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Du cluster créatif à la ville créative : les fondements économiques

Dominique Sagot-Duvauroux, GRANEM, professeur à l’université d’Angers.

Article paru dans les Actes du Forum de l’Innovation Culturelle : Territoires de collaboration, Pôle des industries culturelles et patrimoines, 3 décembre 2013, Arles

Clusters créatifs, quartiers culturels, villes créatives… Depuis quelques années, ces termes n’apparaissent plus seulement dans la littérature académique mais également dans le discours des responsables politiques pour qualifier une stratégie de développement d’un territoire qui s’appuie sur les industries créatives. Les exemples de villes qui ont relancé leur économie grâce à des investissements dans la culture (Bilbao, Nantes, Lille…) et à l’opposé le constat de villes mortes de ne pas avoir su envisager à temps leur reconversion (Détroit aux Etats-Unis par exemple) sont largement commentés.

Ces termes prêtent cependant à confusion dans la mesure où ils renvoient à des réalités et des analyses sensiblement différentes. Le terme de « cluster » par exemple est issu de l’économie industrielle et décrit une concentration d’entreprises appartenant à une même filière sur un territoire donnée. Celui de « ville créative » insiste sur l’écosystème que peut représenter une ville pour stimuler l’innovation et la créativité. Clusters créatifs et villes créatives s’inscrivent cependant dans les grandes transformations que connait aujourd’hui l’économie mondiale.

L’objet de cet article est de montrer que l’émergence du concept de villes créatives résulte de la convergence de trois corpus théoriques qui se sont longtemps développés en parallèle, l’économie de la culture classique, l’économie des clusters industriels et l’économie créative.

1) L’économie de la culture classique

L’économie de la culture est une discipline qui a émergé dans les années soixante à la suite d’une recherche fondatrice de Baumol et Bowen sur le spectacle vivant à Broadway, New-York1. Ces auteurs démontraient la difficulté des entreprises de ce secteur à survivre dans une économie de marché sans intervention publique. Ce travail a donné lieu dans les années soixante-dix / quatre- vingt à une abondante littérature sur les fondements de l’intervention publique dans le secteur culturel2. Parmi les principaux arguments avancés pour justifier ces soutiens publics, l’existence d’externalités positives était le plus souvent relevée. La valeur économique produite par les manifestations culturelles déborde les seules filières culturelles et profite à un territoire sous différentes formes : les flux induits sur l’économie locale (par exemple augmentation du chiffre d’affaires des commerces, hôtels restaurants provoquée par un festival, les emplois associés à l’existence de monuments historiques dans les métiers d’art et le tourisme), l’attractivité d’une ville ayant une politique culturelle active pour les entreprises et pour les personnes. Les concepts de

1 Baumol W.J.,Bowen W.G.(1966) - Performing Arts : the economic dilemna - MIT Press, Cambridge

2 Voir Farchy J., Sagot-Duvauroux J., Economie des politiques culturelles, PUF, 1994

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2 demande d’option ou de valeurs d’existence ont également été mobilisés pour exprimer l’existence d’une demande qui ne se traduit pas nécessairement par la consommation. Les populations peuvent ainsi souhaiter l’existence d’un théâtre ou d’une bibliothèque dans leur ville sans pour autant fréquenter ces équipements. Cette valeur « vaporeuse »3 de la culture a fait l’objet de nombreuses recherches destinées à la mesurer le plus précisément possible4 de façon à mieux asseoir la légitimité des interventions publiques.

Parallèlement, l’économie de la culture a cherché à identifier la spécificité des entreprises culturelles.

Dans leur majorité, elles sont apparues comme des petites voire de très petites entreprises organisées autour de projets risqués nécessitant des modes de gouvernance particuliers. Richard Caves en particulier a mis en évidence l’importance du risque associé aux productions artistiques à travers sa célèbre propriété « Nobody Knows »5. L’organisation spécifique des industries culturelles sous la forme d’oligopoles à frange où quelques grosses entreprises (les majors) contrôlent des filières où le risque de l’innovation est majoritairement assumé par de petites structures (la frange, les indépendants) a fait l’objet de nombreuses recherches. Les implications en matière d’emploi de ces économies de projets où les équipes sont réunies sur un projet et dissoutes au terme de celui-ci ont également été étudiées à travers la mise en évidence d’une nécessaire mais couteuse flexibilité de l’emploi6. Ces TPE de projets trouvent alors un intérêt particulier à se regrouper sur un même territoire pour faciliter la naissance et la circulation des idées, le passage d’un projet à l’autre et l’enchainement de contrats de travail courts grâce à une organisation en réseau.

Curieusement, les travaux sur les externalités et sur les spécificités des entreprises culturelles ont tardivement été rapprochés de ceux sur les clusters et la dimension géographique de l’économie de la culture est longtemps restée limitée alors même que les géographes se saisissaient de cette question.

2) L’économie des clusters créatifs

L’analyse des clusters a donné lieu à une littérature relativement abondante depuis les années soixante-dix, mettant en avant les enjeux de la concentration spatiale d’entreprises appartenant à une même filière. Et naturellement, cette réflexion sur la concentration industrielle a été appliquée au secteur culturel et surtout médiatique7.

La réflexion sur la concentration géographique des industries émerge à la fin du XIXe siècle avec les travaux de l’économiste anglais Alfred Marshall à l’origine de la théorie des effets d’agglomération dans l’industrie8. Il remarque, en s’appuyant notamment sur l’exemple de Manchester en Angleterre,

3 Sagot-Duvauroux D., (2011), "Comment mesurer la valeur vaporeuse de la culture ?", Place Publique, n°27, 49- 52, mai-juin

4 Voir notamment sur les études d’impact, Y. Nicolas, L’impact économique d’une activité culturelle comme motif au soutien public, définition et conditions de validité, Revue d’Economie Politique, 2010/1 - Vol. 120 87-116.

5 Caves R. (2000), Creative Industries: Contracts Between Art and Commerce, Cambridge Mass./London, Harvard University Press.

6 Menger P-M. (2009), Le travail créateur, Gallimard, Seuil.

7 Pour une revue de la littérature voir : Chesnel S., Molho J., Morteau H., Raimbeau F., ss la direction de SAGOT- DUVAUROUX D., 2013, Les clusters ou districts industriels du domaine culturel et médiatique : revue du savoir économique et questionnement, Ministère de la Culture et de la Communication

8 Marshall A., Principles of economics, Londres, McMillan, 1890.

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3 que les industries ont tendance à se concentrer dans des districts géographiques distincts, des agglomérations urbaines spécialisées dans la production d’un ensemble de biens reliés par un même système technique. Pourquoi des entreprises concurrentes trouvent intérêt à se rapprocher les unes des autres alors que la concurrence contribue à tirer les prix vers le bas et à diminuer les profits ? L’explication de Marshall tient au fait que les effets positifs de la co-localisation, les fameux effets d’agglomération (économie d’échelle, mutualisation de services, accès à l’information, bassin d’emploi spécialisé…) s’avèrent plus importants que les aspects négatifs de cette proximité (concurrence accrue, prix de l’immobilier…). Autrement dit, les forces centripètes d’agglomération sont plus fortes que les forces centrifuges de dispersion.

Ce travail pionnier restera pendant assez longtemps peu exploité par les économistes. Il faut attendre les années 60 pour que de nouveau des chercheurs s’intéressent aux phénomènes de concentration géographique des industries. En Italie, Bécattini développe le concept de district industriel pour expliquer la réussite d’un territoire italien (la troisième Italie) marqué par la présence d’un réseau dense de petites et moyennes entreprises spécialisées dans une activité de la chaîne de production où les liens familiaux et la confiance font office de ciment9. Plus tard, notamment en France sous la houlette de Philippe Aydalot, est mis en avant le concept de Milieu Innovateur à travers « une analyse territorialisée de l'innovation mettant en évidence le rôle de l'environnement et plus spécifiquement celui des milieux dans le processus d'innovation »10. Un milieu se définit comme un « ensemble de relations intervenant dans une zone géographique qui regroupe dans un tout cohérent, un système de production, une culture technique et des acteurs ».

Le rapprochement des analyses sur la géographie de l’innovation et sur l’organisation en réseau des entreprises co-localisées donne naissance au début des années 90 au concept de cluster industriel défini ainsi par Michael Porter : « une concentration géographique d’entreprises interconnectées, de fournisseurs spécialisés, de prestataires de services, d’entreprises connexes, et d’institutions associées (par exemple, les Universités, les agences de normalisation et les structures de commercialisation) sur des domaines particuliers sur lesquels ils sont en concurrence mais également coopèrent ». 11

Ces clusters font l’objet de trois approches analytiques complémentaires12. Dans la lignée de Marshall, il s’agit d’abord d’identifier quelles sont les forces centrifuges et centripètes qui poussent les entreprises à se rapprocher ou à s’écarter les unes des autres ? Un territoire se caractérise par un certain nombre de ressources naturelles ou construites au cours du temps, parfois à l’occasion de hasards historiques, ressources qui le prédisposent à certaines spécialisations car elles lui accordent un avantage comparatif par rapport aux territoires concurrents. Dans le domaine culturel, l’héritage patrimonial joue ainsi un rôle déterminant dans la capacité d’un territoire à développer un cluster touristique (Châteaux de la Loire, Murano en Italie, Paris…).

La seconde approche, inspirée de Porter, cherche à répondre aux questions suivantes : Dans quelle mesure la coopération inter-organisationnelle favorise–telle l’efficacité du cluster et des

9 Beccatini G., « Le district marshallien : une notion socioéconomique », in BENKO G. et LIPIETZ A. (sous la dir.

de), Les Régions qui gagnent, Paris, PUF, 1992, p. 35-46.

10 Aydalot, P., Milieux innovateurs en Europe, Gremi, Paris, 1986.

11 Porter M., “Clusters and the New Economics of Competition”, Harvard Business Review, 1998, 11, p. 77-90.

12 Cf Gordon I.R. et MC Cann P., “Industrial Clusters: Complexes, Agglomeration and/or Social Networks?”, Urban Studies, 2000, vol. 37, no 3, p. 513–532.

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4 organisations qui le composent ? Comment le cluster renforce l’économie du territoire ? Quel doit être le rôle des collectivités publiques dans cette structuration ? Le territoire est ici décrit comme une ressource en partie construite par les organisations, publiques et privées, connectées sur le territoire. Les travaux analysent l’encastrement institutionnel de ces organisations qui prend la forme de coopérations formelles (contrats de partenariats par exemple) mais aussi informelles (développement d’une confiance héritée des coopérations passées, adhésion à des valeurs communes, coopétition). Le réseau territorial associe entreprises privées commerciales, associations, universités et écoles, laboratoires de recherche, collectivités publiques. Une attention particulière est portée à la façon dont les collectivités publiques soutiennent le cluster sous forme bien sûr d’aides matérielles mais aussi de médiation entre chercheurs, PME et grandes entreprises. Les pôles de compétitivité en France sont directement inspirés de cette approche. Un des enjeux territoriaux de cette stratégie industrielle est de créer un intérêt collectif à coopérer pour tous les acteurs impliqués de sorte que la compétitivité de chacun d’entre eux soit portée par la compétitivité globale de l’ensemble. Si cet objectif est atteint, les territoires deviennent moins vulnérables au départ d’une entreprise qui serait attirée par les sirènes des paradis fiscaux.

Les activités culturelles et surtout médiatiques, composées d’une multitude de petites organisations travaillant sur projet, tirent particulièrement profit d’une structuration en cluster, la proximité géographique favorisant l’existence d’un bassin d’emploi qualifié, la circulation des idées, la mutualisation d’équipements ou de programmes de recherche. Le succès d’Hollywood aux Etats – Unis, souvent étudié, repose ainsi sur la complémentarité de nombreuses structures et compétences sur un périmètre restreint.

Enfin, la dernière approche consiste à se poser la question du rôle que jouent les relations interindividuelles dans le développement des clusters. Au-delà des partenariats entre organisations, l’origine d’une coopération et sa pérennité dépendent des réseaux auxquels appartiennent les personnes qui prennent des décisions au sein des organisations. Le territoire se définit alors comme partiellement construit par les individus encastrés socialement dans des réseaux souvent informels mais déterminants. Les recherches mettent l’accent sur l’importance de personnes leaders capables d’impulser des projets de collaborations13, de lieux intermédiaires de rencontres informelles jouant un rôle de Hub entre les acteurs et permettant le croisement de compétences et d’initiatives14. A partir de l’exemple de Montréal, Cohendet, Grandadam et Simon mettent en évidence la nécessité de ces espaces intermédiaires (le middleground ) pour transformer des idées individuelles (underground) en projet économique ou en politique culturelle (upperground des organisations).

« Le processus créatif apparaît comme encastré au sein d’un espace (ou milieu) créatif, qui peut lui- même être assimilé à une grappe innovante particulière, permettant à la créativité d’être pleinement exprimée. Dans cette perspective, la dynamique des activités créatives repose sur trois différentes couches sociales d’un territoire: l’underground de l’individu, le middleground des communautés et l’upperground des firmes ou organisations »15.

13 Voir Rychen F. et Zimmermann J.-B., Clusters in the Global Knowledge Based Economy: Knowledge Gatekeepers and Temporary Proximity, Proximity Congress, Bordeaux, juin 2006 et Halbert L. et al., Paris, Métropole créative : Clusters, milieux d’innovation et industries culturelles en Île-de-France, 2008.

14 Neff G., “The Changing Place of Cultural Production: The Location of Social Networks in a Digital Media Industry”, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, 2005, 597, p. 134-152.

15 Cohendet P., Grandadam D. et Simon L. « L’écologie de la créativité », 6es journées de la Proximité, Poitiers,

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5 Au-delà de dispositifs spécifiques destinés à ce que des personnes détenant des compétences complémentaires mais qui n’ont pas de raisons de se croiser dans leur vie professionnelle se rencontrent (concept de lien faible), les travaux montrent que la proximité spatiale doit d’accompagner d’autres formes de proximités entre individus pour que naissent des innovations et des collaborations pertinentes (proximité cognitive bien sûr mais aussi sociale et peut-être surtout de valeur16).

L’économie des clusters créatifs se construit aujourd’hui par le croisement de ces trois approches. On l’a déjà écrit, les activités de création présentent des caractéristiques adaptées à une organisation sous forme de cluster (économie de projets risqués portés par des très petites entreprises travaillant par projet et désintégrées verticalement)17. Mais pour que ces clusters soient efficaces, ils doivent s’appuyer sur les caractéristiques du territoire au sein desquels ils se développent (spécialisations passées, patrimoine existant, ressources des populations, potentiel technologique) et tenir compte des effets de seuil. Les pouvoirs publics doivent également accompagner la structuration territoriale des organisations des secteurs créatifs en facilitant le dialogue entre les acteurs (organisations et individus) par des dispositifs spécifiques et en développant des politiques de soutien appropriées.

3) L’économie créative

Le troisième courant d’analyse à l’origine de la théorie des villes créatives s’intéresse, d’un point de vue macroéconomique, aux transformations du capitalisme. Le modèle fordiste qui a dominé l’organisation industrielle jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle se caractérisait par la standardisation des produits et la spécialisation des tâches. La concurrence par les prix dominait. La séparation de l’offre et de la demande était claire et on parlait à juste titre de « consommateur final ». La mondialisation, en délocalisant les industries de main d’œuvre vers les pays à bas salaire, a induit de nouvelles spécialisations pour les pays développés. D’une concurrence par les prix, on est passé à une concurrence hors-prix (innovation, qualité) et une compétitivité informationnelle où les composants culturels de la production se sont accrus (style, créativité…). « Ce sont les concepts, les idées, les images et non plus les choses qui ont une vraie valeur dans l’économie. Ce sont l’imagination et la créativité humaine et non plus le patrimoine matériel qui incarnent désormais la richesse » note J . Rifkin en 200018 . Lash et Urry soulignent que « The economy is increasingly culturally inflected while culture is more and more economically inflected »19.

Cette nouvelle économie se distingue également par le nécessaire partage des savoirs et l’organisation en réseau des organisations et des individus. Bernard Stigler parle d’économie contributive pour souligner la nouvelle circularité des filières économiques où les ressources octobre 2009, p1.

16 Chesnel, S., La proximité de valeur comme déterminant des coopérations entre des entreprises créatives : Une application à la filière du jeu vidéo, Thèse de doctorat en économie, Université d’Angers, 2014.

17 Scott A., Creative cities : the role of culture, Revue d’Economie Politique, 2010/1, vol 120, 181-204.

18 Rifkin J, L’âge de l’accès : survivre à l’hypercapitalisme, La découverte, cité par Roy-Valex M., Art, Territoires et nouvelle économie, 39-84, in Tremblay R., Tremblay D-G, La classe créative selon Richard Florida, un paradigme urbain plausible ?, PUQ, PUR, 2010, p 59

19 Lash S., Urry J. , Economies of Signs and Space, Londres, Sage, 1994, cite par Roy-Valex M., Art, Territoires et nouvelle économie, 39-84, in Tremblay R., Tremblay D-G, La classe créative selon Richard Florida, un paradigme urbain plausible ? PUQ, PUR, 2010, p 57.

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6 intellectuelles et financières des « usagers contributeurs » sont mobilisées pour développer des produits ou services existants ou en imaginer de nouveaux. Les technologies numériques ont dopé cette économie contributive notamment dans les filières culturelles. Les villes intègrent dans leurs stratégies l’utilisation de ces technologies pour favoriser la mobilisation des intelligences dans des projets collectifs (Smart Cities).

La culture est perçue dans ce nouveau capitalisme comme un facteur de production essentiel à la croissance économique, à la fois comme secteur d’activité et comme source de créativité. Les études se multiplient pour mesurer le poids économique des secteurs créatifs. L’ONU publie depuis 2008 un rapport sur l’économie créative. En France, le Ministère de la Culture s’est associé avec le ministère des Finances pour réaliser une étude qui mesure le poids de l’économie créative en France ainsi que son impact sur le reste de l’activité20. La valeur ajoutée culturelle est estimée en 2011 à 57,8 mds soit 3,2 % du PIB français. Sur ce montant, 44,5 mds correspondent aux secteurs spécifiquement culturels et 13,3 mds à la valeur ajoutée générée indirectement par les secteurs culturels (par exemple, le secteur de la construction spécialisé dans la réhabilitation de monuments historiques).

Au-delà, l’apport de la culture à l’économie française est estimée à 104,5 milliards €, si l’on inclut les effets induits par les activités culturelles sur l’économie.

Parallèlement, Gilles Lipovetsky et Alain Serroy dans leur livre « l’esthétisation du monde » constate qu’ « à un capitalisme axé sur la production s’est substitué un capitalisme de séduction focalisé sur les plaisirs des consommateurs par le truchement des images et des rêves, des formes et des récits »21. L’art se retrouve au cœur du développement économique dans ce nouvel âge du

« capitalisme artiste », empruntant à la mode ses cycles de renouvellement des styles. Et les villes apparaissent comme des terrains de jeux privilégiés de cette nouvelle compétition.

4) En guise de conclusion : la ville créative au croisement de ces trois approches

L’économie de la culture a mis en évidence les spécificités économiques des activités culturelles et souligné les externalités produites par celles-ci. L’économie des clusters créatifs a décrit les effets d’agglomération engendrés par le rapprochement géographique d’entités appartenant aux industries créatives. L’économie créative a caractérisé les traits dominants du capitalisme contemporain au sein duquel les activités créatives sont à la fois un input et un output de l’économie.

Les villes créatives sont à la convergence de ces trois courants. Si les éléments d’un écosystème décrivent un « réseau d’échange d’énergie et de matières permettant le maintien et le développement de la vie » 22, la ville apparait comme un écosystème à la fois particulièrement propice au développement des activités créatives mais aussi au développement d’autres activités économiques et plus généralement au bien-être des habitants », Elle est le lieu de convergence entre les effets d’agglomération mis en évidence par la théorie des clusters créatifs et les effets

20 Kancel S., Itty J; Weill M., Durieux B., L’apport de la culture à l’économie en France, Inspection Générale des Finances, Inspection Générale des affaires Culturelles, décembre 2013.

21 Lipovetsky G., Serroy J., L’esthétisation du monde, Paris, Gallimard

22 Wikipedia, article écosystème.

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7 d’urbanisation qui soulignent les multiples interactions entre activités artistiques et développement urbain23.

Les stratégies urbaines consistent alors à mettre en place des dispositifs permettant de développer les effets d’agglomération entre les acteurs des clusters créatifs en mettant en valeur les externalités croisées engendrées par la colocalisation (liens forts) et en créant des hubs susceptibles de rapprocher des créatifs qui ne se croisent pas naturellement dans leur vie professionnelle (liens faibles). Mais il s’agit aussi de développer les effets d’urbanisations qui traduisent les multiples liens qui peuvent se développer au sein d’une ville entre les activités créatives (clusters créatifs) et les autres dimensions de la ville. Il s’agit d’abord de la capacité des villes développant de nombreuses activités culturelles d’attirer les classes créatives, c’est à dire la frange de la population active qui, dans son travail, est conduite à résoudre des questions non routinières et dont la présence sur un territoire favoriserait la croissance, comme le souligne Richard Florida24. Mais il s’agit aussi de montrer comment les activités artistiques sont au cœur de l’écosystème urbain et contribuent à rendre cohérentes les différentes dimensions de la ville : aménagement, équilibre social, identité...

23 Scott A, op cite.

24Florida, R., The rise of the creative class, Basic Books, New York, 2002.

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