• Aucun résultat trouvé

Institut d'Etudes Judiciaires ANNALES Examen d'entrée au CRFPA Session 2015 r

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Institut d'Etudes Judiciaires ANNALES Examen d'entrée au CRFPA Session 2015 r"

Copied!
71
0
0

Texte intégral

(1)

r

UNIVERSITÉ DE TOULON

UFR Faculté de droit

Institut d'Etudes Judiciaires

ANNALES

Examen d'entrée au CRFPA Session 2015

Université de Toulon -35, avenue Alphonse Daudet - B. P. 1416 - 83056 TOULON cedex Tél: 04 ~4 46 75 00 1 Fax: 04 94 46 75 76 1 www.univ-tln.fr

Secrétariat: caroline.hasdenteufel@univ-tln.fr·04.94.46.75.07

(2)

Page 1

UNIVERSITE DE TOULON INSTITUT D'ETUDES JUDICIAIRES

Session 2015

NOTE DE SYNTHE SE

Durée de l'épreuve: 5 h

A partir des documents suivants, vous rédigerez une Ilote de synthèse de quatre pages maximum relative

à

La Cour dc CtlSS(l/Îon

Document t - B. Louvel, La Cour de cassation face aux défis du XXlè siècle, www. Courdecassation.fr (extraits)

Document 2 - N. Molfessis, L'indispensable réforme de la Cour de cassa/ion, Affiches Parisiennes, 6 juillet 2015

Document 3 -

J.

Bolé et L. Bolé, Rep. Proc. civ. Dalloz, VO Cour de cassa/ion, sepl. 2008 (extraits) Document 4 - Casso l'" civ., 4 décembre 2013, nO 12-26.066, publié au bulletin

Document 5 -B. Haftel, Libres propos sur l'avant projet de réforme de la Cour de cassarion el la fonction du juge, Rec. Dalloz 2015, p. 1378

Document 6 - Conseil de l'Europe, comité des ministres, Recommandation nO R(95) 5 du 7 février 1995, article 7 (extraits)

Documcnt 7 - Ph. Jestaz, J.-P. Margllénaud el Ch. Jamin, Révolurion tranquille il la Cour de cassation, Rec. Dalloz 2014, p. 2061 (extraits)

Documcnt 8 - Commission de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation, 17 octobre 2014, www.

Courdecassation.fr

Document 9 - P. Ca.sia : Fillrer l'accès aujuge de cassalion ?, Rec. Dalloz 2015, p. 1361 Document 10 - Code de l'organisation judiciaire, articles L. 431-1 ct L. 441-1

lIocum~nt 11- Cil. Jamin, Molivalioll. - Cour de cassalion : une queslion de 1I10livaliol1, JCI' E 2U juillet 2015, doctrine 878

Document 12 - Code de procédure civile, articles 1011

à

1014

Document 1.3 - D. de Beehillon ct M. Guillaume, La régulation des contentieux devant les COllrs suprêmes. - Enseignements des réformes étrangères et perspectivesji'ançaises, JCP E 10 novembre 2014, 1194

])oeument 14 -Accueil d'une délégation de la CEDH, 10 juillet 2015, www. Courdecassation.fr

.Document 15 - Résumé du rapport sécuriléjuridique el iniliative économique, le elub des juristes, Il juin 2015 (exu·aits), www.leclubdesjuristes.eom

Document 16 - B. Louvel, Réflexions

à

la COlir de cassa/ion, Ree. Dalloz 2015, p. 1326

Document 17 - Protocoles nO 15 ct 16 portant amendement

à

la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 24 juin 2013 et2 octobre 2013

(3)

r

DOCUMENT 1

Réflexions sur la réforme de la Cour de cassation Mars 2015

«

LA COUR DE CASSATION FACE AUX DÉFIS DU XXIE SIÈCLE » par

Monsieur Bertrand Louvel, premier présldent'de la Cour de cassation

Page 2

La

Cou, de cass

ation, qui a deux cent dix ans, d

eux cent vingt-cinq si l'on ajo

ute le temps du tribunal de cass ation

, es

t en réal

ité J'hé!1tièrc de la Gllia

Regù dan

s sa fonction juridictionnelle, née du besoin

d'unité de

l'application du droit dans le royaume. Le

Roi

censurait les anôts

des parl

ements sélectionnés

par ses légistes selon une technique de cassati

on qui s'est afflllée au cours des siècles pour sanctionner les défaillances des juges dans l'application du droit,

C'es

t

cene Cour, semble-t-il immuable, qui

es

t

défiée aujourd'hui par

le monde

ex

térieur

dans

le

château fort qu'elle occupe sur une île de la Seine, là où s'enfermait jaclis l'ancienne Lutèce romaine,

On peut classer les

défis auxquels elle est confrontée en trois ordres,

Tl Y a des

défis existentiels qui mettent en cause le rôle traditionnel de la Cour en tant que Cour de cassa tion pour la solliciter davantage en tant que C our suprême, ce qui affecte la nature du contrôle qu'elle exerce, et l'objet sur lequel il doit porter,

Il Y a des

défis

institutionnels qui

l'interpellent sur la

coordination de ce qu'elle fai

t

avec les autres

cours supérieures

nationales que sont le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel, sur le tôle de son

parquet gé11él'al, lî'J.ais aussi sur

le:

statut l1"J.êm.e:

de:

rautorité judiciai..n: au som1'litt

de: laquelle elle:

se

t1"onVt:.

Il Y

a des

défis sociaux liés au développement d

e 1',iUtonomie de l'individu et de la démocratie directe qui infertogent l'éLitisme cla~:\igue de la .our de ca~~a1'Îon

r.r

:-:;t.~ mnclr.s dr: r.()IllIllIl11;r.:lt'Îon d:ln:-:;

la

société mode

rn

e,

défi de

la mondi",lisatioo

"'us si qui

t

ransform

e le paysage judiciaire et qui oblige

1.

Our

à

s'adaptcr aux bcsoios du justiçiablc ioternational.

1, D é fis

existentiels

La COll! de cassation, dès ses origines sous Fancien droit, et plus ençote avec l'unité de la loi voulue par la Révolution, est conçue comme l'instance unificatrice de l'application de 1", loi

dont la

SOu tee unique est le pouvo

ir législati

f interne (a). Par ailleurs, le pôncipe d'égalité a naturellement imposé que

tout justiciable

puisse

accéder à la

Cour de

cass atio n pour faire

juger ses griefs

contre une décision qui le concerne (h),

a) Les dernières décennies ont mis à rude épreuve le modèle de cass arioo légaliste,

C'e

st que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDf 1) es

t entrée en scèn

e pour exercer, après la

our de cassation, uo contrôle faisant appel à la

notion d'équité venue de la C01lJ1IJOli

Law , Là où le

(4)

Page 3 juge français était habitué à user de l'aphorisme «

la loi,

lOI/l, ICI

loi,

ri",

ql/c la loi

», 1. CEDH répond:

oui, à condition que Je résultat soit équitable, c'est-it-dire qne l'application de

la

loi soit adaptée aux circonstances de l'espèce, nécessaire en raison de ces circonstances, et proportionnée

à

ces circ.onstances.

J1(J id 'l1(od ;/lsl1(111 esl :

«

le droit, c'est cc qui est juste », dit la doctrine naturaliste. Nous sommeS au cœur de notre sujet.

Dans cette logique, la première chambre civile de la Cour de cassation a été amenée

à

rendre le 4 décembre

2013

un arrêt véritablement refond.tcur

l I)

Il s'agissait du remal1age d'une ex-épouse divorcée avec son ex-beau-père en méconnaissance de la prohibition édictée par le Code civil. L'ex-man a agi en nullité du mariage. La Cour de cassation a écarté l'application de la loi interne française instituant la nullité du mariage car elle aurait eu des incidences disproportionnées sur la vie privée des intéressés compte tenu de la durée du second

111arlage.

La Cour a ainsi exercé un contrôle en rupture radicale avec celui de la stricte application de la loi qui faisait sa tradition ancestrale, ceci pour que son contrôle demeure efficient et que ne lui soit pas substitué celui qu'opère la Cour de Strasbourg.

La Cour de cassation réfléchit actuellement au pédmètre du droit auquel

il

conviendrait d'étendre cette formule de contrôle.

En réalité, notre droit d'inspiration écrite est ici confronté it l'héritage de la tradition coutumière passé

à

la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui en est profondément imprégnée it travers les notions d'équité et de proportionnalité.

Dans les pays de tradition écrite, la règle descend du légiste vers le justiciable sans que le juge puisse moduler son application au regard des circonstances de l'espèce. C'est pourquoi, dans ces pays, le juge, 'lui est assimilé

il la

loi aux yeux du justiciable, est rendu responSRble ùes effelS de cette loi que le citoyen juge il1éqlùtables. D'où le phé.nomè.nc d'incompréhcusiun cl wêl1JC Je Jivulcc souvent

évu~uç Jall> 10, "l'ports du juge ct du citoyen dans un pays comme 1. France.

Dans la tradition des pays de COI/IlI/OII

LaI"

ou de droit naturel, c'est la loi qui monte du citoyen, de ses pratiques, de ses usages, de ses coutumes, vers le juge dont le rôle consiste

à

sc faire l'interprète du droit voulu par le sens commun. C'est pourquoi on ne rencontre pas dans les pays de COf/1I1/011

Law

ce phénomène de fracture entre le juge et le citoyen, car ceux-ci sont unis par la proxi.t1uté du droit venu du peuple et du droit appliqué par le juge.

C'est cette tradition qui s'est imposée dans le droit européen

à

travers la 00ti011 d'équité et qui impacte frool:a1ement la tradition française, provoquant un choc de culture judiciaire majeur.

b) La Cour de cassation est amenée il s'interroger pareillement sur cet autre aspect de sa tradition inspiré cette fois du principe d'égalité auquel s'est identifiée la France issue de la Révolution, et qui veut que tout justiciable ptùsse accéder

à

la Cour pour faire juger un pOUl'voi.

Actuellement, le rythme annuel est de

30.000

pourvois sur lesquels

80%

environ sont rejetés. Un tel luveau d'activité est-il néces<aire pour que la Cour de cassation remplisse son rôle unificateur du droit,

(5)

Page 4

ou au contraire devrait-elle sélectionner les pourvois de façon

à

limiter ses intelventions aux questions de P'1ncipe sur le modèle d'un nombre croissanr de cours suprêmes étrangères?

La Cour réfléchit actuellement au contenu d'une réforme qui lui permettrait de s'engager dans cette voie en organisant à la source le filtrage des pourvois justifiant qu'elle remplisse son rôle unificateur.

En réalité, nous disposons déjà d'une procédure de contrôle allégé qui permet de déclarer non admis un pourvoi dépourvu de moyens sérieux, sans rendre d'arrêt motivé. Cependant, cette procédure implique l'examen habituel des moyens, et la pratique en a fait en réalité un contrôle cOlllplet qui a

paralysé les potentialités de la réforme de la non-admission du pOUlvoi.

L. force de la tradition légaliste et égalitat1,te imposera sans doute de passer par une réforme législative plus ambitieuse.

En effet, aucun pl1nÔpe convenlionnel ou constin!tionnel n'impose l'existence d'une autre voie de recours ouverte

à

tout justiciable après l'appel. Simplement, s'il est recOnnu par la loi nationale, cc recours doit pouvoir s'exercer effectivetnent.

L'Allemagne a adopté une formul intéressante selon laquelle le juge d'appcllui-même apprécie s'il y a lieu d'autoriser le recours sous le contrôle de la Cour suprême qui est ainsi amenée

à

vérifier le sérieux d'un pourvoi à l'occasion du recours formé COntre la décision de la cour d'appel refusant de l'ouvrir. De cette façon, se trouve conciliées la oécessité d'un fùtrage et l'effectivité de l'ouverture du recours. La Cour de cassation intègre avec intérêt cette possibilité à sa réflexion acn!elle.

Au-delà de ces évolutions qui mettent en cause

Je

rôle traditionnel de

la

Cour (namre ct niveau de contrôle, filtrage des pOUlvois), celle-ci est aussi confrontée à des défis institutionnels.

2. Défi s institutionnel s ( ... ) 3. Défis

sociaux ( ... )

Conclusio n

J'ai tenté de brosser brièvement les grandes lignes de la transformation profonde à laquelle est conviée notre Cour de cassation, appelée

à

se pwjeter au-delà des bulletins d'arrêts auxquels son image a été longtemps identifiée par des générations de jm1stes, afin d'affronter l'épreuve du temps comme doivent le faire aujourd'hui nos vieux Etats bousculés par l'émergence démocratique, la réduction des dimensions du monde, le partage des influences culturelles et la nécessité de survivre en s'adaptant.

Nous vivons le temps du darwinisme institutionnel ct donc juridictionnel. L'évolution de l'espèce institutionnelle et de sa branche juridictionnelle sera impitoyable aux structures obsolètes qui n'auront pas su se joindre à la marche de l'homme en devenir vers toujours plus de droits et de libertés ct toujours moins de différences.

***

(6)

f

Page 5

1 DOCUMENT 2

Affiches

PARISIENNES

L'indispensable réforme de la Cour de cassation

Boris STOYKOV - publié le 06 juillet 2015

éritage de la loi du novembre 1790 qui a institué un «Tribunal de cassation», notre Cour de cassation présente des traits essentiels qui ne lui permettent plus, aujourd'hui, de répondre aux défis de notre système juridique.

Par Nicolas Molfessis, professeur à l'université Panthéon-Assas

Elle doit se réformer si elle veut conserver la place qui est la sienne au sein de nos Institutions. Elle va se réformer, car son premier président et nombre de juristes sont persuadés que son avenir dépend de sa capacité à faire son aggiornamento. A ce titre, un rapport récent du Club des juristes propose des pistes de réforme (1), qui rencontrent celles que la Cour de cassation est également en train de rendre publiques (2).

Oue notro Cour de cassation ne soit plus adaptée à son temps a d.s allur.s d'évidence. Elle prospère depuis pn',"

d'UI) siècle sur une double fiction: celle selon laquelle ses, décisions, .5l1 juri~prudence, ne seraient pas une source de droit; celle selon laquelle il n'existerait pas de hiérarchie affirmée entre les organes Juridictionnels.

La première est un héritage de la Révolution française. Elle repose sur l'idée que le Juge n'est Jamais que la « bouche de la loi ». Dès lors, la Cour de cassation int.rprète la loi; ses décisions font corps avec elle; sa jurisprudenc., faute de légitimité du juge pour créer du droit, ne saurait être source de règles. Celle conception, même si tout montre dapuis la fin du XIX· siècle qu'elle ne reflète pas le rOle de la Cour de cassation, a la vie dure -la doctrine française est encore fortement attachée Il ceUe représentation en mineur de sa cour régulatrice.

Or une telle approche n'est pas seulement contestable sur le fond. Elle traduit et nourrit, en retour, des effets de système. Dans un système Juridique dans lequel la Cour placée au sommet d'un ordre ne se considère pas comme une structure qui crée du droit, les allentes et las réactions des acteurs du système vont s'aligner sur celle représentation. L'autorité de la Cour de cassation va nécessairem.nt en pâtir. On est elors en droit de ne pas suivre ses décisions, puisqu'elle-même affirme pouvoir s'en départir sans que l'étal du droit ne change. La fiction perpétua des mécanismes et des modes d'organisation qui ne correspondent ni Il la réalité ni aux nécessités.

Dans cette même perspective, la technique de cassation n'apparait pas davantage de nature à répondre aux contraintes auxquelles la Cour de cassation doit faire face. L'enfermement de l'arrêt dans le pourvoi, devenu obsession, est sclérosanl. La motivation sibylline des arrêts nuit à leur compréhension autant qu'à leur réception.

Le deuxième trait est tOut aussi dépassé: la Cour de cassation est au sommet de notre ordre judiciaire, et sa jurisprudence doit s'imposer pour être gage de sécurité juridique. L'idée, somme toute romantique, que les juges du fond seraient toujours libres de suivre sa doctrine - voire que les résistances et les rebellions sont souhaitables - n'est plus adaptée aux exigences d'un droit pléthorique et étouffant comme le nôtre. Le désordre de notre justice sociale, dont les conseils des prud'hommes sont pour une large partie responsable, montre combien la Cour de cassation doit assurer l'unité par l'ordre et par l'autorité (3)

Le quantitatif répond au qualitatif. En dépit des efforts accomplis depuis plus de vingt ans, la Cour de cassation reste sous l'emprise de masses contentieuses considérables qu'elle ne parvient pas Il diminuer de façon nette et

(7)

Page 6

significative. Elle rend annuellement environ 30000 décisions. Elle a certes amélioré le délai moyen de jugement d'un pourvoi -qui est, en 2013, de 395 jours en matière civile et de 163 jours en matière pénale -, ce qui lui permet de Juger plus vite un nombre de pourvois toujours aussi considérable.

Face à de telles masses et avec un tel rythme, elle a perdu toute possibilité d'être une cour pleinement en mesure de réguler le droit privé. par l'adoption de solutions claires et sécurlsantes. Son organisation, ses mécanismes internes, ses méthodes, tOut concourt à en faire ce qu'elle est devenue sous l'influence d'une gestion de masse des pourvois: un centre de production de décisions dont le nombre, trop Important, ne permet ni le contrôle ni l'autorité et dont la forme, trop elliptique, n'assure ni la clarté ni l'Intelligibilité.

5.-En outre. l'essoufflement de son autorité se double d'une crise de légitimité, dans un environnement marqué, en droit Interne, par la place considérable gagnée par le Conseil constitutionnel - '. succès de la QPC ayant nourri l'Impression d'une Cour de cassation partiellement sous tutelle - et, au niveau international, par la concurrence de la Cour européenne des droits de l'homme, devenue souvent instance d'appel de ses décisions, D'une cour supérieure et souveraine, à la tête de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation est devenue pour partie une cour subordonnée, sujette à contrôle et donc démenti.

C'est sur ce dernier aspect qu'insiste actuellement le Premier président de la Cour de cassation, Pour faire face li la montée en puissance de la Cour de Strasbourg et son « Influence de plus en plus marquée sur la jurisprudence et les méthodes de raisonnement de la Cour de cassation» (4), cette dernière doit pouvoir procéder à un contrOle de la 101 calqué sur celui Qu'opèrent les juges européens. Précisément, la Cour de cassation doit contrôler la disproportion des effets de la 101 sur les droits fondamentaux en tenant compte des circonstances propres à l'espéce : c'est la reconnaissance du contrôle de proportionnalité.

Il Y a là matière à un. évolution majeure, car le fait, censé n'avoir pas sa place au Quai de l'horloge, est Indispensable au raisonnement mené en termes de proportionnalité, La consécration d'un tel contrôle de proportionnalité, qui apparaH déjà dans certaines décisions (5), représente donc un enjeu majeur. discuté et disputé par les magistrats Comme par les avocats aux conseils.

Cette nouvelle compétence devra s'accompagner d'un recentrage de la Cour de cassation sur son rôle de Cour suprême de l'ordre judiciaire, La Cour de cassation doit être en mesure de consacrer ses moyens, l'énergie et les compétences de ses magistrats, aux contentieux qui soulévent des questions de principe. Par suite, eUe doit rendre moins de décisions, les motiver suffisamment pour que l'on puisse comprendre sa ratio decidendi, les rédiger de façon intelligible pour que la solution soit comprise par ses destinataires naturels, juges, avocats, commentateurs,

les diffuser de façon pertinente. Elle doit aussi, dans différentes hypothèses, être en mesure de faire connaTtre sa

doctrine de façon rapide. Elle doit. dans tous les cas, être et donc se considérer comme une institution à la tête d'un ordre de juridictions: eUe doit être en dialogue permanent avec les Juridictions Inférieures de son ordre. Elle doit admettre et reconnaître son pouvoir normatif pour mettre en adéquation son rôle, ses missions et son organisation.

Vaste programme dira-t-on.

Commençons par ce qui est évident; la Cour de cassation doit se consacrer aux pourvois sur les seules questions de droit qlli méritent son intervention - ce sont les Questions de droit nouvelles ou qui présentent une difficulté sérieuse. Pour cela, elle doit se débarrasser des milliers de pourvois qui n'apportent rien et né sollicitent la cour que comme un troisième degré de juridiction. Les démocraties occidentales ont presque toutes cherché li recentrer leurs cours suprêmes sur CeS missions régulatrices (6). Pour en faire de même, la Cour de cassation dort renforcer son système de « filtre » pour le rendre efficace.

Parallèlement, les recours en cassation Sur le fondement de griefs parfois qualifiés de « disciplinaires» doivent faÎre l'objet d'un traitement ad hoc. Ainsi une procédure particulière pourrait permettre de réparer ou sanctionner toutes les violations de forme des jugements.

La rationalisation du contentieux et la diminution des pourvois recevables doivent s'accompagner d'une meilleure motivation et d'une meilleure diffusion des décisions. La Cour de cassation n'est pas la pythie et s.s décisions réclament une pédagogie indispensable à leur compréhension, leur acceptation et leur respect. Chacun salt combien la brièveté de la motivation ne permet pas de rendre compte des choix opérés par la Cour de cassation. De même, les communiqués de presse explicatifs doivent être systématiques pour les arrêts à portée normative. Une nouvelle politique de hiérarchisation des décisions doit également être mise en plac.: la distinction faite par la Cour de cassation entre les arrêts publiés et les arrêts inédits a perdu toute signification depuis que le site Léglfrance publie l'ensemble des décisions, sans s. soucier d. la leUre dont la Cour a affublé chacun de ses arrêts. La Jurisprudence souffre d'une dé-hiérarchisation, qui constitue un mal profond contre lequel la sélection opérée par la Cour d.

cassation ne peut lutter.

Le chantier, on le voit, est considérable. Il est d'ores et déjà ouvert. La communauté des juristes en son entier doit y participer, pour renforcer la Cour de cassation et avec elle notre système Juridique.

Pour suivre Les Affiches Parisiennes: @Annonce_Legales sur Twitter 1 AffichesParisiennes sur Facebook

(8)

Page 7

DOCUMENT 3

J.

Boré et L. Boré, sept 2008

«

Cour de cassation »

Répertoire de procédure civile

(

...

)

Section 3 - La fonction de cassation

172. Les cours suprêmes se heurtent toutes è une même difficulté: ettes ont une compétence nattonale, et cette compétence, si ette est source de pouvoir et de prestige, est aussi source d'envahissement. Le contentieux qui est divisé, à l'échelon local, entre des centaines ou des milliers de tribunaux, se trouve concentré devant un seul juge. Et si tous les recours engagés en premiére instance ne vont pas, heureusement, jusque devant la Cour suprême, ce danger existe et menace cette-cl d'asphyxie. Ain~i, le nombre de pourvois devant la Cour de cassation est passé de 2 500 en 1840, à 5 226 en 1900, 9 105 en 1950 et 30 345 en 2000, pour redescendre à 26 195 en 2007. Pour faire face à cette montée des recours, on peut dire que deux conceptions s'opposent dans le monde.

173. tt Y a tout d'abord une conception aristocratique de la Cour suprême, incarnée par la Chambre des Lords du Royaume-Uni et par la Cour suprême des États-Unis. Dans cette conception aristocratique, le rôle de la Cour suprême n'est pas de censurer les violattons de la loi commises par les juridictions qui leur sont subordonnées, mais d'adapter le droit à l'évolution de la société. Ettes sont donc composées de juges peu nombreux et rendent peu de décisions. Ce relatif mutisme est naturettement une source de cohérence pour leur jurisprudence. Comme ettes parlent peu, ettes ne risquent pas de se contredire. Mals naturettement. cela n'empêche pas les justiciables d'être très nombreux à vouloir plaider devant ces juridictions. Aussi, pour éviter d'être submergées par les recours, ettes apprécient discrétionnairement si ces affaires sont de nature à faire évoluer le droit ou si ettes sont partlcuttèrement Importantes. C'est le fait du prince Judiciaire. L'examen du pourvoi n'est pas fondé sur une question de légalité (la loi a-t-ette été violée 7), mais sur une question d'opportunité (est-il uttte, pour l'évolution du droit, d'examiner le recours 7). C'est dire que ce système fait la part bette au pouvoir discrétionnaire du juge qui peut, à volonté, ouvrir ou refermer son prétoire selon l'état d'encombrement de celui-ci. tt se comporte en législateur et non en juge. tt s'agit certainement du système le plus souple et le plus efficace pour limiter les recours. Encore ne faut-it pas se leurrer; les cours qui le pratiquent connaissent, comme les autres, des problèmes d'encombrement (A. TUNC, artiete prée. [supra, n' 145, RID comp. 1978. 48J). Surtout. ce système exprime une très large indifférence il l'égard des justiciables. Vivant dans l'empyrée des principes, dont ils ne descendent qu'épisodiquement pour délivrer les tables de la loi jurisprudentlette, les juges suprêmes ne « s'a baissent » pas à censurer une simple violation de la loi dont aurait èté victime un citoyen, et ne s'intéressent qu'aux affaires exception nettes. Et qu'est-ce qu'une affaire exception nette ? Cette qu'ils veulent bien juger tette. Un tel systéme, qui n'existe nutte part à l'état pur tant ses conséquences sont absurdes, suppose de la part des juges des pr.miers degrés une très grande soumission à la jurisprudence de la Cour suprême puisque cette-ci ne daigne même pas veitter

à

son application.

174.

A

cette conception aristocratique du juge suprême s'oppose une conception démocratique, ittustrée, notamment, par la Cour de cassation française et par plUSieurs cours suprêmes européennes. Si cettes-ci occupent une place éminente et jouent un rôle essentiel, ettes ont pour mission de censurer toutes les violations de la loi, sans exception, commises par les juges du fond. Aussi, ettes ne sélectionnent pas les affaires en fonction de leur importance. Tout justiciable, aussi modeste soit-il, peut leur demander de contrôler la légalité de la décision dont il a fait l'objet. Ces juridictions suprêmes considèrent à juste titre que rien n'est petit à qui ne l'est pas. Cependant. ces juridictions n'exercent qu'un contrOle limité sur les décisions qui leur sont déférées. Ettes ne contrôlent pas les appréciations de fait des juges du fond, mals uniquement les questions de droit. Ainsi, ettes se font les gardiennes de l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Ettes abandonnent au pouvoir souverain des juges du fond tous les éléments qui doivent faire l'objet d'une appréciation au cas par cas et contrôlent tous ceux qui doivent être appliqués de façon uniforme sur toute l'étendue du territoire national. Toute la question est, alors, de distinguer les uns des autres

01.

Pourvoi en cassation). Dans cette conception démocratique, la Cour suprême n'est pas maitresse de son rôle. Le prince judiciaire ne décide pas ce qu'il veut juger, mais doit tout juger. Et si les moyens invoqués par le recours portent sur des éléments de fait qui échappent

à

son contrôle, it doit le rejeter pour ce motif. Il s'agit d'une appréciation de légalité, et non d'opportunité. Ce système est une invention française et il a été adopté par la Cour de justice des Communautés européennes, lorsqu'ette intervient comme juge de cassation des décisions du Tribunal de première instance des Communautés. tt a été critiqué par le professeur TUNC (article prée.

[supra, n' 145, RID comp. 1978. 23]) au motif qu'it serait le reflet d'une défiance à l'égard du juge qui serait cantonné

à

un rôle de simple gardien de la loi, et non de créateur de normes jurisprudenttettes. En réalité, il n'en est rien. Dans cette conception démocratique, la Cour suprême est chargée à la fois de veitter au respect de la loi, ce qui, après tout, n'est pas déchoir pour un juge, et d'Interpréter cette-ci en l'adaptant aux besoins de la société. L'un n'empêche pas l'autre. Bien au contraire, tt est logique que la Cour, une fois qu'ette a consacré une solution jurisprudentiette, veitte à son application, comme ette veilte à cette de la 101.

Mais cette conception démocratique ne s'oppose pas à la mise en place de procédés destinés à ce que la Cour de cassation

(9)

puisse Juger les pourvois dans un délai raisonnable.

Art. 1 • Procédés de prévention ou de dissuasion (.,,)

§ 1- Prévention (". )

§ 2 - Dissuasion (". )

Art. 2 • Restructuration de la Cour de cassation

Page 8

186. Ces procédés de prévention ou de dissuasion, destinés

à

freiner l'afflux des pourvois, ne sauraient évidemment suffire, ni même être poussés trop loin, car une Cour judiciaire suprême se doit de remplir sa fonction auprès des justiciables et de répondre à la confiance et

à

l'attente des plaideurs (J.-P. CALON, La Cour de cassation et le Conseil d'État, une comparaison, RIO comp.

1978. 229). Les causes démographiques ou sociales du développement du recours en cassation donnent d'ailleurs

è

cette évolution un caractère irréversible, qui imposait une restructuration de la Cour de cassation. Celle-ci a été commencée par la loi n' 67-523 du 3 juillet 1967 et s'est poursuivie depuis lors. Elle s'est manifestée. d'une part, par une augmentation du nombre des chambres et des conseillers, par la création des conseillers référendaires et des auditeurs et, d'autre part, par l'application progressive d'une méthode de sélection des affaires pour le choix de la formation de jugement.

§

1 - Sélection des affaires

187. C'est une évidence qu'il existe des affaires difficiles et des affaires simples, soit parce que la cassation s'impose en vertu d'une jurisprudence constante, soit parce que le rejet du pourvoi s'impose

à

l'évidence. Et l'idée s'est dégagée tout naturellement que ces deux types d'affaires ne devaient pas recevoir le même traitement et être jugées par le même nombre de magistrats.

Aussi, l'article L. 431-1 du code de l'organisation judiciaire dispose qu'. après le dépôt des mémoires, les affaires soumises

à

une chambre civile sont examinées par une formation de trois magistrats appartenant

à

la chambre

à

laquelle elles ont été distribuées.

Cette formation statue lorsque la solution du pourvoi s'impose, Dans le cas contraire, elle renvoie l'examen du pourvoi

à

l'audience de la chambre. Toutefois, le premier président ou le président de la chambre concernée, ou leurs délégués, d'office ou

à

la demande du procureur général ou de l'une des parties, peuvent renvoyer directement une affaire

à

l'audience de la chambre par décision non motivée ». Ce texte est le fruit d'une évolution (A. PERDRIAU, Les formations restreintes de la Cour de cassation, JCP 1994. 1. 3768),

188, À l'origine, cette formation restreinte ne pouvait rendre que des arrêts de rejet. C'était l'affecter d'une fâcheuse incapacité de travail.

A

chaque fois que le pourvoi est fondé sur la méconnaissance d'une jurisprudence constante ou sur un vice de procédure imparable,

à

quoi bon soumettre

à

la formation plénière de la chambre une affaire dont la solution ne souffre aucune difficulté?

En outre, la loi n' 79-9 du 3 janvier 1979 qui l'a mise en place prévoyait qu'elle statuerait dès le dépôt du mémoire du demandeur, c'est-à-dire avant le dépôt du mémoire en défense. C'était une erreur qui lui fut fatale. La sélection des affaires est qualitativement bien meilleure et quantitativement bien plus large si elle peut se faire avec le secours du mémoire du défendeur qui, dans bien des cas, a seul en mains les éléments lui permettant de démontrer l'irrecevabilité du pourvoI. Aussi, cette réforme est restée lettre morte; elle n'a Jamais été mise en application par les présidents de chambre.

189. La loi n' 81-759 du 6 août 1981 est venue opportunément modifier l'ancien article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire en prévoyant que la formation restreinte de trois magistrats pourrait statuer à chaque fois que la solution s'impose, qu'II s'agisse de casser l'arrêt attaqué ou de rejeter le pourvoi. Au surplus, elle n'Intervient désormais qu'après le dépôt du mémoire en défense qui facilite toujours le travail du conseiller rapporteur. Sous son nouveau visage, la formation restreinte présentait donc cinq caractères essentiels; Il elle n'était plus une section d'admission de la chambre, mais une formation de jugement dont la saisine n'a rien d'automatique; 21 elle avait pleine compétence pour juger les affaires simples par rejet aussi bien que par cassation; 31 elle bénéficiait désormais d'une procédure contradictoire ;

41

elle pouvait néanmoins bénéficier d'une procédure rapide par application des articles 1012, 1013 et 1019 du code de procédure civile; 51 elle pouvait renvoyer le pourvoi

à

la formation normale soit d'office, soit à la demande d'une des parties, et eile avait l'obligation de le faire sur la demande d'un de ses membres. La loi n' 97-395 du 23 avril 1997 (JO 25 avr., D. 1997. 252) n'a que peu modifié ce système. Elle a simplement inversé le principe et l'exception. Dorénavant, les pourvois sont examinés en principe par la formation restreinte, et le formation ordinaire n'est saisie que sur renvoi de cette derniére, décision du président de chambre ou du premier président, d'office ou

à

la demande du procureur génèral ou de l'une des parties. En outre, ce renvoi n'est plus de droit si l'un des magistrats de la formation restreinte le demande, ce qui est regrettable. En réalité, cette modification n'a eu aucune incidence sur la pratique des présidents de chambre qui, dès l'origine, ont orienté, après le dépôt du rapport, une partie des affaires vers la formation ordinaire, et une autre vers la formation restreinte, selon leurs difficultés.

190. La loi n' 2001-539 du 25 juin 2001 a une nouvelle fois modifié l'ancien article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article 1014 du code de procédure civile, en autorisant la formation restreinte à déclarer

«

non admis les pourvois

(10)

Page 9 irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation •. A priori, on pourrait s'Interroger sur la portée de cette modification.

Jusqu'ici, cette formation était autorisée à statuer sur les pourvois dont la solution s'impose. Lorsque le pourvoi est irrecevable ou n'est pas fondé sur un moyen sérieux de cassation, sa solution s'impose: le juge ne peut que rendre un arrêt d'irrecevabilité ou de rejet. Quel intérêt, alors, y a-t-il à le déclarer « non admis» plutôt qu'à le déclarer irrecevable ou à le rejeter? On répondra à cela que la décision de non-admission dispense le juge de toute motivation. Pourtant. l'article 1014 du code de procédure civile n'en dit rien. Il ne dit pas que les décisions de non-admission n'ont pas à être motivées. Il ne prévoit aucune exception à l'article 455 du code de procédure civile. Mais il est vrai que cette nouvelle procédure est directement inspirée de celle en vigueur devant le Conseil d'Étal. juge de cassation. L'article L. 822-1 du code de justice administrative dispose en eftet que « l'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux », et le Conseil d'État a priS l'habitude de rendre sur ce fondement des décisions dont la motivation est bréve et stéréotypée. La Cour de cassation fait de même en déclarant non admis les pourvois au motif que

«

le moyen de cassation annexé à la présente décision, invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ». Il existe un risque qu'au-delà de l'arrêt lui-même, la rédaction d'un véritable rapport soit supprimée. Les magistrats savent que c'est souvent en rédigeant les motifs d'.une décision qu'ils s'aperçoivent qu'ils font fausse route. Le fil de la plume est un révélateur. Si l'on supprime la motivation de l'arrét, il convient qu'au moins l'épreuve de la rédaction subsiste au stade du rapport. Si celui-cI se réduit à un simple QCM, le président et le doyen de la chambre ne pourront exercer aucun contrôle véritable, et la Cour de cassation statuera à juge unique et sans véritable délibéré, ce qui ne peut être admis pour une juridiction suprême qui rend des décisions non susceptibles de recours.

191. On a justifié cette réforme par la volonté de recentrer la Cour de cassation sur ses missions normatives. Mals tout arrêt rendu par une Cour suprême est nécessairement normatif puisqu'il dit le droit. Ainsi, s'il se référe à une jurisprudence constante, il indique sa volonté de la maintenir, son refus d'opérer un revirement. Même lorsqu'il statue sur un grief dit « disciplinaire ». il précise en réalité le contenu et l'étendue de l'obligation de motivation qui découle de l'article 455 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention EDH et qui constitue à la fois une garantie fondamentale contre l'arbitraire du juge et une régie sans laquelle aucun contrôle de légalité n'est possible.

192. En réalité, on peut se demander si la Cour de cassation n'a pas plutôt voulu, par cette réforme, rendre non pas plus mais moins de décisions normatives en raison du développement de l'informatique juridique. En eftet, tant que le seul accés à sa jurisprudence résidait dans le Bulletin civil. elle pouvait ne publier que les arréts qu'elle considérait comme étant de principe et laisser dans l'ombre ses décisions d'espéce.

A

partir du moment où tous ses arrêts sont devenus accessibles sur internet ou sur CD-Rom, les justiciables ont pu s'emparer de ces arrêts d'espéce et tenter de les mettre en contradiction avec les solutions de principe. Il est évident que les arrêts de non-admission tariront cette source de jurisprudence et permettront à la Cour de cassation de mieux maTlnser la diffusion de sa doctrine.

193. On peut admettre que pour désengorger la Cour de cassation, une procédure de non-admission vaut mieux qu'une politique d'abandon du contrôle de certaines qualifications. La Cour de cassation semblait s'être engagée, cas dernières années, dans une telle voie (G. COURTIEU, Mieux vaut des revirements que des errements, RCA 2002. Chrono 10). On peut souhaiter qu'à l'occasion de cette réforme, au lieu de réduire son contrôle de droit, elle l'étende, puisque telle est la mission qu'elle revendique (déjà en ce sens, V. Cass., ass. plén., 16 nov. 2001, n' 99-20.114

ô ,

Bull. civ. n' 13, JCP 2001. II. 10646, concl.

R. de Gouttes, note C. Puigelier, D. 2002. 598, note C. Puigelier ft).

194. Enfin, on souhaite que ces décisions de non-admission ne conduisent pas la Cour de cassation à évoluer de la conception démocratique qui a toujours été la sienne vers une conception aristocratique de son rôle (sur cette distinction, V. supra, nO! 173 M). Le législateur l'a autorisée à déclarer

«

non admis les pourvois Irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation» (CPC, art. 1014). Elle doit donc se livrer

à

un contrôle de légalité et non d'opportunité. La décision qu'elle rend est une décision juridictionnelle et non administrative (pour le Conseil d'État, V. CJA, art. L. 822-1). L'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention EDH -qui impose la motivation des décisions de justice (L. BORÉ, La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l'homme, JCP 2002. 1. 104) - n'ont pas été abrogés. La Cour de cassation ne peut donc pas renoncer à exercer son contrôle de la motivation des décisions attaquées, non seulement parce que ce contrOle est imposé par la loi, mals aussi parce que si ces décisions ne sont plus suffisamment motivées, Il lui sera impossible de contrôler leur conformilé aux règles de droit. Il n'y a pas de contrôle normatif possible sans contrôle de la motivation.

§

2 -Moyens de

la

fonction

A. • Création de nouvelles chambres

B. • Augmentation de l'effectif sans augmentation du nombre des chambres Section 4 - Les fonctions annexes de la Cour

(

...

)

(11)

DOCUMENT 4 Cour de cassation chambre civile 1

Audience publique du 4 décembre 2013 N° de pourvoi: 12-26066

Publié au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIËRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant:

Page 10

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile:

Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X ... et M. Claude Y ... se sont mariés le 6 septembre 1969 et qu'une fille, née le 15 aoot 1973, est issue de leur union; qu'après leur divorce, prononcé le 7 octobre 1980, Mme X ... a épousé le père de son ex-mari, Raymond Y ... , le 17 septembre 1983 ; qu'après avoir consenti à sa petite-fille une donation le 31 octobre 1990, ce dernier est décédé le 24 mars 2005 en laissant pour lui succéder son fils unique et en l'état d'un testament instituant son épouse légataire universelle; qu'en 2006, M. Claude Y ... a, sur le fondement de l'article 161 du code civil, assigné Mme X ... en annulation du mariage contracté avec Raymond Y ... ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé qu'ainsi que l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt récent, les limitations apportées au droit au mariage par les lois nationales des Etats signataires ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d'une manière telle que l'on porte atteinte à l'essence même du droit, retient que la prohibition prévue par l'article 161 du code civil subsiste lorsque l'union avec la personne qui a créé l'alliance est dissoute par divorce, que l'empêchement à mariage entre un beau-père et sa bru qui, aux termes de l'article 164 du même code, peut être levé par le Président de la République en cas de décès de la personne qui a créé l'alliance, est Justifié en ce qu'II répond à des finalités légitimes de sauvegarde de l'homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l'intérieur du cercle familial, que cette interdiction permet également de préserver les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour

d'eux, que, contrairement à ce que soutient Mme X ... , Il ressort des conclusions de sa fille que le mariage célébré le 17 septembre 1983, alors qu'elle n'était âgée que de dix ans, a opéré dans son esprit une regrettable confusion entre son père et son grand-père, que l'article 187 dudlt code interdit l'action en nullité aux parents collatéraux et aux enfants nés d'un autre mariage non pas après le décès de l'un des époux, mals du vivant des deux époux, qu'enfin, la présence d'un conjoint survivant, même si l'union a été contractée sous le régime de la séparation de biens, entraîne nécessairement pour M. Claude Y ... , unique enfant et héritier réservataire de Raymond Y ... , des conséquences préjudiciables quant

à

ses droits successoraux, la donation consentie

à

Mme Fleur Y ... et la qualité de Mme Denise X ... en vertu du testament du défunt étant sans incidence sur cette situation, de sorte que M. Claude Y ... a un intérêt né et actuel

à

agir en nullité du mariage contracté par son père;

Qu'en statuant ainsi, alors que le prononcé de la nullité du mariage de Raymond Y ... avec Mme Denise X ... revêtait, à l'égard de cette dernière, le caractére d'une Ingérence injustifiée dans l'exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire; PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, ( ... )

(12)

Page Il

DOCUMENT 5

Recueil Dalloz 2015 p, 1378

Libres propos sur l'avant-projet de réforme de la Cour de cassation et la fonction du juge Bernard Haftel Agrégé des facultés de droit Professeur il l'Université d'OrléansLCRJ Pothler

L'essentiel

L'actuel projet d'auto-réforme envisagé par la Cour de cassation a pour but d'augmenter le filtrage des pourvois afin de

permettre à la Cour de se recentrer sur ce qui serait sa véritable mission, sa 't: mission normative ,., Il convient d'envisager, de manière lucide et critique, la pente sur laquelle une telle réforme entraînerait la justice française.

Un document a commencé il circuler dans les milieux autorisés, Intitulé « Rapport d'étape sur l'avant-projet de réforme du filtrage des pourvois devant la Cour de cassation ». Ce document est en principe confidentiel, mais, de proche en proche, cette confidentialité a été sérieusement écornée par la diffusion en réalité assez

large qui en a été faite, au point d'atteindre désormais la presse non spécialisée

(v.,

d'ailleurs, le ,,-oint de vue

du premier président lui-même, B. Louvel, Réflexions il la Cour de cassation, D. 2015. 1326 t?) El (1).

Les pistes proposées par ce document sont à l'unisson du discours du premier président Louvel, maintes fols esquissées

!ID

(2), visant à adapter la justice d'aujourd'hui au « darwinisme Institutionnel» et à 1'« homme en devenir» §] (3), justifiant ainsi que l'on s'y Intéresse.

Le projet en lui-même fait déjà l'objet de très nombreuses critiques: renforcement de l'arbitraire des juges, rupture de l'égalité entre les justiciables, voire, et celle-cl est excellente, le risque que la réforme envisagée ne conduise la Cour à « sélectionner discrétionnairement un certain nombre d'affaires susceptibles de

l'Intéresser» ŒI(4). Cette dernière critique est assez remarquable puisqu'II s'agit moins d'une critique que de

la finalité même de la réforme, assez clairement revendiquée par le rapport.

On ne s'attardera pas sur tous les risques, assurément nombreux, que fait peser sur la justice française l'avant-projet de réforme. On ne s'attardera pas plus sur la méthode utilisée, et notamment l'invocation incantatoire du droit comparé, censé justifier la réforme.

On rappellera Simplement, sur ce point, les risques inherents à une telle démarche @ (5). Selon la formule, « comparaison n'est pas raison », et « a beau mentir qui vient de loin » ~ (6), en l'occurrence, d'ailleurs, pas

de 51 loin, puisque ç'est la Cour suprême du Royaume-Uni qui est largement prise comme modèle de vertu.

Sur cette comparaison très précise, Il n'est pas Inutile de rappeler deux différences significatives: d'abord, lJéllllii U~ ll~!::i IIUIIIUI ~u::,t:~

Jirrt:t

t:1 , ... '=~ lJeU 1 dlJlJUll au ::,y~l~II~t: juJh .. iail t:

ri

oillyab, t.:jUI;': lt: Rvyaume-UI''11 conl,ait dans la plupart des cas trois degrés de juridiction avant d'en arriver à la Cour suprême. Ensuite, que la jurisprudence dispose, au Royaume-Uni, d'un pouvoir constitutionnel de créer des normes, il travers la règle du précédent, ce qui n'est pas le cas en France.

Les mêmes remarques valent pour les comparaisons systématiques avec la Cour de justice de l'Union européenne (ClUE) et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Leur place dans l'ordre juridique,

leur absence de plénitude de juridiction et leur pouvoir d'Interprétation authentique confèrent nécessairement

il leurs décisions une portée différente de celle de la Cour de cassation. Pour dire les choses plus clairement, sur les questions qui relèvent de leur compétence, la Cour de cassation leur est subordonnée, que cela plaise ou non, et aucune procédure de flltra~e ne changera cela. Il y a là une question politique et non juridique. Et

la règle est la même pour tous les Etats membres/signataires de la Convention européenne des droits de

l'homme, quels que soient le nombre et la qualité de leurs décisions de justice.

On ne s'attardera pas, non plus, sur les modalités de filtrage proposées. SI cette question est d'une Importance cruciale pour les justiciables, et si les modalités proposees ont tout d'une usine il gaz complexe et peu réaliste (on songe, en particulier,

à

l'option consistant

à

demander, dans un délai d'un mois, un squelette de mémoire, sur la base duquel serait envisagée l'admission, avant d'autoriser éventuellement les parties il défendre véritablement leur cause dans un délai plus raisonnable), il nous semble que le problème est en amont, à la base du raisonnement: il concerne la fonction même de la Cour de cassation.

Le rapport énonce la finalité de la réforme ainsi: « L'éventualité de la création d'un mécanisme de filtrage des pourvois il la Cour de cassation ou (et) de plus grande différenciation de leurs modes de traitement s'inscrit dans la volonté de recentrer la Cour sur sa mission principale de dire le droit, mals aussi de se Iposltlonner dans son rôle normatif au moment où l'environnement national (OPC) et International (CEDH

(13)

r

r

Page 12

CJUE) s'est profondément transformé ».

Laissons de côté la deuxième partie de la phrase, qui relève davantage de la réaction d'orgueil, et intéressons- nous à la première : « recentrer la Cour sur sa mission principale de dire le droit '.

L'observation parait banale: la fonction de « dire le droit " de iurls dictio, est à l'évidence la fonction essentielle du juge. Mais encore faut-II préciser ce que les auteurs du rapport entendent par là. L'ensemble du rapport explicite ce point. La fonction centrale de la Cour de cassation serait « normative» et non « disciplinaire ». La mission de la Cour serait « une mission normative' dire le droit et veiller à son Interprétation uniforme ». Il y a là, d'emblée (à vrai dire, dès la première phrase du rapport), un contresens. « Dire le droit

», c'est, et cela a toujours été, énoncer la solution particulière qu'apportent les règles générales à un litige donné

I!I

(7), « énoncer une situation Juridique Individuelle comme résultat de l'application des règles existantes aux faits de la cause» I§] (8). C'est dire la solution Juridique d'espèce. Cela n'a Jamais signifié « dire les règles générales» ou « dire le droit objectif ». Il y a là un contresens manifeste. Que ce contresens soit conscient ou non Importe, au fond, assez peu.

II exprime ce que les auteurs du rapport pensent de la mission de la Cour de cassation , elle serait essentiellement normative. Cette mission Impliquerait donc, selon une logique d'élagage, que soit supprimée, ou en tout cas cantonnée, la fonction disciplinaire. Et cet élagage passerait, concrètement, par un filtrage accentué des pourvois.

On reviendra sur ces trois points.

1 - Les décisions de la Cour de cassation ont une portée normative, mals la Cour n'exerce pas de mission normative

Tout d'abord, il convient de rappeler que la Cour de cassation n'a pas de mission normative, pas plus que les alltres juges. Elle a une mission juridictionnelle: elle « tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables»

El

(9). Et s'II est vrai que les décisions qu'elle rend ont une portée normative, celle-ci n'est qu'un sous-produit de son activité juridictionnelle, un effet secondaire, certes désirable à certains égards, mais un effet secondaire néanmoins,

Non seulement la Constitution n'attribue aucun pouvoir normatif propre au juge, mals le code civil fait expressément Interdiction aux juges, en son article 5, de « prononcer par vole de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». On ne peut donc partir de l'idée, expressément énoncée par le rapport, qu'« il faut se souvenir des raisons pour lesquelles la Cour de cassation a été créée au lendemain de la Révolution française, Face aux divergences d'interprétation des juridictions du fonrl, 1" r.nlJr ~p' ~"«Mlnn fut ch~rHée d'unifier I~ iurlsprudence des provinces françaises et d'assurer une même interprétation des textes sur l'ensemble du territoire. Sa mission fut donc pensée, il titre principal, comme une mission normative:

dire le droit et veiller il son Interprétation uniforme ».

Non seulement une telle affirmation reprend le contresens précédemment dénoncé au sujet de l'expression « dire le droit », mals, au surplus, elle est factuellement inexacte.

Au lendemain de la Révolution, s'II est effectivement apparu nécessaire d'établir une juridiction unique chargée de veiller à l'application uniforme du droit en France, il est également apparu crucial de lutter contre la tentation législative dont s'étalent emparés les Parlements d'Ancien Régime et qui ne pouvait plus appartenir qu'au pouvoir législatif légitime, constitué aujourd'hui par le Parlement pour le domaine législatif stricto sensu et le gouvernement pour le domaine réglementaire. À cette fin, deux garde-fOUS existaient Initialement: d'une part, l'article 5 du code civil précité, Interdisant aux Juges les arrêts de règlement, d'autre part, une procédure de référé législatif Imposant au tribunal de cassation de saisir le corps législatif en cas de silence ou d'obscurité de la 101. La Cour de cassation avait ainsi, initialement, interdiction de faire oeuvre créatrice et de se substituer

au législateur.

Et ce n'est qu'ultérieurement, parce que cette procédure était d'une lourdeur Insupportable, que le référé législatif a été supprimé,

Dès lors, la Cour de cassation, comme d'ailleurs tous les juges, s'est trouvée face

à

deux injonctions en apparence contradictoires, interdiction de « prononcer par voie de disposition générale et réglementaire Sur les causes qui leur sont soumises » (art. 5 c, clv,), d'une part, et obligation de juger malgré les éventuels « silence, obscurité ou Insuffisance de la 101 » (art, 4 c, clv,), de l'autre. La Cour de cassation a, depuis lors, concilié ces deux injonctions par le truchement de l'autorité de chose jugée relative prévue par l'article 1351 du même code. En cas de silence d'obscurité ou d'insuffisance de la 101 la Cour de cassation comble ou éclaire

(14)

Page 13

ceux-ci, et est nécessairement conduite

à

prononcer par vole de dispositions formellement générales, mals la portée de celles-cl est limitée au litige soumis

à

la Cour: mêmes parties, même objet, même cause

lm

(la).

La disposition formellement générale ainsi adoptée est-elle source de droit? C'est là une querelle bien connue

!ID (11), qui est essentiellement une question de mots

I!l

(12). La disposition générale ainsi adoptée ne s'Impose pas constitutionnellement aux autres juges, ni même aux Justiciables, Mais la constance de la Cour de cassation implique un risque de censure, et ce risque de censure conduit les juges du fond

à

se conformer, pour l'essentiel,

à

ladite disposition générale, Par suite, les conseils des justiciables auront, eux aussi, tendance

à

s'y fier, de même que, par suite encore, les Justiciables eux-mêmes,

Par une espèce d'effet de contagion, la position hiérarchique de la Cour de cassation propage les règles énoncées dans un cas particulier aux cours inférieures, qui elles-mêmes les propagent aux profeSSionnels du droit, puis aux justiciables, c'est-il-dire il la société.

Les décisions de la Cour de cassation ont donc ainsi, en fait, une portée normative.

Mals Il faut bien comprendre que la portée normative n'est pas une fonction propre de la Cour de cassation, ou des autres juges, qui serait détachable de sa fonction juridictionnelle. Il s'agit davantage d'une conséquence secondaire de son activité essentielle,

à

vrai dire unique, son activité juridictionnelle. Cette conséquence est sOrement consubstantielle

il

la fonction juridictionnelle, elle est sûrement Inéluctable, et vraisemblablement souhaitable dès lors qu'elle permet de pallier les insuffisances de la loi, mais Il ne s'agit pas d'une fonction propre qui serait détachable de la fonction Juridictionnelle.

À cet égard, on ne peut que déplorer cette fiction, qui innerve tout le rapport, et qui doit probablement beaucoup au rapport sur les revirements de Jurisprudence

lm

(13), selon laquelle la Cour de cassation disposerait,

il

côté de sa mission juridictionnelle, d'une mission normative qui en serait logiquement détachable

I!J

(14).

Au fond, on ne saurait mieux dire que ne le fait la loi: « Le juge [en ce compris la Cour de cassation) tranche

le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».

La portée normative des décisions de la Cour de cassation ne se conçoit donc pas seule, détachée de la fonction Juridictionnelle de la haute juridiction. Elle n'est que la conséquence, la projection de l'exercice répété de la fonction juridictionnelle, comme l'ombre est la projection du corps.

II -La portée normative des décisions de la Cour de cassation n'existe pas sans la mission disciplinaire À cela s'ajOlltr. qlll~, r,ool'rFllrHml-mt i, n" 'ltlP rnc,:;;tHlp If> rnrrnrt, li'! « mission» normative ne peut, non plus, être détachée de la mission disciplinaire de la Cour de cassation.

Il s'agit là du coeur de la réforme envisagée: des deux missions que les auteurs du rapport prêtent il la Cour de cassation, disciplinaire et normative. La Cour de cassation ne pourrait plus correctement assurer les deux, et il serait donc nécessaire d'élaguer: d'abandonner la mission disciplinaire au profit de la mission normative.

Sont ainsi proposées plusieurs voles dont l'objet est systématiquement de priVilégier la mission normative et d'abandonner ou réduire la voie disciplinaire par une utilisation débridée de la procédure de non-admission ou par la création d'une nouvelle vole courte pour les affaires ne présentant que des questions disciplinaires (notamment celles faisant l'objet d'une Jurisprudence établie).

Cette conception des choses repose sur un malentendu: l'idée que la « mission » normative pourrait exister sans la mission disciplinaire.

Qu'est-ce qu'une norme? Selon une approche classique, une norme est l'énoncé de ce qui doit être, le Sallen cher à Kelsen. Or, de la notion même de norme, il s'infère qu'il y a, dans toute norme, deux éléments :

l'énoncé et sa sanction. L'énoncé de ce qui doit être n'a pas de sens, ou en tout cas pas de portée, si cet

énoncé n'est pas sanctionné.

Ainsi, les règles selon lesquelles Il faut être galant, poli ou courtois n'ont-elles pas de réalité, sauf

à

espérer qu'elles feraient l'objet d'une sanction sociale. Il ne s'agit en tout CaS pas de normes juridiques, en l'absence de sanction juridique.

De la même manière, les règles énoncées comme des règles de droit, mais dont la Cour de cassation ne contrôle pas l'application, ne sont pas véritablement des normes ou, plus exactement, ce ne sont pas des normes iurldlaues faisant l'obi et d'une application uniforme en France. On songe par exemole aux rèales

(15)

Page 14 d'évaluation du préjudice issues de la nomenclature Dintilhac ou aux règles d'Interprétation des contrats, questions traditionnellement non contrôlées par la Cour de cassation,

Une norme n'existe donc en tant que telle qu'à condition que sa violation soit sanctionnée, La Cour de cassation a ainsi, incontestablement, fait oeuvre normative lorsqu'elle a, par un arrêt Cesareo bien connu, énoncé qul« Il Incombe au demandeur de présenter dès l'Instance relative

à

la première demande l'ensemble des moyens qu'II estime de nature

à

fonder celle-ci » et que, faute de l'avoir fait, sa demande nouvelle, fondée sur un moyen nouveau, se heurtait à la chose précédemment jugéel!l (15),

Mals cet énoncé serait resté lettre morte en dehors du litige dans lequel Il était Intervenu s'II n'avait, ensuite, été constamment réaffirmé, la Cour sanctionnant les juges du fond s'en écartant

êI

(16),

Autrement dit, non seulement la portée normative des décisions de la Cour de cassation est consubstantielle à sa fonction juridictionnelle dont elle n'est qu'une conséquence, mais, au surplus, elle n'existe pas sans la mission disciplinaire,

Qu'adviendra-t-II, demain, sl la Cour de cassation, ayant dit sa religion sur la question de la concentration des moyens, cesse de contrôler le respect des règles ainsi posées par les juges du fond ? Les juges du fond cesseront purement et simplement de respecter les directives posées par la Cour de cassation, ce qu'ils pourront faire en toute légalité, mais également, si la réforme devait passer, en toute Impunité, Ce sera le règne de l'arbitraire et du discrétionnaire; précisément ce que la Cour de cassation a pour mission d'éviter, Il ne peut donc y avoir de réelle portée normative si la Cour de cassation n'assume pas pleinement Sa mission disciplinaire,

Au fond, d'ailleurs, qu'est-ce que la « mission normative» telle que la conçoivent les auteurs du rapport ? Il s'agit, si l'on comprend bien, d'énoncer des normes, sans veiller à leur application, puisqu'II ressort clairement du rapport que les questions, même de fond, déjà tranchées par la Jurisprudence, relèvent du « disciplinaire

», À notre connaissance, seul le Parlement assume ce type de fonction, Ce n'est donc plus tant que la Cour de cassation veut s'arroger un pouvoir normalement dévolu au Parlement -cette guerre-là semble, dans son esprit, déjà gagnée - c'est qu'elle entend s'approprier les pouvoirs d'un Parlement tout en cessant d'assumer les devoirs d'un juge, L'exercice de la mission juridictionnelle serait ainsi, concrètement, abandonné aux juges du fond,

Dans la logique du rapport, la mission de la Cour de cassation serait de créer des normes dont l'application reviendrait

" "X

jllg~" nll fnnn,

Illusoire - car, 110n sal1ctlonnées, ces normes jurisprudentielles seraient dépourvues de portée - et illégitime -car I~ n'est pas la fonction de la Cour de cassation -, cette réforme doit être rejetée en bloc,

III - L'efficacité normative ne suppose aucunement le filtrage des pourvois

On en arrive au dernier point, Selon les auteurs du rapport, pour permettre l'épanouissement de la mission normative, identifiée par le rapport comme la véritable mission de la Cour de cassation, il conviendrait d'augmenter le filtrage des pourvois - c'est là tout l'objet dudlt rapport,

Sont ainsi proposées, schématiquement, une augmentation du filtrage déjà existant à travers la procédure de non-admission

!ID

(17), ou la création de deux circuits différenciés : un circuit long pour les questions intéressantes, un circuit court pour le «disciplinaire », c'est-à-dire le disciplinaire

stricto sensu

(dénaturation, défaut de réponse à conclusions, défauts de motifs, méconnaissance des termes du litige), les questions faisant l'objet d'une Jurisprudence existante, et, c'est à craindre, les questions jugées inintéressantes, Le motif invoqué est le suivant: vu la masse, assez considérable il est vrai, des arrêts rendus chaque année par la Cour de cassation, les arrêts véritablement normatifs seraient en quelque sorte noyés, On lit ainsi dans le rapport que : « La multiplication des contentieux Influe directement Sur l'autorité de ses décisions, La multiplication des arrêts rendus fait perdre à la jurisprudence de la Cour de cassation en clarté et en accessibilité, de sorte que la Cour de cassation s'éloigne de son rôle de cour normative », Un processus de filtrage pourrait dès lors permettre à la Cour de cassation de limiter le nombre d'arrêts, ce qui limiterait par là même les noyades, et lui permettrait également de faire ressortir les arrêts véritablement normatifs, de les faire surnager,

Cette présentation n'emporte pas la conviction,

Références

Documents relatifs

Tout ce qui peut faire obstacle sur les voies biliaires tels que des obstacles au niveau du pancréas ou des ganglions au niveau du hile hépatique, peut se traduire par un

Ces deux classes ne sont d'ailleurs pas vides puisque ^\ contient les fonctions de Gauss tandis que ^ contient la fonction (p e y telle que |(p| 2 soit la densité de la

Pour cela on introduit une fonction plus puissante verif qui prend en argument deux entiers min, max et un arbre t et qui doit renvoyer vrai exactement lorsque t est un arbre binaire

D´ eduire des questions pr´ ec´ edentes une preuve par r´ ecurrence sur le nombre de sommets du fait que si G est un graphe orient´ e avec n sommets et sans cycle alors il existe

— L a formule (4.12) permet de se ramener au cas où P et Q possèdent chacun un plus grand monôme, hypothèse que nous supposerons vérifiée dans la suite.. Si de plus SQ est un

chargé du dialogue territorial et de la concertation citoyenne Pour un projet éolien à Acigné, nous avons accompagné le collectif citoyen dans sa constitution en société

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a tiré les conséquences de la condamnation que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a prononcée contre la France à raison

En effet, la famille gère une exploitation agricole avec de nom- breux animaux d’élevage, elle possède trois chats à domicile et la maman a allaité Mélissa exclusivement