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Pasquali, P. - Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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50/4 | 2021 Varia

Pasquali, P. - Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite

Georges Solaux

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/osp/14832 DOI : 10.4000/osp.14832

ISSN : 2104-3795 Éditeur

Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP) Édition imprimée

Date de publication : 15 décembre 2021 Pagination : 653-657

ISSN : 0249-6739 Référence électronique

Georges Solaux, « Pasquali, P. - Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite », L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 50/4 | 2021, mis en ligne le 13 décembre 2021, consulté le 14 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/osp/14832 ; DOI : https://

doi.org/10.4000/osp.14832

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© Tous droits réservés

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Pasquali, P. - Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les

mésaventures du mérite

Georges Solaux

RÉFÉRENCE

Pasquali, P. (2021). Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite (1870-2020). La Découverte, coll. « L’envers des faits », 320 p.

« L’héritocratie n’est pas une méritocratie dégénérée, ou une technocratie aux bases élargies ; ce concept désigne l’ensemble des capacités d’agir, individuelles ou collectives, que les grandes écoles et, plus largement, les filières d’élite mettent en œuvre à chaque période pour conserver ou accroître leurs privilèges et leur légitimité face aux crises, critiques ou réformes susceptibles d’aller contre leurs intérêts. Plus précisément, il renvoie aux stratégies de résistance et de promotion que les institutions de formations placées au plus haut sommet des hiérarchies scolaires ont dû déployer face aux critiques et mises en péril. Bref, l’héritocratie est un « savoir durer ». Ou si l’on peut dire une sorte d’agency des dominants lorsque la rhétorique du mérite ne suffit plus à assurer leur légitimité… D’un point de vue théorique, le concept d’héritocratie constitue d’abord une tentative d’actualisation et d’approfondissement de celui de noblesses d’État. » (p. 20-21).

1 Les mésaventures de la méritocratie sont liées aux capacités d’agir de l’héritocratie dans la mesure ou la méritocratie constitue une justification majeure du maintien de la sélection par les filières d’élite. Nous proposons de préciser la notion de méritocratie par un extrait d’une note critique de Vincent Dupriez. Il distingue la méritocratie scolaire « de la notion plus générale de méritocratie, celle-ci renvoyant au principe qu’une société juste est une société qui octroie à chacun la place qu’il mérite, en fonction de ses efforts et de ses talents, plutôt qu’une place abusivement héritée. La méritocratie scolaire renvoie de manière plus étroite au double principe de reconnaissance par l’école des mérites de chacun (volet A) et de la reconnaissance par

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la société du diplôme scolaire comme aiguillon majeur des positions professionnelles (volet B) ». La méritocratie illustrée par quelques enfants de classes populaires, promus aux sommets des hiérarchies scolaire et professionnelle, est un bras armé de l’héritocratie.

2 Dans son ouvrage Paul Pasquali montre comment, sur le temps long, de 1870 à nos jours, soit des débuts de la IIIe République à Parcoursup, la France a continué

« inexorablement sa fuite en avant vers une introuvable méritocratie » (p. 258). La méritocratie est, sur cette période, au cœur de la bataille politique permanente destinée à donner du sens à la démocratisation de l’enseignement, et notamment à l’opposition entre deux conceptions de la démocratisation. L’une est fondée sur la promotion de tous en agissant sur la base de la population scolaire en tentant d’en promouvoir tous les éléments. L’autre, souvent appelée « élitisme républicain » consiste à « écrémer » la population scolaire en s’intéressant à son sommet et non à sa base en promouvant à ce sommet quelques enfants du peuple. Le boursier méritant est un boursier qui atteint l’élite scolaire (il veut, il peut). Dans ce cadre, la méritocratie est vantée comme reposant sur une sélection transparente et objective. Les concours d’entrée sont présentés comme voie de recrutement sur critères objectifs légitimant ainsi l’accès privilégié des catégories sociales supérieures. Les rangs de sortie récompensent ceux qui ont travaillé, ils leur promettent un bel avenir professionnel.

Ces éléments sont instrumentalisés pour justifier et légitimer sur cette longue période la sélection post-bac, l’existence de grands établissements et la multiplication du nombre d’écoles.

3 Ce travail intéresse particulièrement les psychologues de l’Éducation nationale dans la mesure où il traite de l’accès aux formations post-bac : universités, classes préparatoires, écoles et grandes écoles. « L’objectif premier du livre est de restituer l’historicité du mérite en l’envisageant comme un objet de luttes et de controverses indissociable des rapports de pouvoir, à la fois entre groupes sociaux et au sein des classes dominantes, à rebours des définitions du sens commun et des dictionnaires qui en font une essence intemporelle ou un attribut individuel. » (p. 13). Autrement dit, il s’agit de comprendre le rôle joué par la méritocratie dans l’orientation et la sélection post-bac d’aujourd’hui au moyen des faits collectés sur le sujet depuis la fin du 19e siècle. Il intéresse les psychologues aussi parce par les témoignages recueillis d’anciens élèves issus de classes populaires parvenus au sommet de l’élite scolaire, traduisent concrètement leur souffrance.

4 Articulant histoire et sociologie pour analyser rapports officiels, analyse documentaire des textes officiels, minutes des débats parlementaires, biographies, polémiques médiatiques, et témoignages, il met en œuvre une méthodologie riche et maîtrisée, qui rend la lecture du texte attrayante, alors que la méritocratie, objet a priori austère, pourrait laisser supposer le contraire. Les notes de lecture sont nombreuses et présentées en fin d’ouvrage par chapitre. Chaque période analysée fait l’objet d’un chapitre. Cet ouvrage est une mine d’informations politiques, sociales et biographiques que ce résumé appauvrit considérablement.

5 L’analyse de l’admission dans les formations post-bac est la résultante de deux formes de lutte. La lutte des places entre les établissements d’accueil, de cette lutte résultera lequel d’entre eux sera considéré comme le plus prestigieux et fondera l’héritocratie.

Sciences Po, l’X, l’ENS, puis l’ENA occupent une place centrale dans cette histoire. Mais aussi la lutte des places des catégories sociales dominantes pour y maintenir et

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sauvegarder leur privilège d’accès dans les formations les plus prestigieuses. La conception de la méritocratie repose sur cette lutte de places dans la mesure où ce concept est utilisé pour légitimer par les résultats scolaires et les compétences des candidats une sélection qui demeure avant tout sociale. Ainsi, « Quelques rois né du peuple » comme le philosophe Alain (issu d’une petite bourgeoisie rurale bergeronne), Jean Guehenno (fils d’un cordonnier et d’une piqueuse de chaussures), aujourd’hui les admis à Sciences Po boursiers et/ou issus de la Convention d’Education Prioritaire, d’une manière générale les boursiers qui sont admis dans les filières hautement sélectives, sont-ils mis sur le devant de la scène pour légitimer par la méritocratie une sélection qui reste fortement structurée par l’origine sociale.

6 Dans ce bref résumé, nous négligeons sur le temps long les épisodes de début du 20e siècle, des années folles, du Front populaire, des gouvernements de la Libération, des trente glorieuses, des années quatre-vingt, et du début de ce siècle analysées par l’auteur pour centrer l’attention sur les années récentes. Nous négligeons également les débats et luttes relatifs à la genèse des écoles et de leurs modes de sélection, nous négligeons les exemples et témoignages des humiliations infligées aux enfants du peuple lors de leurs études en filière sélective ou à l’issue de celles-ci lors de leur vie professionnelle, pour nous centrer sur la place donnée à la catégorie « boursiers » et l’instrumentalisation qui en est faite. En 2010 une violente polémique, qui perdure depuis plus d’un siècle, oppose les tenants de quasi quotas à réserver aux boursiers à ceux qui y voient l’inéluctable baisse du niveau. Les grandes écoles et les écoles réforment alors leurs concours d’accès (voir Sciences Po Paris), créent des voies d’admission nouvelles (formes alternatives de promotion du mérite scolaire, voir l’X et l’ENS), d’autres développent le tutorat, en 2015 la Conférence des grandes Ecoles crée un « baromètre de l’ouverture sociale ». Le cœur du débat se situe au niveau des boursiers dont « il faut » augmenter la proportion dans l’enseignement supérieur afin de faire progresser la justice sociale. Le critère « % de boursiers » demeure cependant l’arbre qui cache la forêt.

7 En effet, les modifications successives du barème des bourses de l’enseignement supérieur ont généré une grande hétérogénéité sociale dans la population des boursiers, et il semble vain de prétendre que la justice sociale a progressé sur la base du seul pourcentage de boursiers admis en filières sélectives. Ainsi, la « création de l’échelon zéro bis pour 132 500 étudiants a élargi la population boursière aux classes moyennes… et a donc contribué à rendre plus flou le principal critère en vigueur dans les politique d’ouverture sociale » (p. 237). Du fait des modifications de barème, « en 2020 un tiers des boursiers sont issus de familles gagnant entre 33 100 et 95 610 euros par ménage, selon le nombre d’enfants à charge et la distance entre le lieu d’études et le domicile familial. Autre effet notable : la part des enfants d’ouvriers, d’employés ou d’inactifs au sein des boursiers a nettement reculé depuis dix ans au profit des enfants de professions intermédiaires ou d’exploitants agricoles. La répartition entre les différentes filières n’a cependant pas varié : avec 28 % de boursiers en moyenne, contre 12 % dans les écoles de commerce et 23 % dans celles d’ingénieurs, les prépas accusent toujours un retard d’une dizaine de points de pourcentage par rapport aux universités.

Et, si les boursiers les plus pauvres (échelons 5 à 7 du barème) représentent 12 % des effectifs dans les universités (20 % en STS), ils ne dépassent jamais 7 % dans les filières d’élite, avec un minimum de 3 % dans les écoles de commerce » (p. 237-238).

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8 Parcoursup intègre, outre les filières sélectives (BTS, IUT, 1re année de médecine dans certains cas, autres filières universitaires sélectives mais aussi les écoles telles Sciences Po Paris), les universités dans le processus d’orientation post-bac géré par les algorithmes. Les filières sélectives ont infusé dans le processus d’orientation post-bac leur mode d’admission des candidats fondé sur la limitation des effectifs d’accueil.

Sollicité à deux reprises à la fin des années 2010 sur la légalité de la sélection à l’entrée en université, le Conseil constitutionnel a rendu des avis légalisant cette sélection d’abord en première année de médecine, puis sous quelques réserves dans les autres filières, alors que les « évènements de 1968 » avaient réussi à perpétuer l’admission automatique pour tout bachelier contre les projets de sélection d’alors. Politiquement, cette sélection est une nouvelle fois légitimée par la méritocratie dont la catégorie boursiers est la figure de proue. Pour ce faire, l’État fixe un pourcentage plancher d’admission dans les différentes filières pour les boursiers en fonction, soit de leur pourcentage dans la catégorie « candidats », soit de leur pourcentage dans la catégorie

« classés », pourcentages suivis et vérifiés par les recteurs. Ce type de mesure souffre d’un biais, celui de la méconnaissance, de l’autocensure, et de la non maîtrise des codes par les catégories populaires susceptibles de faire partie de la catégorie « candidats » :

« Ainsi, les taux fixés par arrêté rectoral pour les classes préparatoires parisiennes les plus cotées restent très faibles : 7 % à 12 % à Henri IV, 8 à 13 % à Louis Le Grand, 5 à 10 % à Janson-de-Sailly selon les filières, contre 10 à 20 % dans les lycées moins prestigieux. » (p. 267).

9 Pour terminer cette présentation, très limitée, du travail de Paul Pasquali nous proposons quelques extraits issus des analyses relatives à l’impact de la sélection sociale sur les boursiers bénéficiaires des catégories populaires. La liaison politique, sociologique et psychologique est claire : « L’entre-soi social et la concentration des capitaux de toutes sortes atteignent aujourd’hui des niveaux très élevés dans les grandes écoles, particulièrement au sein des plus réputées… Ce système héritocratique structure fortement les interactions ordinaires et les expériences vécues des étudiants des filières d’élite : toute une série de routines et d’impensés permettent aux héritiers d’être comme des poissons dans l’eau. Par contraste, les boursiers et tous les roturiers récemment intégrés à la noblesse scolaire sont presque toujours voués à ressentir un malaise, des décalages ou des complexes, qui ne font que retraduire à l’état subjectif le poids de ces écarts objectifs. » (p. 260)

BIBLIOGRAPHIE

Dupriez, V. (2012). [Notes critiques du livre L’école et la méritocratie. Représentations sociales et socialisation scolaire, de E. Tenret]. Revue française de pédagogie, (180), 144146. https://doi.org/

10.4000/rfp.3843

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AUTEURS

GEORGES SOLAUX

Professeur émérite. Université de Bourgogne-Franche-Comté. Institut de Recherche sur l’Éducation : Sociologie et Économie de l’Éducation

Contact : georges.solaux@wanadoo.fr

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