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I'RIBIJnlJI. Le régime matrimonial de- droit commun. 61 me ANNEE. - No MAI 1946.

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I'RIBIJnlJI

EDMOND PICARD 1882 - 1899

LEON HENNEBICQ 1900 - 1940

REDACTION ET ADMINISTRATION EDITEURS :Maison FERD. LARCIER

36-28, n&e des Minimes

Bruxelles.

Le régime matrimonial de- droit commun

1. - Les propositions de réforme relatives au titre du Code civil sur le contrat de mariage ne concernent guère généralement les régimes conventionnels. Le législateur du Code civil a laissé un tel champ à la volonté des contrac- tants qu'il leur est toujours possible de réaliser adéquateme-m: leurs intentions quand ils rè- glent par un contrat exprès leurs intérêts pa- trimoniaux.

C'est à la transformation du régime de droit Commun que ten .. dent les innovations souhai- tées.

Des voix assez nombreuses se sont élevées en faveur de la substitution à la communauté des meubles et acquêts d'un autre régime légal.

Il n'y a guère de partisans de l'adoption, comme régime légal, du régime exclusif de communauté ou du régime dotal. L'un et l'autre sont à peu près inconnus en Belgique, et les choisir irait à l'encontre de toutes nos traditions.

Il ne semble pas qu'il puisse davantage être question de se prononcer en faveur de la sépa- ration de biens; la séparation de biens serait un régime désastreux pour la femme dans la plupart des ménages, où le mari est seul à promériter un sal~ire, un traitement ou d'autres

revenus professionnels; le patrimoine du mari s'accroîtrait de toutes les économies faites sur ses revenus tandis que celui de la femme ne se composerait jamais que des biens qu'elle avait en se mariant et de ceux qui lui_adviendraient à: titre 'gratuit pendant le mariage, grossis de leurs fruits et diJ.~;;r..ués de sa 'cùntribution aux charges familiales et éventuellement, des biens substitués à ses biens.

Personne, ne songe d'autre part, à établir, pour le cas où les époux ne feraient pas de contrat de mariage, la communauté univer:..

selle, encore que celle-ci, admise en -Hollande comme régime de droit commun, v donne toute satisfaction; le fait que, dari; .lee pays, 5 % seulement dès mariages se font avec adop- tion d'un régime conventionnel, démontre que la communauté universelle ne mérite point le reproche d'archaïsme qu'on lui adresse.

... ...

2. - L'option semble se limiter! si l'on veut remplacer le régime actuel par un autre, à la communauté d'acquêts ou à la séparation de biens avec société d'acquêts.

Il n'est pas douteux que la communauté des

meubles et acquêts consacre dans certains cas, des injustices et des abus.-

La distinction faite entre les immeubles pré- sents ou reçus à titre gratuit pendant le ma- riage, qui restent propr~s et le; meuble;' qui

omhent en communaute appara1t surannee; on estime qu'il serait plus équitable d'exclure de la communauté les . biens mobiliers dans les mêmes conditions où les immeubles en sont exclus.

Faire supporter définitivement à la commu- nauté les dettes existant lors du mariage et qui ont Eu être cachées à l'autre époux, aboutit à faire payer le passif créé par l'un par l'actif apporté par l'autre.

L'administration et la disposition des biens de la communauté par le mari exposent la femme à la ruine, en dépit des garanties, insuffisantes, que le Code lui accorde.

Ces griefs sont extrêmement sérieux.

Il n'est guère contestable que du point de vue. théorique, la communauté d'acquêts ou la séparation de biens avec société d'acquêts sont préfétâbles.

Dans l'un et l'autre de ces régimes, les b1ens meubles présents et futurs, et sous cerwines réserves quant à l'obligation aux dettes, les dettes antérieures au mariage ou grevant les · successions reçues pendant le mariage restent propres; dans le régime de séparation de biens avec société d'acquêts, la femme conserve l'ad-

ninistration de ses biens personnels, voire s~lon

certains, la séparation de ses biens mobiliers, elle a la joui-;sance de ses revenus; seules les économies réalisées sur les dits revenus comme sur ceux du mari constituent le patrimoine commun.

... ...

3· - Ces raisons n'ont cependant pas rallié l'adhésion unanime.

L'Association des Anciens Etudiants de la faculté de droit de Louvain, sur le rapport de MM. Thuysbaert et Van Dievoet (Ann. de dr. et de sc. pol. 1934-1935, pp. 171 à 203) et le Comité de droit privé de la Ligue des familles_ nombreuses (voy. l'ouvrage Intérêts familiaux, pp. 54 à 59) se sont prononcés pour le maintien de la communauté des meu- bles et acquêts comme régime de droit com- mun.

C'est qu'en effet, les deux autres régimes proposés, par les difficultés de preuve que leur

adoption engendrerait, créeraient plus. d'injus- tices encore que la communauté des meubles et acquêts.

Il ne faut pas perdre de vue que le régime légal est surtout applicable aux gens de con- dition modeste : ouvriers, employés, petits commerçants, etc ...

Ceux-ci ne font guère d'inventaire de leur avoir mobilier lors de leur entrée en ménage, ils n'en font pas davantage lorsqu'ils reçoivent

· de5 biens meubies par successioh :J;.i donatio:-!.

Comment vont-ils faire la preuve, dix ans, vingt ans, quarante ans après le mariage, la succession ou la donation, de la consistance des éléments d'actif qu'ils possédaient ou qu'ils ont reçus?

Sans doute, pourrait-on dire qu'entre époux, la preuve se fait par toutes voies de droit, mais ce n'est là qu'une formule inefficace ou d'un rendement incertain et on ne voit guère comment la propriété sinon des meubles meu ..

blants, tout au moins des actions, des deniers, etc... pourra être établie.

Dans la communauté des meubles 'ct ac- quêts, les injustices, en quelque sorte, se com- pensent; dans la communauté d'acquêts ou la séparation de biens avec société d'acquêts, les injustices se produiront au profit du con- joint qui a eu le plus de prudence, de défiance ou de chance dans la constitution et la con- servation des documents probatoires.

Si l'on- suppose par exemple que l'époux, lors du mariage avait_ un fonds de commerce récemment acquis, tandis que l'épouse appor- tait le petit capital nécessaire au développe- ment de· celui-ci, l'injustice jouera au profit du·

mari, qui justifiera par son titre d'acquisition de la possession du fonds ~t contre la femme gui ne saura pas établir Ia possession de la somme apportée; en cas de dissolution du mariage par décès, elle jouera pour ou contre les ayants-droit du prédécédé.

L~ problème de l'évaluation des créances substituées aux propres ne se posera pas avec une acuité moindre dans l'hypothèse fré- quente où les biens personnels aux époux auront été vendus pendant la communauté;

on devra, longtemps après, déterminer le mon- tant du prix de réalisation; il n'y aura guère de cas où les intéressés auront songé à effec- tuer le remploi de ce prix dans des conditions qui permettent d'identifier le bien propre nou- veau substitué à l'ancien .

La séparation de biens avec société d'ac- quêts présente en outre d'autres inconvénients;

Tout d'abord il n'y a pas de présomption en cas de vente, d'un propre, que le prix est tombé dans la communauté; l'époux qui se dit

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créancier du prix devra prouver l'enrichisse- . ment de la société d'acquêts.

Ensuite on ne fait à la femme - nous y re- viendrons infra - qu'un cadeau bien illu- soire en lui attribuant l'administration de ses

propres~

Enfin, dire que chacun· des. époux a la jouis- sance de ses revenus --::- les épargnes cristal- lisées en acquêts formant seules l'avoir com- mun__:___ est contraire à l'idée familiale, qui veut l'affectation des revenus des deux époux aux biens du foyer.

En 1932, le législateur français avait pensé à introduire comme régime de droit commun, une forme dérivée de la séparation de biens avec sociétés d'acquêts : la par_ticipation aux acquêts. Dans ce régime, qui semble avoir perdu depuis les faveurs de l'opinion française, les époux géraient, chacun de leur côté, leur patrimoine en toute autonomie et il n'y avait pas durant le mariage de biens communs;

mais, à la dissolution on considérait comme avoir commun à répartir entre eux les biens dont la propriété restait non démon- trée; on pouvait, concevoir soit leur par- tage par moitié, soit leur répartition en pro- portion des apports respectifs. La simplicité de ce système nouveau dans lequel ses défenseurs eux-mêmes voyaient une étape. dans le · desser- rement de l'union conjugale, n'était qu'appa- rente lorsque des biens des époux avaient été aliénés, la question se posait nécessairement de savoir si les sommes obtenues n'avaient pas cdntribué à alimenter cette masse commune découverte in extremis; et un ardu problème était à débattre quant au montant de la re- prise; en cas de répartition en proportion des apports respectifs, il fallait évaluer ces apports opérés au cours de toute la durée de l'union ..

En fait, tant la séparation de biens avec société d'acquêts que la participation aux ac- quêts seraient favorables au mari; c'est lui qui dans la pratique et malgré les textes légaux, recevrait les ·sommes provenant des réalisations, qui concentreraient en sa main les revenus des propres et du travail respectif des époux;

s'il les affectait à des achats faits en nom personnel, la logique du régime adopté impo- serait à la femme la preuve que le5 biens ainsi acq!Jis ne l'ont pas été avec des deniers pro- pres au mari; et cette preuve serait la plupart du temps, impossible à procurer.

'*'* *

4· - Il n'y a, selon nous, à hésiter qu'entre

!e maintien de la communauté des meubles et acquêts, et l'adoption de la communauté d'ac- quêts, celle-ci ayant pour elle d'être plus équi- table en théorie, et contre elle, à notre avis, d'être moins équitable dans la pratique en rai- son des difficultés de preuve que son appli- cation susciterait. Nous préférons la première solution, sans contester la valeur des objections qu'on lui fait.

Si la communauté des meubles et acquêts est conservée comme régime légal, d'impor- tantes modifications à son statut actuel s'im- poseront toutefois; ces modifications concer- nent la composition du patrimoine commun et des patrimoines propres et la gestion du patri- moine commun.

Dans leur rapport déjà cité, MM. Thuys- baert et Van Dievoet proposaient de recon- naître le caractère de bien propre aux droits de propriété intellectuelle et industrielle, en come.

·prenant dans ceux-ci le droit au fonds de commerce; ils invoquaient le caractère stricte- ment personnel de ces droits. Il semble qu'il . y aurait lieu d'accueillir cette suggestion, par-

ticulièrement opportune en ce qui concerne le droit d'auteur; mais il serait dangereux d'étendre l'amendement au fonds de com- merce, qui a un aspect. bien plus patrimonial que personneL L'extension projetée conduirait à de grandes injustices dans le cas donné supra comme exemple, et qui se rencontre fréquemment, où l'un des époux apporte le fonds, et l'autre les capitaux qui permettront son développement. Au cours du mariage, la valeur du fonds augmentera grke au travail commun des époux et aux économies qu'ils auront réalisées et qu'ils. y auront investies, comment à la dissolution, faire la discrimina- tion de ces éléments, alors qu'aucun inventaire n'a été fait à l'origine et qu'il s'agit d'un cotp.- merce de détail à comptabilité rudimentaire?

On exclurait utilement du passif définitif de la communauté les dettes antérieures au mariage; les principes aujourd'hui admis en matière d'obligation aux dettes, resteraient d'application, mais la communauté aurait un recours contre l'époux débiteur; ainsi serait évité l'une des iniquités les plus criantes du régime légal actuel qui lui fait préférer la communauté d'acquêts. .

La même exclusion devrait être consacrée pour les dettes délictuelles ou quasi-délictudles nées dans le chef du mari pendant la com- munauté.

La limitation du recours de la communauté aux amendes pénales (art. 1424 du C. civ.) ne se comprend guère; le législateur s'en était bien aperçu lorsque par la loi du 16 avril 1935 (art. 1425 du C. civ. nouveau) il admit le droit à récompense de la communauté après payement de l'indemnité due par le mari dé- ment, mais il n'osa point toucher à cette occa- sion au majestueux édifice établi au titre du contrat de mariage.

...

...

5· :-L'autre vice du système du code, et le principal, semble-t-il, est l'omnipotence du mari en sa qualité de chef de la communaùté.

Les dangers de cette omnipotence se mani- festent dans la communauté d'acquêts comme dans la communauté des meubles et acquêts, avec cette différence qu'ils affectent dans le premier de ces régimes un patrimoine beau- coup moins considérable.

Le mari administre seul les biens communs, mais il les gère en administrateur irrespon- sable.

Ce serait une modification judicieuse que de décider, par un amendement à l'article 1421 du Code civil, qu'il répond des fautes, ou tout au moins des fautes graves, commises dans sa gestion. Il irait de soi qu'une erreur n'est pas une faute et il n'y a pas de raison de craindre ·que les tribunaux apprécient trop rigoureusement la responsabilité ainsi consa- crée.

Le mari peut aujourd'hui aliéner à titre on~

reux les biens communs, tant immeubles que meubles; il peut même aliéner à titre gratuit les biens mobiliers, à moins qu'il ne s'en ré- serve _l'usufruit ou qu'il s'agisse de l'univer- salité ou d'une << quotité » des biens meubles, la tendance de la jurisprudence belge étant d'interpréter le mot << quotité » employé par l'article 1422 du Code civil dans le seris de quantité importante; encore les restrictions édictées ne valent-elles pas quand la libéralité est faite pour l'établissement des enfants communs.

Une circulaire des Procureurs généraux d'appel a bien en 1931 mis obstacle aux alié- nations d'immeubles communs faites sans le concours de la femme, en imposant au notaire chargé de la vente de s'enquérir des rai:sons de la non-intervention de celle-ci et d'en ré- férer le cas échéant à l'autorité disciplinaire;

mais on n'a point cessé de discuter la valeur d'un amendement ainsi introduit « de biais )) à une disposition du Code civil par la voie administrative.

Il serait à souhaiter que le texte de l'article 1422 interdise désormais au mari l'aliénation des immeubles communs sans ~e concours de la femme ou l'autorisatio~ de justice, et que toute donation ne soit valable qu'avec ce con- cours ou cette autorisation. Faut-il aussi exiger concours ou autorisation pour }"aliénation des biens meubles de la communauté? On le propose, mais c'est peut-être prescrire une me- sure bien lourde et peu conforme aux néces- sités de la pratique : des distinctions de- vraient être faites éventuellement suivant la nature et la valeur des choses aliénées.

Suivant une partie de la jurisprudence en voie d'ailleurs de devenir minoritaire, l' annu- lation des acres faits par le mari, relativement aux biens communs, en fraude des droits de la femme, ne peut être poursuivie par cdle-ci qu'après que la communauté est dissoute et qu'elle s'est prononcée pour l'acceptation; il conviendrait de reconnaître à la femme le droit d'agir avant la dissolution; la solution exposée rend ·bien souvent son recours inef- ficace ou compromet les intérêts des tiers.

Enfin comme il a été suggéré lors des dé- bats du Comité de droit privé de la Ligue des familles nombreuses par Me Coppens, le lé- gislateur belge suivrait utilement l'exemple donné il y a quelques années par le législa- teur franç;ais lorsqu'il a conféré à la femme en cas d'absence, d'interdiction ou d'impossibilité du mari d'exercer sa volonté, la faculté de suppléer celui-ci : soit pour administrer les biens communs, soit pour les engager, soit même pour en disposer; mais la disposition des biens communs ne devrait cependant être permise, à notre sens, que moyennant autori- sation de justice.

'** *

_ 6. - Dans tous les régimes matrimoniaux~

la disposition des biens propres de la femme requiert son inrervention personnelle.

L'autorisation du mari ou de justice est toujours imposée pour les aliénations d'im- meubles.

Sous les régimes communautaires il faut aussi l'autorisation du mari ou de justice pour les

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aliénations de biens mobiliers; et c'est le mari qui reçoit les deniers produits par toutes alié-

nations immobilières ou mobilières.

L'administration des biens propres de la femme, aussi bien dans la communauté d'ac- quêts que dans la communauté des meubles et acquêts appartient au mari, à défaut d'une

stipul~tion contraire dans le contrat de ma- riage.

Faut-il modifier ces règles légales ? Nous pensons qu'une -réponse négative s'im- pose. Si l'on veut maintenir l'unité de direc- tion dans le ménage, il faut laisser au mari les pouvoirs qu'il possède actuellement; les reve- nus des propres de la femme sont destinés à faire face aux charges du ménage; il est nor- mal que le mari, à qui incombent les fonctions de chef du ménage, fasse fructifier ces propres et en touche les fruits.

Nous croyons d'autre part, qu'un amende- ment aux normes établies n'améliorerait en rien la situation de la femme. On a fait ob- server à la semaine internationale de droit tenue à Paris en 1937 (MM. Ripert et Jous- selin) et au cours des débats de la Société d'études législatives è:le Paris sur la réforme du régime matrimonial de droit commun en 1938, qu'un changement aux textes n'entraî- nerait pas de changement aux mœurs; après comme avant l'amendement des textes, ce se- rait, en fait, le mari qui administrerait les biens de la femme, qui encaisserait les revenus, qui percevrait les capitaux. La femme, à qui ces droits d'administrer, d'encaisser et de per- cevoir a_uraient été reconnus verrait en réalité sa position affaiblie.

En cas de mauvaise gestion de ses propres, elle aurait à faire la preuve, dont ell-e n'a pas à présent le fardeau, qu'elle a constitué le mari son mandataire; si des capitaux lui re- venant ont été reçus pendant la communauté, elle devra, pour justifier d'une créance contre le patrimoine commun, prouver le versement au mari ou l'enrichissement des biens com- muns; cette démonstration ne sera pas aisée à fournir surtout si la réception des deniers se situe à une date lointaine.

Lors des discussions sur 1~ réforme du régime matrimonial au Comité de la Li- gue des familles nombreuses, Maître Cop- pens avait proposé et fait admettre un intéressant amendement en matière de rem- ploi; lorsqu'un bien propre de la femme a été aliéné et que le prix en est tombé dans la communauté, la femme, à défaut d'une clause du contrat de mariage prévoyant l' obli- gation du mari au remploi, est sans moyens d'obtenir le remplacement de ses fonds; la proposition adoptée prescrit au notaire appelé à dresser l'acte d'acquisition d'un immeuble par le mari, d'avertir la femme, et celle:-ci pourra déclarer faire· remploi des sommes qui lui sont dues par la communauté dans le bien faisant l'objet de l'achat.

1r

**

7· . - La revlSlon du titre du Code civil sur le contrat de mariage s'accompagnerait vraisemblablement d'une refonte des disposi- tions sur les droits et devoirs respectifs des époux -amendées par la loi du 20 juillet 1932.

Peut-être le législateur profiterait-il de l'oc- casion pour u moderniser n le statut du man-

dat domestique de la femme mariée, encore qu'à notre avis cette modernisation aurait sur- tout une portée symbolique.

La refonte attendue concernerait principale- ment l'institution des biens réservés.

Nous doutons pour notre part que cette institution soit jamais destinée à prospérer;

elle a échoué en France, elle n'a eu jusqu'à présent aucun succès en Belgique.

On peut toutefois essayer de lui donner plus de vitalité en corrigeant les défauts de la loi de 1932.

Il est regrettable que rompant avec des tra- ditions séculaires, le législateur de 1932 ait décidé que l'aut6risation expresse du mari - ou, en cas de refus de celui-ci, l'autorisation de justice - était nécessaire pour qu'une fem- me puisse valablement exercer une profession, une industrie ou un commerce, une exception n'étant faîte que pour la femme ouvrière ou employée. En réputant l'autorisation tacite du mari insuffisante, les auteurs de la loi ont cru protéger les tiers; la mesure a tourné contre ceux-ci qui, induits en erreur par les appa- rences, ont pensé traiter avec une femme com- merçante, et se soRt heurtés par la -suite à l'incompétence du juge consulaire,

a

des

moyens de nullité, à l'impossibilité de faire déclarer leur débitrice en faillite.

Il faudrait revenir au régime de l'autorisa- tion tacite.

L'article 224a in fine énonce que la femme n'a point de biens réservés lorsqu'elle exerce un commerce avec des biens mis à sa disposi- tion p~r le mari. Cette réserve, qui énerve con- sidérablement les effets de l'institution, de- vrait disparaître; lorsque les premières assises du patrimoine réservé proviennent soit de l'avoir du mari, soit de l'avoir commun, il y aurait seulement lieu, éventuellement à la dis- solution, à un règlement de comptes entre les deux patrimoines intéressés.

Les larges pouvoirs conférés à la femme, par l'article 224b sont subordonnés à la condition qu'elle agisse dans l'intérêt du ménage ou pour l'établissement des enfants communs; il conviendrait d'établir et au besoin, de délimi- ter dans le texte la présomption que les actes de la femme relatifs aux biens réservés sont inspirés par l'intérêt du ménage,

La ca use de l'échec de la loi française sur le pécule réservé serait, soutient-on générale- ment, l'incertitude où les contractants de la femme se trouvent quant à l'étendue de le.urs garanties; si l'on veut assurer 1e crédit de la femme exerçant une profession séparée au- près des tiers, il est indispensable d'aménager le régime des preuves, insuffisamment réglé en 1932.

Enfin la question .de la contribution aux dettes des biens réservés, négligée par la loi de 1932, appellerait une solution.

Il ne nous appartient pas dans ce modeste article, d'examiner les multiples' problèmes que la loi de 1932 a laissé ouverts; ladite loi a fait l'objet de nombreux commentaires autorisés auxquels nous renvoyons.

'* **

8. - Le. Code civil consacre le principe de l'immutabilité du régime matrimonial. L'in-

tangibilité du statut patrimonial adopté par les époux doit-elle être maintenue ? On sou- tient fréquemment qu'il devrait être permis aux époux de modifier ce statut au cours du mariage et l'on invoque à ce propos l'exemple de nombreuses lois étrangères.

L'abandon de la règle de l'immutabilité se- rait cependant'bien dangereux. Il est à crain- dre, aujourd'hui comme en 1804, que l'un des époux n'accepre un amendement au ré- gime adopté que sous la pression de l'autre.

Le mari harcelé par les créanciers ou désireux d'accroître son crédit en vue de l'extension de ses affaires, arracherait le consentement de sa femme à des modifications qui lui enlèveraient le bénéfice des sages dispositions prises avant 'le mariage, au moment où elle avait encore la

protection de ses parents.

Sans doute admet-on que le changement au statut primitif n·e pourrait être opéré qu'avec de sérieuses précautions; la precaution essen- tielle serait le contrôle du tribunal. Mais nous avons peine à croire à l'efficacité réelle de ce contrôle; le tribunal - et le ministère public appelé à donner son avis - n'aurait d'orcli- naire pour se renseigner que les déclarations des parties, et au moment où celles-ci postulent

l'homologation, leur siège est fait.

Ce qu'oh pourrait, nous semble-t-il, envi- sager,·. c'est l'élargissement des conditions d'ob- tention de la séparation de bie.Ils judiciaire;

actuellement l'article 1443 du Code civil re- quiert la preuve pàr la femme du désordre des affaires du mari, or, quand elle est en me- sure de faire cette preuve, le mal est le plus

§ouvent déjà fait. On améliorerait sa situation en lui permettant d'agir en séparation dès qu'il y a péril de la dot; ce serait le cas, par exemple si le mari, exerçant une activité ne l'exposant pa:s à des risques anormaux chan- geait son orientation professionnelle et entre- prenait un commerce ou une industrie allant ainsi au devant d'aléas imprévus lors du ma- riage. Il faudrait pour que la demande de la femme soit reçue, des éléments de fait objec- tifs et non point seulement la manifestation d'intentions. Les droits des créanciers anté- rieurs devraient en toute hypothèse être sau- vegardés.

'* **

Les observations qui précèdent n'ont pas la prétention, on le comprend, d'épuiser l'examen des' questions que pose la réforme du régime matrimonial de droit commun.

Elles paraîtront vraisemblablement trop ti- mides à certains. Mais nous pensons qu'il ne faut se hasarder qu'avec prudence dans la voie de cètte réforme, sans perdre de vue que la loi ne changera pas les mœurs, que celles-ci peu- vent rendre des modifications trop radicales inefficaces, et même dangereuses et qu'enfin les impossibilités de preuve feront jouer sou- vent à contre sens des innovations en elles-- mêmes équitables.

L'adoption d'un programme mm1mum, pa- rût-il peu audacieux, est une attitude plus sage que le ralliement à un programme plus raste, séduisant par sa hardiesse plus grande, t.nais susceptible en fin de compte d'engendrer plus d'injustices;

René PIRET.

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COMM;ENTAIRES LÉGISLATiFS

L'Arrêté du 14 février 1946

relatif aux présomptions et constatations de décès

Depuis le 1 o mai 1 9 4 o, l'Etat civil s'est trouvé dans l'impossibilité de constater régu- lièrement la mort de tous l-es citoyens.

Le_ Code civil. avec ses seules dispositions sur l'absenc·e, ne donnait pas une solution adéquate aux multiples problèmes posés par l'incertitude qui planait sur le sort d'un grand nombre de personnes. Aussi les Secrétaires Généraux. par leurs arrêtés du 12 juin 1942 et du 15 juin 1944, avai.ent-ils déjà pris des mesures exceptionnell-es en matière d'état civil.

L'arrêté du Régent. en date du 1 4 février 1946 (Mon. 25-26 févr.) constitue une re- fonte de l'œuvre ·des Secrétaires Généraux et contient en outre de nombreuses innovations.

Cet arrêté prévoit-- deux mesures essentiel- les: la déclaration de présomption de décès et la déclaration de décès. En outre il détermine comment et dans quelles conditions les r·egis- tres de l'état civil seront complétés ou modi- fiés de façon à correspondre à la réalité.

Il importe d~ signaler que les articles 1 1 2

et suivants du Code civil sur l'absence ne sont pas abrogés- et qu'ils continuent à régir les situations non prévues par l'arrêté.

En combinant 1~ Code civil et l'arrêté du 14 février 1946 on peut donc établir la gra- dation suivante:

La mort ne paraît pas certaine: applica- tion possible des articles 1 1 2 et suivants du Code civil, présomption d'absence et déclaration d' absenc·e;

la mort pœraît certaine: déclaration de pré- somption de décès (art. 1 à 9 de l'arrêté) ; la mort est c~rtaine: déclaration de décès (art. 1 o à 1

5.)

Dans de nombreux cas, le choix de la mesure à prendre sera délicat puisqu'il suppo- sera une nette distinction entre d'une part, ce qui est certain, .et d'autre part, ce qui paraît

certain.

A va nt d'examiner le mécanisme de chacune de ces mesures, il est donc néc·essaire de défi- nir et d'opposer ce qu'on doit entendre par

< mort certaine > et par « mort qui paraît certaine ».

La mort sera certaine, au sens de l'arrêté, uniquement lorsque le fait même de la .wrt -sera directement prouvé, sans qu'une possibilité

d'erreur subsiste.

Par contre, la mort paraîtra simplement certaine lorsque le fait de la mort ne pourra être établi que d'une manière indirecte, par un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes.

Dans ce dernier cas, on peut normalement considérer que l'homme est mort; mais comme le fait mêm·e de sa mort n'a _pas pu être véri- fié directement, un certain espoir demeure qu'il soit resté en vie, grâce à un concours de circonstances exceptionnelles.

Nous verrons que la déclaration de pré- somption de décès est chargée d~ très lourdes conséquences. On ne pourrait donc la pronon- cer lorsque la mort apparaît simplement com- me vraisemblable: le législateur a exigé qu'on

possèd~ une quasi-certitude et cette quasi-cer- titude ne peut selon nous, découler que d'un ensemble de présomptions précises, graves et parfaitement concordantes.

Lorsqu'il est simplem~nt possible ou pro:"

hable qu'un homme soit mort, on ne peut légalement le présumer mort.

1. Déclaration de présomption de décès (art. 1 à

9).

a) Conditions:

Pour que cett~ déclaration soit possible, il faut:

- que la mort paraisse C·ertaine (art. 1 e'r) ;

que par suite de circonstances ·dues à la guerre, il n'ait pas été possible d'établir régulièrement un acte de décès;

qu'il s'agisse d'une personne- décédée en Belgique; d'un Belg·e décédé à l'étranger;

d'un étranger décédé à l'étranger, mais à la condition qu'il ait eu son domicile en Belgique au moment des hostilités ou qu'il ait pénétré dans le royaume pendant cel- les-ci.

Les arretes des S·ecrétaires Généraux exi- geaient en outre que le décès fut vraisembla- blement survenu depuis 1-e 1 o -mai 1940.

L'arrêté ne reproduit pas cette condition;

cette omission est logique, car le but de l'ar- rêté n'est pas ·de statuer sur le sort des per- sonnes victimes d'un fait de guerre, mais de combler les lacunes que la guerre a introduit dans l'état civil.

b) Compétence - Caractèr-es La déclaration de présomption peut émaner que du Ministre des la Guerre (art. r·Eir).

(art. 1er) de décès ne Victimes de Notons qu'actuellement, c'est le Ministre de la Reconstruction qui a recueilli ce pouvoir (cfr. par exemple Mon. 6 févr. 1946).

La déclaration est donc essentiellement une mesure administrative.

Elle est aussi une mesure purement facul- tativ·e que le Ministre prend si bon lui sem- ble par une décision qui n'est susceptible d'au- cun recours.

c) Procédure - Instruction:

La déclaration est poursuivie, soit d'office par les soins du Commissaire Principal aux Victimes de la Guerre ou par un Commissaire d'Etat (art. 5) soit à la requête du Procureur du Roi ou à celle de toute personne intéres- sée (art. 2).

Par personnes intéressées, il faut entendre - selon nous, toute personne dont les intérêts familiaux ou patrimoniaux doivent se trou- ver influencés par les conséquences de la décla- ration.

Les créanciers d'un des héritiers de la person- ne dispaJ;Ue peuvent déposer requête.

Les requêtes peuvent être remis.es soit entre les mains du Ministre, soit entre celles du Bourgmestre (art. 2) .

Le Ministre peut prescrire toutes les infor- mations et recherches et requérir pour c·e faire, le concours de la police, de la gendarmerie et de toute personne ayant prêté le serment prévu par l'article 2 du décret du 1 o juillet 1 8 3 1.

En pratique, les enquêtes sont conduites par le Commissaire Principal aux Victimes de la Guerre et par les _ Commissaires d'Etat, -ces agents ont d'ailleurs le pouvoir d'entendre sous serment, les témoins (art. 7 et 8). -

d) La déclaration -.Ses effets:

La disposition de la décision doit contenir toutes les énonciations prescrites par l'article 7 9 du Code civil et faire mention, en outre, des renseignements qui n'auraient pu être re- cueillis (art. rer).

La décision est portée à la connaissance des requérants par lettre recommandée et publié·e au Moniteur ainsi que dans un journal de la Pro- vince ou de l'arrondissement du dernier domi- Eile en Belgique ( art. 9) .

La déclaration· de présomption de décès pro- duit tous les ,effets de la déclaration d'absence après envoi en possession (voir art. 123 et suivants, C. c.) En outre, elle ouvre le droit à la pension .et provoque l'ouverture de la tutelle (art. 4).

Elle sort ses effets à partir de la date de la décision et est opposable à tous (art. 4 et 9) •

[1. La déclaration judiciaire de décès.

a) Conditions (art. 1 o) :

La déclaration judiciaire de décès, est. son nom l'indique, de la compétence exclusive des Cours •tt Tribunaux.

Pour que cette déclaration puisse être pro- noncée, il faut :

1. que la personne soit certainem_ent décédée;

2. qu'il s'agisse d'une des personnes énumé- rées par l'article 1er de l'arrêté; _

3. que les circonstances dues à la guerre aient empêché la rédaction de l'acte de décès b) Compétence - Procédure:

En principe, c'est le Tribunal du dernier domicile du défunt qui est compétent. II est saisi par voie de requête .déposée, soit par le Ministère -?ublic, agissant motu proprio ou à la demande du Ministre des Victimes de la Guerre, soit par toute personne intér-essée (art.

10).

Pour instruire les affaires, le Ministère Pu- blic peut requérir ]es services du Commissaire Principal et ceux des Commissaires d'Etat.

L~s articles 8 56 et 8 58 du Code de procé- dure civile sont applicables à l'instruction des causes. En plus, le tribunal a la faculté de faire publier la demande au Moniteur et dans certains journaux; s'il use de cette faculté, il doit indiquer dans son jugement le délai dans lequel il sera statué sur la demande après la publication ( art. 1 3) .

c) Effets de la déclaration:

Les jugements et arrêts constatant le décès tiennent lieu d'actes dé l'Etat civil •et sont opposables à tous.

Ils pourront, comme des actes de l'état civil, être éventuellement rectifiés suivant les moda- lités prévues aux articles 99, 1 oo et 1 o 1 du Code civil, et 8 55 èt suivants du Code de procédure civile.

En cas d'échec de la demande, elle ne pourra être réitérée que si le requérant peut faire état de faits nouveaux.

Quand la décision est coulée en force de chose. jugée, son dispositif est transcrit à sa date dans les registres courants de l'état civil du dernier domicile (si ce domicile est incon- nu, voir article 1 4).

En outre, mention de cette transcription est fait·e dans les mêmes registres à la date du dé-, cès telle qu'elle est déterminée par la décision;

cette mention marginale doit comporter un renvoi à la dat·e de la transcription.

III. Rectification administrative de cer- tains actes de décès.

L'article '-{ 6, bien que co'mpris sous ce titre, ne concerne pas la rectification des actes de décès mais bien l'inscription des act·es de décès et des jugements, lorsque celle-ci n'a pas pu être faite à raison· de la guerre.

Tous les act·es de décès et toutes les déci- sions belges ou étrangères qui en tiennent lieu doivent - le texte est impératif - être por- tés sur les registres de l'état civil.

La procédure à suivre par les officiers de l'état civil est déterminée par les alinéas 3 à 5 de l'article 1 4.

L'article 1 7 concerne, lui, les rectifications à apporter aux actes visés par l'article 1 6.

Lorsque ceux-ci contiennent des lacunes, des erreurs ou des mentions autres que celles pré- vues par l'article 7 9 du Code civil, mais sans que le fait du décès ou l'identité du défunt soient douteux, ils pourront faire l'objet d'une rectification administrative.

Le ministre des Victimes de la Guerre a seul compétence pour procéder aux rectifications;

il peut agir d'office, soit sur req~êt.e du Mi- nistère Pu.blic, de l'officier de l'état civil qui a dressé ou transcrit l'acte, ou de tout·e per- sonne intéressée.

Un acte ou un juge'ment ne peut faire l'objet que d'une seule rectification adminis- trative (art. 2 1).

** *

Il est important de souligner qu.e l'arrêté entré en vigueur le jour de sa dat-e, doit cess·er

(5)

ses eff.ets à

i'

expiration du douzième mo1s suivant (art. 2 7). Il est applicable aux pro- cédures .en cours ·introduites conformément à l'arrêté des Secrétaires Généraux des -~ 3 · juin 1942 et 15 juin 1944·

Le système conçu par le législateur semble rationnel.

Quand il s'agit de constat·er le décès, il donne compétence aux Cours et Tribunaux;

quand il peut subsister une chance que l'hom- me soit .encore en vie, il charge le Ministre de faire une simple déclaration de présomption de décès.

Il est à noter que le Tribunal ne pourrait faire cette déclaration au Heu d'une constata- tion de décès jugée périlleuse. Chacune des me- sures appartient exclusivement à chacun des pouvoirs.

Il est probabl·e qu'après l'écoulement d'un certain laps de temps, la prudence qui a com- mandé de s'en tenir à une simple déclaration de présomption de décès ne se justifiera plus et que par une nouvelle intervention législa- tive. ].es déclarations de présomptions de décès seront transformées èn constatations de décès.

Paul GOURDET.

LA V lE DU DROIT

Les fondements

de l' ''International Military Tribunal.,_.,

(*)

VI

NULLA POENA ...

NULLUM CRIMEN

« Un code pénal. quelque parfait qu'il soit, immobilise pour un long terme ce qui est le mouv.ement; la loi ne connaît que les sommets de la vie et ne peut en scruter les accidents infinis. Il arrive un moment, où, débordée par les faits, elle perd son crédit. » (Adolphe Prins, Criminalité et Répression, p. 84).

** ...

L'absence d'une règle postttve, préalabl,e, précise et incontestée ne se pose, do·nc qu'inci- demment au Tribunal de Nuremberg et dans la m.esure où,, comme nous avons tenté de le démontrer sommairement, l'existence de précé- dents sérieux, la force d'une règle morale supé- rieure et c·ette circonstance aussi que l'Allemagne est récidiviste dans son mepris criminel des Traités et du Droit des Gens, ne fourniraient pas les éléments d'appoint suffisants pour suppléer auXI lacunes d'un droit pénal interna- tio·nal encore vagissant.

Soulignons aussi au préalable gue le principe de la non-rétroactivité de' la loi pénale ne peut faire illusion sur le paradoxe étrange d'une situation qui aurait pour effet d'accorder aux prévenus de Nu_remberg le bénéfice d'une norme qui caractérise la vie juridique des Et~ts de civilisation démocratique et que les Nationaux socialistes ont rangée dans la galerie des anti-

quités. .

De même, ne tiendrons-nous compte m des argum.ents que l'on pourrait puiser dans les réserves que contient la Déclaration de Moscou ni de la genèse qui a abouti à la capitulation inconditionnelle de l'Allemagne et à l'accord de Londres du 8 août 1 945·

Si nous croyons devoir aborder l'examen du complexe qui procède des règles « nulla poena sine lege » et « nullum c·rimen sine lege » c'est avant tout parce qu'il occupe une place domi- nante dans toute .discussion qui touche le pro- blème des crimes· de guerre.

** *

« Le problème de la rétroactivité ou non rétroactivité d'une règle juridique se traduit substantiellement dans un conflit entre deux dispo·sitions successives concernant la. même matière relativement à des rapports qut ayant pris naissance lors de la vigu~ur de la pre- mière règle, maintiennent leur extstence, en .~ux­

mêmes. ou dans leurs effets, quand la deuxteme règle est devenue obligatoire » ( R. Ago, Aca- démie de Droit International, 1936, IV, t. 58, p. 351.)

Cette 1équation juridique 'POSée, rappe<lons qu'elle procède de l'Article VIII de l.a Décl~­

ration des Droits de l'Homme: « La lot ne dott établir que des peines strictement et évidem- . ment nécessailles, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieu-

rement au délit et légalement appliquée ).

(Bulletin· des Lois, Avant Bulletin, t. IV. p.

I 8 8. - Décret de rAssemblée Nationale du 3 septembre 1791.)

Il est hors de discussion, que les normes qui en découlent: « nulla po ena sine lege )) et

« nullum crimen sine lege » et qui se synthé- tisent dans le complexe de la rétroactivité se justifient historiquement par la protection qu'elles opposent à l'absolutisme politique.

/Rien d'éto·nnant dès lors qu'elles dominent la législation interne de tout Etat civilisé et même le droit interétatique ·dans ses diverses manifestations.

Toutefois, que le principe de la non rrr.ro- activité des lois constitue un élément institu- tionnel, ne lui confère point pensons-nous la valeur infaillible d'un dogme.

En effet, pour nous en tenir d'abord au pas- sé, il est des ·exceptions au principe et ce sont les Etats les plus conservateurs des institutions

·démocratiques qui nous les offrent: l'Angle- terre avec l'ln dia Act no 3 o (dont nous au- rons l'occasion de reparler) et la France avec sa Loi du 2 7 mai 1 8 8 5 swr « Les Récidivistes réputés incorrigibles ». (L'article 9 de cette loi porte qu'il sera tenu compte pour la rélé- gation, en certains cas, des condamnations 'antérieures. (Voir A. Normand, Droit Cri- min.eC Paris, 1 8 9 6, n ° 1 8 7. - Les Codes f-rançais, Tripier et Monnier, Paris, 1 8 9 6, p.

55]·) . .

Le Droit International se montre-t-tl motns rigoureux que le Droit Interne ? _

On serait tenté de le croire à suivre De Bus- tamante Y Sirven (Op. cit. t. IV, no 835.)

« Quant au principe nullum crimen sine lege, on doit observer en premier lieu que sa rigueur est un peu tempérée par la circonstance que les personnes internationales qui existent- aujourd'hui et qui so•nt maintenant plus nom- breuses que jamais n'atteignent pas le chiffre cent, ce qui permet plus d'appréciation que dans une société nationale nombreus·e. »

Or, en réalité, dans la p-ériode d'avant- guerre le Droit International entend, au même titre que J.e Droit Interne, maintenir force et vigueur au principe de la non rétroactivité. Il en est ainsi ·et pour le Droit · International Conventionnel. et pour la Jurisprudence Inter- nationale.

Mais ici aussi, la no·n rétroactivité n'apparaît pas comme un dogme indiscuté, mais comme un principe de base susceptible de souffrir des exceptions.

Ainsi, pendant la guerre de Sécession. à l'occasion du litige qui opposait Grand·e-Breta- gne et Etats-Unis au sujet du bateau corsaire Alabama, l'article 6 du Traité de Was'hington du 8 mai 1 8 7 1 formant convention d' arbi- trage do·nnait compétence aux arbitres pour connaître des faits antérieurs à la co•nventicn.

(Rousseau, Principes généraux du Droit Inter- national Public, p. 486. - Echo du Parle- ment, du 23 décembre 1878).

En matière de jurisprudence internationale, Rousseau cite à titre de 'précédent la sentence

de la Cour permanente de justice Internationale en date du 3 o août 1 9 24, laquelle admet

« qu'une convention peut déployer des ~fftts

à l'égard de situations juridiques remontant à une époque antérieure à sa proore rxis- t·ence ». II s'agit en l'espèce de l'Affaire des Con- cessions Mavromatis à Jérusalem (Pour cette sentence qui n'a d'ailleurs recueilli que 7 voix contre voir J.es P.ublications de la Cour Permanente de Justice Intemationale, Série A, 2. Recueil des Arrêts, Leyde, 1 928.)

Mais Rousseau fait remarquer que dans les affaires des Phosphates du Maroc (sentence du

1 4 juin 1 9 3 8) et de la Compa:gnie d'Electri- cité de So.fia (sentence du 4 avril 1 9 3 9) et bien que la Cour n'ait pas statué en termes généraux, le principe a été maint·enu.

Stir le plan du Droit· Pénal International, les Traités de 1815 et de Versailles ont, nous l'avons vu pcécédemment, apporté aux nor- mes « nulla poena » .et « nullum crimen ) des infractions substantielles dans la matière par aineurs si délicate de la responsabilité pénale des Chefs d'Etat.

*'* *

Pour la situation actuelle, comment ne pas être frappé par un symptôme général qu'illus- treront quelques exemples:

La France, si sentimentalement associée au sort de sa·<< Déclaration des Droits de l'Hom- me » n'a-t-elle pas promulgué son ordonnance du 28 août 1944 « relative à la répression des crrimes de guerre» ?

Certes. et c'est notre sentiment en l'absence d'une législation préexistante, il vaut mieux plutôt que de se croiser les bras, donner à des nouvelles formes de la criminalité J.es sanctions

·des infractions ·déjà qualifiées et qui s'en rap- prochent le mieux, et même en l'absence d'une législation de circonstance abandonner le soin de la répression des crimes de guerre à la juris- prudence. Mais qui affirmera que la France ait été fidèle au· principe de la non rétroactivité en édictant une- législation dont les effets remontent à 1 9 3 9, et qui permet de poursuivre l'imposition d'amendes collectives sur pied du pillage, le travail obligato·ire des civils sur pied de la séquestation, l'exposition dans une cham- bre à gaz sur pied de l'empoisonnement.

En 1 9 2 o, la Hollande refusait aux Puis- sances l'extradition de Guillaume Il. Dans sa note du 24 janvier, elle posait comme con- dition de sa participation à l'organisation future d'une justic·e 'internationale que pareille institution ait compétence pour « juger des -faits qualifiés crimes et soumis à des sanctions par un instrument antérieur aux actes com- mis ». Ce pays t;estait insensible aux critiques véhémientes du Temps qui opposait à son argu- mentation des précédents puisés dans l'histoire des Pays-Bas remontant à l'époque d'Olden Barneveldt et de de Bentinck.) Aujourd'hui la Hollande conteste-t-elle que son arrêté-Lo·i du

22 décembre 1943 ait un effet rétroactif?

L'U. R. S. S. a-t-elle :hésité à 1donner un ef~et rétroactif à la législation « crimes de .guerre », et n'a-t-elle- pas dans cet esprit, m~­

difié et complété les articles de son code cn- min·el qui répriment les agissements d~ a~so­

ciations de criminels? (Il semble. mals nous n'avons pu vérifier ce point, que la Justice soviétique ait appliqué aux inculpés de Kar- khov des ukases datant de janvi·er et de mars

1 9 4 3 pour des faits criminels perpétrés en 1941 et 1942.)

\Pourtant l'U. iR. S. S. a toujours témoigné d'une fidélité classique au principe de la non rétroactivité (voir sur le plan diplomatique la lettre adressée par Litvinoff alors commissaire du Peuple aux Affaires Etrangères, au Prési- dent de la S. D. N.; en date du 1 5 septembre 1943, citée par Rousseau, op. cité, no 308.) Et comment affirmer que la doctrine échappe au phénomène lorsqu'on co·nstate qu'un juris- te et homme d'Etat aussi éminenit que Ves- pasien Pella entend justifier· aujourd'hui les poursuites ·de Nurem,berg même en l'absence d'une. règ'le positive préétablie (op. cit Sottile, 1945,), alors qu'il se révélait en 1926 le cham- pion farouche du maintien de la norme lcrs-

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