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La communication publique :

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Academic year: 2021

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UNIVERSITE DE PARIS – SORBONNE (PARIS IV) ENA

École des hautes études en sciences de l’information et de la communication

École nationale d’administration

Master Professionnel 2 ème année

Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

Le recours aux émotions dans une campagne de communication publique sécuritaire :

Analyse sémiologique des spots Stop-Djihad du SIG

Sous la direction de :

Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités Au CELSA Paris-Sorbonne

Et

Monsieur Jean-Emmanuel Paillon

Délégué général à l’administration des ressources et des services, INRIA

2015-2016

Nom et Prénom: Kharrat Driss Ines

Promotion : Georges Orwell

Option : COMMUNICATION

DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

Soutenu le : Mention : Note du mémoire :

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2 Remerciements

Je remercie Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris- Sorbonne, pour le temps précieux qu’elle m’a consacré.

Je remercie Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, Délégué général de l’INRIA, qui m’a pleinement fait profiter de son dynamise et ses qualités professionnelles.

Je remercie toutes les personnes qui ont accepté de me recevoir et de me consacrer une partie de leur temps.

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3 Sommaire

Introduction générale………. 7

La problématique……… 10

les hypothèses………. 11

plan du mémoire ……… 12

Partie I- La prédisposition de communication publique à l’usage des émotions………... 14

Introduction Partie I……… 15

Chapitre I- La communication publique : De l’intérêt général au changement comportemental de la société……… 17

Section I – La communication publique entre enjeux et définitions…… 18

I.1. les enjeux de la communication publique …….……….. 20

1. Enjeu réglementaire ……...………... 22

2. Enjeu économique ………. 22

3. Enjeu social ……. ……….. 23

4. Enjeu politique ……. ………. 23

5. Enjeu technologique ……..……….. 24

I.2. la définition de la communication publique ……..……….. 24

1. Communication politique et communication publique …….… 25

2. Communication sociétale et communication publique …….... 26

Section II – Une lecture dans différentes campagnes de communication publique nationale visant la modification des comportements………….. 28

II.1. La campagne de la sécurité routière (2016) .……….. 28

II.2. La campagne de prévention du Sida Inpes (2015) .……….. 33

Chapitre II- Les émotions : axe de communication publique De l’émotion à la création attitudinale et comportementale………... 36

Section I – Rôle des émotions dans l’efficacité des campagnes de communication publique ………. 37

I.1. Définitions des émotions ………... 37

I.2. La classification des émotions ……….. 38

I.3.Différence entre émotion et attitude ……… 40

I.4. La communication publique et la communication persuasive……… 41

Section II – Les mécanismes et outils de la communication persuasive basées sur les émotions……… 43

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II.1. Les mécanismes de la communication persuasive ………. 43

1.1 La persuasion informative ……….. 43

1.2 La persuasion mécaniste ………... 44

1.3 La persuasion intégrative ……….. 44

1.4 La persuasion suggestive ……….. 45

II.2. Les outils de la communication persuasive basée sur les émotions : ………. 46

1. Image ………... 46

2. Imagerie mentale……….. 47

3. La communication narrative (le storytelling)……… 47

4. L’effet de cadrage des conséquences……… 48

Section III – Le cadre résumant le processus de communication axé sur les émotions dans le cadre de notre étude ………... 49

Conclusion partie I ………... 50

Partie II- La prévention de la radicalisation entre communication sociale et politique sécuritaire……… 51

Introduction Partie II……….. 52

Chapitre III- Le contexte de la radicalisation en France……….. 54

Section I – L’évolution de la radicalisation en France et la diversité des profils des radicalisés ……….. 55

I.1. Les indicateurs de la radicalisation ……….. 55

I.2. Le dispositif de lutte contre la radicalisation en France ……….. 57

I.3. Le profil des jeunes radicalisés……… 58

a. Les femmes : nouvelle cible des recruteurs radicaux……….. 58

b. Des jeunes entre 15-21 ans ……… 58

c. Toutes les classes socioprofessionnelles sont touchées ………… 59

d. Des familles de cultures diverses ……… 59

I.4. Le processus de radicalisation ……….. 60

Section II – La campagne de communication publique « stop djihadisme » ………..……….. 61 II.1. Campagne janvier 2015 ……… 61

II.2. Campagne octobre 2015 ……….. 63

Chapitre IV- Etude de la campagne Stop djihadisme……… 65

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Section I - Méthodologie de recherche ………. 65

I.I. : Recherche qualitative..……….. 65

I-1- Choix de la méthode de recherche .……… 65

I-2- Méthode de collecte des données ..……… 66

I-3- Choix des répondants ……… 67

I-4- Guide d’entretien ……… 67

I-5- Administration des entretiens………. 68

I-6- Méthode d’analyse………. 68

I.II. Analyse sémiologique ……… 70

Section II - Analyse des résultats ……….. 71

II.I. Phase 1 : focus group………. 71

II.II. Phase 2 : analyse sémiologique ………. 76

1. Spot 1 de la campagne de janvier 2015……… 76

2. Spots de la campagne d’octobre 2015 ……… 82

II. III. Interprétation des résultats ……… 84

Conclusion partie II ……… 86

Conclusion Générale………... 87

Bibliographie………... 90

Annexe A……….... 95

Annexe B……….... 97

Annexe C……….... 100

Annexe D……….... 101

Annexe E………... 102

Résumé………... 109

Mots clés………... 110

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Liste des images

Image 1 : Le choc de l’accident et le nombre de victime induite 32

Image 2 : La victime de la sécurité routière 32

Image 3 : Une proche de la victime 32

Image 4 : Signature du spot de la prévention du sida 35

Image 5 : Affiches déclinées des spots de la prévention du sida 35

Image 6 : Affiche sécurité routière – Alcool 43

Image 7 : Affiche sécurité routière – ceinture de sécurité 44

Image 8 : Affiche protection de l’environnement – gestion des déchets 45

Image 9 : Affiche sécurité routière – ceinture de sécurité 45

Image 10 : Affiche sécurité routière – Le danger des téléphones en conduisant 47 Image 11 : Affiche sécurité routière – Le danger des téléphones en conduisant 47

Image 12 : Affiche sécurité routière – l’alcool au volant 48

Image 13, 14 et 15: Images véhiculées par les réseaux terroristes 58 Image 16 et 17 : Images véhiculées par les réseaux terroristes 59 Image 18 : Capture écran du film de prévention de la radicalisation 61 Image 19: Capture écran sur la signature de la campagne de la prévention de la radicalisation 62 Image 20 : Capture écran du spot montrant la prise de contact (le jeune - le groupe terroriste) 77 Image 21, 22 et 23 : Capture écran des séquences du plan 1 du spot 77-78 Image 24 : Captures écran sur la signature du spot des témoignages 83

Liste des figures

Figure 0 : Schéma de la communication verbale Jakobson 15

Figure1 : Le cadre de l’étude 49

Figure 2 : Profil des cas signalés 56

Figure 3 : Profil par tranche d’âge 57

Figure 4: Les canaux de la propagande terroristes pour le recrutement 60

Liste des tableaux

Tableau 1: Classement des émotions (Shaver et al. 1987) 40

Tableau 2 : Méthodes d’analyse de contenu 70

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Introduction générale

Au cours de ces dernières années, la radicalisation est devenue une préoccupation internationale. La prévention de la radicalisation conduisant à la violence et au terrorisme est un défi permanent portant sur des enjeux sécuritaires et de cohésion sociale.

Les termes « radicalisation », « prévention », « désengagement » et « dé- radicalisation » se sont largement répandus depuis les attentats du 11 Septembre, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les pays du Nord de l’Europe. Ces concepts sont liés et connaissent un regain d’intérêt en France depuis les attentats de janvier 2015.1

En France, 8 2502 signalements destinés à prévenir des cas de radicalisation violente ont été effectués depuis la mise en place d’une plate-forme téléphonique en 2014 par le ministère de l’Intérieur pour leur signalement des cas de radicalisation.

Selon certains analystes3, la hausse des signalements en 2015 est liée au contexte particulier, de deux attentats majeurs ayant ensanglanté Paris conduisant à l’instauration d’un État d’urgence.

A la suite des attentats de Charlie Hebdo, le SIG, Service d’information du gouvernement, a lancé une campagne de communication « anti-jihad » dans le cadre d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme. La campagne médiatique, une des actions du plan d’action gouvernemental, est marquée par le lancement d’un clip via les réseaux sociaux en janvier 2015 et la diffusion de spots télévisés dans une vingtaine de média en octobre 2015.

Dans l’ère de l’image et de l’immédiateté, au moment où se démocratisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les messages de la communication publique empruntent les codes de la communication publicitaire dans un objectif de plus grande d’efficacité et d’impact sur les cibles.

1 Asiem el Difraoui, Milena Uhlmann, (2015) « Prévention de la radicalisation et dé-radicalisation : les modèles allemand, britannique et danois, Politique étrangère » 2015/4 (Hiver)

2http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/02/03/que-disent-les-chiffres-sur-la-radicalisation-en france_4858633_4355770.html

3 Id.

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8

La communication publique est souvent définie comme un processus à sens unique, avec d’un côté, des gouvernants et de l’autre des gouvernés. Les contributions académiques concernant la communication publique demeurent faibles comparées à d’autres formes de communication. Avec l’évolution des rapports entre les citoyens et la sphère publique et le passage de la réception de l’information à la communication, le souci de bien communiquer est devenu un enjeu majeur du secteur public.

La sphère politique se sépare rarement des émotions, des passions et de la communication selon Max Weber4. L’action gouvernementale actuelle, particulièrement dans cette période de violence, de crise et d’incertitude, appelle un certain type de discours fortement émotionnel.

On observe la place occupée par les émotions dans la confiscation de l’espace politique et son inscription à un rang élevé dans l’agenda national des questions sécuritaires. D’où le fait qu’une communication publique pourrait avoir tout à gagner de l’instrumentalisation des émotions.

Les peurs, les angoisses, les menaces ont toujours été utilisées par les politiciens, dans certains contextes et événements d’actualité, pour s’ériger comme rempart ou garant contre l’insécurité ou le danger.

A ce stade, les questions suivantes doivent être posées: Est ce que les pouvoirs publics peuvent mobiliser toutes les émotions ? L’émotion suscitée conduit- elle à la transformation de l’état affectif à un état incitant à l’action ? Quelles sont les techniques adoptées pour provoquer les émotions souhaitées ? Les émotions ne varient-elle pas en fonction des cibles ce qui suppose une étude de marché préalable? Comment évaluer l’efficacité de l’emploi des émotions dans une campagne de communication publique ?

Dans ce travail, nous avons choisi de nous restreindre à l’étude des émotions dans le message véhiculé par la sphère publique par le biais d’un canal de communication au récepteur. L’objectif de l’institution publique est de provoquer une réaction chez le récepteur par le changement de ses attitudes et/ ou

4 Citée par Cynthia Fleury (2008) ; « La passion de la communication », http://www.humanite.fr/node/384913

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une prise de conscience d’un phénomène (objectif cognitif), par le développement d’un état émotionnel (objectif affectif) et/ou le pousser à l’action (objectif conatif).

Pour atteindre ces objectifs, les institutions publiques ont emprunté les méthodes du secteur privé. Zemor5 (1992) parle des moyens dont dispose une organisation de services publics pour influencer, dans un sens favorable à la réalisation de ses objectifs, les attitudes et les comportements des publics auxquels elle s’intéresse.

Notre objectif principal est de mettre en évidence les techniques de persuasion empruntées à la publicité marchande, dans la conception des spots mêlant image et discours pour atteindre les objectifs de la campagne de prévention de la radicalisation, basées sur les émotions.

Outre le défi sécuritaire que provoque la montée de la radicalisation, le traitement du sujet sur la communication de la prévention de la radicalisation nous semble nécessaire pour deux raisons principales.

La première provient d’un constat : la France fait face à une montée croissante des actes violents issus de la radicalisation. Les budgets alloués à la communication pour lutter contre la radicalisation étaient, avant les attentats, très restreints et se limitaient à des actions ponctuelles sur le terrain (subvention des associations, accompagnement des collectivités territoriales, etc.). En conséquence, les campagnes de communication sont rares et seuls les discours des politiciens relayent l’ampleur du phénomène auprès des citoyens.

La deuxième raison qui a motivé cette étude repose sur la nécessité de mener des travaux dans le domaine de la communication destinée à la lutte contre la radicalisation, qui, pour l’instant ne suscite que l’intérêt des politologues, sociologues et anthropologues. Or, le challenge est de développer des argumentaires et des contre-discours à la propagande extrémiste à l’attention des cibles. Ces contre- discours élaborés pour le gouvernement reposent sur les conclusions et recommandations des experts de différents domaines, mais ne peuvent être traduit aux récepteurs qu’à travers des spécialistes en communication publique.

5 Pierre Zemor ; (1992) « L’information pour les usagers : les sens de la relation », Rapport officiel de la documentation française, p.8

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Une question centrale se pose alors, celle de l’efficacité de la communication de prévention de la radicalisation menée par le Service de l’information du gouvernement.

Cependant, les études comparatives et les articles académiques manquent dans ce domaine étant donné que le sujet est très récent. La problématique générale de ce travail va se concentrer sur le décryptage des techniques persuasives basées sur les émotions dans la mesure où l’on peut vérifier l’utilisation de ces techniques par l’analyse des messages réalisés par le SIG.

La problématique de notre recherche est la suivante :

Comment le recours aux émotions dans la communication publique sécuritaire, dans la conception des messages transmis par les Institutions publiques à travers les images et les messages verbaux, se manifeste-il à différents moments des discours, dans son contenu et dans l’adéquation entre l’image/le contenu?

L’objectif est de démontrer le recours aux émotions pour la formation des réponses attitudinales et comportementales à travers une analyse sémiologique du message et un décryptage des spots et non par l’évaluation des effets sur les récepteurs.

D’un point de vue théorique, l’intérêt de cette étude est de montrer que le recours aux émotions dans la conception des messages émis par une institution publique ne se limite pas aux campagnes sociales, mais peut, aussi s’étendre au domaine sécuritaire. Dans ce travail, nous présenterons les techniques émotionnelles, au lieu des habituels arguments informatifs auxquelles le gouvernement peut avoir recours dans la création des messages verbaux et visuels pour atteindre des réponses comportementales de la part de sa cible dans le domaine sécuritaire.

En plus de cet intérêt théorique, ce mémoire peut mieux éclairer les professionnels sur certains aspects managériaux. Le choix des axes de communication et du message à concevoir pour le récepteur sont primordiaux pour la réussite d’une campagne de communication sécuritaire. Les institutions publiques ne disposent pas de budgets suffisants pour lancer plusieurs campagnes par an. Elles

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doivent donc optimiser l’allocation de ces budgets et opter pour des choix judicieux et délicats pour la création des visuels, la conception des spots, le contenu des messages et le choix des médias. Avec les émotions, la communication sécuritaire pourrait constituer un facteur clé de succès dans la stratégie nationale de lutte contre la radicalisation.

La communication publique ne peut se réduire à une simple information ni à une propagande. Le citoyen n’est plus un récepteur passif, c’est un partenaire actif et exigeant, qui éprouve le besoin de réagir et de s’exprimer d’où la nécessité que le message émis capte une motivation ou un frein pour agir du récepteur.

Dans le cadre de la communication de prévention de la radicalisation adoptée par le SIG, le message est une combinaison entre des éléments visuels et verbaux.

Il est destiné à éveiller la conscience du récepteur par rapport au phénomène de la violence terroriste en vue de le persuader d’agir dans un sens bien déterminé.

Pour répondre à notre problématique, nous avons formulé les hypothèses suivantes :

H1 - Le cadrage des conséquences de la non adoption du comportement préconisé par la communication étatique met en évidence les axes de communication choisis par l’émetteur.

H2 – Le récit narratif des expériences vécues par les personnages des spots (storytelling) évoque les émotions de la peur, d’indignation et de la surprise.

H3 – l’iconographie à travers les signes et les symboles traduit les émotions véhiculées par le message.

H4 – L’imagerie mentale amplifie les émotions évoquées par le message.

La méthodologie du mémoire :

Pour ce travail, nous avons adopté une démarche qualitative en nous appuyant sur des données et des rapports sur la prévention de la radicalisation. Ces informations ont été complétées par des ressources documentaires composées

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d’ouvrages, articles spécialisés, articles de presse et sites internet pour un apport théorique sur les techniques de communication utilisées.

La partie empirique du mémoire comporte deux phases. Dans une première étape, à travers des entretiens de groupe, nous essayerons d’identifier la panoplie des émotions suscitées dans la campagne stop djihads et de recueillir la perception des participants quant à l’opportunité de les utiliser dans ce contexte particulier.

Les principales conclusions issues des analyses des entretiens de groupe permettront, dans une deuxième étape, de procéder à une analyse sémantique des spots diffusés (analyse des images, bandes sons et discours). Le champ d’étude comporte deux catégories de spots diffusés :

- La première comporte le spot diffusé par le gouvernement via les réseaux sociaux qui cible les jeunes en voie de radicalisation diffusé après les attentats de janvier 2015.

- La deuxième catégorie comporte quatre spots diffusés de témoignages à l’initiative des familles des victimes avec l’appui du ministère de l’intérieur. Ces spots ont été diffusés sur les chaînes publiques à partir d’octobre 2015 pour sensibiliser l’opinion publique au phénomène de radicalisation des jeunes qui partent dans les zones de conflits.

Le plan du mémoire :

Afin de répondre à la problématique précitée, nous consacrerons la première partie de ce travail à présenter les émotions, l’évolution de leur utilisation dans la communication publique et son apport. Nous ferons, aussi, une présentation des techniques de persuasion et des items développés par l’étude à savoir : l’image, l’attitude, le storytelling (le récit narratif), la technique de cadrage du message et l’imagerie mentale. D’autre part, la communication des organisations publiques fait face à des contraintes qui lui sont spécifiques que nous essayerons d’exposer. Dans une optique de benchmarking/ parangonnage (étude d’expériences similaires), nous présenterons quelques expériences de communication publiques nationales ou internationales ayant eu recours aux émotions pour induire un changement d’attitude ou de comportement.

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Dans une deuxième partie, nous avons choisi de présenter la campagne de communication de prévention de la radicalisation dans le cadre de la stratégie instaurée par le gouvernement dans sa lutte contre le Djihad. Nous justifierons notre choix et nous présenterons les spécificités et le contexte de cette campagne. Nous évoquerons la nécessité ou la justification du recours aux émotions à travers l’analyse sémiotique des messages et un décryptage des vidéos diffusées. Cette investigation permet, aussi, d’identifier les techniques de persuasion basées sur les émotions utilisées par le gouvernement dans ce contexte particulier.

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Partie I- La prédisposition de communication publique

à l’usage des émotions ---

Dominique Wolton « La communication n’est pas la perversion de la démocratie, elle en est plutôt la condition de fonctionnement » Libération du 18 juin 2002

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15 Introduction Partie I

Dans une démocratie, le gouvernement est tenu d’informer, en temps réel, les citoyens de ses politiques et de ses actions. La communication constitue un élément fondamental du bon fonctionnement de la démocratie et s’inscrit dans la politique publique du gouvernement. L’adhésion des citoyens et la crédibilité des institutions publiques dépendent de l’efficacité de l’information et de sa diffusion.

L’une des principales missions de la communication publique est de modifier des comportements et attitudes collectifs des citoyens en empruntant au genre publicitaire les techniques de persuasion afin d’appuyer et accompagner l’action de l’institution publique. On peut citer les campagnes de la sécurité routière, de prévention du sida, les campagnes sur le tabac et autres qui accompagnent des politiques publiques mises en œuvre pour réduire, prévenir les comportements à risque, éveiller la conscience collective et faire accepter les mesures prises ou à prendre.

Dans la persuasion publicitaire, l’émotion joue un rôle important (Alex Mucchieli6 2005). Les émotions occupent une place de plus en plus importante dans nos sociétés : elles suscitent l’intérêt, s’étalent dans les médias et envahissent l’espace public.

La première partie de ce mémoire présente ainsi, l’évolution de la communication publique ayant pour objectif la prescription de nouveaux comportements et/ou des attitudes ainsi que le rôle de la persuasion émotionnelle dans sa conduite.

Lors du premier chapitre, nous exposerons, d’abord, les caractéristiques de la communication publique et en particulier la communication à vocation sociale en soulignant sa distinction de la communication sociétale et de la communication politique. Ensuite, un benchmarking/ parangonnage (étude d’expériences similaires) de communication publique fera l’objet d’une section de ce chapitre, à partir d’une revue de la littérature focalisée sur des campagnes nationales afin de dégager quelques techniques de persuasion émotionnelle utilisées.

6 Alex Mucchieli, (2005) « Place des émotions et des normes sociales dans la communication persuasive publicitaire », Market Management, 2005/1 (Vol. 5), 128 pages

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Le deuxième chapitre portera sur le rôle des émotions dans la sphère publique et tout particulièrement dans la conception des messages et l’élaboration des axes de communication émis des différentes institutions publiques. Nous présenterons, aussi, un aperçu des différents items en rapport avec les émotions dégagés du chapitre précédant à savoir les attitudes, les images, l’imagerie mentale, la victimisation et le storytelling (le récit narratif). A la fin de ce chapitre, nous essayerons de dresser un modèle résumant le processus communicationnel d’une campagne à vocation sociale.

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Chapitre I-

La communication publique :

De l’intérêt général au changement comportemental de la société

De la propagande, en passant par l’information ascendante pour se transformer en une boucle d’échanges permanent entre citoyens et institutions, la communication publique ne cesse et ne cessera d’évoluer à la lumière des progrès technologiques.

Cette évolution perpétuelle exige un professionnalisme et une expertise qui puisent leurs sources dans la communication marchande qui a fait ses preuves.

Entre études, sondages et médias, les budgets alloués à la communication publique augmentent considérablement.

Le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat en 1996, Dominique Perben7, avançait : « La communication institutionnelle publique a évolué.

Après des emballements, parfois des illusions, ayant pu faire l’objet de jugements pas toujours positifs quant au gaspillage de fonds publics, [cette communication] est entrée dans une phase plus sérieuse, plus approfondie. Une certaine sérénité permet le tri. Quels messages ? Quels publics ? Comment favoriser l’échange ? … »

Cette nouvelle exigence explique la préoccupation des institutions dans la conception de messages pertinents à véhiculer.

La communication publique dont le principe est d’établir un rapport entre les citoyens et les institutions publiques en rendant compréhensible leurs actions, et qui s’inscrit dans une démarche globale de gouvernance publique fera l’objet de ce chapitre.

7 Marc Thébault (2011), « Evolution historique de la communication publique : les 6 grandes étapes », le 14 février 2011, http://thebaultmarc.expertpublic.fr/2011/02/14/evolution-historique-de-la-communication-publique-les-6-grandes-etapes/

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Section I – La communication publique entre enjeux et définitions

La communication a deux racines. La première lie communication et partage, compréhension et respect d’autrui. C’est l’idéal de la communication au niveau individuel ou collectif. C’est la dimension normative qui sert de référence aussi bien sur le plan de la communication inter-subjectible qu’à celui des techniques, ou des sociétés. La deuxième racine, plus récente, est renforcée par les techniques de communication, dont la première d’entre elles l’imprimerie, insiste sur l’idée de transmission. (Dominique Wolton, 2001)8

Elle constitue le moyen avec lequel deux entités entrent en contact. C’est une forme de relation qui vise la diffusion d’un message d’un émetteur vers un récepteur dans le but de lui transmettre une information ou modifier ses dispositions mentales et attitudinales et/ ou de l’inciter à adopter ou changer un comportement. Les modèles des processus de communication ont évolué avec les avancées académiques et l’introduction de nouveaux champs d’études à savoir la psychologie, les neurosciences, les sciences de l’information, les technologies, etc. Le modèle de Jakobson résume schématiquement les principales fonctions à retenir du processus.

Figure 0 : Schéma de la communication verbale Jakobson9

8 Wolton Dominique, (2001) « La communication, un enjeu scientifique et politique majeur du XXIe siècle. », L'Année sociologique 2/2001 (Vol.51), p. 309-326, www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2001-2-page-309.html

9 Dominique Picard de la communication à l'interaction (1993): « l'évolution des modèles, Communication et langages » Année 1992 Volume 93 Numéro 1 pp. 69-83, http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1992_num_93_1_2380

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Le modèle de Jakobson saisit la communication humaine avec ses trois éléments de bases en y ajoutant trois facteurs importants afin de leurs conférer les six fonctions communicatives à savoir :

 La fonction expressive (expression de l’émetteur)

 La fonction conative (fonction du récepteur)

 La fonction phatique (mise en place de la communication)

 La fonction métalinguistique (le code est l’objet du message)

 La fonction référentielle (le message renvoie à l’environnement extérieur)

 La fonction poétique (la forme du texte devient l'essentiel du message)

Les organisations évoluent, aujourd’hui, dans un environnement incertain, de plus en plus complexe et imprévisible. Héraclite (philosophe grec, 540 av J-C – 475 av J-C) affirme que « rien n’est permanent sauf le changement ». Cette évolution perpétuelle oblige les organisations à communiquer d’avantage et mieux.

A l’inverse des entreprises du secteur privé, les institutions publiques ne peuvent pas disposer librement des budgets alloués à la communication.

L’application des principes de la bonne gouvernance oblige à une utilisation efficace et responsable des deniers publics.

Dans ses usages courants, le terme de « communication publique » sert à nommer des pratiques aussi diverses que faire connaître une information utile à la vie quotidienne des citoyens, promouvoir un acte de gouvernement avec des arrières pensées électoralistes, fabriquer l’opinion en vue de préparer la population à une décision dramatique, instiller de nouvelles croyances ou de nouvelles conceptions de sens commun en « normalisant » certaines conduites ou encore propager une idéologie afin de s’assurer une adhésion totale (Albert Ogien,10 2009).

La communication publique est transversale, elle s’intègre à l’ensemble des départements et missions de l’entité publique. Ceci nécessite d’énormes investissements matériels et surtout humains avec l’instauration d’une culture de transparence et de responsabilité à travers tous les échelons de l’organisation. Elle

10 OGIEN Albert,(2009) « La perfection gestionnaire. Rhétorique de l’efficacité et démocratie », in C. Olivier-Yaniv et M. Rinn (dir.), Communication publique et gouvernement du social, Grenoble, PUG, 2009, p. 49-66.

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fait partie intégrante d’une stratégie globale qui nécessite la cohésion de l’ensemble des agents pour sa mise en œuvre et sa réussite.

Pour une entité publique, communiquer n’est pas un acte anodin. C’est, en effet, un devoir qui lui incombe vis-à-vis de ses parties prenantes à savoir les citoyens, les institutions de contrôle, les médias, la société civile, les syndicats, etc.

L’information doit être compréhensible et accessible. Elle se construit à travers des enquêtes, des observations et des choix et s’adapte en permanence au contexte. Ceci sous-entend une veille permanente, des études continues et un suivi quotidien.

I.1. les enjeux de la communication publique :

La communication publique couvre plusieurs domaines :

 La communication des institutions publiques ;

 La communication des organismes assurant une mission des services publics ;

 La communication des collectivités territoriale.

L’article 1er de la charte de communicants publics, adoptée en 2002, dispose :

« devant le déploiement croissant de la société de l’information, la communication publique s’affirme aujourd’hui comme une nécessité incontournable des institutions et États démocratiques. De ce point de vue, elle s’apparente, non à un simple outil technique de mise en forme des politiques publiques, mais à une démarche globale inscrite dans l’exercice même de la gouvernance publique ».

Cet article met en évidence, les enjeux auxquels fait face la communication publique avec le développement des moyens de communication et d’information et la demande croissante en information de la part des citoyens.

Ces enjeux ont évolué à travers l’histoire de la communication publique lors de six grandes phases :

a. La propagande : cette forme est perçue comme une modalité de communication à sens unique qui n’implique pas de dialogue entre l’émetteur et le récepteur. Cette forme vise à manipuler les opinions et les façonner.

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b. L’information ascendante : cette forme se limite à l’émission de l’information aux citoyens. Cette forme linéaire néglige la perception du récepteur et se limite à une fonction informative.

c. Les années 80 et la découverte de la publicité publique : les années 80 furent caractérisées par l’émergence d’une nouvelle classe politique soutenue par des professionnels de la communication marchande qui ont vu dans ce nouveau segment une augmentation de leur chiffre d’affaire et de leur part de marché. Cette phase est marquée par l’accroissement des budgets consacrés à la publicité publique en ayant recours à des experts non sensibilisés aux spécificités de la sphère publique. Ces dépenses disproportionnées provoquent un désintéressement des citoyens pour les affaires publiques.

d. Le minitel et internet : les technologies envahissent les espaces. Les institutions publiques découvrent la communication high-tech. Cette phase a vu le rôle des communicants se développer. L’attention est plus portée sur le vecteur du message que sur le message lui-même.

e. Le récepteur au cœur de la communication : les organismes publics prennent conscience de l’importance des récepteurs dans leurs stratégies de communication. Cette nouvelle relation, inspirée des sciences humaines et sociales, marque le développement de la communication ciblée et interpersonnelle. L’évolution du modèle linéaire en cycle d’échanges caractérise cette phase importante. Les citoyens exigent et exercent leur droit d’accès à l’information.

f. De la communication publique au marketing public : la nouvelle orientation gouvernementale, au début des années 2000, favorise la mise en place des pôles de compétitivité pour impulser les territoires. Cette orientation fait basculer les méthodes de communication en introduisant des techniques d’études de marché et de recherche d’argument unique de différenciation.

Ces phases s’articulent autour des enjeux de la communication publique qui ne cessent d’évoluer.

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22 6. Enjeu réglementaire :

L’Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme garantit à tous « le droit de chercher, de recevoir et de répandre les informations et les idées par quelque moyen que ce soit ».

L’accès à l’information publique constitue un élément fondamental de la bonne gouvernance. Cet aspect permet l’instauration d’un débat et d’un échange avec les différentes composantes sociales autour des affaires publiques.

La Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 a affirmé dans son article 15 que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », mais ce principe prometteur est resté longtemps théorique11.

En 1974, l’accès aux archives devient un droit civique pour tout citoyen. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme oblige les gouvernements à communiquer et diffuser les informations relatives aux entités publiques et de répondre aux sollicitations des citoyens et des parties prenantes en demande d’information.

Ces textes accentuent le rôle important de la communication publique dans l’instauration de l’État de droit.

7. Enjeu économique :

En ce contexte de restriction budgétaire, les communicants publics sont tenus de faire mieux avec moins de dépenses. A une époque où la demande en information ne cesse de croître, le choix des axes des stratégies de communication est fortement tributaire des montants consacrés à la communication.

L’enjeu économique pèse sur les moyens aussi matériels qu’humains. La formation continue des agents du service ou de la direction de la communication, l’adaptation des nouveaux moyens de communication, l’étendue des activités de la communication font de l’arbitrage et l’allocation des moyens une problématique

11 La Constitution de 1958 fait référence à la Déclaration dans son préambule dont le Conseil Constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle par sa décision du 16 juillet 1971 (Décision Liberté d’association). « VERS UN DROIT D'ACCES A L'INFORMATION PUBLIQUE LES AVANCEES RECENTES DES NORMES ET DES PRATIQUES » Par Perrine Canavaggio 2013, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

http://unesdoc.unesco.org/images/0022/002268/226875f.pdf

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surtout dans les structures dans lesquelles la communication est perçue comme un accessoire et non comme une partie intégrante de la politique publique.

8. Enjeu social :

Michel Le Net12 justifie la communication sociale comme une communication publique « centrée sur les effets, nécessaire aux progrès individuel et collectif et s’adressant aux citoyens en tant qu’individus autonomes, responsables de leurs propres comportements ».

Les institutions publiques visent dans certaines campagnes à modifier les dispositions mentales des citoyens, à éveiller leur conscience à des phénomènes et/

ou les inciter à adopter un comportement, agir ou réaliser une action déterminée.

L’État a un rôle important dans l’accompagnement des citoyens par des programmes de prévention et qui touchent à la santé et la sécurité de la société.

L’émetteur public doit veiller à ce qu’il n’y ait pas d’inégalité d’accès à l’information et prévoir des dispositions pour accéder aux populations défavorisées. Il doit s’assurer que ses messages ne portent aucune ambiguïté et traitent les sujets sans discrimination ou ton culpabilisateur.

9. Enjeu politique :

Le citoyen est de plus en plus instruit et il a accès en quelques secondes à toutes les informations instantanément. Le discours public doit de ce fait être crédible et compréhensible. Il doit répondre à trois fonctions :

 Une fonction informative (faire connaître)

 Une fonction éducative (faire comprendre)

 Une fonction affective (faire adhérer)

Le gouvernement doit maintenir sa crédibilité en délivrant des messages exempts de toute ambiguïté qui pourrait induire les citoyens à l’erreur.

12 LE NET Michel (1993), « Pratique des campagnes d’information, notes et études », Paris, La documentation française, 1993 http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2005-3-page-26.htm#no3

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24 10. Enjeu technologique :

La révolution numérique a bouleversé les pratiques habituelles des communicants publics. Ils doivent s’assurer de l’accessibilité de l’information sur tous les supports pour assurer une meilleure couverture. L’adaptation à ces nouveaux supports nécessite des moyens humains qualifiés et un travail continu afin de répondre aux besoins du citoyen.

I.2. la définition de la communication publique :

La communication publique est un échange intermittent entre une logique unilatérale hiérarchique institutionnellement dominante et un contact des usagers avec l’administration. Ainsi, la communication publique est très majoritairement à sens unique, avec d’un côté des gouvernants qui disposent en permanence de moyens d’actions communicationnelles institutionnelles et d’un autre côté des gouvernés qui n’expriment leur volonté que sporadiquement (élections, consultations). (Dominique Bessières13 2009)

Cette définition souligne l’aspect pyramidal dans la transmission de l’information entre les « gouvernants » et les « gouvernés ». Elle fait référence à une organisation hiérarchisée en minimisant le rôle des citoyens et le contexte. Elle suggère que la communication publique est une pratique et non un concept propre.

Les professionnels de la communication publique perçoivent cette dernière comme un pilote du rapport entre les institutions publiques et les citoyens et un facteur important pour garantir la démocratie.

Pour Pierre Zemor, la communication publique trouve sa légitimité dans l'intérêt général. C’est le résultat d'un accord entre les intérêts individuels et ceux collectifs. La communication publique a pour principale mission la rencontre entre l'État et les citoyens dans un but partagé.

13 Dominique Bessières,(2009) ; « La définition de la communication publique : des enjeux disciplinaires aux changements de paradigmes organisationnels », Communication et organisation, http://communicationorganisation.revues.org/686

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Zemor14 définit la communication publique comme l’ensemble des messages émis par les pouvoirs publics et les services publics qui ont pour objectifs d’améliorer la connaissance civique, de faciliter l’action publique et de garantir le débat politique.

Pour Martial Pasquier15 (2012), il est possible de distinguer les fonctions centrales des fonctions complémentaires sur la base du critère légal :

Les fonctions centrales : l'information du public, l'explication et l'accompagnement de décisions, la défense des valeurs et la promotion des comportements responsables, le dialogue entre les institutions et les citoyens

Les fonctions complémentaires : l'accueil des citoyens et des résidents, l'écoute des besoins, notamment par le truchement de sondages, la promotion de la légitimité des organisations et des actions publiques, la contribution au maintien du lien social.

La clarification des missions de la communication publique permet de mieux cerner les frontières de ce concept généralement confondu ou assimilé à la communication politique et la communication sociétale.

1. Communication politique et communication publique :

L’amalgame avec la communication politique réside dans le fait que les acteurs publics, généralement les ministres, le président, les gouvernements qui mettent en œuvre les politiques publiques sont issus des élections suite à des campagnes électorales à vocation partisane. Cette fine frontière rend la distinction entre les deux concepts assez floue.

La communication politique selon Jacques Gerstlé16 se présente « comme un ensemble disparate de théories et de techniques, mais elle désigne aussi des pratiques directement politiques. Elle inspire […] des stratégies et des conduites qui varient selon les positions de pouvoir occupées et les situations vécues par les acteurs de la vie politique. »

14 Pierre Zémor, (1995), « La communication publique, Que sais-je ? », Paris, 1995

15 Pasquier, M. (2012). « Communication publique », dans L. Côté et J.-F. Savard (dir.), Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, www.dictionnaire.enap.ca

16 Jacques Gerstlé (2008) « la communication politique »Armand Colin, 256 pages

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Cette définition souligne le caractère politique et partisan de ce concept de communication qui vise à influencer les opinions et les électeurs dans un sens prédéfini. La persuasion peut se faire à travers des arguments, des émotions, la mobilisation dans le but de minimiser les chances de ses adversaires.

1er distinction : la communication publique cherche l’adhésion et le compromis au nom de l’intérêt général tandis que la communication politique cherche à créer des clivages et accentuer les différences entre les publics cibles.

2éme distinction : la communication publique émane des autorités publiques, des institutions étatiques et suivant une stratégie prédéfinie. La communication politique peut être spontanée, émane d’une personnalité ou d’un groupe d’individus pour des intérêts individuels.

3éme distinction : la communication publique facilite la compréhension des politiques publiques prises et leur mise en œuvre alors que la communication politique vise le choix d’un parti ou d’une personne à la lumière des programmes électoraux ou promesses annoncées.

2. Communication sociétale et communication publique :

Le terme communication sociétale désigne l’ensemble des activités de communication, quel qu’en soit le support, délivrant un message au sujet des engagements environnementaux, sociaux ou sociétaux d’une organisation (entreprise, marque, etc.). (Benoit-Moreau, Larceneux, Parguel17 2010)

A travers la communication sociétale, une organisation cherche à améliorer sa réputation, à légitimer ses actions et à fidéliser ses parties prenantes (consommateur, fournisseur, pouvoir public, salariés, etc.). La pression des consommateurs et des associations pour consommer des produits respectueux de l’environnement, de l’éthique, des conditions de travail humaines et dignes et autres, a poussé les organisations à s’orienter vers ce type de communication.

On remarque que les champs de communication portent sur des questions sociales qui, généralement, relèvent de la responsabilité des acteurs publics dans l’éveil de la conscience du citoyen. Les principales communications sociétales portent sur la protection de l’environnement, le respect des écosystèmes, le non

17 Florence Benoit-Moreau, Fabrice Larceneux et Béatrice Parguel, (2010), « La communication sociétale : entre opportunités et risques d’opportunisme», https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00634442/document

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recours à des animaux pour le test des produits, la lutte contre le travail des mineurs, etc. Les organisations cherchent à montrer par leurs communications qu’elles servent une cause qu’elles soutiennent et non un intérêt lucratif. D’une manière générale, elles ont intérêt à choisir des causes appropriées avec leurs activités.

1er distinction : la communication publique cherche à sensibiliser les citoyens sur un phénomène particulier qui émane d’une politique publique et qui nécessite des actions auprès des citoyens afin de la mettre en œuvre tandis que la communication sociétale cherche à se créer une image en instrumentalisant une cause pour séduire plus de consommateurs et répondre à leurs besoins de produits plus responsables.

2éme distinction : la communication publique émane des autorités publiques, des institutions étatiques et suit une stratégie prédéfinie. La communication sociétale émane d’une organisation du secteur privé dans le cadre d’une stratégie globale de communication en parfaite cohérence avec les autres actions communicationnelles et élaborée dans le but d’accroître sa notoriété et ses parts de marché.

3éme distinction : la communication publique sociale ne comporte aucun risque pour la crédibilité de la parole publique alors que les entreprises privées courent un risque en cas de non-respect de leurs engagements. En effet il faut associer les messages aux actions pour se construire une légitimité aux yeux des consommateurs. Les collectifs de citoyens, les associations et les journalistes traquent les écarts entre les messages émis et les actions entreprises sur terrain.

Pour les entreprises privées, la communication sociétale risque de se transformer en piège.

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Section II – Une lecture dans différentes campagnes de communication publique nationale visant la modification des comportements

Les campagnes de communication gouvernementale en matière de prévention sont une technologie politique, au sens où elles constituent un outil de régulation des individus, de la population et du social. (Caroline Ollivier Yaniv18, 2009)

Les campagnes de prévention mettent l’accent sur la responsabilité individuelle du citoyen dans la prévention de l’alcoolisme, du sida, des accidents routiers. Cette responsabilisation se manifeste par la prescription de comportements à adopter ou les attitudes à développer à l’encontre du phénomène en question.

Dans cette section, on examinera deux séries de campagnes gouvernementales destinées au grand public et qui ont pour objet la prévention dans le cadre de la sécurité en France. Une campagne sur la sécurité routière diffusée en 2016 et une campagne de L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) qui incite au dépistage du sida diffusée en 2015.

II.1. La campagne de la sécurité routière (2016) :

La sécurité routière s’apparente depuis au moins trois décennies à une cause nationale dans laquelle l’État et ses structures jouent un rôle déterminant. (Isabelle Pailliart, Cécile Poncin, Géraldine Strappazzon 200819).

La stratégie nationale de communication de prévention des accidents de la route s’appuie sur des campagnes médiatiques à l’échelle nationale et à l’échelle locale afin d’atteindre des publics plus précis en adaptant le message à des cibles identifiées pour une meilleure efficacité de l’action de communication de l’État.

18 Ollivier-Yanniv Caroline et Rinn Michael ; (2009) « Communication de l’État et gouvernement du social » Presses Universitaires de Grenoble, pp 88

19 Isabelle Pailliartt, Cécile Poncin, Géraldine Strappazzon ; (2008) « entre État et acteurs locaux, les enjeux

communicationnels de la sécurité routière » cité dans Marchetti Dominique ; « communication et Médiatisation de l’État, la politique invisible », Presses Universitaires de Grenoble, pp 73

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Pour réduire le nombre des accidents routiers, les institutions publiques déploient des actions nationales et locales par des aménagements spécifiques (routes, radars, contrôle, etc.) complétées par une formation et/ou une information qui influencent les comportements par l’apprentissage du récepteur (le citoyen).

En 2007, les arguments statistiques inondaient les messages émis. Dans le cadre de la campagne « sortez-revenez », un des spots radiophoniques montre un groupe de jeunes en fin de soirée évoquent des indicateurs statistiques de consommation d’alcool et de stupéfiants faisant d’eux des conducteurs dangereux. Ces statistiques décrivent l’ampleur du phénomène ou son évolution tout en justifiant les actions répressives conduites par l’État et les sanctions encourues.

L’utilisation d’un contenu dramatique, plutôt que symbolique, exerce une influence souvent directe sur les réponses cognitives, attitudinales et conatives à vocation adaptative chez les récepteurs (Lavoisier-Mérieux, 2002 ; Paquette et Daignault, 2005)20

La pertinence de la menace comme stratégie persuasive a été démontrée dans plusieurs études relatives à la sécurité routière (Pénélope Daignault et Guy Paquette21 2012).

Selon l’Observatoire national interministériel de sécurité routière22, en 2015, les routes ont été particulièrement meurtrières. 3 464 personnes ont perdu la vie lors d’un accident de la route cette année. Un chiffre en hausse de 2,4% par rapport à 2014.

Une étude23 menée par l’Institut français de l’opinion publique (IFOP) concernant l’impact des accidents de la route sur la population a mis en avant les conséquences sociales et/ou psychologiques qu’un accident engendre sur l’entourage, et ce, même dans la durée. Près d’un français sur deux affirme connaître une proche victime d’accident de la route – 56% d’entre eux gardent celui-ci à l’esprit lorsque l’accident a lieu deux ans auparavant et 48% lorsque cela remonte à plus de dix ans.

20 Houria Bencherif, Farès Boubakour et Naima Belkacem, (2012) Les accidents de la route dans les médias de masse en Algérie Du traitement de l’information à sa diffusion ?, Communication, volume 30/1 / 2012

https://communication.revues.org/2967

21Pénélope Daignault et Guy Paquette (2012), « Quelle efficacité de la menace dans les campagnes de sécurité routière  ? Une évaluation tridimensionnelle », Communiquer http://communiquer.revues.org/367

22 http://www.preventionroutiere.asso.fr/Nos-publications/Statistiques-d-accidents

23 http://www.cer.asso.fr/actualite-details/162-onde-choc-nouvelle-campagne-securite-routiere

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Se basant sur les résultats de cette enquête, la sécurité routière (acteur public chargé de la communication sur la prévention routière) lance une campagne de communication qui prend comme axe les répercussions des accidents de la route sur les proches de la victime.

Cette campagne s’articule autour d’un spot TV de 45 secondes qui est diffusé dans les chaînes TV et au cinéma, deux spots radio et un site internet www.routeplussure.fr avec l’activation du (# Tous touchés) pour les réseaux sociaux.

Cette nouvelle campagne intitulée « onde de choc » met en avant la peine, la tristesse et les conséquences dramatiques supportées par les familles et proches des victimes sur les plans personnels et professionnels. Ce spot utilise les manifestations des émotions de tristesse et de souffrance.

Les slogans de la campagne « Derrière chaque victime de la route il y a des victimes dans la vie » et « Tous touchés- tous concernés- tous responsables » jouent sur le sentiment de culpabilité des citoyens pour les inciter à prendre leur précaution afin d’éviter de telles souffrances à leur proche.

Fiche technique du spot :

Durée du film : 45 secondes

Axe de communication : l’onde de choc de l’accident sur les proches de la victime

Slogans de la campagne :

« Derrière chaque victime de la route il y a des victimes dans la vie »

« Tous touchés- tous concernés- tous responsables »

Fond sonore : une composition musicale dramatique avec une voix décrivant l’ampleur de la tristesse et des conséquences.

Traitement visuel : des images traitées sur un ton monochrome tournées au ralenti où chaque séquence est détaillée pour créer plus d’impact et de profondeur

Signature : Le logo de la sécurité routière La Marianne (logo du gouvernement)

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31 Analyse du spot:

Ce spot s’adresse à tous les conducteurs (jeunes, adultes, professionnels, hommes, femmes, etc.). Il vise à heurter la sensibilité des récepteurs en exposant le drame vécu par les proches des victimes, assimilé à une onde qui se propage à court et long terme pour provoquer une prise de conscience de l’ampleur du drame.

Au moment du choc entre la voiture d’Étienne (personnage 1) et de Sophie (personnage 2), deux citoyens normaux (pas de consommation d’alcool, pas de sortie de boîte de nuit, pas de jeunes adolescents passionnés par la vitesse, mais des profils auxquels chacun peut s’identifier), les destins basculent. L’accident dévaste bien au-delà des seules personnes accidentées, mortes ou blessées mais impacte durablement par cette onde les proches : père, mère, enfant, grand-père et amis.

A travers le slogan « Tous concernés – Tous responsables », l’émetteur souhaite éveiller la responsabilité de chaque conducteur en lui exposant les conséquences sur la famille et sa part de responsabilité.

Les conducteurs ne sont pas interpellés par les conséquences physiques et psychologiques qui peuvent être endurées mais sont interpellés par le malheur et la tristesse qu’ils ont engendrés à leurs proches.

L’utilisation des émotions de tristesse et de culpabilité dans ce spot en misant sur les effets techniques des images sans montrer des scènes de sang ou de cadavres affectent plus les récepteurs en jouant sur la victimisation et l’imagerie mentale induites par les images.

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Image 1 : le choc de l’accident et le nombre de victime induite

Image 2 : la victime de la sécurité routière

Image 3 : une proche de la victime

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II.2. La campagne de prévention du Sida Inpes (2015) :

La santé et le bien-être des individus occupent une place de plus en plus grande dans les politiques publiques conduites par l’État. Les organismes publics, chargés d’introduire une prise de conscience et instaurer et/ou modifier des comportements jugés risqués, agissent par la production de textes réglementaires et l’élaboration de campagnes de communication de santé publique.

L’objectif de la communication de la santé publique est de diffuser des informations au grand public afin qu’ils adoptent des comportements bénéfiques pour la santé. Ces campagnes sont nombreuses en France : tabac, alcool, dépendance aux jeux, cancer, sida, etc.

L’épidémie du Sida est toujours très active malgré les avancées scientifiques et la prise de conscience élevée auprès des citoyens. En 2014, 660024 personnes ont encore découvert leur séropositivité et 5,325 millions de tests de dépistage au VIH ont été réalisés dans les laboratoires d’analyse médicale. Après avoir augmenté en 2011, l’activité de dépistage marque un temps d’arrêt depuis trois ans. L’institut de veille sanitaire (InVS) remarque que le dépistage généralisé du VIH montre ses limites.

La première campagne nationale date de 1987 avec la ministre de la Santé Michèle Barzach qui introduit la cause de prévention du Sida comme grande cause nationale. Puis les campagnes se sont succédées, à raison de deux ou trois par an, avec des budgets importants.

En 2015 et en s’appuyant sur les résultats des rapport de InVS, l’Inpes a lancé une une campagne, avec l’appui du ministère chargé de la santé à l’occasion de la journée mondiale contre le sida. L’axe de la campagne s’articule autour de la responsabilisation et la confiance envers les autres et envers soi-même. La nouvelle campagne incite au dépistage de la maladie ce qui permet de se protéger, protéger les autres et procéder à une prise en charge médicale rapide.

24 https://www.sidaction.org/donnees-epidemiologiques-vihsida-france-2014

25 Ibid.

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Le slogan de la campagne « Se faire dépister, c’est prendre soin de son avenir » tente d’inscrire le dépistage comme un réflexe responsable pour toute personne qui se projette à construire un projet de vie quels que soient sa situation, son âge ou son origine.

Fiche technique des spots :

Durée du film : un spot de 40 secondes et 5 spots de 20 secondes chacun

Axe de communication : le dépistage un comportement responsable

Slogans de la campagne :

« Se faire dépister, c’est prendre soin de son avenir »

« Mon avenir, c’est aussi ma santé »

Fond sonore : des voix exprimant les avantages de procéder au dépistage pour construire un projet

Traitement visuel :

Signature : Le logo de l’Insep

La Marianne (logo du gouvernement) avec la signature du ministère des affaires sociales et de la santé.

Analyse du spot:

Les spots montrent des situations de vie mettant en scène des hommes et des femmes de tous âges (jeunes et moins jeunes), à toutes étapes de la vie (indépendance, situation amoureuse, devenir parent, engagement, etc) sans discrimination en incluant des couples homosexuels et des couples de différentes origines.

Ces situations ne sont pas des situations à risque, le but étant d’inscrire le dépistage comme un comportement conscient de protection.

L’usage des termes « amoureux », « engagés », « prêts », « dignes de confiance », « décidés », « indépendants », « responsables » renvoient à l’estime de soi et au sentiment de confiance et de responsabilité.

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Le cadrage sur les gains perçus du dépistage (stabilité, confiance, responsabilité, etc) souligne l’importance de les mettre en avant dans le cadre d’une communication persuasive. Le cadrage empreint d’émotions de confiance et de bonheur (le bonheur de construire dans la durabilité) distingue cette campagne des émotions de peur et des images chocs pour tenter d’instaurer des comportements bénéfiques pour la santé comme les relations protégées.

Image 4 : signature du spot de la prévention du sida

Image 5 : affiches déclinées des spots de la prévention du sida

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