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Maitresse, j'ai mal au coeur !

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Academic year: 2022

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Maitresse, j'ai mal au coeur !

FERNANDEZ, Myriam, CAPITANESCU BENETTI, Andreea

Abstract Parole de l'enfant, métier d'enseignant

FERNANDEZ, Myriam, CAPITANESCU BENETTI, Andreea. Maitresse, j'ai mal au coeur ! Educateur , 2019, no. 5, p. 30-31

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:119535

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30| Educateur 5 | 2019

écoute-moi /

Propos de Myriam Fernandez, enseignante à l’école primaire, recueillis par Andreea Capitanescu Benetti

«Maitresse, j’ai mal au cœur»

Cette rubrique a comme but d’interviewer des enseignant·e·s, des formateurs et des for- matrices, des chercheurs et des chercheuses, des enfants et des parents pour mieux com- prendre comment la parole de l’enfant est considérée et prise ou non en compte dans les pratiques scolaires, dans l’organisation du tra- vail enseignant, et pour mieux comprendre les buts visés. Si cela vous intéresse de témoigner et de contribuer à cette rubrique, n’hésitez pas à me contacter: Andreea.Capitanescu@unige.ch Quelles sont les paroles d’élève qui vous ont

frappée dernièrement?

Les paroles d’une petite fille, un matin à l’arrivée à l’école. C’est l’accueil, je leur serre la main en saluant chaque élève, en les regardant avec attention. Je vois tout de suite si cela va bien ou non. Je vois leur tête, leurs manières d’être. Je tisse avec chaque élève une relation de bienveillance.

J’accueille une élève et je vois tout de suite que pour elle, la journée commence avec une certaine tristesse affirmée sur son visage. Je lui pose la question: «Est-ce que ça va?» C’est une élève très sensible, elle me ré- pond: «J’ai mal au cœur, j’ai le cœur qui bat très vite, mon papa est parti.» Le papa était parti en voyage pour son travail pendant trois jours. Je rassure alors l’élève en comptant les jours, les nuits, en lui disant que les journées vont passer très vite. Je lui prends la main et je l’accompagne à sa place. J’accueille ses dires, sa tristesse. Au début, je pensais qu’elle avait mal au cœur dans le sens physique, mais elle me parlait bien du cœur des émotions. La journée fut plus longue pour cette élève, la tristesse fut présente sur son visage tout le long.

Comment avez-vous réagi à cette situation?

J’ai essayé de déceler d’où ça venait. Cette enfant avait besoin d’être écoutée et rassurée. C’est une élève qui est habituellement très présente dans sa relation avec moi.

Ce jour-là, elle avait besoin d’encore plus de proximi- té avec moi, que je sois plus présente. Et j’ai été plus présente, en posant parfois une phrase, et surtout une attention très particulière vis-à-vis d’elle. Ensuite, cela a décanté, elle a avancé, elle a su gérer l’attente, le retour de son père.

Qu’est-ce que ça dit du métier d’enseignant·e?

On travaille sans cesse avec l’humain, et on ne peut pas être aveugle ou insensible aux états émotionnels des enfants, de ce qu’ils vivent, et cela même en de- hors de l’école. Je pense que chaque enseignant·e a un travail différent avec les affects des enfants tels qu’ils se présentent dans la classe. Pour cette élève, en ce mo- ment-là, c’était plus difficile de gérer le temps d’attente,

pendant l’école. Alors j’ai été plus souple, plus tolé- rante aux écarts, je sentais la lourdeur de sa tristesse.

On peut demander aussi, selon les situations, de l’aide au groupe, que l’on s’aide mutuellement à traverser des moments de la vie qui ne sont pas faciles. On fait aussi le calendrier de l’humeur si j’en ressens le besoin dans la classe. On fait le point collectivement si nécessaire.

Et pour le dépasser, individuellement et collectivement.

On réfléchit à des manières pour s’en sortir collective- ment. La raison du mal-être ou du bien être, la source peuvent être extérieures à l’école, mais l’enfant vit et travaille de nombreuses heures de sa semaine à l’école, avec nous dans la classe, avec moi. Les enfants peuvent s’exprimer, mais peuvent se taire aussi, ne rien dire. Ne pas dévoiler. Ils choisissent.

Je fais aussi quelques dialogues-philo, cela fait quelques années que je connais ces élèves. Je les cerne mieux, je les comprends mieux et c’est important pour enseigner. On a même travaillé une fois la réflexion sur ce qui fait que l’on est heureux. Les réponses furent multiples et variées: «c’est quand je fais du vélo», «c’est quand je fais du foot», «c’est quand je dessine en classe»,

«c’est quand je cuisine avec ma maman», «c’est quand je me sens libre». Alors je pose la question: «faut-il être libre pour être heureux?» et les élèves ont répondu: «ça

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Educateur 5 | 2019 | 31 dépend de quelle liberté!» «De quelle liberté parle-t-

on?» «Une liberté pour soi, mais qui ne nuit pas aux autres», «on ne peut pas faire n’importe quoi…», «une liberté dans le respect de l’autre». Je trouve que déjà à 7 ans, les élèves ont un degré de maturité et de lucidi- té qui m’impressionne. Tout au début, je pensais très naïvement qu’ils resteraient dans des histoires plus en- fantines. Mais absolument pas. Ils réfléchissent à des vrais sujets, à des vrais enjeux avec leurs conceptions et ils raisonnent. Ils réfléchissent aux actes que l’on porte, qui ont des conséquences et des répercussions sur soi et sur les autres, ne pas nuire aux autres. Ce sont mes élèves qui ont apporté tout ce raisonnement. Nous avons toujours des discussions ensemble.

J’ai aussi «le bureau des problèmes», ils viennent m’in- terpeller et échanger avec des problèmes qu’ils ont pu avoir à la récréation et qui n’ont pas été résolus. Cela s’apaise au long de l’année, car nous les traitons. Une année, j’ai eu des élèves plus énergiques, qui avaient besoin d’en parler pour bien travailler. Et cela mar- chait dans cette classe, la parole partagée soignait leur relation, rééduquait. On cherchait vraiment à com- prendre les problèmes, comprendre les actes, leurs conséquences. Ils comprennent ainsi les règles et leur donnent du sens.

Une élève nous disait en exemple que l’on ne peut pas faire des prises de judo n’importe où et n’importe com- ment, qu’il y a des règles, des codes, des conditions.

Je prends toutes les situations qui viennent et je les traite, c’est important. Grâce à cela, il y en a de moins en moins. Parfois on pense perdre du temps, mais ce n’est pas le cas, bien au contraire. Je prends beaucoup de temps pour que les élèves me parlent d’eux s’ils en ressentent le besoin. De leurs désirs, de leurs envies, des histoires de vie. Parfois je rebondis à partir de leurs dires, on fait des sciences, je les dirige vers des savoirs scolaires. Je les implique dans la vie de la classe, dans les responsabilités de la classe, cela a du sens, mais pas tout de suite. On doit toujours en discuter ensemble.

Lorsque j’ai demandé une fois à un élève de nettoyer le tableau noir, il m’a répondu avec repartie: «maitresse, là je fais du bénévolat pour l’école!» Je suis revenue sur cela, on a travaillé sur le sens de cette phrase, sur le ser- vice, sur le bénévolat, sur les responsabilités que l’on prend.

Je crois fortement en eux, je leur fais confiance, j’ai toujours eu mon côté positif et optimiste. Je crois en mes élèves et je leur donne des outils pour croire en eux à 7 ans. Construire une confiance en soi, ça com- mence très tôt. Je les observe beaucoup, chacun·e d’entre eux, je les observe énormément dans différents contextes également. J’apprends tous les jours à être à leur écoute et à saisir leur ressenti. Même dans le jeu, je vois comment ils évoluent, dans le rapport au jeu, dans le rapport aux autres, comment ils évoluent au sein des interactions; comment ils entrent et restent en contact, comment ils évitent le contact. À la récré, c’est mon observatoire sur comment ils tissent les liens. On

peut faire quelque chose pour que les interactions se passent au mieux et soient favorables aux apprentis- sages et au bien vivre ensemble à l’école.

J’ai vu comment un élève qui parlait tout doucement, qui était tout renfermé, s’est progressivement, avec le temps, complètement ouvert parce que je suis allée vers lui. On a beaucoup discuté, je me suis intéressée à lui, à ce qu’il pense de l’école.

Que diriez-vous à un·e collègue qui démarre dans l’enseignement?

Tout d’abord être en bienveillance avec soi-même et faire le deuil de la maitresse parfaite. On ne sera pas un·e enseignant·e parfait·e. On peut idéaliser beau- coup ce métier, soit en se comparant aux autres, soit lors de notre formation, soit en s’intéressant à tous les différents types de pédagogies.

Mais si on prend en compte la réalité du terrain, on observe au quotidien que tout est loin d’être parfait.

On fait du mieux que l’on peut, on va le plus loin pos- sible de ce que l’on peut apprendre des situations. Au plus près de sa conscience professionnelle. Je fais des choix, j’organise mes priorités. On peut toujours aller plus loin dans cette profession, c’est pourquoi je pense qu’il est important de se fixer des limites.

J’observe beaucoup mes élèves et je tente de com- prendre leur posture, le non verbal. Pourquoi cet élève fait-il beaucoup de bêtises? Pour attirer mon attention?

Il faut vraiment essayer de comprendre les attitudes, les gestes. Quand un·e enfant fait ou ne fait pas quelque chose, il ou elle a toujours un message à nous trans- mettre. Il y a toujours pour moi une attention à allumer pour mieux comprendre son fonctionnement. Beau- coup parler avec l’élève nous donne des pistes pour avancer.

Pour un élève, j’ai fait un long travail, presque sur une année scolaire, sur les règles qui n’avaient pas de sens a priori pour lui. On comprend de mieux en mieux son raisonnement et cela nous donne des pistes pour avancer.

J’alterne entre explication et souplesse et je tente de trouver du sens. Cela prend une énergie folle, mais ça crée un climat qui fonctionne et évite d’être directe- ment dans une sanction, car j’ai observé que la sanc- tion ne va pas forcément avec les conditions pour apprendre, parfois cela empire. J’ai pu observer que chaque fois que je reviens sur les choses, j’ai environ 70% de réussite, nous nous trouvons donc sur un che- min d’évolution. En cela, apprendre à se faire confiance et se remettre en question. Il y a des choses qui ne vont pas fonctionner tout de suite, il faut donc changer et se remettre en question, c’est une manière de vivre le métier, un métier qui est souvent tiraillé par de nom- breuses demandes.

Pour terminer, je dirais que tant qu’il y a de l’amour, de la bienveillance, de la communication et de la réflexion, même de l’humour, tout est possible! •

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