6 737,9 25,8 4 487,0 1 626,3 56,8

2015 2 900,1 3 731,7 831,6 28,7 4 783,1 1 883,0 64,9

2016 3 164,9 3 869,8 704,9 22,3 5 098,8 1 933,9 61,1

2017 2 921,4 4 013,0 1 091,6 37,4 5 435,3 2 513,9 86,1

2018 2 818,9 4 161,4 1 342,5 47,6 5 794,1 2 975,2 105,5

Total

cumulé 33 430,7 41 214,6 7 783,9 23,3 50 121,0 16 690,3 49,9

Source :Calculs de la CNUCED.

Tableau 3

Gaza : Produit intérieur brut réel par habitant, scénarios 1 et 2 (En millions de dollars constants de 2015)

Année Scénario de référence

Scénario 1 Scénario 2

PIB par

habitant Différence Différence en

pourcentage PIB par

habitant Différence Différence en pourcentage

2007 1 714,7 1 999,3 284,6 16,6 2 055,2 340,5 19,9

2008 1 521,4 2 004,1 482,7 31,7 2 117,8 596,4 39,2

2009 1 575,6 2 011,2 435,6 27,6 2 184,7 609,1 38,7

2010 1 679,4 2 020,6 341,2 20,3 2 256,3 576,9 34,4

2011 1 788,7 2 032,0 243,3 13,6 2 332,5 543,8 30,4

2012 1 880,3 2 045,1 164,8 8,8 2 413,1 532,8 28,3

2013 1 971,5 2 060,4 88,9 4,5 2 499,1 527,6 26,8

2014 1 651,3 2 077,2 425,9 25,8 2 590,1 938,8 56,8

2015 1 628,9 2 096,0 467,1 28,7 2 686,5 1 057,6 64,9

2016 1 730,8 2 116,3 385,5 22,3 2 788,4 1 057,6 61,1

2017 1 556,6 2 138,2 581,6 37,4 2 896,1 1 339,5 86,1

2018 1 458,3 2 152,8 694,5 47,6 2 997,4 1 539,1 105,5

Source: Calculs de la CNUCED.

(30)

IV. Estimation du coût du bouclage, des restrictions et des hostilités récurrentes en termes de pauvreté, 2007-2017

À l’aide d’enquêtes auprès des ménages et de données de recensement, le présent chapitre analyse la dégradation des conditions de vie et du bien-être des ménages à Gaza entre 2007 et 2017.

L’impact du bouclage, des restrictions et des opérations militaires sur les ménages à Gaza est évalué tant en fonction de l’incidence de la pauvreté que de l’écart de pauvreté. Ce dernier indicateur permet d’estimer l’évolution du coût minimal de mesures visant à hisser tous les ménages au niveau du seuil de pauvreté entre 2007 et 2017. En outre, ce chapitre contient des observations sur certaines particularités du mode d’allocation de l’aide dans le Territoire palestinien occupé. Pour finir, il évalue l’incidence de la pauvreté et l’écart de pauvreté à partir des modèles contrefactuels de croissance décrits au chapitre III. L’analyse ci-après repose sur un document de travail d’Arcand et Al-Azzeh (à paraître).

A. Mesure de la pauvreté à Gaza, 2007-2017

On trouvera dans la présente section une analyse de l’évolution du niveau et de l’intensité de la pauvreté à Gaza au cours de la période 2007-2017 selon deux méthodes, l’une fondée sur des enquêtes, l’autre sur la meilleure prédiction empirique (MPE), qui améliore la précision des mesures de la pauvreté en utilisant des informations issues des recensements. Les résultats présentent une image bien sombre de la pauvreté à Gaza − à la fois au fil des ans et en comparaison avec la Cisjordanie − qui dénote une augmentation spectaculaire du niveau de pauvreté, ainsi que de son intensité, au cours de la décennie correspondant à la période du bouclage et des restrictions.

Force est de constater ainsi que le coût minimum de l’élimination de la pauvreté à Gaza, qui en 2007 équivalait à 8,7 % du PIB de la bande de Gaza, était passé à 28,7 % en 2017.

1. Méthode fondée sur les enquêtes

D’après les enquêtes palestiniennes sur les dépenses et la consommation, la situation économique des ménages à Gaza s’est considérablement dégradée entre 2007 et 2017. La méthode fondée sur les enquêtes utilise uniquement les petits échantillons des sondages de 2007 et 2017 pour modéliser la relation entre les dépenses totales par équivalent adulte et les caractéristiques des individus, des ménages et des lieux qui ressortent de l’enquête1.

1 L’équivalent adulte est défini comme (1 + (nombre d’adultes - 1) × 0,8 + (nombre d’enfants × 0,5)), qui est la définition retenue par l’Organisation de coopération et de développement économiques et la Banque mondiale (voir l’annexe 1). Le PCBS utilise une définition légèrement différente, à savoir ((nombre d’adultes + 0,46 × nombre d’enfants) ^ 0,89). Le fait de rendre compte de la situation en termes d’équivalent adulte plutôt que par habitant, par exemple, donne une image plus précise de la pauvreté. La raison en est que la structure des ménages à Gaza, tout comme dans la plupart des pays en développement, est très hétérogène. Beaucoup de ménages comptent un grand nombre d’enfants. Les besoins de consommation d’un ménage composé de six adultes sont complètement différents de ceux d’un ménage composé de deux adultes et de quatre enfants. La présentation de données exprimées en équivalent adulte permet de tenir compte de tels facteurs d’hétérogénéité entre les ménages.

(31)

a) Incidence de la pauvreté

Si l’on retient une définition du seuil de pauvreté correspondant à 60 % des dépenses médianes totales des ménages par équivalent adulte au niveau national, en dollars constants de 2015, le seuil de pauvreté à Gaza était égal à des dépenses mensuelles par équivalent adulte de 123 dollars en 2007 et de 255 dollars en 20172. Les données des deux enquêtes palestiniennes sur les dépenses et la consommation montrent donc que la part des ménages de Gaza vivant en dessous de ce seuil est passée de 46,17 % en 2007 à 64,47 % en 2017.

L’incidence de la pauvreté, c’est-à-dire la proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté, calculée sur la base de données d’enquête relativement peu abondantes, comprend l’assistance, qui englobe toutes les aides en espèces et en nature fournies aux ménages par les pouvoirs publics et des organismes non gouvernementaux. Si l’on exclut l’aide, le taux de pauvreté correspondant s’établissait à 49,74 % en 2007et à 66,75 % en 2017. Tandis que le total des dépenses mensuelles réelles par équivalent adulte est passé de 283 dollars en moyenne en 2007 à 519 dollars en 2017 (en dollars constants de 2015), la proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté a donc considérablement augmenté. La hausse des dépenses totales par équivalent adulte pour l’ensemble des ménages est illustrée dans la figure 8, qui présente les fonctions de densité cumulée empirique pour les dépenses mensuelles totales des ménages par équivalent adulte en 2007 et 2017. Cela étant, l’importance de l’assistance accordée pour préserver les ménages de la pauvreté a diminué au cours de la décennie ; elle contribuait à maintenir 3,57 % des ménages au-dessus du seuil de pauvreté en 2007, mais seulement 2,28 % en 2017 (voir la section B).

2 Cette mesure du seuil de pauvreté relative est utilisée, entre autres, par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Union européenne (voir https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Glossary:At-risk-of-poverty_rate (page Internet consultée le 25 août 2020)).

(32)

Figure 8

Gaza : Fonctions de densité cumulée empirique pour les dépenses mensuelles totales des ménages par équivalent adulte, y compris l’assistance

(En dollars constants de 2015)

Notes: L’axe horizontal indique la valeur des dépenses et l’axe vertical la proportion de ménages ayant des dépenses inférieures à ce niveau. Une ligne horizontale tracée à un point d’intersection vertical à 0,50 indique que le niveau médian des dépenses des ménages est hors de la courbe, puis descend vers l’axe horizontal. La ligne verticale en pointillés gris à gauche représente le seuil de pauvreté en 2007 et celle de droite représente le seuil de pauvreté en 2017. L’augmentation des dépenses totales moyennes par équivalent adulte se traduit par le fait que la fonction de densité cumulée empirique pour 2017 est inférieure à celle de 2007. C’est ce que l’on appelle parfois la dominance stochastique de premier ordre. Cela correspondrait à un déplacement vers la droite dans un histogramme standard, qui représente la fonction de densité de probabilité.

Source: Calculs de la CNUCED.

b) Écart de pauvreté

Les comptages de personnes sont une mesure inexacte de la pauvreté car ils ne reflètent pas son intensité et incluent tous les ménages se situant sous le seuil de pauvreté sans tenir compte du fait que le degré de pauvreté des différents ménages peut varier considérablement, comme le montrent les configurations hypothétiques suivantes : dans la première, 50 % des ménages se situent à 0,01 dollar en dessous du seuil de pauvreté ; dans la seconde, 50 % des ménages se situent à 100 dollars en dessous du seuil de pauvreté. En nombre de pauvres, les deux configurations auraient une valeur de 50 %. L’écart de pauvreté traite cette question en ajoutant la distance séparant, en termes monétaires, chaque ménage du seuil de pauvreté, un poids de 1 étant attribué aux ménages vivant sous le seuil de pauvreté et de 0 à ceux vivant au-dessus. Il représente donc le pourcentage moyen de ménages pauvres se situant au-dessous de ce seuil. Par exemple, si le seuil de pauvreté était égal à 200 dollars, l’écart de pauvreté serait de (0,01 ÷ 200 = 0,00005) dans la première configuration hypothétique et de (100 ÷ 200 = 0,5) dans la seconde.

Année

Courbe des dépenses des ménages par équivalent adulte, avec assistance

Densité cumulée

(33)

Au vu des enquêtes palestiniennes sur les dépenses et la consommation, l’écart de pauvreté à Gaza est donc passé de 15,8 % en 2007 à 25,7 % en 2017. Le produit de l’écart de pauvreté par le seuil de pauvreté, multiplié par le nombre total de ménages, mesure le transfert forfaitaire global minimum nécessaire pour sortir tous les ménages de la misère3. Il est donc utilisé dans la présente section comme une mesure plausible des coûts de l’occupation en termes de pauvreté.

c) Inégalités et assistance à Gaza et en Cisjordanie, 2007 et 2017

En ce qui concerne les inégalités, il y a un net décalage entre Gaza et la Cisjordanie. Comme le montre la figure 9, les courbes de Lorenz restent à Gaza quasi inchangées pour 2007 et 2017, c’est-à-dire que le niveau d’inégalité n’a que peu diminué4. En revanche, en Cisjordanie, la courbe de Lorenz pour 2017 se situe entièrement au-dessus de celle de 2007, ce qui montre que les inégalités ont été sensiblement réduites.

3 Un ciblage parfait signifie que le décalage exact par rapport au seuil de pauvreté de chaque ménage peut être déterminé, ce qui n’est guère possible dans la pratique, ni souhaitable sur le plan de l’action publique, pour des raisons d’économie politique. La mesure globale proposée dans la présente section doit donc être considérée comme une limite inférieure du coût total de mesures permettant aux ménages démunis de Gaza d’atteindre le seuil de pauvreté.

4 Une courbe de Lorenz peut aider à synthétiser le niveau de répartition et à en étudier les propriétés en termes d’inégalités.

En l’occurrence, elle indique la part des dépenses totales à mettre au compte des 20 % des ménages les plus pauvres de Gaza dans un classement par ordre croissant de volume des dépenses. Une courbe de Lorenz va de l’origine (0,0) à 1,1, où l’ensemble des ménages les plus riches comptent nécessairement pour 100 % dans le revenu total. Elle est en outre convexe, c’est-à-dire qu’elle suit une pente ascendante de plus en plus prononcée, car la part des dépenses totales de la fraction N des ménages les plus pauvres est toujours inférieure à N % du revenu total. Une courbe de Lorenz qui coïncide avec la diagonale à 45 degrés correspond à une répartition parfaitement égalitaire des revenus, tous les ménages ayant le même niveau de dépenses par équivalent adulte. Par conséquent, plus la courbe est proche de cette diagonale, plus la répartition est égale, alors qu’elle sera d’autant plus inégale que la courbe se déplacera vers l’angle inférieur droit. Une courbe de Lorenz entièrement au-dessous d’une autre dénote un accroissement des inégalités.

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