R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
G ÉRARD B RUNSCHWIG
Les méthodes bayesiennes en statistique
Revue de statistique appliquée, tome 29, n
o1 (1981), p. 57-68
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1981__29_1_57_0>
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57
LES METHODES BAYESIENNES EN STATISTIQUE
Gérard BRUNSCHWIG Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
Chargé de mission auprès du directeur du Laboratoire central
INTRODUCTION
Les méthodes
statistiques
ditesclassiques reposent
essentiellement sur la collecte et le traitement de résultatsexpérimentaux,
dans des buts variésparmi lesquels
lesplus
couramment rencontrés sont :-
l’estimation,
soitponctuelle,
soit par intervalle de confiance(par exemple :
étant donné n résultats de mesure d’un
caractère,
estimer la valeur moyenne ducaractère) ;
- les tests
d’hypothèse (par exemple :
comparer la valeur moyenne d’un carac-tère à une valeur
fixée) ;
- les
plans d’expérience (par exemple :
étudeexpérimentale
de l’effet d’additifssur
l’adhésivité,
en faisant varier les doses et lesassociations).
Les méthodes
bayésiennes
associent à ces résultatsexpérimentaux
desdistributions de
probabilités
apriori,
sur les valeurs desparamètres
parexemple,
distributions
étayées
par le niveau des connaissancespréalables
sur lesujet,
avant toute
expérimentation.
L’information "objective" apportée
parl’expérimentation
intervient pour modifier les distributions apriori,
et lesremplacer
par des distributions aposteriori, qui
concernent desprobabilités
conditionnelles(et plus précisément,
conditionnées par
l’expérimentation).
Dans l’étude
qui suit,
on se propose desituer,
defaçon élémentaire,
lestechniques bayésiennes,
ensupposant
connu le contextethéorique
fonda-mental, qui
se réduit d’ailleurs au théorème deBayes
et aux diversesfaçons
de l’écrire.
On
partira
d’une étude de cas, en montrant comment, dans unproblème
de
décision,
les"règles bayésiennes"
de décisionpermettent
de réaliser un pour-centage global
d’erreur(c’est-à-dire
de décisions malfondées)
auplus égal
àcelui des
règles classiques,
etgénéralement
inférieur.Article
repris
du bulletin de liaison du Laboratoire Central des Ponts etChaussées, publié
avec l’aimable autorisation du Directeur du L.C.P.C..Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 1
58
Nous nous sommes
inspirés
d’unexemple figurant
dans l’excellent ouvrage"Statistics
by example",
de F.Mosteller,
W. Kruksal et al. Nous sommeségale-
ment redevables d’observations très
pertinentes
de lapart
de MM. Vessereau etBonitzer,
que nous tenons à remercier.Dans la seconde
partie,
on examine lesapplications possibles
des méthodesbayésiennes,
notamment en matière de contrôle dequalité,
en insistant nonseulement sur les
avantages qu’elles peuvent apporter,
mais aussi sur les limi- tationsqui
leur sontinhérentes,
et lescritiques qu’on peut
leur faire.I. ETUDE D’UN CAS DE DECISION PAR MAXIMUM DE VRAISEMBLANCE OU PAR REGLE BAYESIENNE
RESUME DU CAS
On veut établir la carte
géologique
d’unerégion
inconnue et peu accessibleau moyen de relevés obtenus à
partir
d’un survolaérien,
et en utilisant une méthodephysique qui permet
dedistinguer
le basalte dugranite.
Malheureu- sement, la méthode n’est pas sûre à 100 %.On l’a
expérimentée
sur unerégion
connue, dont la carteexiste,
et ona ainsi pu établir les
risques
d’erreur de la méthode.A
partir
de cesinformations,
onpeut
arriver à clarifier un peu les choses pour larégion inconnue,
en utilisant une des deux méthodes suivantesqui
diffèrentquelque
peu :- La méthode du maximum de
vraisemblance,
- La méthode de
Bayes.
C’est cette dernière
qui,
dans tous les cas, conduit au taux minimal d’erreur.EXPOSE DETAILLE
Il
s’agit
en fait de construire un modèleprobabiliste permettant
d’établirune carte aussi
précise
quepossible.
On va voir comment le construire et le modifier à la lumière des résultatsobtenus ;
et comment onpeut
comparer différents modèlesquant
à laprobabilité qu’ils
donnent des résultats conformes à la réalité.On
peut distinguer
en laboratoire les rochesgranitiques
des roches ba-saltiques (on
lesappellera
par la suitegranite
etbasalte,
poursimplifier)
par diverses méthodesexpérimentales.
Une de ces méthodes consiste àanalyser
le
spectre infrarouge
de la lumière solaire réfléchie par la surface de la roche : les deuxspectres permettent
dedistinguer
la nature de laroche, spécialement
à trois
longueurs
d’ondeparticulières.
SiRI, R2
etR3 représentent
les in-tensités
spectrales
pour ces troislongueurs d’onde,
lesgranites
se caractérisent parRI R2 R3
et lesbasaltes,
parR3 RI R2 .
L’intérêt de cette méthode est de
pouvoir
êtreappliquée
hors labora-toire,
àpartir
d’un avion.Cependant,
les conditionsatmosphériques peuvent
entraîner des erreurs.Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol XXIX, n° 1
A titre
d’exemple,
des vols au-dessus de deuxrégions
connues pourêtre, l’une, uniquement granitique
et,l’autre, uniquement basaltique,
ont donnéles
pourcentages
d’observationsindiqués
table I.TABLE 1
On va utiliser cette table pour identifier les roches de
régions
inconnues.La
procédure
suivie est la suivante. Un vol est effectué au-dessus d’unerégion
semblable
(du point
de vueclimat, notamment)
auxprécédentes,
mais degéo- logie
inconnue. On a relevé desspectres
pour 1000points équidistants
de100 m,
dans le but d’identifier les alternancesgranite-basalte.
Lespourcentages
de la table I nous incitent àadopter
larègle
n° 1 declassification,
résuméetable II.
TABLE II
Nous sommes conscients que cette
règle
conduira à mal classer certainspoints.
Lesgranites ayant
donnéR3 RI R2
seront incorrectement ap-pelés
basaltes. Cela affecte(table 1)
15 % de tous lesspectres pris
surgranite.
Une bonne mesure de la
qualité
de la méthode consisterait dans la pro-portion
P des 1000spectres
mal classés. Mais on nepeut
la calculer que si onconnaît les
proportions
réelles desgranites
et des basaltes.Appelons-les
res-pectivement pG
etpB =
1 -po .
On a alors :Ce
qui
s’écrit aussi :Si on passe de la notation
"proportionnelle"
à la notation"probabiliste",
on
peut
écrire : P = Prob(erreur)
= Prob(erreur/granite)
x Prob(granite)
+Prob
(erreur/basalte)
x Prob(basalte).
Ce
qui
est uneéquation classique
desprobabilités
conditionnelles.A titre
d’exemple,
si pG =1/3,
P =0,25,
c’est-à-dire 250 des 1 000points
seraient classés de
façon
incorrecte. SipG
=2/3,
P =0,20.
Cela montre bienque la
performance
de la méthode est fonction dePG.
On
peut imaginer
sur le mêmeprincipe
d’autresrègles, ainsi,
parexemple,
les
règles
n° 2 et 3qui correspondent
aux tables III et IV.60 TABLE III
TABLE I V
Il est facile de voir que la
règle
n° 2 donneratoujours quel
que soit PGun taux d’erreur
supérieur
à larègle
n°1,
car(0,80 - 0,55 pG)
esttoujours
su-périeur
à(0,30 - 0,15 PG), puisque pG
1 .En
revanche,
larègle
n° 3 sera meilleure que larègle
n° 1 pour certaines valeurs dePG
et moins bonne pour d’autres. On laisse au lecteur leplaisir
dedécouvrir que la
règle
n° 3 est meilleure pourOn
peut
noter que les troisrègles
citéesfigurent parmi
les huitrègles qu’on pourrait imaginer a priori,
et dont certaines seraient d’ailleurs absurdes.Il est maintenant
important
decomprendre
leprincipe
de larègle
n° 1.Cette
règle
consiste à nommer la roche inconnue du nom de cellequi
rend leplus probable
le spectreobservé,
c’est-à-dire encomparant
les chiffres de la colonne(table I) correspondant
auspectre observé,
et en choisissant la roche donnant leplus grand
des deuxchiffres, qui
sont desprobabilités
condition-nelles du
type
Prob.(Spectre observé/Roche réelle),
lesigne / signifiant
"sachantque".
Cette méthodes’appelle
celle du maximum de vraisemblance.Mais il
peut arriver,
comme on l’a vu, que d’autresrègles
que celle-ciconduisent,
dans certains cas, à deplus
faiblesprobabilités globales
d’erreur.REGLE BAYESIENNE
Elle
part
d’unprincipe
différent et consiste à affecter à un spectre donné la roche laplus probable.
Pour bien
comprendre
le lien et les différences entre les deuxrègles,
prenons comme
exemple
unspectre
donnantRI R3 R2.
Le maximum de vraisemblance conduit àappeler
cespectre granite,
parce que :Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol XXIX, n° 1
Mais la roche la
plus probable
n’est legranite
que si :Prob
(granite/R1 R3 R2)
> Prob(basalte/R1 R3 R2).
Or le théorème de
Bayes, qui
s’écrit dans le casprésent :
permet
de voir que legranite
est leplus probable
si et seulement si :soit,
en utilisant la table1,
Les deux
règles
diffèrent dans leur formule parce que la secondepondère
par
pG
etPB
= 1 -pG
lesprobabilités
que lapremière
compare.Leurs résultats ne coïncident que si
pG > 4 9; autrement,
larègle
deBayes
conduit àappeler
basalte ce que larègle
du maximum conduit àappeler granite.
L’ennui est évidemment
qu’on ignore
pG. On examinera cepoint
ulté-rieurement.
Si on examine tous les cas
possibles
derègles bayésiennes,
on verra aisé-ment
qu’il n’y en
a quequatre qui
sontindiquées
tableV ;
on y a mentionné lesplages
depG qui conduisent,
danschaque
cas, à larègle
laplus efficace
de toutes les
règles possibles.
On remarquera
(avec
un peud’étonnement)
que lesrègles
deBayes
n° 3et n° 4 font comme si on n’avait obtenu aucun résultat. En
fait,
pour les va-leurs faibles de PG ou de
pp,
il vaut mieuxignorer
les résultatsqu’en
tenircompte,
dupoint
de vue de laprobabilité
d’erreurglobale.
TABLE V
On remarquera aussi
qu’il n’y
a aucune différencequant
aux résultatsentre les deux
types
derègles (règle
deBayes
n° 1 etrègle
du maximum devraisemblance)
si :62 ESTIMATION DE
PG
On va utiliser la table I pour estimer pG en
utilisant,
parexemple,
laméthode
simple qui
suit.Appelons respectivement 03C01,
03C02 et03C03
lesproportions globales parmi
lesspectres observés,
de ceuxqui
donnentRI R2 R3, RI R3 R2
et
R3 RI R2.
On a évidemment 1Tl + 1T2 + 1T3 = 1 .Avant
l’observation,
onpeut
considérer les03C0i
comme des variables aléa-toires,
dont lesespérances
sontégales
à ce que donne lathéorie,
à savoir :Après l’observation,
onpeut
considérer lesproportions
observées commedes estimations
ponctuelles
deE(03C01), E(lr2)
etE(03C03),
les substituer dans leséquations (2),
et en tirer par résolution une estimation de PG.En
fait,
il y a même deuxéquations
detrop...,
mais la secondecomporte
une faible
pondération
depG(0,05),
conduisant à une mauvaiseprécision
del’estimation.
Il ne reste
plus
que lapremière
et la troisièmeéquation
pour estimerpG
àpartir
desproportions
observéesiri
et03C03.
soit encore :
Il y a deux conditions à satisfaire :
ce
qui
s’écrit :Représentons
la situation dans unsystème
d’axes(03C01,03C03).
Lepoint (irl e ff3)
doit être intérieur aupentagone figuré
en traitépais
sur lafigure
1.Rappelons-nous,
d’autrepart,
que lesquatre règles bayésiennes
de latable V sont recommandées chacune pour une
plage
de valeur de po .Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 1
Figure 1. -
Représentation
dans le plan(03C01, 03C03).
Les conditions
d’inégalité
surPG
setraduisent, grâce
auxéquations (3),
par des
conditions d’inégalités
sur03C01
et03C03,
de la manière suivante :64
Les zones ainsi définies pour
1r
et1r 3 découpent
lepentagone
enquinze
aires. Onpeut
remarquerqu’il n’y
a quequatre
aires où onpeut
choisir indifféremment l’une ou l’autre deséquations (3)
pour estimer pG : on tomberasur la même
règle
deBayes ;
dans les onze autres, enrevanche,
l’une deséqua-
tions conduit à une
règle,
l’autre à unerègle
différente(par exemple 03C01
=0,55
et 1r3 =
0,35 ;
lapremière
conduit à larègle B4,
la seconde à larègle B 1 ) .
C’est
peut-être
là un caractèrecritiquable
des méthodesbayésiennes.
On
peut
d’autrepart
se poser laquestion
suivante :peut-on
utiliser les résultats de l’observation pour réestimer les chiffres de la table I ? Enfait,
ilfaut
répondre
par lanégative :
les résultats se résument à troisnombres,
liésde
plus
par une relation(leur
somme estégale
à1).
Il y atrop
de nombres à estimer àpartir
de ces trois résultats liés.II. APPLICATIONS POSSIBLES DU THEOREME DE
BAYES,
NOTAMMENT EN MATIERE DE
TECHNIQUES
DE CONTROLESTATISTIQUE
La
plupart
desapplications possibles (1)
du théorème deBayes,
ou encore,les méthodes
bayésiennes,
consistent àpréciser,
éventuellement parétapes
suc-cessives,
laprobabilité
d’un événement A dont on connaît laprobabilité a priori P(A) ;
cesprécisions
successivesproviennent
del’ajout d’informations supplémentaires,
p. ex. B.En
effet, P(A/B) peut
être considérée à son tour commeprobabilité
"a
priori ",
et onpeut
l’affmer par une nouvelleinformation supplémentaire
concernant un événement C.
En
fait,
onpeut
allerjusqu’à
se demanderjusqu’à quel point
ilpeut
exister uneprobabilité
"apriori ".
Touteprobabilité
d’un événement est enréalité conditionnée par "ce que
je sais",
"l’état actuel desconnaissances",
etc.On
peut
rattacher ce processus de combinaison des"degrés
decroyance" (2)
préalables
avecl’expérience
pour affiner cesdegrés
de croyance, aux proces-sus
d’éducation, d’apprentissage,
oud’acquisition
de connaissances.Pour
simplifier,
onpeut appeler
"méthodesbayésiennes"
cellesqui
réu-nissent les conditions suivantes :
1)
laprobabilité
traduit un"degré
decroyance", 2)
il existe des distributions apriori
desparamètres,
3)
le théorème deBayes
fournit des distributions aposteriori, 4)
ces distributions aposteriori
sont utilisées :. pour l’estimation
. pour des tests
d’hypothèse.
Le
grand,
etpeut-être
le seulproblème
queposent
ces méthodes réside dans le caractère 2. Il est souvent difficiled’approcher
les distributions apriori,
---
(1) Un terrain très propice aux méthodes bayésiennes est constitué par les techniques d’analyse statistique de la décision.
(2) C’est une des définitions de la
probabilité
données par l’AFNOR.Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 1
et on se contente d’une
approche intuitive,
"à vue de nez".Lorsque l’expéri-
mentation
qui apporte
une informationsupplémentaire
n’est fondée que surun faible effectif
d’échantillon,
la distribution apriori
retenueimprimera
samarque de
façon
trèsforte,
et laqualité
du résultatdépendra
essentiellement de laqualité
de cette distribution. Enrevanche,
si l’effectif estgrand,
la distri- bution apriori
aurabeaucoup
moinsd’importance.
1. EXEMPLE : TESTS DE FIABILITE D’UN MATERIEL DE SERIE
a) Supposons
poursimplifier qu’il n’y
ait que deux niveaux de fiabilité : le niveaurequis (fiabilité 0,90)
et un mauvais niveau(fiabilité 0,50).
On
estime,
àpartir
del’expérience passée,
et du"jugement
del’ingé- nieur",
lesprobabilités
apriori respectives
de ces niveaux.Puis,
on effectueN essais
qui
donnent E échecs.Le théorème de
Bayes permet
de calculer laprobabilité
que le niveaurequis
est atteint dans le lot d’où sont extraits les N éléments testés.Exemple numérique :
Audépart,
on supposequ’il
y a uneprobabilité
de0,50
d’avoir le niveaurequis,
et donc uneprobabilité
de0,50
aussi d’avoir le mauvais niveau.On fait un essai sur 10 éléments. Aucun échec.
Que
deviennent les pro- babilitésa priori
si on les combine avecl’expérimentation ?
Par le théorème de
Bayes : 0,01
pour le bas niveau et0,99
pour le niveaurequis.
Si on avait utilisé
l’approche classique,
la limite inférieure de l’intervalle de confiance de lafiabilité,
au niveau0,90,
ne serait que de0,80.
Cela inci-terait à faire des essais
supplémentaires, probablement
sans nécessité.b)
Onpeut
voir parl’exemple
suivant queLaplace
n’avait pas entière-ment tort de dire que "la théorie des
probabilités
n’est que le bon sens réduitau calcul"
(bien que... ).
Les méthodes
analytiques,
les essais delaboratoire, l’expérience
de l’in-génieur permettent
à celui-ci de dire : "Cetéquipement
fonctionneraparfai-
tement 19 fois sur 20 essais. "
Supposons qu’on
désire démontrer une fiabilité à 90%,
au niveau deconfiance 90 %. Disons que cela revient à
accepter
2 échecs auplus
sur 50 essais.L’épreuve
consistera donc à faire un essai sur 30équipements
et àn’accepter au plus qu’l
échec.Jugement
del’ingénieur
1 échec sur 20 essaisEssai de démonstration 1 échec sur 30 essais
Exigence
2 échecs sur 50 essaisTout repose sur la ... fiabilité de l’affirmation de
l’ingénieur.
2. LES ARGUMENTS DES BAYESIENS
Les
bayésiens
inconditionnels ont lepoint
de vue suivant.66
-Leurs méthodes leur
paraissent
meilleures parce que :- Elles donnent les mêmes résultats que les méthodes
classiques quand
celles-cis’appliquent ;
enplus :
. elles mettent en lumière les
hypothèses sous-jacentes (1)
2022 elles sont intuitivement
plus acceptables (2).
- Elles donnent de meilleures
réponses
que les testsclassiques,
telsqu’on
lesutilise
actuellement (3).
- Elles
permettent
de traiter desproblèmes
non accessibles aux méthodesclassiques (4).
On va essayer de
voir,
dans cequi suit,
ce que l’onpeut
retenir de l’enthou- siasme desnéo-bayésiens,
et cequ’il
convient de considérer avecquelque scepticisme.
a) Commençons
par unecritique
Les auteurs
américains,
statisticiens deprofession
etemployés
dans l’in-dustrie,
semblent avoir eubeaucoup
de mal à fairecomprendre
à leurspatrons
ce
qu’est
l’estimation par intervalle deconfiance,
basé sur un échantillon d’effectif n.La bonne
façon
deprésenter classiquement
l’intervalle de confiance est de direqu’un paramètre certain,
mais de valeurinconnue,
est encadré par deuxlimites,
avec uneprobabilité (grande)
1 - a(a petit).
Ces limites sont des valeursprises
par des variables aléatoires surl’épreuve
que constituent laprise
d’échantillon et les mesuresadéquates qui
s’ensuivent. Le "boss" américain n’arrive pas àcomprendre
cet encadrement par un intervallequi change
àchaque
échantillon et trouve que le statisticien lui raconte des balivernes.Qu’à
cela ne tienne. Notre
néo-bayésien
va faire un tour de passe-passe,qu’on
vadémystifier
sur unexemple.
Appelons
m leparamètre certain,
maisinconnu,
ducollègue classique.
Supposons
que ce soit la moyenne de la loi deX,
etqu’on
connaisse a, l’écart-type
de cetteloi ;
lenéo-bayésien
considère comme une variable aléatoire la moyenne m.Soit x la moyenne d’échantillon
(estimation ponctuelle
de m, selon la méthodeclassique) ;
ensupposant
n assezgrand,
la loi deprobabilité
P(m/x, a 2)
est une loi normale de
moyenne x
et de variancea2 ln.
On écrira
donc,
toutsimplement :
Les limites de l’intervalle de confiance sont exactement les mêmes
qu’avec
la méthode
classique,
mais on dira au "boss" que laprobabilité
que m soit entrex ±
7n
est de0,95.
---
(1) Objection possible : les
problèmes
classiques d’estimation ou de tests considèrent desparamètres
inconnus, mais certains et non des variables aléatoires. On n’a donc nul besoind’hypothèses
sous-jacentes sur la "distribution" de cesparamètres.
(2) Objection possible : que veut dire exactement "intuitivement" ?
(3) Objection possible : que veut dire meilleures : mieux vérifiées, plus
économiques ?
(4) Cela est sans doute exact.Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 1
Il aura
l’impression
d’une affirmationsolide,
et le tour serajoué.
Je crois
qu’on
n’a aucun intérêt àprésenter
les choses ainsi(ce
que font d’ailleurs certains statisticiensclassiques,
par abus delangage).
b) L’exemple
suivant fera toucher dudoigt - on l’espère -
le talon d’Achilledes méthodes
bayésiennes.
Supposons qu’on
ait "une certaine idée" de laproportion
de défectueuxd’une fabrication de
pièces.
Cette idée estexprimée,
parexemple,
par le contre-maître
(pas
ledirecteur, qui
aura certainement tendance à dire 0%),
sous laforme suivante : 75 chances sur 100 que cela soit inférieur à
0,10.
Le
bayésien
de service au bureau de contrôlepart
de cela et établit lepetit graphique
de lafigure
2.Figure 2
Les deux ordonnées
correspondant
à la discontinuité de la loi de den- sité pour p =0,10
sont calculées defaçon
que letriangle
degauche
ait unesurface de
0,75
et celui dedroite,
une surface de0,25.
A
partir
delà,
onpeut fabriquer
avec le théorème deBayes,
desabaques
donnant par
exemple,
l’effectif n d’échantillon devantprésenter
auplus
1 dé-fectueux pour "démontrer"
qu’on
a bien auplus
10 % de défectueux dans lelot,
avec un niveau de confiance 1 - afixé,
suivant les diverses valeurs Pque va annoncer le contremaître
(ici
P =0,75).
La famille de courbes(des
morceaux de
lignes droites)
est indicée en valeurs de p(ici 0,10) ;
ces courbessont toutes descendantes en P
croissant,
et d’autantplus
fortement inclinéesque p est
plus petit.
Les valeurs d’effectif sont inférieures à celles que donnent les méthodesclassiques,
pour les mêmes valeurs de p.Les
bayésiens
considèrent donc leurs méthodes commeéconomiques.
Mais il convient d’attirer fortement l’attention sur deux
points :
- "fiabilité" de l’affirmation du contremaître ?
-
représentativité
de la courbe de densitébi-triangulaire ? (1).
---
(1) Il faut souligner le fait que ce diagramme bi-triangulaire est extrêmement sim-
pliste. On aurait intérêt à choisir plutôt une loi Bêta, dont les
paramètres
seraient cohérentsavec l’affirmation du contremaître.
68
Quand
on ne saitrien, rétorquent
lesbayésiens,
onpeut toujours adopter
la forme de densité
(fig. 3), qu’on appellera pudiquement
"diffuse ".Remarque. -
On saitdéjà quelque
chose : laproportion
de défectueux ne sauraitdépasser
1.Quand
ils’agit
d’unparamètre
dont on saituniquement qu’il
estpositif,
lerectangle
est moins facile à tracer...Figure
3Moralité. Les méthodes
bayésiennes
ne valent que ce que vautl’information
a
priori.
Si celle-ci estbonne, l’application
estpossible,
et conduiteffective-
ment à des décisions
plus économiques.
Si elle estmauvaise,
ou vague, laprudence
est derègle.
C’est sur cette
consigne
que nous conclurons.QUELQUES
REFERENCESBIBLIOGRAPHIQUES
BENJAMIN
J.R.,
CORNELL C.A. -Probability,
Statistics and Decisionfor
CivilEngineers,
Mc Graw Hill BookCompany,
NewYork,
1970.LINDLEY D.V. - Introduction to
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and Statisticsfrom
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1965.MOSTELLER
F.,
KRUSKAL W.H. et al. - Statisticsby example, Addison-Wesley
Publ.
Company, Reading (Mass.),
1973.WALLISER B. -
Ouvrage
de méthode : 1. Instrumentsd’analyse :
L Schémad’un processus de décision. II. Théorie de la
décision,
Documentationfrançaise, 1976,
1977.Revue de Statistique Apphquée, 1981, vol. XXIX, n° 1