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Le régime alimentaire de la grive musicienne (Turdus philomelos) en automne et en hiver dans les garrigues de

Montpellier (France méditerranéenne) et ses relations avec l’ornithochorie

Max Debussche, Paul Isenmann

To cite this version:

Max Debussche, Paul Isenmann. Le régime alimentaire de la grive musicienne (Turdus philomelos) en

automne et en hiver dans les garrigues de Montpellier (France méditerranéenne) et ses relations avec

l’ornithochorie. Revue d’Ecologie, Terre et Vie, Société nationale de protection de la nature, 1985, 40

(3), pp.379-388. �hal-03529323�

LE REGIME ALIMENTAIRE DE LA GRIVE MUSICIENNE (TUR D US PHILOMELOS) EN AUTOMNE ET EN HIVER

DANS LES GARRIGUES DE MONTPELLIER (FRANCE MEDITERRANEENNE)

ET SES RELATIONS AVEC L'ORNITHOCHORIE

Max DEBUSSCHE et Paul I^sE^NMA^NN Centre Louis-Emberger (C.N.R .S.) *

En région méditerranéenne de nombreuses espèces de plantes ont des fruits charnus consommés par des oiseaux qui en disséminent les graines ; ces dissé­

minateurs restituent au cours de leurs déplacements les graines intactes et aptes à germer, soit par régurgitation, soit dans leurs e xcréments (cf. par exemple : Ridley, 1 93 0 e t Turcek, 1 96 1 ) . La guilde des disséminateurs est essentiellement composée de polyphages de taille petite (Sylvia spp., Erithacus rubecu[a .. . ) et moyenne (Turdus spp. . . . ) (Herrera, 1 984 a ; Debussche et Isenmann, non publié) . A une avifaune nicheuse à densité relativement faible succède en automne et en hiver une avifaune à effectifs élevés (Blondel, 1 969 a) au moment où les fruits charnus mûrs sont abondants (Herrera, 1 982 ; Debussche et !sen­

mann, 1 98 5 a) .

Dans l a région des Garrigues, près de Montpellier (43 ° 39' N./3° 5 1 ' E.) environ 70 espèces de plantes spontanées ont des fruits charnus et sont réguliè­

rement disséminées par une dizaine d'espèces d'oiseaux (Debussche et !sen­

mann, non publié) . Au premier rang de ces disséminateurs il faut citer pour les petites espèces : la Fauvette à tête noire (Sylvia atr(capilla), espèce la plus frugivore (cf. J ordano et Herrera, 1 98 1 ), la Fauvette mélanocéphale (Sylvia melanocephala) (Debussche et Isenmann, 1 983) et le Rouge-gorge (Erithacus rubecula) (Herrera, 1 98 1 a ; Debussche et Isenmann, 1 9 85 a) . Pour les espèces de taille moyenne il faut retenir le Merle noir (Turdus meru la) (Herrera, 1 9 8 1 b) et surtout la Grive musicienne (Turdus philomelos) l'espèce du genre Turdus la plus abondante dans la région. Celle-ci y est uniquement présente d'octobre à mars ou début avril (Blondel, 1 969 b) dans des milieux divers, pourvu que la végétation y soit ouverte ou semi-ouverte, telles que friches ancienne s, garrigues buissonnantes et herbacées, vignes .. .

L e régime alimentaire d e la Grive musicienne, qui se nourrit principale­

ment à terre et près du sol, est constitué essentiellement de proies animales pendant l'élevage des jeunes, alors que le reste de l'année vient s'y ajouter, avec une intensité variable, la consommation de fruits (cf. Siivonen, 1 939 et

* Adresse : B.P. 505 1 , F 34033 Montpellier cédex .

Rev. Eco/. (Terre Vie), vol. 40, 1 9 8 5

Simms, 1 978). Notre objectif est d'étudier la part que prend la frugivorie chez cette espèce, en automne et en hiver, dans une région méditerranéenne, ct d'évaluer son rôle disséminateur.

1 . - REGION ETUDIEE ET METHODES

L'essentiel des données utilisées ici provient de l'analyse de contenus sto­

macaux (n = 1 7 1 ) d'oiseaux tués par un chasseur pendant la période d'oc­

tobre à février 1 98 1 -82, 1 982-83 et 1 98 3 -8 4 à Assas (43 ° 42' N./3 ° 54' E.), près de Montpellier. Le climat y est méditerranéen sub-humide à hiver frais ; les automnes et hivers mentionnés ont été dans l a norme du climat générale­

ment observé avec seulement deux jours de neige au sol . Le paysage de la commune d'Assas, comme celui de toute la région des G arrigues, est une mo­

saïque de formations végétales variées. Le territoire situé dans un rayon de 1 km des points de chasse montre, en superficie, la composition suivante : 3 1 % de vignes, 5 % d'autres cultures, 1 9 % de friches herbacées plus ou moins envahies de buissons, 34 % de garrigues à Chène kermès (Quercus cocci fera (1 )) parfois boisées de Pin d'Alep (Pinus halepensis) avec de nom­

breux genévriers oxycèdres (! uniperus oxycedrus) , 10 % de bois de Chêne vert (Quercus ilex) et de Pin d'Alep, enfin 1 % de zones construites.

Un faible nombre de contenus stomacaux (n = 8) a été obtenu, également pour la période d'octobre à février, sur des oiseaux trouvés morts sur les routes de la région des Garrigues. Enfin, des analyses de 1 1 crottes d'oiseaux capturés au filet, pendant la même période, sur le campus du laboratoire à Montpellier ont été utilisées. Ces deux derniers lots de données n'ont été retenus, avec les observations de terrain, que pour une étude qual itative .

Les échantillons ont été examinés sous microscope ( X 50) . L'identification des plantes a été réalisée grâce à la couleur et à la morphologie des graines, de la pulpe et de la peau des fruits par référence à une collection complète des fruits de la région.

2. - RESUL TA TS

Le régime alimentaire de la G rive musicienne en automne et en hiver est nettement polyphage avec une dominance marquée de fruits (Tableau I et Figure 1 ) . Ceux-ci sont présents dans la quasi-totalité des contenus stomacaux d'octobre à février ; ils dominent très largement en volume les autres compo­

sants du régime alimentaire ; la fréquence de la consommation exclusive de fruits augmente d'octobre à février. Les Invertébrés, bien que souvent consom­

més, représentent toujours une part limitée du régime alimentaire ; leur i mpor­

tance diminue d'octobre à février. Parmi les Invertébrés, les Gastéropodes occupent la place la plus importante ; ce sont en général des escargots de 4 à 1 0 mm, ingérés avec leur coquille plus ou moins brisée, plus rarement il s'agit de minuscules individus (jusqu'à 2 m m) retrouvés intacts, ou de grandes espèces (jusqu'à 20 mm) débarrassés de leur coquille ; de rares limaces et testa­

celles ont été également rencontrées. Les Coléoptères consommés ont une di­

mension moyenne de 5 à 1 0 mm (jusqu'à 25 mm) et les chenilles une dimension de 1 0 à 20 mm.

( 1 ) La nomenclature suit Tutin et al., 1 964- 1 98 0 .

- 3 8 0 -

TAB L EAU 1

Variations mensuelles du régime alimentaire ( % d'occurrence dans les contenus stomacaux)

de la Grive musicienne (provenance : A ssas) .

Octobre Novembre Décembre Janvier Février

(:1 ^{= 1 2) (n = 42)} (n = 37) (n = 34) (n ^{= 46)}

Fruits ( 1 ) 1 00 % ! CO % 92 % 9<'· % 98 %

Autre m atièrevégétale (2) 8 % 5 % 3 c;� 1 8 % 9 %

G astéropodes 58 % 48 % 5 7 % 3 5 % 3 7 %

Arthropodes ( 3 ) 2 5 % 2(. % I l % 1 8 % I l %

Total des Invertébrés (4) 7 5 % 5 7 % 5 9 % 47 % 4 1 %

n = nombre d'individus ; ( 1 ) cf. Tableau II ; (2) feuilles de Chénopodiacées, Papilionacées, Convolvul acées et gland de Chêne ; (3) chenilles, fourmis, Coléoptères (adultes et larves), forficules, iules, Glomeris, cloportes ; (4) Gastéropodes, Arthropodes et vers de terre .

% 1 0 0

8 0 6 0 40 20

0 0

N D F

Mois

r u r s I n vertebres Gasteropodes

F .1

j V> 50%

, JV>50%

[V>50% o

V = I OO % e .V=I OO% ... V=IOO% •

Figure 1 . - Variations mensuelles de l'occurrence dans les contenus stomacaux de G rive 1:1usicienne des proportions en volume (Y) des principaux composants

du régime alimentaire .

Le raisin (Vitis vinifera ssp. vinifera) , trouvé chez 64 % des oiseaux ayant consommés des fruits, et les cônes charnus de trois espèces de genévriers (Juniperus oxycedrus, J. phoenicea et J. communis) , trouvés chez 45 % des oiseaux frugivores constituent l'essentiel du régime (Tableau ^II et Figure 2).

La part prise par ces deux catégories évolue en sens inverse dans Je temps (Figure 2) : la part du raisin est très importante en octobre, juste après les ven-

- · 3 8 1 -

TABLEAU II

Liste des espèces dont les fruits ont été trouvés dans les conten us stomacaux (provenance : A ssas)

et n ombre d'individus consommateurs correspondants.

100 %

% 4 0 2 0

Vitis vinifera ssp. vinifera 1 06 Juniperus oxycedrus 6 1

Juniperus phoenicea 1 0

R ubia peregrina 1 0

J uniperus cornrnunis 8

Hedera helix 5

Laurus nobi/is 4

Asparagus officinalis 2 Phi/lyrea angustifolia 2

Srnilax aspera 2

0/ea europaea var. europaea 1

Pistacia lentiscus 1

Prunus spinosa 1

Nombre de consommateurs 1 6 5

0 N D F

b

M o i s

o �--��--�----�--�----�---

0 N

{Présence

Vitis

ssp.

D F M o i s

t

Junip e r u s s p p. Y> 5 0 % 6

V=1 0 0 % .o.

Figure 2. - a) Variations mensuelles de l'occurrence dans les contenus stomacaux de Grive musicienne des proportions en volume (V) du raisin et des cônes charnu�

de genévriers.

b) Variations mensuelles de l'occurrence simultanée de ces deux composants.

-- 3 8 2 --

danges qui laissent sur les ceps de nombreux grappillons ; elle diminue jusqu'en février, alors que la part des fruits de genévriers, nulle en octobre, s'accroit pour dominer en février ; le raisin et les fruits de genévriers se rencontrent assez peu fréquemment e nsemble chez un même individu. Outre les fruits des 4 espèces déjà mentionnées, les fruits de 9 autres espèces ont été trouvés (Tableau Il) ; ils montrent une large gamme de taille (des 4-6 mm de la drupe de Pistacia lentiscus aux 25 mm de l'olive d'Olea europaea var. europaea) , de couleur, de morphologie et de composition chimique (cf. Herrera, 1 9 82) ; R ubia peregrina espèce à fruits charnus la plus commune dans la région (De­

bussche et Isenmann, 1 9 8 5 a) , est également la plus fréquente dans ce lot de 9 espèces.

Au niveau régional des Garrigues du Montpelliérais, c'est un total de 1 8 espèces de plantes dont les fruits sont consommés et les graines disséminées par la Grive musicienne pendant son séjour automnal et hivernal (Tableau III) .

TABLEAU III

Espèces spontanées, introduites (':') et cultivées ( * *) dont les fruits sont consommés et les graines disséminées

par la Grive musicienne dans la région des Garrigues de Montpellier.

Détermination par : (1 ) contenu stomacal, (2) analyse de crotte et ( 3) observation.

A sparagus ofjicinalis * *

Celtis austra/is Crataegus azarolus *

Hedera helix Juniperus communis J uniperus oxycedrus .!uniperus phoenicea Laurus nob ilis

0 /ea europaea var. europaea * *

Phillyrea angustifolia Pistacia /entiscus Prunus spinosa Pyracantha coccinea *

R ubia peregrina R u b us ulrnifolius Srnilax aspera Vib urnurn tinus

Vitis vinifera ssp. vinifera **

2, 3 3 1 , 2, 3

1 1 , 3

1 1 , 2 1 , 3 1 1 1 2, 3 1 , 2 1 1 2, 3

1

La probabilité d'une dissémination d'une espèce repose sur l'observation de l'ingestion complète du fruit ou sur la présence de graines intactes dans les e stomacs étudiés. Nos observations montrent que la Grive musicienne consomme les fruits tombés à terre (ex. : Celtis australis, Crataegus azarolus) , qu'elle cueille ceux situés près du sol, parfois en étirant fortement le cou (ex. : Juni­

perus oxycedrus) , qu'elle se perche aussi au milieu d'eux, les avalant les uns après les autres, parfois en série de 50 et plus (ex. : Viburnum tinus), ou encore qu'elle effectue un court vol ascendant depuis une branche pour prendre rapidement un fruit (ex. Hedera helix) . Ces différentes techniques peuvent être utilisées indifféremment suivant l'accessibilité des fruits convoités.

- 3 8 3 -

3 . ^- DISC USSION ET CONCL USION

Nos résultats confirment pour une région du bassin méditerranéen les prin­

cipales caractéristiques du régime alimentaire telles qu'elles ont été définies par d'autres auteurs, ailleurs dans l'aire de répartition . En effet, en d�hors de la période d'élevage des jeunes qui sont nourris essentiellement de proies animales {Davies et Snow, 1 9 65 ; Dyrcz, 1 969), ce régime est l argement omnivore fai­

sant appel à un large éventail d'espèces d'Invertébrés (Gastéropodes, Coléop­

tères e t vers de terre, principalement) et de fruits ; une grande variabilité du régime alimentaire à l'intérieur de ce c adre dans l 'espace et dans le temps, souligne l'opportunisme de l'espèce (cf. Siivonen, 1 9 3 9 ; Lebeurier et Rapine, 1 94 1 ; Hartley, 1 9 5 4 ; Eble, 1 963 ; Davies et Snow, 1 96 5 ; Raiss, 1 97 6 ; Bren­

sing, 1 9 77 ; Simms. 1 97 8 ) . En zone méditerranéenne il existe peu de données, et il est donc difficile d'établir des comparaisons et de conférer à nos résultats une valeur générale ; la consommation de fruits est notée (Tutman, 1 969 ; Jor­

dano, 1 9 84 ; Herrera, 1 9 84 a ; Tejero et al. , 1 9 84), ou la consommation de Mollusques (Schachak et al. , 1 98 1 ; Fraticelli, 1 9 8 2 ) , mais on ne sait pas com­

ment elle varie dans le temps et dans l'espace . Dans notre région l'espèce est certes polyphage en automne et en h iver, mais avec une très forte dominance des fruits. Les raisins en automne, puis les cônes charnus de genévriers en hiver, en particulier ceux du Genévrier oxycèdre, sont de loin les plus consom­

més, ces deux composantes se remplaçant progressivement dans le temps. Une grande partie des cônes charnus de genévriers sont mûrs en octobre-novembre, mais ils ne sont abondamment consommés qu'à partir de décembre alors que 1es raisins sont devenus rares, desséchés et souvent décomposés. Ce choix de la Grive musicienne en faveur du raisin à son arrivée dans notre région est proba­

blement lié à la plus grande densité des baies de raisin disponibles avec une accessibilité beaucoup plus aisée . La composition chimique très différente des fruits pourrait également jouer un rôle dans ce choix : le raisin, de consomma­

tion automnale, est riche en eau et en sucre alors que le cône charnu des gené­

vriers, consommé en hive r, et très pauvre en eau mais assez riche en lipides (Herrera, 1 9 82). Ce grand intérêt pour le raisin souligne l'opportunisme de l'espèce qui sait tirer profit des cultures à grande échelle, vignes en Languedoc, oliveraies en Espagne (Mufioz-Cobo et Purroy, 1 9 8 0 ; Santos, 1 9 8 2 ; Tejero et al., 1 9 84) et en Afrique du Nord. La forte liaison qui existe entre la Grive musicienne et les genévriers (Juniperus spp.) est observée dans d'autr�s régions par exemple : en Allemagne (Eble, 1 96 3 ) , en F;nlande (Siivonen, 1 9 3 9) , en Es­

pagne (Santos, 1 982) et au Maroc (de Juana et Santos, 1 9 8 1 ) . Cette liaison s'étend d'ailleurs à l'ensemble du genre Turdus puisque la consommation abon­

dante des cônes charnus est aussi notée pour la Grive mauvis (T. iliacus ; Debussche et Isenmann, 1 9 8 5 b), pour le Merle no:r (T. merula ; Eble, 1 963 et Simms, 1 978), pour la Grive draine (T. viscivorus ; Simms. 1 9 7 8 ) , pour le Merle à plastron (T. torquatus ; Heim de B alsac, 1 9 3 1 ; Blondel, 1 962 et Simms, 1 97 8 ) , et pour la Grive litorne (T. pilaris ; Tyrvainen, 1 9 7 0 et Simms, 1 97 8 ) . En Amérique du Nord Turdus migratorius consomme abondamment les fruits de Juniperus virginiana et de J. communis (Livingston, 1 972) .

De par le nombre d'individus présents et grâce à la part prépondérante des fruits dans son régime alimentaire la Grive musicienne constitue avec quatre autres espèces (Fauvette à tête noire, Fauvette mélanocéphale, Rouge-gorge et

Merle noir) le groupe au rôle disséminateur le plus important en automne et e n

hiver dans les Garrigues du Montpelliérais. Moins intensément frugivore que

- · 3 84 -

la Fauvette à tête noire (Debussche et Isenmann, non publié), elle J'est plus que la Fauvette mélanocéphale et que l e Rouge-gorge (Debussche et Isenmann, 1 98 3 et 1 9 8 5 a) . Nous manquons encore de données suffisantes pour situer exacte­

ment dans notre région le Merle noir sur un gradient de frugivorie (cf. cepen­

dant Herrera, 1 9 8 1 b) .

Présents durant sensiblement la même période dans notre région, le Rouge­

gorge et la Grive musicienne se nourrissent principalement à proximité du sol et au sol, modulant leur régime en fonction des saisons, consommant tous deux des fruits, des Arthropodes et des Gastéropodes ; dans chacune des catégories d'Invertébrés, les proies consommées sont de plus grande taille chez la Grive musicienne . Ces deux Turdidés disséminent un total de 29 espèces de plantes ; 8 d'entre elles sont disséminées par la Grive musicienne, 1 1 par le Rouge-gorge et 1 0 par les deux espèces (cf. Debussche et Isenmann, 1 9 8 5 a) . La comparaison des deux listes de plantes montre que celles disséminées par la Grive musi­

cienne ont des fruits plus gros (volume moyen = 830 mm3) que les fruits des plantes disséminées par le Rouge-gorge (volume moyen = 1 7 5 mm3) (test t ; p < 0,0 1 ) ; l e volume moyen des fruits des plantes disséminées par les deux espèces est intermédiaire (3 5 0 mm3) . Des fruits volumineux mais relativement

« mous » comme le raisin, peuvent cependant être suffisamment dilacérés par le Rouge-gorge pour qu'il parvienne à les avaler avec leurs graines. Ce critère de taille est bien souligné par les liaisons préférentielles : Turdus philomelos - Vitis vinifera ssp . vinifera (volume moyen de la baie 1 3 00 mm3) et Juniperus oxycedrus (volume moyen du cône charnu 680 mm3) d'une part, Erithacus rubecula - Rubia peregrina (volume moyen de la baie 1 00 mm3) et ^Viburnum tinus (volume moyen de la drupe 8 0 mm3) d'autre part (cf. Debussche et !sen­

mann, 1 9 8 5 a) . Le critère de taille (et de texture) permettant ou non l'ingestion par l'oiseau pourrait être Je seul point commun existant entre les fruits de cha­

cune des listes de plantes disséminées par chaque epèce (cf. Herrera, 1 9 84 a) . La dissémination des graines par les oiseaux est globalement un phéno­

mène de peu d'ampleur, quant aux distances de dissémination en régions tem­

pérées, la quasi-totalité des graines étant rejetées à moins de 1 00 _rn du semen­

cier (Mc Donnell et Stiles, 1 9 8 3 , pour les faunes-flores d'Amérique tempérée ; Debussche et al., 1 9 8 5 , pour les faunes-flores d'Europe méditerranéenne) . Le cantonnement des oiseaux pendant la journée sur un territoire restreint et Je temps relativement court (quelques dizaines de minutes d'après Herrera, 1 9 84 b) qui sépare l'ingestion de la graine de sa libération par régurgitation ou par défécation en constituent l'explication . Cependant, si la Grive musicienne, en troupe lâche, adopte un cantonnement défini qu'elle parcourt pendant la jour­

née, en l'absence de dérangements intempestifs, elle gagne régulièrment chaque soir un bois, ou un groupe d'arbres, distants de plusieurs centaines de mètres, au plus de quelques kilomètres, pour y passer la nuit en groupe. Un tel compor­

tement est habituel dans notre région et probablement dans bien d'autres (Simms, 1 97 8 ) . Il y a donc régulièrement transport de graines à longue distance et en des lieux privilégiés et boisés par la Grive musicienne ; ceci constitue un troisième type de patron de dissémination pour les espèces ornithochores de notre région, à côté ( 1 ) de la dissémination à courte distance avec diminution exponentielle de la densité de graines depuis les semenciers et (2) de la locali­

sation de très nombreuses graines sous certains arbres ou buissons servant de perchoirs, également à peu de distance des semenciers (Debussche et al., 1 9 8 5 ) .

- 3 8 5 -

7

RESUME

Dans la région de Montpellier (France méditerranéenne) le régime alimen­

taire de la Grive musicienne (Turdus philomelos) en automne et en hiver est polyphage avec une dominance marquée des fruits. Parmi eux prédominent le raisin (Vitis vinifera ssp. vinifera) de consommation automnale, trouvé chez 64 % des individus frugivores et les cônes charnus de Genévriers (Juniperus spp.) de consommation hivernale, trouvés chez 45 % des individus frugivores.

La part prise par ces deux catégories de fruits évolue en sens inverse dans le temps. Au n iveau régional des Garrigues du Montpelliérais, c'est un total de 1 8 espèces de plantes dont les fruits sont consommés et les graines disséminées par la Grive musicienne ; la forte liaison avec les Genévriers est s oulignée . Grâce à la part prépondérante des fruits dans son régime, cette espèce constitue avec quatre autres espèces (Sylvia atricapilla, Sylvia melanocephala, Turdus merula et ^Erith_acus rubecula) le groupe au rôle disséminateur le plus important en automne et en hiver dans la région étudiée et par extension dans l'ensemble de la zone méditerranéenne.

SUMMARY

The autumn and winter diet of the omnivorous Song Thrush ^(Turdus phi­

lomelos) around Montpellier (Southern France) is mostly made up of fruits.

Two species are preferably consumed, grapes in autumn (found in 64 % of the stomachs containing fruits), and the berry-like fruits of Juniperus spp. in winter found in 45 % of the stomachs containing fruit) . The fleshy fruits of 1 6 other species were also consumed and their seeds dispersed by the song thrushes . Together with the Blackcap, the Sardinian Warbler, the Blackbird and the Robin, the Song Thrush plays a major role in the dissemination of fleshy-fruited plants in our study area, and probably in the whole Mediterranean Region as weil.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier A. B l anchard d'avoir mis à notre disposition les estomacs utilisés dans cette étude et J. B londel pour ses commentaires et suggestions enrichissants à la lecture d'un premier manuscrit. Nous remercions également deux lecteurs anonymes pour leurs remarques constructives.

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