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Les inscriptions médiévales. Reflet d'une culture et d'une foi

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Academic year: 2022

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Submitted on 11 Jun 2021

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Les inscriptions médiévales. Reflet d’une culture et d’une foi

Robert Favreau

To cite this version:

Robert Favreau. Les inscriptions médiévales. Reflet d’une culture et d’une foi. Round-table-gespräche Fachtagung für mittelalterliche und neuzeitliche Epigraphik, May 1988, Graz, Allemagne. pp.58-89.

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Robert FAVREAU

LES INSCRIPTIONS MÉDIÉVALES.

REFLET D’UNE CULTURE ET D’UNE FOI

On trouve les inscriptions médiévales aussi bien dans les centres de haute culture que dans les plus humbles chapelles ou églises de campagne, et il est évident qu’il n’y a pas en ce temps-là "d’épigraphistes professionnels". Envisage-t-on de transmettre un témoignage, une prière, une explication, une identification sur la pierre, le métal, le vitrail, la peinture murale, etc., on s’adresse naturellement à celui qui a la pratique de l’écrit et qui est le plus cultivé, qu’il s’agisse du notaire de chancellerie, du scribe de scriptorium, de l’artiste lui-même ou de quelque lettré. Mais chaque fois un message, simple ou riche, est transmis, de façon publique et durable.

Les inscriptions nous renseignent donc sur la culture et les mentalités de l’époque qui nous les a laissées. Elles peuvent être sans recherche, refléter l’habitude de l’écriture des chartes, renvoyer à l’usage de formules qui, pour être stéréotypées, n’en évoluent pas moins selon les temps et les lieux. Souvent elles témoignent d’une empreinte biblique, et plus encore liturgique, alors commune chez les clercs. Elles nous éclairent encore sur la connaissance qu’ont leurs auteurs de la littérature antique, des sources patristiques, des écrits plus récents. Elles permettent d’écrire des chapitres sur l’évolution de la spiritualité, apportant à ce domaine de l’histoire d’utiles compléments. Dans certains ensembles elles conduisent à la rencontre de quelques grands esprits, de pensées élevées. Elles nous remettent aussi toujours en question: plus nous pénétrerons cette culture, ces mentalités médiévales, plus nous serons à même de percevoir la richesse de l’enseignement de l’épigraphie pour le médiéviste.

ÉPIGRAPHIE ET DIPLOMATIQUE I

Quoniam facillime labuntur a memoria quecumque temporaliter fiunt, idcirco nos posteritati nostre providentes, litteris mandare curavimus quod ..., dit le préambule d’une donation faite en 1115 par la reine Bertrade à l’abbaye de Marmoutier près de Tours1. Si le souci de garder la mémoire des faits a pu conduire à les confier à l’écrit, combien la pierre pouvait-elle assurer une sauvegarde plus durable que le parchemin :

Ne res preteritas valeat dampnare vetustas Iste rei geste dat signa lapis manifeste.

"Afin que l’âge ne vienne pas condamner le passé à l’oubli, cette pierre enseigne les faits de façon claire", proclame une inscription au linteau de la porte de l’église de Nantua

(Ain)2.

Il y aurait tout un livre à écrire sur les rapports entre épigraphie et diplomatique. Le chapitre le plus évident en pourrait être la transcription, sur pierre ou autre support durable, de chartes ou de bulles sous leur forme originelle ou avec la suppression de quelques rares éléments, comme les listes de témoins. Cette rédaction "épigraphique" assurait à l’acte une publicité que ne pouvait donner le parchemin et offrait aussi une garantie de durée. Ce sont donc des documents particulièrement importants qui ont ainsi été confiés au graveur. Tels sont les privilèges des villes. La charte qu’Henri V accorde aux habitants de Spire en 1111 est ciselée en lettres d’or sur les portes de la cathédrale3, comme le sera, sur les portes de la cathédrale aussi, la charte que donne en 1135 l’archevêque de Mayence, Albert, aux habitants

1 Cité par A. GIRY, Manuel de diplomatique. Paris 1893, 542.

2 J. DE LAURIERE, Excursion de la Société française d’archéologie en Franche-Comté, in Congrès archéologique Arras 1880, 539 ; ID., La Société française d’archéologie en Franche-Comté. Bulletin monumental 47 (1881) 314.

3 FranzXaverKRAUS, Die christlichen Inschriften der Rheinlande. II. Die christichen Inschriften von der Mitte des achten bis zur Mitte des dreizehnten Jahrhunderts. Fribourg-en-Brisgau et Leipzig 1894, 70, n° 152.

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de la ville4. On a retrouvé récemment à la cathédrale de Ferrare une grande partie des statuts de la ville de 11735 ; on conserve dans le Sud-Est de la France, en parfait état, des transcriptions, sur pierre ou marbre, des privilèges concédés à des communautés : la charte d’Aimar de Poitiers, comte de Valentinois, pour ses hommes de Crest en 1118 a été gravée à côté de la porte de l’église de Crest, qui ouvre sur la place; la charte de libertés et de franchises donnée en 1198 par Géraud Aimar et Lambert, seigneurs de Monteil, aux habitants de la ville appelée depuis Montélimart, a été transcrite sur une table de marbre qui fut fixée sur les remparts de la ville et qui est aujourd’hui conservée à l’hôtel de ville de Montélimart ; quant aux franchises concédées en 1244 aux habitants de l’Étoile par Aimar, fils du comte de Valentinois, elles furent reproduites sur une plaque de marbre, encastrée au-dessus de la porte latérale nord de l’église du lieu6. Méritaient aussi d’être conservés en évidence et de façon durable les octrois de privilèges à des églises. On sait qu’on avait inscrit à la cathédrale d’Arras, sur le mur du chœur, du côté sud, la charte par laquelle Philippe Auguste accordait le droit de régale à l’église d’Arras7, et qu’à la cathédrale de Tours la bulle d’Innocent III consacrant la soumission de l’évêché de Dol à l’archevêque de Tours était gravée sur une table de plomb8. Dans le cloître de Saint-Jean-de-Latran à Rome figure toujours la transcription sur pierre de la bulle du pape Grégoire XI proclamant la primauté de la basilique de Latran (23 janvier 1372), ainsi que la bulle de Sixte IV de juin 1475 réaffirmant la suprématie de cette même basilique et y organisant la "fabrique" pour les réparations courantes des bâtiments9 : la première couvre vingt-six lignes et la bulle y est figurée, recto et verso, la seconde n’occupe pas moins de cinquante-sept lignes. Ces transcriptions sur pierre peuvent ne concerner que des actes plus simples. Le pape Léon intervient ainsi au Xe siècle contre ceux qui s’attaquent aux biens et aux droits de l’église Saint-Paul-hors-les-Murs, acte qui a été gravé sur une colonne10, Grégoire VII confirme les biens de l’église Saints-Jean-et-Paul à Rome11, les seigneurs de Crest passent un accord en 1164-1167 avec les habitants de la ville au sujet du ban du vin12. Cette pratique de graver sur pierre les actes publics est tout à fait habituelle dans l’Antiquité, et cette tradition joue sûrement un rôle à Rome et en Italie où elle se poursuit plus que partout ailleurs à l’époque médiévale. Les documents privés ont aussi été retranscrits dans des inscriptions, mais de façon moins fréquente. Un texte de 984 en l’église des Saints-Côme-et- Damien à Rome nous rapporte ainsi l’engagement des prêtres romains de chanter quarante messes pour l’âme de chacun d’entre eux au moment de son décès13, un marbre blanc dans l’église Saint-Simplicien de Milan nous garde le texte de la fondation et de la dotation de cette église par un particulier au IXe s.14, et, au début du XVe s., Jean Bessole, seigneur de Servant, nous expose la donation qu’il fait à l’abbaye d’Ebreuil et les services anniversaires qu’il en attend en retour15.

Ces transcriptions intégrales ou quasi intégrales restent cependant l’exception, alors que souvent on grave sur la pierre une notice brève donnant la substance d’un acte qui a été passé dans une charte. L’évêque d’Orléans Jean Ier (1084-1099) rappelle, au portail

4 IBID., 106-112, n° 239.

5 Adriano FRANCESCHINI, I frammenti epigrafici degli statuti di Ferrara del 1173 venuti in luce nella cattedrale. Ferrare 1969, 11-12; ID., Nuovi frammenti epigrafici degli statuti di Ferrara del 1173. Atti e mem. d. Dep. di Storia patria prov. Jerrarese, 3e sér., 11 (1972) 101-108.

6 A. DELOYE, Des chartes lapidaires en France. Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 2e sér., 3 (1846) 31-42, et 5 (1843-1849) 439 ; P. DESCHAMPS, Étude sur la paléographie des inscriptions lapidaires de la fin de l’époque mérovingienne aux dernières années du XIIe siècle. Bulletin monumental 88 (1929) 42, 45, 53, note 2.

7 Gallia christiana 3 (1876) col. 330.

8 Document cité par DEVOYE dans son étude sur les chartes lapidaires ; Dom HYACINTHE MORICE, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne 1 (Paris 1742) col. 733-768.

9 Philippe LAVER, Le palais de Latran. Etude historique et archéologique. Paris 1911, 268-269, fig. 98, et 291, fig. 108.

10 AngeloSILVAGNI, Monumenta epigraphica christiana saeculo XIII antiquiora quae in Italiae Jinibus adhuc exstant. I.

Roma. Cité du Vatican 1943, pl. XXXVIII, n° 5.

11 Chartes lapidaires de l’église S. Jean et S. Paul à Rome. Bibliothèque de l’Ecole des chartes 34 (1873) 260-266 ; P. GERMANO

diS.STANISLAO, La casa celimontane dei SS. martiri Giovanni e Paolo. Rome 1894, 479 et sq.

12 DELACROIX, Statistique du département de la Drôme. Paris 1835, 471 et sq.

13A. SILVAGNI, Monumenta epigraphica christiana. 1: Roma, pl. XVII, n° 2.

14 Vincenzo FORCELLA, Iscrizioni delle chiese e degli edifici di Milano dal secolo VIII ai giorni nostri 4. Milan 1890, 102-104, n° 135.

15 La charte, en écriture gothique, ne contient pas moins de 32 lignes.

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principal de sa cathédrale, l’affranchissement d’un certain Letbert, qui dépend de Sainte- Croix d’Orléans16, le comte de Blois Étienne et la comtesse Adèle s’engagent, sur une porte de Blois, avant 1102, à tenir les hommes du pays exempts du butagium ou boutage - prestation sur le vin mis en futaille - à perpétuité à condition qu’ils protègent d’une muraille le château de la ville17; le comte Sanche et sa femme Urraca fondent l’église de Santa Maria de Iguacel, à laquelle le roi d’Aragon Sanche Ramirez donne la villa de Larrosa (1072)18 ; des donations pieuses de 1100 et de 1137 sont rappelées sur une maison de Pierrelatte et à l’abbaye d’Aiguebelle en France, dans la Drôme19 ; le roi Garcie donne à l’hôpital de San Lazaro d’Estella en Navarre une vigne20 ; de même au plafond de l’église Saint-Georges, "Kirk dam Alti Kilise", en Cappadoce, l’humble dame Thamar, fondatrice de l’église, rappelle qu’elle a fait don à celle-ci "d’une vigne sur le versant, vigne que j’ai achetée à Siaraphaténès" (fin XIIIe s.)21 ; ou encore Frédéric de Crense qui donne, vers 1225, cinq champs à Poppenhausen22.

On pourrait, ici, multiplier les exemples. Ce qu’il convient surtout de retenir, c’est qu’un nombre non négligeable d’inscriptions sont en relation directe avec les chartes et autres actes de la pratique. L’épigraphiste, au Moyen Âge, n’est pas nécessairement un lettré qui ne s’exprime que par des textes élevés. Lorsqu’il s’agit d’insérer des renseignements qui intéressent directement la vie de l’établissement, de la communauté, et ce peut-être aussi bien une fondation, qu’une donation, la fin d’un procès, une bornage de biens, la mitoyenneté d’un mur -, à Die au XIIIe s. -, le tarif d’un péage, comme à Saumur au XIIe s., etc., point n’est besoin d’avoir recours à un grand clerc, on s’adressera plutôt à un notaire, ou à quelque habitué des cours de justice. Cette interpénétration de l’épigraphie et des actes de la pratique peut se noter dans des formules de notification : Sciant tam presentes quam posteri, à la porte Saint-Denis de Reims au XIIe s. ou à l’église de Vanxains (Dordogne) au début du XIIIe. s.23, Notum sit omnibus quod ... à l’église de Saint-Prim ou à la cathédrale de Vienne (Isère), au début du XIIIe s.24, Notum sit omnibus tam presentibus quamfuturis quod à la cathédrale de Mayence au milieu du XIIe s.25, Universis Christi fidelibus ad quos presens pagina pervenerit ... à Saint-Maixent au début du XIIIe s.26. On la rencontre aussi dans les formules finales. Le propter remedium de animas nostras ... manus nostras rovoravimus de S. Salvador de Fuentes au XIe s.27 se retrouve dans les cartulaires asturiens de l’époque.

L’emploi des anathèmes est plein d’enseignement. La Bible en contient un riche répertoire du Deutéronome à saint Paul en passant par les psaumes. L’anathème apparaît déjà dans le synode d’Elvire de 306 et à la fin du concile de Nicée de 325. On le trouve dans le testament de saint Ephrem à la fin du IVe s. Dans les actes pontificaux son emploi est at- testé à partir de Grégoire Ier et il se poursuit même après le XIIIe s. Dans les actes royaux français on le trouve au VIIe s., mais l’anathème y est rare avant le roi Eudes à la

16 E. LEFEVRE-PONTALIS et E. JARRY, La cathédrale romane d’Orléans. Bull. monumental 68 (1904) 329.

17 Dom TOUSTAIN et dom TASSIN, Nouveau traité de diplomatique 2. Paris 1755, 654, avec fac-similé. L’inscription fut détruite au XVIIIe s. lorsque les portes de la ville furent démolies.

18 AntonioDURAN GUDIOL, Las inscripciones medievales de la provincia de Huesca. Estudios de edad media de la corona de Aragon 8 (1967) 32-34.

19 A. DELOYE, Des chartes lapidaires en France. Bibl. École des chartes, 2e sér., 3 (1846) 39-42 et 548; Gallia christiana 1 (1870) col. 737.

20 José GUDIOL, San Salvador de Leyre y el primer romanico en Navarra. Principe de Viana 5 (1944) 266 et fig. 65.

Le tympan est aujourd’hui au Musée de Pampelune : In Dei nomen. Garcia rex dedit istam vineam pro sua anima ad santum Michaelum archangelum - ad sanctum Lasarum.

21 Nicole et Michel THIERRY, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce, région du Hasan Dagi. Paris 1963, 207.

22 Die Inschriften des badischen Main- und Taubergrundes, éd. E. CUCUEL et H. ECKERT (Die Deutschen Inschriften 1). Stuttgart 1942 (repr. 1959) n° 1.

23 Corpus des inscriptions de la France médiévale 5 : Dordogne, Gironde, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD. Poitiers 1979, n° 62.

24 A. ALLMER et A. de TERREBASSE, Inscriptions de Vienne en Dauphiné, 2e partie, 2. Vienne 1875, 45-46, n° 442.

25 Die Inschriften der Stadt Mainz von frühmittelalterlicher Zeit bis 1650, éd. F. V. ARENS et K. F. BAUER (Die Deutschen Inschriften 2). Stuttgart 1958, n° 17.

26 Corpus des inscriptions de la France médiévale 3 : Deux-Sèvres éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD. Poitiers 1977, n° 31. On retrouve la même notification dans une charte de l’abbaye Saint-Maixent en 1208.

27 Ciriaco Miguel VIGIL, Asturias monumental, epigrafica y di plomatica, datos para la historia de la provincia. Oviedo 1887, 591-592, n° Ub 4.

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fin du IXe s. et disparaît au XIIe s. Les scribes des scriptoria les inscriront dans les volumes qu’ils copieront jusqu’au XIIIe et même encore au XVe s. Dans l’épigraphie les anathèmes figurent dans les inscriptions funéraires dès les IVe-Ve siècles et de là ils passeront dans des actes de donation, ou sur les objets précieux des trésors d’Église jusqu’au XIIIe s. A titre d’exemple on peut prendre une épitaphe de Mérida du VIIe s., où l’on trouve la formule : ... sit anathema, percussus lebra Gezie perfruatur et cum Juda traditor abeat portionem et a leminibus eclesie separetur 28. La lèpre de Giezi (IIe livre des Rois 5, 27) fait partie des menaces proférées contre quiconque ne respecte pas la loi de l’Eglise, et elle figure aussi dans une inscription asturienne de Val de Dios. Le sort de Judas le traître est la menace de beaucoup la plus courante. Diehl cite l’expression même de Mérida dans des inscriptions de Pola, de Ravenne, de Rome29, on la retrouve presque exactement au XIe s. à Santa Barbara alla Regola à Rome - abead partem cum Juda traditore, tout comme on peut la suivre dans les cartulaires aux Xe et XIe s.30 Quant à l’expression finale, déjà dans le canon 10 du concile de Tolède de 589, on la retrouvera à la fin du concile de Charroux de 989. Il est clair qu’il y a, ici, des formulaires dans lesquels chacun puise, que ce soit en Espagne, en Italie ou en France, qu’il soit notaire de chancellerie, scribe de scriptorium, graveur d’épitaphe ou orfèvre31. Là encore un travail d’ensemble ne serait pas sans intérêt.

Chartes ou inscriptions, la date doit généralement être donnée : en épigraphie c’est en particulier le cas pour les épitaphes, les fondations, les dédicaces d’églises, etc. Il ne saurait être question de traiter l’ensemble d’une documentation ici considérable, mais seulement de montrer, comme précédemment, les rapports étroits qu’ont toute une série d’inscriptions avec les actes de la pratique, et aussi d’attirer l’attention sur un point pour lequel l’épigraphie peut apporter une utile contribution. En France la chancellerie royale emploie les années de l’Incarnation dans les actes du roi Eudes à la fin du IXe s., puis à partir du dernier tiers du Xe siècle. Dans les inscriptions, les premiers emplois du style de l’Incarnation sont à Gorze (Moselle) en 964, à Étoile-sur-Rhône (Drôme) en 972, à Tannay (Ardennes) en 977, à Saint-Jean-Poutge (Gers) en 990. On voit que c’est dans tout le pays que se situe, à partir du dernier tiers du Xe s., les débuts de cette façon de dater qui ne va cesser dès lors de progresser. En Espagne la datation par l’ère d’Espagne est générale jusqu’au XIIe s. Vers 1124-1127 une première datation d’après l’année de l’Incarnation apparaît à la cathédrale de Pampelune en Navarre, et en Aragon quatre inscriptions de la cathédrale de Roda sont datées de la même façon en 1194 et 1197. En Allemagne les exemples fournis par Franz Xaver KRAUS à Saint-Géréon de Cologne en 754-755, à Saint- Albert de Mayence et à Heppenheim en 805 mériteraient une critique serrée, car tous les autres exemples sont du XIe s. L’emploi du style de l’Incarnation est plus précoce en Italie que partout ailleurs puisqu’on le trouve à Rimini en 818, à Pola en 857, à Milan en 882, à Parme en 895, à Brescia en 897, à Milan en 900, puis en 956, en 963, et à Rome à partir de 963 et de 977. L’emploi du calendrier romain, qui est exclusif en Espagne jusqu’au XIVe s. et général en France jusqu’au XIIIe s., est beaucoup plus tôt délaissé à Rome, où il se trouve jusqu’au milieu du XIIe, pour disparaître entre 1157 et 1221, et ne plus réapparaître au XIIIe siècle qu’à neuf reprises. En contrepartie la façon moderne de donner le jour du mois est bien plus fréquente à Rome - une cinquantaine d’exemples entre 984 et 1300, sous la forme habituelle : mensis ... dies … - que partout ailleurs, - pour la France un exemple des VIIe-VIIIe s., un en 987, un au XIe, quatre au XIIe s. Mais le jour est souvent donné aussi d’après une fête religieuse. On en relève quatre exemples en France au XIe siècle, les plus anciens à Dijon en 1007 et à Angoulême en 1028, et cette pratique reste rare au XIIe, pour devenir habituelle au XIIIe s. En Espagne la fête de saint Michel est citée en

28 Inscripciones cristianas de la Espana romana y visigoda, éd. José VIVES. Barcelone 1969, 23, n° 47.

29 Ernst DIEHL, Inscriptiones latinae christianae veteres 2, Berlin 1927, 291, n° 3846, 293, n° 3853 et 3855, sans compter de plus nombreux exemples avec le mot partem au lieu de portionem.

30 Par exemple dans la Coleccion diplomatica del monasterio de San Vicente de Oviedo, éd. Pedro Floriano LLORENTE. Oviedo 1968, n° 16, 20, 24, 27, 32 etc.

31 Les anathèmes ne sont pas exceptionnels sur les calices (calice dit de saint Rémi au trésor de la cathédrale de Reims, fin XIIe s.), reliquaires (reliquaire du crâne d’Étienne I, pape, à la cathédrale de Spire) ou autres objets précieux.

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1088 dans une dotation à San Miguel de Escalada, et les exemples suivants n’apparaissent qu’en 1175 et 1182 ; cet usage a peut-être été moins fréquent qu’en d’autres pays, et notamment on n’en relève pas d’exemple en Asturie jusqu’à la fin du XIIIe s. A Rome le premier exemple semble se trouver en 1110 à S. Matteo in Merulana, les autres emplois se situant dans le dernier quart du XIIe s. et surtout au XIIIe. Naturellement il faudrait, pour traiter cette question, une étude plus poussée, pour déterminer le parallélisme et les différences entre la pratique de l’épigraphie et la pratique de la chancellerie.

On pourrait poursuivre l’enquête avec les adjectifs et noms employés dans la titulature. On verrait celle-ci s’enrichir à partir du XIe s. pour devenir de plus en plus ample et fixe à compter du XIIIe s. Là aussi les exemples qui suivent ne constituent qu’une esquisse - ou une incitation à la recherche… - dressée à partir de la documentation française. Le mot dominus employé pour les souverains carolingiens au IXe s., est appliqué à un abbé en 1002, à un comte en 1028, puis à des ecclésiastiques à partir du début du XIIe et des laïcs à partir de 1155. Un premier miles est noté au XIe s., six inscriptions emploient le mot au XIIe et un grand nombre au XIIIe s. Le mot domicellus n’apparaît qu’au XIIIe s.

L’adjectif nobilis est rare avant le XIIe s. - exemples en 750, 850, au Xe s., deux ou trois fois au XIe s. -, illustris paraît en 983, inclitus au XIe s., eximius en 1180 - après un exemple au IXe s. pour le roi Louis -, dans chaque cas l’emploi ne devenant général qu’au XIIIe s.

L’adjectif venerabilis, cité à partir de 1002, est propre aux ecclésiastiques, avec une exception en 1252 pour la "vénérable dame fille de très puissant prince Simon de Montfort". Dans les inscriptions en langue vulgaire "messire" - pour un chevalier ou, rarement, pour un clerc -, "monseigneur", "madame" sont habituels au XIIIe s. Pour les XIVe-XVe siècles on se reportera à l’excellente étude d’Iro Kajanto sur les inscriptions romaines32. Certaines épitaphes du XVe s. ne sont plus qu’un état des origines et de la carrière du défunt ou de la défunte et ressortissent beaucoup plus au panégyrique qu’à la prière.

C’est encore de la diplomatique que se rapproche l’étude des formulaires courants employés par l’épigraphiste. Comme pour la diplomatique, il faut procéder par séries. Le recours au formulaire est naturellement l’usage pour un grand nombre d’épitaphes, notamment pour les textes simples que l’on trouve dans les lieux les plus modestes. Ce peut être simplement le modèle que l’on a sous les yeux, hic requiescit, hic jacet, obiit, ou autre expression qui a toujours eu cours. Il peut y avoir aussi tout un assemblage de formules propres à une époque, à une région. Soit une épitaphe de 1289 conservée au Musée de Narbonne : Anno Domini M° C° LXXXIX°, kalendas maii, obiit Ricsovendis, uxor Raimundi de Podaleriis de Narbona, cujus anima per misericordiam Dei vivat in Christo. O tu qui me aspicis, memento mei, quia quod sum eris quod es fui. Rogo te ut dicas pro anima mea Pater noster. Il est d’abord évident qu’elle suit, à peu près mot pour mot, le texte de l’épitaphe du marchand de Toulouse Isarn Serra, de 1260 : Anno Domini M° C° L° IX°[…] nonas marcii obiit Isarnus Serra mercator, cujus anima vivat in Christo amen. 0 tu qui me aspicis, memento mei. Quod sum eris quod es fui. Rogo te per Deum ut dicas pro anima mea Pater nostei33. La date, le verbe obiit, le nom du défunt ressortissent au schéma le plus courant. Les prières qui suivent correspondent à une addition d’expressions qui se retrouvent essentiellement dans le Sud-Ouest de la France. La formule la plus courante ensuite est inspirée de la liturgie des défunts, anima ejus requiescat in pace ou cujus anima requiescat in pace, qui a cours surtout au XIIIe siècle, avec quelques exemples au XIIe pour la première formule, et aux Xe-XIe s. pour la seconde34. Mais ici on a employé une prière ancienne, Vivas in Deo35, dont on a, sous la forme Vivit in Christo, quatre exemples des

32 I. KAJANTO, Classical and Christian Studies in the Latin Epitaphs of Medieval and Renaissance Rome. Helsinki 1980, en particulier 86 et sq.

33 Corpus des inscriptions de la France médiévale 7 : Ville de Toulouse, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J.

MICHAUD. Paris 1982, 125-126, n° 85.

34 Pour la France la formule avec ejus se trouve 4 fois au XIIe et 33 fois au XIIIe s., la formule avec cujus 1 fois au Xe, 1 fois au XIe, 1 fois au XIIe, et 55 fois au XIIIe s. ; cette dernière se présente à Mayence au début du XIe s.

(KRAUS, op. cit., II, 105, n° 236), mais semble n’avoir eu cours à Rome qu’au XIIIe s.

35 E. DIEHL, op.cit., 189-190, n° 3373-3375, donne une dizaine d’exemples pour Rome (dont un avec in Crheto) ; exemple à Trèves, KRAUS, op. cit., I, n° 209.

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Xe-XIe s. en Poitou, un exemple, Vivit cum Christo à Perpignan en 1245, un exemple, en 1252, dans le Gard, in te Christe vivat. L’apostrophe et la demande de prières qui suivent peuvent se décomposer en quatre parties, qui sont fréquentes en Languedoc : O tu qui me aspicis se présente ordinairement sous la forme : O homo ou homo, quid me aspicis, et la prière finale est plutôt exprimée : die Pater noster. Sous ces réserves les quatre parties se rencontrent dans une épitaphe de 1238 à l’église de Boussagues (La Tour-sur-Orb, Hérault) et dans une épitaphe de 1298 à Montesquieu (Pyrénées-Orientales) et trois autres de 1199, et du XIIIe s., ont trois des quatre expressions. La considération sur la mort, quod sum eris quod es fui se trouve essentiellement, sous cette forme, en Languedoc et en Roussillon, à partir de 1184. Le memento mei est sans doute inspiré de la demande du bon larron sur la croix (Luc XXIII, 42), et la dernière prière se trouve, presque sous la même forme en Roussillon, en 1269, roguo, die Pater noster pro anima mea, et en 1289, die Pater noster pro anima mea, amen. Sans être trouvée exclusivement dans le Sud- Ouest, la demande d’un "Notre Père" est quand même majoritairement située dans les inscriptions de cette région. On ferait des observations analogues avec les inscriptions en langue vulgaire. Ainsi le "Priez pour s’ame" n’est employé qu’à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, et ne se trouve qu’au nord et à l’est de Paris.

De même "Dieu lui fasse merci" se rencontre en Normandie, Ile-de-France, Champagne et confins bourguignons, "Dieu ait merci de son âme" à l’ouest de Paris.

La connaissance des formules n’est pas seulement propre à aider à dater, à localiser, à restituer. Elle apporte aussi sa contribution à l’histoire des mentalités, de la spiritualité. Le grand historien que fut Henri-Irénée MARROU soulignait, il y a vingt-cinq ans, l’importance de la "diplomatique" pour l’étude des inscriptions chrétiennes : "les chartes ne sont pas les seuls documents à obéir à des lois précises, à être rédigées selon des schémas-types : nos inscriptions aussi répondent à un formulaire souvent très précis, qui varie bien entendu selon les temps et les lieux. L’ignorer, vouloir interpréter un texte isolément, sans le replacer dans la série à laquelle il appartient, expose à bien des méprises … On peut se demander s’il ne serait pas souhaitable de disposer d’un répertoire fournissant ... l’ensemble des diverses formules utilisées pour chaque type d’inscription dans les diverses régions de l’orbis christianus antiquus, et cela aux diverses époques"36. Un tel répertoire est en cours d’établissement pour les inscriptions de la France du VIIIe au XIIIe s. On pourrait réfléchir aux moyens de l’élargir aux dimensions de la chrétienté, ne serait-ce que progressivement, en utilisant les possibilités de collaboration à distance qu’offre aujourd’hui l’informatique.

Ces gens de la pratique, ces familiers des formulaires ne sont pas forcément sans culture.

Nous savons que l’auteur de la Bible exécutée pour l’abbaye Saint-Bénigne de Dijon à l’initiative de l’abbé Guillaume à la fin du Xe s., Audebaud, figure dans une cinquantaine de chartes de Cluny et qu’il a rédigé à partir de 976-977 une série de chartes37. Nous pouvons aussi suivre la représentation en pierre au tympan du mur méridional de l’église de Mervilliers (Eure-et-Loire), d’une donation à l’église du lieu. L’auteur, un petit moine avec son pupitre, est représenté en bas et à droite du tympan. D’une écriture maladroite et dont la place a été mal mesurée, il identifie le donateur, avec des abréviations, habituelles dans les chartes, et qui n’ont pas jusqu’ici été transcrites exactement :

Renbauldus miles michi con tulit ejus[q}ue heres Gazas presentes ut haberet sine carentes

"Le chevalier Renbaud, avec son héritier, m’a apporté les présents trésors, afin qu’il ait les trésors qui ne manquent pas".

Il a donc réussi à présenter la donation en deux hexamètres léonins, le second riche, manifestement inspiré par le facite vobis ... thesaurum non deficientem in caelis rapporté par Luc (12, 33). Il a ensuite identifié l’écuyer du chevalier, Herbertus et utilisé la partie de l’arc du tympan pour renvoyer, probablement, à l’héritier co-donateur, Guilermus similiter

36 H. I. MARROU, Problèmes méthodologiques de l’épigraphie chrétienne, in : Atti del VI Congresso internazionale di archeologia cristiana. Ravenna 23-30 settembre 1962. Cité du Vatican 1965, 352-354.

37 Bernard de VREGILLE, Le copiste Audebaud de Cluny et la Bible de l’abbé Guillaume de Dijon, in : L’homme devant Dieu. Mélanges offerts au Père Henri de Lubac 2. Paris 1964, 7-15.

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cuncessit38. La maladresse de la sculpture, de l’écriture, du texte métrique ne va donc pas ici sans une recherche personnelle. En ce sens le scribe auteur de la représentation figurée de la donation faite à Mervilliers peut être considéré comme un bon exemple des auteurs des inscriptions les plus courantes.

Dans ce même domaine, mais dans une catégorie particulière, on peut ici mentionner les artistes qui travaillent en atelier pour des productions bien précises, qui ne sont généralement pas des œuvres individuelles, notamment cloches, moules à hosties, émaux.

L’usage des formules et de formulaires est ici très évident, avec parfois un conservatisme qui conduit à une représentation mal comprise des formules39.

BIBLE ET LITURGIE DANS LES INSCRIPTIONS II

Tous les épigraphistes savent combien les auteurs d’inscriptions sont nourris de la Bible. On peut même penser qu’une connaissance approfondie de la version latine du texte sacré permettrait de repérer encore davantage d’emprunts au niveau des idées ou du vocabulaire.

Ce goût de la Bible ressort déjà des comparaisons que l’on fait avec les personnages de l’Ancien ou du Nouveau Testament dans les louanges des défunts. A l’abbaye limousine de Grandmont on renvoie en 1137 "à l’exemple de David", à Cîteaux en 1178 la comparaison est faite avec Salomon, au Musée des Augustins de Toulouse en 1130, avec Job, à la chapelle du Calvaire de Bourcq (Ardennes) en 1130 avec Judas Maccabée. Les comparaisons peuvent être multiples :

Fortis in imperio, David ut tempore prisco Clarus ut ipse sophus Salomon et pacis amicus

Obtat Ezechiae majori praeditus hic spe

porte l’épitaphe d’Otton le Grand40, Louis VII est dit à la fois David et Salomon41, tandis que l’abbé Gui de Chamouzey, à la fin du XIIe s., est comparé à Noé, Job et Daniel : Hic Noe, Job, Daniel triplici virtute refulsit42. L’abbé d’Anchin, Gozvinus, au XIIe s., est dit dans son épitaphe avoir les qualités de Joseph, Phinées, Jonathan et David43.

Pour faire vers 1130 l’éloge d’un abbé de Saint-Amand-de-Coly, Guillaume, qui sut heureusement allier vie contemplative et vie active, l’auteur de son épitaphe évoque les images de Rachel et Lia et de Marthe et Marie, reprenant pour les premières l’interprétation de Grégoire le Grand44. Marthe et Marie sont aussi citées dans l’épitaphe d’Alvisus, évêque d’Arras, en 114745, et dans une inscription de Saint-Médard de Soissons en 1254. La palme revient cependant à l’épitaphe de Frédéric II, duc d’Austrie et de Styrie, mort en 1246, où le défunt est comparé par le moine cistercien Conrad à Paris, Hector, Achille, Alexandre, Samson, Mardochée, Judith, Maccabée46, à l’épitaphe de dame Guiburge à Saint-Yved de Braine (Aisne) qui renvoie à six figures féminines bibliques :

38 SAINSOT, Le tympan du portail de Mervilliers, in : Congrès archéologique, 1900, Chartres. Paris 1901, 96-119 ; Anne PRACHE, Ile-de-France romane. La Pierre-qui-Vire 1983, 474-476.

39 Pour l’épigraphie campanaire voir un exemple avec R. FAVREAU, Mentem sanctam spontan eam, honorem Deo et patriae liberationem. Épigraphie et mentalités, in : Clio et son regard. Mélanges d’histoire, d’histoire de l’art et d’archéologie offerts à Jacques Stiennon. Liège 1982, 235-244.

40 Epitaphium Ottonis magni imperatoris, in : M.G.H., Scriptores 4, éd. G. H. PERTZ, Hanovre 1841, 636.

41 P.L. 185, col. 1252.

42 Gisant de l’abbé (mort entre 1182 et 1187) au Musée d’Épinal. Kurt BAUCH, Das mittelalterliche Grabbild.

Figürliche Grabmäler des 11. bis 15. Jahrhunderts in Europa. Berlin et New York 1976, 37, fig. 40, et 313.

43 Historia monasterii Aquicinctini, in : M.G.H., Scriptores 14, éd. G. WAITZ. Hanovre 1883, 590.

44 Corpus des inscriptions de la France médiévale 5 : Dordogne, Gironde, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD. Poitiers 1979, 67-68.

45 Historia monasterii Aquicinctini, in : M.G.H., Scriptores 14, éd. G. WAITZ. Hanovre 1883, 588 (4 vers sur 6 sont consacrés à cette comparaison).

46 M.G.H., Scriptores 11, éd. G. H. PERTZ. Hanovre 1856, 51.

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Rachel, Susanna, Rebecca, Tabita, Ruth, Anna Sex fuit atque una Guiburgis quam tegit urna

Rachel ore, fide Susanna, Rebecca pudore Corde Tabita, pio Ruth sensu, moribus Anna47,

à l’épitaphe du moine Gobert à Villiers en Brabant en 1263, qui compare le défunt successivement à Judas Maccabée, à Zachée, à Dorcas dite aussi Tabitha, à Marthe et à Marie, à Tobie, et le dit en outre "vrai lsraélite"48, par référence au texte de Jean 1, 47 : Vere Israelita in quo dolus non est. Cette dernière citation est presque exactement dans l’épitaphe d’un prieur de Grandmont en 1188, et c’est évidemment au même texte que renvoient l’épitaphe de l’abbé de Saint-Bertin, Roderic, en 1043 - Israelita verus et absque dolo-, une épitaphe du XIe s. au Musée de Narbonne - bonus Israelita -, une épitaphe du XIe-XIIe s. à Limoges - Verus fuit Israelita -, l’épitaphe de Pierre l’Ermite mort en 111549, deux épitaphes de l’abbé du Bec-Hellouin Boso en 1136 - noster pius Israelita, vir Israhelita -, une épitaphe de 1232 à San Vicente d’Oviedeo - vere fuit Israelita50.

La Bible peut être citée textuellement et dans une liaison évidente avec l’iconographie, par exemple le Venite benedicti Patris mei (Matthieu 25, 34) du tympan de Conques, ou le Qui manducat carnem meam et bibit sanguinem meum in me manet (et) ego in eo dicit Dominus (Jean 6, 57) du calice, d’environ 1250, conservé aux Cloisters à New York51. Le texte peut d’ailleurs servir seulement à l’identification du personnage, comme c’est le cas pour les évangélistes lorsque sont cités les premiers mots de leurs récits. Il arrive souvent que l’Ancien Testament soit cité à partir des références qu’en donnent les auteurs du Nouveau Testament, comme dans le Sicut fuit Jonas in ventre (ceti) de la nef de Saint-Savin, cité d’après Matthieu (12, 40), qui renvoie à Jonas (1, 39), ou qu’une citation de l’Ancien Testament ne puisse être comprise qu’en fonction de l’utilisation qui en est faite dans le Nouveau Testament : le Qui edebat panes meos magnificavit super me supplantationem de Sant’ Angelo in Formis (Psaume 41, 10) n’a de sens que par rapport à l’application qui en est faite à la trahison de Judas dans l’évangile de Jean (13, 18) où Jésus déclare qu’il faut que l’Écriture s’accomplisse, quasi manducat mecum panem, levabit contra me calcaneum suum52.

On voit ici combien la connaissance profonde des textes qu’avaient les auteurs médiévaux d’inscriptions pouvait les conduire à des rapprochements, à des citations approximatives, à des allusions qui facilement nous échappent. Lorsque les troupeaux de Jacob au cloître d’Aoste sont accompagnés de turma camelorum, grex pecorum, on doit comprendre que l’auteur a pensé à la Genèse (33, 7) où Jacob divise ses compagnons et ses troupeaux, greges quoque et oves et boves et camelos, in duas turmas53, et lorsque l’épitaphe d’Evrard de Fouilloy († 1222) à la cathédrale d’Amiens le dit redolens nardus, il faut penser qu’est évoqué le Cantique des cantiques (1, 11) : nardus mea dedit odorem suum, avec aussi l’intérêt du mot nardus pour une rime avec Ewardus54. Cette même connaissance intime du texte sacré explique que la citation puisse être abrégée, le lecteur averti pouvant aisément compléter de lui-même. Au tympan d’Armentia en Navarre il suffit de sicut avis pour évoquer le texte d’Isaïe (53, 7) "comme un agneau traîné à l’abattoir comme une brebis devant ceux qui la tondent, elle est muette", et donc de renvoyer au Christ de la Passion, victime muette devant Pilate (Matthieu 27, 12). A la voûte de la croisée du transept de la cathédrale

47 Dom MARTENE et dom DURAND, Second voyage littéraire de deux Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Paris 1724, 38.

48 Historia monasterii Villariensis in Brabantia ordinis cisterciensis libris tribus distincta, éd. MARTENE et DURAND, Thesaurus novus anecdotorum 1. Paris 1717, col. 1332-1333.

49 EGIDIUS AUREAVALLENSIS, Gesta episcoporum Leodiensium, éd. I. HELLER, M.G.H., Scriptores 25, Hanovre 1880, 93.

50 Chronicon Sancti Bertini de Jean d’Yp res, éd. MARTENE et DURAND, Thesaurus novus anecdotorum 1. Paris 1717, col. 575 ; VIGIL, Asturias monumental, 116, n° B 14. Autres références au fichier général du Corpus des

inscriptions de la France médiévale.

51 Die Zeit der Staufer. Geschichte. Kunst. Kultur 1. Stuttgart 1977, 472, ill. 412-413 (Württembergisches Landesmuseum. Katalog der Ausstellung Stuttgart 1977).

52 Anita MOPPERT-SCHMIDT, Die Fresken von S. Angelo in Formis. Zürich 1967, 23.

53 René JULLIAN, L’éveil de la sculpture italienne. La sculpture romane dans l’Italie du Nord. Paris 1945, 159-160.

54 K. BAUCH, Das mittelalterliche Grabbild 77, fig. 110, et 321.

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de Brunswick huit prophètes sont représentés avec des textes de leurs prophéties : dans cinq de ces textes figure le mot Jerusalem, mais si l’on complète la citation de Daniel (9, 16) Avertatur furor on retrouve le mot de Jerusalem (avertatur furor tuus a civitate tua Jerusalem), et Joël (3, 17) dit : Et alieni non transibunt per eam amplius, le eam étant expliqué par le verset précédent, et erit Jerusalem san cta55. On pourrait multiplier aisément les exemples montrant combien grande était la familiarité avec l’Écriture.

Un dernier cas de figure se présente, les références à des versions autres que la Vulgate, par exemple à Conques le fameux verset d’Isaïe (11, 1) et egredietur virga de radice Jesse traduit par exiet virga, selon la citation qu’en font Lactance, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Jérôme, ou le Gloria in altissimis Deo de Luc devenu Gloria in excelsis Deo56. Dans le grand nombre des cas il s’agira ici en fait de textes passés dans la liturgie avant que la Vulgate ne se soit généralement imposée.

La liturgie ne peut guère être séparée de la Bible dans l’étude des sources auxquelles puise l’épigraphiste. D’abord parce que la Bible est souvent citée à travers la liturgie, et parce que les textes liturgiques s’inspirent souvent de la Bible. Ensuite parce que la culture chrétienne du temps, en particulier pour les clercs, comprend de façon indissociable la connaissance de l’Écriture et la pratique de l’office divin.

Le texte de l’inscription peut avoir été tiré de la Bible comme de la liturgie. Dans l’épitaphe de Couffy, au XIIIe s., en Limousin, le O vos omnes qui transitis per viam attendite et considerate, peut avoir été cherché dans les lamentations de Jérémie (1, 12) ou dans l’office du Vendredi Saint (bréviaire, 3e nocturne, 9e leçon)57. A Saint-Martin de Fenollar la venue des Mages est accompagnée d’un et venimus cum muneribus adorare Dominum, qui s’inspire de Matthieu (2, 2 et 11), mais est évidemment retenu dans l’office de l’Epiphanie (verset d’alleluia et antienne de communion)58. Sur un ivoire du début du XIIe s., représentant un arbre de Jessé, avec la prophétie d’Isaïe, Egredietur virga de radice (11, 1) et la réponse de Marie à Gabriel, ecce ancilla (Luc. 1, 38), on a aussi le deuxième vers de l’hymne de Fulbert de Chartres pour l’Épiphanie, Virga Dei genitrix virgo est flos filius ejus59. L’inscription qui court à la base du cul-de-four de la mosaïque absidale de Sainte-Marie-Majeure à Rome correspond au deuxième verset de l’antienne, et aux verset et répons des premières vêpres de l’office de l’Assomption, au bréviaire romain : Maria Virgo assumpta est ad ethereum thalamum in quo rex regum stellato sedet solio, et Exaltata est sancta Dei genitrix super choros angelorum ad caelestia regna60. Sur la volute de la crosse du XIIIe s. conservée au couvent des religieuses bénédic- tines de Salzbourg, est inscrit le début de l’hymne attribuée à Adhémar, évêque du Puy à la fin du XIe s., Salve regina, mater misericordiae, hymne qui faisait partie de l’office des vêpres de la Trinité à l’Avent61. La première de ces deux dernières inscriptions n’est pas sans réminiscences bibliques - par exemple le rex regum (Apoc. 19, 16) qui figure dans de nombreuses autres inscriptions des XIe-XIIIe s. -, la seconde ne ressort que de la liturgie.

Le culte du Saint Sacrement qui se développe à partir du XIIIe siècle a aussi son illustration en épigraphie. Deux calices de Pologne, tous deux datés d’environ 1500, portent une citation du psaume 95 : Calicem salutaris accipiam et nomen Domini invocabo62. Naturellement l’emprunt a pu être fait directement à la Bible, l’auteur retenant alors le verset 13, qui s’applique admirable- ment à un calice, mais on peut aussi penser que le texte a été retenu parce qu’il figure aux vêpres du Jeudi Saint, ce qui ajoute à l’interêt de son choix. Toujours en Pologne, un calice de 1400- 1425 à Notre-Dame de Cracovie porte Ave verum Corpus Christi, natum ex Marie Virgine vere, et

55 Textes dans O. Demus, La peinture murale romane, Paris 1970, pl. 220. La citation du dernier prophète Jérémie (23, 6) ne mentionne pas Jérusalem mais Juda.

56 On délaissera alors les concordances bibliques classiques pour utiliser Pierre SABATIER, Bibliorum sacrorum latinae versiones antiquae seu Vetus Italica. Reims 1743, 3 vol.

57 Corpus des inscriptions de la France médiévale 4 : Limousin, éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD. Poitiers 1978, 42-43.

58 IBID., 11: Pyrénées-Orientales, éd. R.FAVREAU, J.FAVREAU, B. MORA. Paris 1986, 93.

59 Die Zeit der Staufer ..., 1, 490, ill. 435.

60 Guglielmo MATTHIAE, Mosaici medioevali delle chiese di Roma 1: Rome 1967, 355-366; 2 : pl. 293-297.

61 Ch. ROHAULT DE FLEURY, La messe. Études archéologiques sur ses monuments 8. Paris 1889, 106.

62 A l’église Saints-Pierre-et-Paul de Lidzbark Warminski (sans les deux derniers mots), et à l’église Notre-Dame de Cracovie. Ces deux textes m’ont été adressés par Mme Kinga Szckekowska-Naliwajek, de Varsovie, que j’ai plaisir à remercier ici.

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un calice de 1425-1450 à la cathédrale de Breslau Ave verum corpus natum63, ce qui est une citation de l’hymne récitée lors des saluts au Saint Sacrement :

Ave verum corpus natum De Maria Virgine, Vere passum, immolatum.

On voit qu’on a ici, dans le premier des cas, modifié très légèrement le texte, et interrompu la citation, sans tenir compte du sens. On peut faire la même observation pour le texte inscrit sur un calice du trésor de la cathédrale d’Hildesheim :

Rex sedet in cena, turba cinctus duodena Se tenet in manibus se cibat ipse cibus64

qui est sans doute inspiré de l’hymne Pange lingua due à Thomas d’Aquin : Cibum turbae duodenae se dat suis manibus (troisième strophe)65, ou pour l’inscription d’un tabernacle de marbre du XVe s. à S. Maria in Trivio à Rome, Tantum cuncti sacramentum veneremur cernui, qui correspond à la cinquième strophe du Pange lingua, le mot cuncti remplaçant le mot ergo.

Ces textes très connus ont finalement dus être souvent cités de mémoire, avec l’approximation que cela peut comporter.

Parmi les offices particuliers, celui de la dédicace d’une église a prêté à de nombreux emprunts épigraphiques. On trouve Domus mea domus orationis à Montreuil-la-Combe au Xe s., Oloron-Sainte-Marie au XIIe, et sous une forme réduite (Haec domus est orationis) à Avolsheim au XIe s., antienne figurant déjà dans les œuvres de Grégoire le Grand. Haec est domus Domini et porta coeli est inscrit à Béguey et à Saint-Pierre-de-l’Ile au XIe s., Haec est domus Domini firmiter edificata, à Civaux et le répons correspondant, Bene fundata est supra firmam petram à Neuville-lès-Decize66, Vere non est hic aliud nisi domus Dei et porta coeli, à Saint- Pierre de Genens, Pax eterna ab eterno Patre sit huic domui à l’abbaye-aux-Dames de Saintes, pax huic domui, à Nant, Neuville-lès-Decize, Vaison-la-Romaine67. Le domum istam tu protege, Domine, et angeli tui custodiant muros ejus et omnes abitantes in ea alleluia, qui se trouve au linteau de l’église Saint-Pierre du Dorat et au linteau du Carmel de la même ville, inscription du XIIe ou de la fin du XIe s., a son répondant au Musée de Limoges, pour la même date, avec le mot aedem remplaçant domum, et est presque exactement reproduit à Corvey, où l’on a civitatem istam tu circumda, Domine, et angeli tui custodiant muros ejus. Là aussi il s’agit d’un texte issu de l’office de la dédicace d’une église, dont on a deux témoins dans les antiphonaires manuscrits des XIe-XIIe s.68 Les offices de l’invention et de l’exaltation de la Sainte Croix ont été aussi utilisés dans les nombreuses représentations de la Croix. On trouve à Santa Maria di Castello à Corneto Tarquinia au XIe s., à Conques au XIIe, à Eyne près d’Audenarde au XIVe, Hoc signum crucis erit in celo cum Dominus ad judicandum venerit, qui figure aux vêpres des deux offices69. Aux mêmes vêpres des deux offices appartient le verset Ecce crucem Domini, fugite partes adverse. Vicit leo de tribu Juda, radix David. Le texte est inscrit sur une croix pectorale du trésor d’Aix-la-Chapelle70, une croix en argent doré de

63 Je dois ces deux textes à la même aimable communication qu’à la note précédente. Notice sur le calice de Cracovie in : Johann Michael FRITZ, Goldschmiedekunst der Gotik in Mitteleuropa. Munich 1982, 262, n° 533. On trouverait d’autres exemples de ce type dans Victor H. Elbern, Der eucharistische Kelch im Frühen Mittelalter. Zeitschrift des deutschen Vereins für Kunstwissenschaft 17 (1963) 1- 76 et 117-188.

64 Ch. ROHAULT DE FLEURY, La messe 4. Paris s. d., 117.

65 Mariono ARMELLINI, Le chiese di Roma del secolo IV al XIX. Rome 1891, 286.

66 On trouve encore à la fin du XVIe s. le Benefundata est, etc. à Malogoszcz en Pologne (Corpus inscriptionum Poloniae I/2, éd. Barbara Trelinska, sous la direction de Joseph Szymanski, Kielce 1978, 106- 107, n° 106).

67 Jean MICHAUD, Les inscriptions de consécration d’autels et de dédicace d’églises en France du VIIIe au XIIIe siècle.

Épigraphie et liturgie (Poitiers, thèse de doctorat de 3e cycle, dactyl., 1978) 89-90.

68 Corpus antiphonalium officii. III. Invitatoria et Anti phonae, éd. René-Jean HESBERT. Rome 1968, 173.

69 Corpus des inscriptions de la France médiévale 9 : Aveyron , Lot, Tarn, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD. Paris 1984, 24.

70 F.X. KRAUS, Die christlichen Inschriften der Rheinlande 2, 224, n° 482.

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Castelnau-de-Montmirail (Tarn)71, après 1300, un triptyque en or, décoré d’émaux cloisonnés, de la Pierpont Morgan Library (New York), œuvre mosane du milieu du XIIe s.72 La première partie figure sur un pied de croix du Kunstgewerbemuseum de Berlin, du 2e quart du XIIe s.73, et, avec une formulation un peu différente, ecce crucem Domini, fugiat pars hostis iniqui, sur une croix impériale du début du XIe s. au Kunsthistorisches Museum de Vienne74. La seconde partie du texte est tirée de l’Apocalypse (5, 5), et elle fait passer le sens, par le symbolisme du lion, de la Passion à la Résurrection.

Comme il est naturel, les épitaphes renvoient souvent à la liturgie des défunts. A Saint- Étienne de Périgueux, l’épitaphe de l’évêque Jean d’Asside, mort en 1169, se termine par une apostrophe au lecteur : "dis au nom du défunt Absolve Domine, vel Deus cui proprium sive saltem Fidelium", soit les incipit de deux des prières de la messe de sépulture et d’une prière de la commémoraison de tous les fidèles défunts75. Au prieuré d’Ardorel, à Lempaut (Tarn) après l’épitaphe proprement dite de Cécile, vicomtesse de Béziers, du XIIe s., a été reproduite intégralement la collecte récitée pour la messe quotidienne d’une défunte, avec la formule liturgique Requiescat in pace, amen, qui représente l’antienne et le répons récités après l’aspersion du corps à l’office de sépulture76. La référence à une prière liturgique peut être moins littérale, comme dans une inscription de 1068 au cloître de Saint- Laurent-hors-les-Murs à Rome où l’épitaphe demande à Dieu, qui a libéré Daniel de la morsure des bêtes sauvages et les jeunes Hébreux de la fournaise, d’arracher le prêtre Acton des portes de l’enfer et de lui accorder, par sa miséricorde la lumière éternelle. Il y a là, à la fois, un renvoi à la très ancienne prière pour les défunts qu’est l’Ordo commendationis animae77 pour les allusions à Daniel et aux jeunes Hébreux, ainsi qu’à l’absoute pour les portes de l’enfer, la miséricorde divine, la lumière. Les références aux différentes prières peuvent se faire par les incipit, comme encore au cloître de la cathédrale d’Oviedo en 1129, Die de profundis pro me, simul et miserere78, ou par simple emprunt d’expressions, par exemple per misericordiam Dei, qui se trouve dans Romains (12, 1), est reprise dans l’office de l’inhumation, et dont on a plusieurs dizaines d’exemples dans les épitaphes du XIIIe siècle, ou le hoc saeculo migravit, postcommunion de la messe de funérailles, qui se trouve à San Pedro de Teverga en 1076, et sous la forme ab hoc seculo ...

à Himmerode en 1204, à Silos en 1280, à San Miguel de Escalada en 1287, etc.79 Les inscriptions rappelant fondations de messes et services anniversaires à la fin du XVe s., reproduisent généralement des clauses testamentaires et font le plus large appel à la liturgie. Tel ce prêtre, Guillaume Laidet, chapelain chorial de la collégiale Saint-Hilaire- le-Grand de Poitiers, qui, en 1450, fonde une messe des morts chaque lundi, avec le répons Ne recorderis et les collectes Inclina, Deus veniae largitor et Fidelium ; après sa mort le chapelain qui célébrera cette messe devra aller sur la sépulture du défunt, l’asperger d’eau bénite et dire le répons Ne recorderis ou un autre de l’office des morts, avec les collectes Deus veniae largitor et Fidelium ; en outre sont énumérées d’autres prescriptions pour la

71 A. FROLOW, La relique de la Vraie Croix. Recherches sur le développement d’un culte. Paris 1961, 49, n° 692 (Archives de l’Orient chrétien 7).

72 IBID., 335-336, n° 347.

73 Peter SPRINGER, Kreuzfüβe. Ikonographie und Typologie eines hochmittelalterlichen Geriites. Bronzegeräte des Mittelalters 3. Berlin 1981, 124-127, n° 20. Le mot inimici remplace adversae.

74 Kunsthistorisches Museum, Vienne. Catalogue du trésor sacré et profane de Vienne par Hermann FILLITZ. Vienne 1956, 36, n° 156.

75 Corpus des inscriptions de la France médiévale 5, éd. R. FAVREAU, B. LEPLANT, J. MICHAUD. Poitiers 1979, 31-34.

76 Corpus des inscriptions de la France médiévale 9, éd. R. FAVREAU, J. MICHAUD, B. MORA. Paris 1984, 135-136.

77 Cette prière se trouve dans un manuscrit du VIIIe s. On y a notamment : Libera, Domine, animam ejus, sicut liberasti Danielem de lacu leonum. Libera, Domine, animam ejus, sicut liberasti tres pueras ... (H. LECLERCQ, Défunts in : Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie 14-1. Paris 1920, col. 435-436).

78 VIGIL, Asturias monumental 38, n° A 78. Le psaume 130 (129), 1, se dit aux vêpres des défunts. Un grand nombre d’épitaphes renvoient à la demande de miséricorde, qui est elle-même très fréquente dans les psaumes et dans les évangiles synoptiques.

79 VIGIL, Asturias monumental 560, n° Pb 5; F. X. KRAUS, Die christlichen Inschriften 2, 205, n° 434 ; Dom Marius FEROTIN, Histoire de l’abbaye de Silos, Paris 1897, 303 ; Vicente Garica LOBO, Las inscripciones de San Miguel de Escalada. Estudio critico. Barcelone 1982, 83, n° 28. La formule migravit a seculo se trouve en Poitou dès le IXe et le Xe s.

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veille, le jour et le lendemain de la Saint Pierre d’août, en l’église Saint-Pierre-l’Houstault dont Laidet était curé80. A Saint-Ursin de Bourges était scellée au mur, en 1486, la prière qui devait être dite chaque semaine pour le chanoine Marchant : l’épitaphe comporte trois versets ou partie de verset récités au moment de l’absoute et le début d’une oraison pour les défunts81. Mais pour les XIVe-XVe s. les inscriptions de ce type liées à la liturgie des défunts et aux services pour les âmes des défunts ne se comptent plus.

Aux inscriptions liées à la liturgie des funérailles peut être joint le groupe très important d’épitaphes construites comme un obituaire, jour de la mort, mot obiit, nom et parfois fonction du défunt. On évoquera à titre d’exemple vingt-sept des vingt-huit inscriptions conservées à l’extérieur du chevet de la priorale de Marcillac-Lanville (Charente)82, trente-sept épitaphes de San Juan de la Peña, de 1085 et de 1202-1405, 187 épitaphes du cloître de la cathédrale de Roda comprises entre 1194 et 141383.

On pourrait encore, naturellement, recueillir les nombreux emprunts épigraphiques à la messe, évidents pour le Gloria, le Credo, le Sanctus, l’Agnus Dei, mais tout aussi probables pour de simples expressions, tirées en particulier de la partie centrale de la célébration qu’est le canon, nombreux de donis Dei, inspirés sans doute du De tuis donis, reddere vota Deo, déjà dans une inscription damasienne - qui l’a peut-être empruntée à Ovide84 - à rapprocher du reddunt vota sua aeterno Deo, ou encore les demandes de prières des artistes ou donateurs, tel le Memento, Domine, famuli tui Mussetu ae de Jordane à la porte de bronze de la cathédrale de Ravello, qui fait immédiatement penser à la lecture des diptyques, Memento etiam, Domine, famulorum famularumque, tuarum, ou l’hostia pura que l’on trouvait sur un reliquaire du IXe s.

à la cathédrale de Metz.

La recherche des emprunts épigraphiques à la liturgie s’est beaucoup simplifiée avec la publication du Corpus antiphonalium officii85. Le relevé, en ordre alphabétique, des incipit des invitatoires et des antiennes (vol. 3), et des répons, versets, hymnes (vol. 4), recueillis dans les plus anciens manuscrits du cursus romanus ou du cursus monasticus permet d’identifier un grand nombre de ces emprunts, car ceux-ci semblent bien avoir été choisis de façon très privilégiée dans les parties chantées de l’office. Une inscription de la cathédrale de Lincoln indiquait même de façon expresse l’endroit où se plaçaient les chantres : Canite hic86. Lorsqu’on examine les livres liturgiques on constate que les débuts de ces parties chantées sont souvent en plus gros caractères et en rouge. Peut-être certaines coupures très curieuses du texte liturgique dans les inscriptions ne sont-elles pas seulement justifiées par une question de place, mais pourraient l’être par une imitation du livre liturgique et de sa présentation matérielle ?

Ce n’est pas un hasard si les manuscrits liturgiques sont la catégorie la mieux représentée dans les fonds médiévaux de nos bibliothèques. La masse à prendre en considération rend difficile un travail de recherche qui viserait à faire un relevé de tous les textes ou expressions liturgiques qui figurent dans les inscriptions médiévales. Il est, en tout cas, important de faire des recherches de ce type soit pour des corpus déterminés sur un plan géographique ou/ et chronologique, soit à propos de telle ou telle fête, car il faudra un jour disposer d’instruments de travail plus développés - particuliers ou généraux - pour

80 A. DE LONGUEMAR, Épigraphie du Haut-Poitou (Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, le sér., 28, année 1863) Poitiers 1864, 243-244.

81 Jean BEREUX, Observations sur une inscription de l’église Saint-Ursin de Bourges. Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre 40 (1921) 296-305 : A porta inferi - Domine exaudi - Dominus vobiscum - Oremus. Absolve, quaesumus, Domine, animam. famuli sacerdotis ab omni vinculo.

82 Corpus des inscriptions de la France médiévale 3, éd. R. FAVREAU et J. MICHAUD. Poitiers 1977, 48-54.

83 A. DURAN GUDIOL, Las inscripciones medievales de la provincia de Huesca, 42 et sq.

84 Reddita vota chez Ovide, Tristia, 3, 12, 46, reddere vota chez Paulin de Nole, reddere vota Deo chez Fortunat : Venanti Honori Clementiani Fortunati presbyteri italici opera poetica, éd. Fr. LEO. Berlin 1881, 55 (M. G. H., Auct.

Antiq. 4-1). On retrouve le reddere vota Deo dans une inscription de la crypte de S. Calimero à Milan en 783, à l’oratoire Saint-Zénon de Sainte-Praxède à Rome du IXe s.

85 Par René-Jean HESBERT et René PREVOST, Rome 1963-1979, 6 vol. (Rerum ecclesiasticarum documenta cura Ponti.ficii Athenaei Sancti Anselmi de Urbe edita. Series Major. Fontes 7-12).

86 Lateinische Schri.ftquellen zur Kunst in England, Wales und Schottland vom Jahre 901 bis zum Jahre 1307, éd. Otto LEHMANN-BROCKHAUS. 2 : Munich 1956, 42, n° 2425.

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