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OBSERVATIONS SUR LA DISTINCTION ENTRE LES RESPONSABILITÉS CONTRACTUELLE ET DÉLICTUELLE DANS L AVANT-PROJET DE RÉFORME DU DROIT DES OBLIGATIONS

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SUR LA DISTINCTION ENTRE LES RESPONSABILITE´S CONTRACTUELLE ET DE´LICTUELLE

DANS L’AVANT-PROJET DE RE´FORME DU DROIT

DES OBLIGATIONS

Je´roˆme HUET(Professeur a` l’Universite´ Panthe´on-Assas, Paris II, Directeur du Centre d’e´tudes juridiques et e´conomiques du multime´dia[CEJEM])

1. Aucune allusion n’e´tait faite dans le Code civil de 1804 a` la distinction entre la responsabilite´ contractuelle et la responsabilite´ de´lictuelle, ou extracontrac- tuelle1. On la voit pareillement ignore´e dans un des projets de Principes europe´ens du droit de la responsabilite´ civile e´labore´ des dernie`res anne´es2.

La question n’est pourtant pas ne´gligeable, car, si la mauvaise exe´cution d’un contrat par une partie laisse l’autre partie insatisfaite ou lui cause un dommage, il n’est pas surprenant que le contrat influe sur les modalite´s d’indemnisation, ce qui justifie des diffe´rences avec les re`gles ge´ne´rales de re´paration des dommages, et donc avec la responsabilite´ de´lictuelle. Et s’il y a des diffe´rences, il s’impose de le mentionner et de pre´ciser comment les deux re´gimes d’indemnisation s’articu- lent et se re´partissent.

Ce n’est pas chose facile d’ailleurs. Les discussions doctrinales auxquelles cette distinction a donne´ lieu, qui se sont ravive´es re´cemment3, et les nombreuses de´cisions de jurisprudence rendues a` ce propos en te´moignent. La matie`re est une des plus controverse´es qui soient.

Elle est d’ailleurs d’une rare complexite´. Il faut dire qu’on y rencontre les situations les plus varie´es, les pre´judices les plus divers. On y coˆtoie des proprie´taires 1. Les auteurs de l’avant-projet de re´forme ont pre´fe´re´ l’expression responsabilite´ « extracontrac- tuelle » a` celle de responsabilite´ « de´lictuelle ».

2. V. ce texte sur http://civil.udg.es/tort ; la traduction française de ces «european principles of tort law» a e´te´ re´alise´e par l’e´quipe de recherche de l’Institut de droit compare´ E´douard Lambert, Universite´ Jean-Moulin Lyon III, sous la direction d’Olivier More´teau.

3. V. notamment, Ph. Re´my, « La “responsabilite´ contractuelle” : histoire d’un faux concept », RTD civ.1997, p. 323.

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d’immeuble dont les canalisations fuient, des voyageurs de´ce´de´s dans un transport par chemin de fer, des clients d’hoˆtels dont la voiture est vole´e devant l’e´tablisse- ment, des te´le´spectateurs blesse´s par l’implosion d’un te´le´viseur, des industriels me´contents du mauvais fonctionnement d’un e´quipement, etc.

2. Dans le Code civil, quelques textes particuliers traitent de la sanction de la mauvaise exe´cution des contrats. Il en re´sulte que celle-ci pre´sente des traits origi- naux : ainsi, la ne´cessite´ de mettre en demeure du de´biteur (art. 1146), l’e´tendue du dommage contractuel qui comprend la perte subie et le gain manque´ (art. 1149), la limitation de la re´paration au dommage pre´visible (art. 1150), le jeu e´ventuel d’une clause pe´nale (art. 1152)... Mais on n’y trouve rien, en revanche, sur les conventions relatives a` la responsabilite´, dont les tribunaux devaient nous dire qu’elles sont valables en matie`re contractuelle, mais non en matie`re de´lictuelle.

A` la fin du XIXesie`cle, le de´veloppement du machinisme allait s’accompagner de dommages, notamment corporels, de plus en plus nombreux et le besoin de re´paration des victimes devait ne´cessairement s’accroître. Et cela, dans un monde où les relations contractuelles s’e´taient intensifie´es (contrat de travail, contrat de transport, contrat me´dical, etc.). D’où l’interfe´rence de plus en plus fre´quente entre les deux ordres de responsabilite´s.

Grâce a` l’imagination des juges, des proce´de´s juridiques ont e´te´ e´labore´s pour satisfaire ce besoin ; mais, chacune des deux responsabilite´s offrant des potentialite´s propres, ils ont e´te´ conçus de manie`re diffe´rente dans l’une et dans l’autre : en matie`re contractuelle, une obligation de se´curite´ de re´sultat (contrat de transport), une garantie objective du fabricant d’une chose de´fectueuse (contrat de vente)4; en matie`re de´lictuelle, une responsabilite´ du fait des choses (accident de la circula- tion), etc.

Ces nouveaux me´canismes ont, a` leur tour, engendre´ de nouvelles diffe´rences entre les deux responsabilite´s, qui ont renforce´ le besoin de consacrer clairement la distinction et de de´limiter plus pre´cise´ment leurs domaines respectifs.

En 1890 et 1922, la Cour de cassation posait le principe dit du « non-cumul » entre les deux responsabilite´s5. Et, pour ce qui est de la re´partition de leur champ d’application, la jurisprudence s’est construite autour de principes simples, inscrits dans le code : l’article 1134 sur la force obligatoire des contrats, justifiant d’imposer la responsabilite´ contractuelle entre les parties, et l’article 1165 sur l’effet relatif des conventions permettant d’affirmer que les tiers ne peuvent pas se voir imposer les re`gles de re´paration d’un contrat. D’où, sur ce second point, le principe re´gulie`re- ment rappele´ par les juges, mais discutable, selon lequel «toute faute contractuelle constitue une faute de´lictuelle a` l’e´gard des tiers»6.

4. Et le me´canisme de la stipulation pour autrui, permettant a` des tiers de be´ne´ficier des avantages de la responsabilite´ contractuelle, a contribue´ a` favoriser le recours a` celle-ci pour obtenir re´paration.

5. Cass. req., 21 janv. 1890,DP1891, I, 380,S.1890, 1, 408 ; Cass. civ., 11 janv. 1922,DP 1922, I, 16,S.1024, 1, 105, note approb. Demogue ; approuvant e´galement la distinction, V. Labbe´, note auS.1886, 4, 25 ;contra, Planiol,DP1896, II, 457 ;adde,Traite´ e´le´mentaire de droit civil, 8ee´d., nos873 et s.

6. Sur ce principe, v. G. Durry,RTD civ.1974, p. 119 ; P. Jourdain,RTD civ.2005, p. 602.

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Tels sont les grands traits de l’ordonnancement e´tabli par les tribunaux au cours du XXe sie`cle.

3.Ces solutions n’allaient pas donner satisfaction a` tout le monde. Des modifica- tions sensibles leur ont e´te´ apporte´es a` la fin du XXe sie`cle, plus pre´cise´ment a`

partir des anne´es 1980.

On a fait valoir que, dans certaines situations, il serait judicieux que les contrac- tants et les tiers soient traite´s de manie`re identique pour la re´paration de dommages, somme toute, semblables. Le le´gislateur, de´passant le clivage entre les deux respon- sabilite´s, a mis en place des re´gimes de re´paration automatique applicables aussi bien entre contractants que dans les rapports entre tiers : ainsi, pour l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation (loi de 1985), et celle des dommages cause´s par des produits de´fectueux (directive de 1985)7. Ces re´gimes ont contribue´

a` renforcer l’ide´e que les dommages corporels doivent relever d’un re´gime de re´paration spe´cifique.

Par ailleurs, on a pu s’e´tonner que des tiers au contrat puissent en invoquer la mauvaise exe´cution sans devoir en respecter les re`gles : pour contrer cette solution, on a de´cide´ que les acque´reurs successifs d’une chose, invoquant la garantie due par les vendeurs ante´rieurs, ne be´ne´ficiaient que d’une action directe de nature contractuelle8; dans le meˆme temps, le de´veloppement de la the´orie des « groupes de contrats » a eu pour objectif de soumettre des tiers aux re`gles de la convention dont ils cherchent, d’une certaine manie`re, a` se pre´valoir en se plaignant de son inexe´cution.

Sur ce second point, cependant, le mouvement a e´te´ ralenti malencontreuse- ment, en 1991, par le ce´le`bre arreˆt Besse, où l’on a vu dans le cas particulier de la sous-traitance re´affirme´e l’ide´e qu’une faute contractuelle constituant toujours une faute de´lictuelle a` l’e´gard des tiers, ceux-ci doivent pouvoir rechercher la responsabilite´ d’un contractant sur le terrain des articles 1382 et suivants du Code civil9.

4.Dans ce contexte, on ne peut que saluer le courage des re´dacteurs de l’avant- projet de re´forme du droit des obligations qui ont consacre´ plusieurs dispositions a` ce sujet. Certaines, les plus innovantes, portent sur la distinction entre les deux responsabilite´s, que ce soit dans les rapports entre les parties ou dans les relations des parties avec les tiers (art. 1341 et 1342) ; d’autres, moins novatrices, ont pour objet de pre´ciser, comme le faisait le Code civil de 1804, le particularisme de la responsabilite´ contractuelle (art. 1363 a` 1366).

7. La directive de 1985 a e´te´ transpose´e en droit français par une loi de 1998 qui a inse´re´

dans le Code civil des articles 1386-1 et suivants ; et sur le de´passement du clivage entre responsabilite´

de´lictuelle et responsabilite´ contractuelle pour la re´paration des dommages cause´s a` la personne, v. J. Huet, « De la distinction selon la nature des responsabilite´s a` la distinction selon la nature des dommages »,RTD civ.1987, p. 322.

8. Cette solution ne se trouve pas reprise dans le projet de re´forme ; il est difficile de savoir si les auteurs des textes ont entendu l’e´carter ou s’ils ont estime´ qu’elle relevait des contrats spe´ciaux concerne´s, par exemple le contrat de vente (v. a` cet e´gard, l’article 1646-1, aline´a 2, pour la vente d’immeuble a` construire).

9. Cass. Ass. ple´n., 12 juill. 1991,Bull. civ. Ass. ple´n., no15, arreˆt ayant suscite´ de nombreux commentaires.

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Il faut tenir compte e´galement, dans l’avant-projet de re´forme, des articles concernant les conventions sur la responsabilite´ (art. 1382 a` 1382-4), ainsi que des textes traitant de l’interde´pendance entre les contrats (art. 1172 a` 1172-3).

Il re´sulte de cet ensemble une impression de profond bouleversement de la matie`re. Les diffe´rences entre les deux responsabilite´s ont e´te´ minimise´es (I), ce qui a dû justifier, dans l’esprit des auteurs des textes propose´s, d’assouplir conside´ra- blement la distinction qu’il fallait faire entre elles, et donc la de´limitation de leurs domaines respectifs (II).

Cette nouvelle organisation de la responsabilite´ civile suscite ine´vitablement des interrogations, voire des doutes.

D’un point de vue the´orique, la pre´sentation de la matie`re est un peu de´concer- tante, car les principes retenus, qui sont assez classiques, se trouvent assortis d’ex- ceptions d’une telle porte´e qu’ils apparaissent un peu vide´s de leur contenu : il en va ainsi, par exemple, du principe du non-cumul entre les deux responsabilite´s dans les rapports entre contractants. Et, sous un angle plus pratique, les re`gles retenues risquent d’eˆtre d’une mise en œuvre passablement de´licate : il ne sera pas facile, en particulier, de de´terminer quand un tiers, oblige´ de respecter les re`gles du contrat dont il invoque l’inexe´cution, peut y e´chapper en se pre´valant d’un fait ge´ne´rateur de responsabilite´ de´lictuelle.

I. – Des diffe´rences minimise´es

5. A` la lecture de l’article 1340, des articles 1363 a` 1366, et de l’article 1384 de l’avant-projet, on perçoit que le particularisme de la responsabilite´ contractuelle est passablement sous-estime´, et parfois meˆme occulte´. Trois traits caracte´risent a`

cet e´gard l’avant projet.

Par principe, il a e´te´ de´cide´ que les deux responsabilite´s sont de meˆme nature et que pour mettre en jeu l’une ou l’autre il faut justifier d’un pre´judice (A). De plus, dans les textes propose´s, les diffe´rences de re´gime entre les deux responsabilite´s sont pre´sente´es comme peu nombreuses, si bien que l’originalite´ de la responsabilite´

contractuelle apparaît peu marque´e (B). Enfin, l’avant-projet entend soumettre les deux responsabilite´s a` la meˆme prescription (C).

A. – L’identite´ de nature des deux responsabilite´s

6.L’avant-projet pre´sente les deux responsabilite´s comme ayant la meˆme nature, et plus pre´cise´ment comme tendant toutes deux a` la re´paration d’un dommage.

Art. 1340 : Tout fait illicite ou anormal ayant cause´ un dommage a` autrui oblige celui a` qui il est imputable a` le re´parer.

De meˆme, toute inexe´cution d’une obligation contractuelle ayant cause´ un dommage au cre´ancier oblige le de´biteur a` en re´pondre10.

10. Une note du projet pre´cise que : «Cette formule vise a` marquer l’identite´ des deux responsabi- lite´s en de´pit de l’utilisation de deux mots diffe´rents (re´pondre, re´parer) pour des raisons de style».

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Aucune place n’est ainsi faite a` l’ide´e, soutenue par certains auteurs et consacre´e par certaines de´cisions, que la responsabilite´ contractuelle pourrait avoir, contraire- ment a` la responsabilite´ de´lictuelle, une double fonction : d’une part, celle d’assurer, en pre´sence de l’inexe´cution d’un contrat, la satisfaction du cre´ancier en lui procu- rant un e´quivalent sous forme de dommages-inte´reˆts et, d’autre part, celle de l’indemniser des dommages qu’il peut subir a` l’occasion de l’inexe´cution du contrat.

En d’autres termes, on peut penser que la responsabilite´ contractuelle assure a` la fois un roˆle de paiement et un roˆle de re´paration. Et il est difficile de gommer totalement cette particularite´, sauf a` forcer la re´alite´11.

Le fait que la responsabilite´ contractuelle puisse jouer un roˆle de paiement est atteste´ par des de´cisions de jurisprudence. Re´cemment, ainsi, la Chambre commer- ciale de la Cour de cassation, dans une de´cision du 8 juin 1999, a estime´, en pre´sence d’une proce´dure collective affectant le vendeur d’une chose de´fectueuse, que la cre´ance d’indemnite´ de l’acheteur invoquant la garantie contre les vices cache´s avait son origine au jour de la conclusion du contrat12. La solution se justifie par le roˆle de paiement par e´quivalent que peut jouer la responsabilite´

contractuelle et elle est diffe´rente de celle retenue en matie`re de´lictuelle, où les dommages-inte´reˆts voient leur naissance fixe´e au jour de la survenance du dom- mage.

7. Quant a` l’exigence d’un pre´judice dans les deux ordres de responsabilite´, pose´e dans l’article 1340 et reprise dans l’article 1363 de l’avant-projet, et qui sert de de´nominateur commun entre l’une et l’autre, elle peut se´rieusement eˆtre contes- te´e. De´ja`, la lecture de l’article 1158 de l’avant-projet, relatif a` la re´solution, invite a` douter de son bien-fonde´ :

Art. 1158 : Dans tout contrat, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas e´te´ exe´cute´, ou l’a e´te´ imparfaitement, a le choix ou de poursuivre l’exe´cution de l’engagement ou de provoquer la re´solution du contrat ou de re´clamer des dommages-inte´reˆts, lesquels peuvent, le cas e´che´ant, s’ajouter a` l’exe´cution ou a` la re´solution.

Ce texte traite ainsi sur un meˆme plan l’exe´cution en nature, la re´solution et les dommages-inte´reˆts. Et, si l’on n’a jamais songe´ a` exiger la preuve d’un dommage pour demander l’exe´cution en nature d’un contrat, on ne voit pas pourquoi on devrait le faire lorsqu’on demande une indemnite´ en raison de sa mauvaise exe´cu- tion.

La position ainsi prise dans l’avant-projet invite a` reprendre le de´bat suscite´

par deux de´cisions contradictoires de la troisie`me Chambre civile de la Cour de cassation du 30 janvier 2002 et du 3 de´cembre 2003, dans lesquelles la Haute juridiction a successivement admis que le cre´ancier d’une obligation inexe´cute´e puisse obtenir des dommages-inte´reˆts alors qu’il ne de´montrait pas avoir souffert de pre´judice du fait de cette inexe´cution, puis retenu la solution inverse ; dans les

11. En ce sens, v. re´cemment, Ph. Stoffel-Munck,RDC2004, p. 280 ;adde, J. HUET,Responsabi- lite´ contractuelle et responsabilite´ de´lictuelle, essai de de´limitation entre les deux responsabilite´s, The`se Paris II, dactyl., 1978.

12.Contrats, conc. consom., Hors se´rie, de´c. 2001, no381, obs. L. Leveneur.

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deux cas, il s’agissait, situation typique encore que relativement rare, d’un proprie´- taire dont le locataire n’avait pas remis les lieux en e´tat en fin de bail et qui, finalement, s’en tirait sans grand dommage du fait que le nouveau locataire qu’il avait trouve´ faisait des travaux tels que la remise en e´tait aurait e´te´ inutile13.

Or meˆme si les juges ont pu changer d’avis et si les auteurs sont partage´s sur le sujet, il est clair que la premie`re solution s’impose pour cette raison simple que, parmi les causes d’extinction des obligations, ne figure pas l’absence de pre´judice subi par le cre´ancier du fait de l’inexe´cution. Et, d’ailleurs, tre`s concre`tement, on ne voit pas pourquoi un de´biteur serait de´charge´ de son engagement en raison des circonstances totalement inde´pendantes de sa volonte´, et que ces meˆmes circonstances empeˆcheraient le cre´ancier de demander l’exe´cution par e´quivalent du contrat.

L’identite´ de nature entre les deux responsabilite´s paraît donc assez artificielle.

B. – Le faible particularisme de la responsabilite´ contractuelle 8.L’avant-projet mentionne, sous la rubrique «Dispositions propres a` la respon- sabilite´ contractuelle», aux articles 1363 a` 1366, un nombre limite´ de particularite´s.

On en retire l’impression que les diffe´rences entre les deux responsabilite´s sont ne´gligeables.

Si on laisse de coˆte´ l’article 1363 (droit a` re´paration du pre´judice), on voit signale´ dans l’article 1364 (obligation de re´sultat, obligation de moyens : distinction centrale dans la responsabilite´ contractuelle)14, dans l’article 1365 (mise en demeure, exigence dont l’inte´reˆt a e´te´ ramene´ a` de justes proportions), et dans l’article 1366 (limitation de la re´paration au dommage pre´visible).

Art. 1363 :Le cre´ancier d’une obligation issue d’un contrat valablement forme´

peut, en cas d’inexe´cution, demander au de´biteur re´paration de son pre´judice sur le fondement des dispositions de la pre´sente section.

Art. 1364 : Dans le cas où le de´biteur s’oblige a` procurer un re´sultat au sens de l’article 1149, l’inexe´cution est e´tablie du seul fait que le re´sultat n’est pas atteint, a` moins que le de´biteur ne justifie d’une cause e´trange`re au sens de l’article 1349.

Dans tous les autres cas, il ne doit re´paration que s’il n’a pas effectue´ toutes les diligences ne´cessaires.

Art. 1365 : La re´paration du pre´judice re´sultant du retard suppose la mise en demeure pre´alable du de´biteur. La mise en demeure n’est requise pour la re´paration de tout autre pre´judice que lorsqu’elle est ne´cessaire pour caracte´riser l’inexe´cution.

Art. 1366 :Sauf dol ou faute lourde de sa part, le de´biteur n’est tenu de re´parer que les conse´quences de l’inexe´cution raisonnablement pre´visibles lors de la formation du contrat.

13. V. le commentaire et les re´fe´rencesin RDC2004, p. 280, obs. Ph. Stoffel-Munck, pre´c.

14. Il conviendra d’articuler ce texte avec l’article 1149 de l’avant-projet qui expose, lui aussi, la distinction entre les obligations de moyens et de re´sultat.

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Cela semble peu de chose. Pourtant, il y a plus que ça dans l’avant-projet.

De´ja`, il y a des sous-entendus : derrie`re la distinction entre les obligations de moyens et de re´sultat – et l’on peut regretter a` cet e´gard que les re´dacteurs n’aient pas pre´cise´ les crite`res de distinction entre les deux sortes d’obligations – se trouve l’une des diffe´rences les plus significatives entre les deux responsabilite´s, celle qui tient a` ce que la re´partition entre les cas de responsabilite´ pour faute et les cas de responsabilite´ de plein droit ne s’effectue pas de la meˆme manie`re dans l’une et l’autre : en matie`re contractuelle, le crite`re principal est l’existence ou l’absence d’ale´a dans l’activite´ du de´biteur ; en matie`re de´lictuelle, la responsabilite´ est pour faute lorsqu’on doit simplement sa diligence, elle est de plein droit lorsqu’on cause un dommage par l’interme´diaire d’une chose. Il y a la` un point essentiel que la doctrine souligne peu souvent.

9.Et ceux qui cherchent d’autres diffe´rences entre les deux responsabilite´s en trouveront ailleurs que dans les articles 1363 a` 1366 : notamment dans les disposi- tions relatives aux conventions sur la responsabilite´, auxquelles des dispositions spe´ciales sont consacre´es dans l’avant-projet, aux articles 1382 a` 1382-4.

Celles-ci, certes, donnent l’impression qu’un re´gime commun s’applique dans les deux ordres de responsabilite´ : leur validite´ est admise dans l’une et dans l’autre, et elle est exclue, dans l’une et l’autre aussi, pour la re´paration des dommages corporels. Mais derrie`re cette apparente unite´, les diffe´rences sont sensibles : en matie`re contractuelle, ces conventions jouent pleinement, sauf dol, faute lourde ou atteinte a` l’inte´reˆt essentiel du contrat ; en matie`re de´lictuelle, en revanche, elles ne sauraient de´charger quiconque de sa faute...

Art. 1382 :Les conventions ayant pour objet d’exclure ou de limiter la re´paration sont en principe valables, aussi bien en matie`re contractuelle qu’extracontrac- tuelle.

Art. 1382-1 : Nul ne peut exclure ou limiter la re´paration d’un dommage corporel dont il est responsable.

Art. 1382-2 :Un contractant ne peut exclure ou limiter la re´paration du dom- mage cause´ a` son cocontractant par une faute dolosive ou lourde ou par le manquement a` l’une de ses obligations essentielles.

En l’absence de contrepartie re´elle, se´rieuse et clairement stipule´e, un profession- nel ne peut exclure ou limiter son obligation de re´parer le dommage contractuel cause´ a` un non-professionnel ou consommateur.

Art. 1382-3 : En matie`re contractuelle, la partie a` laquelle est oppose´e une clause excluant ou limitant la re´paration doit avoir pu en prendre connaissance avant la formation du contrat.

Art. 1382-4 : En matie`re extracontractuelle, on ne peut exclure ou limiter la re´paration du dommage qu’on a cause´ par sa faute.

10.En fin de compte, l’avant-projet conce`de malgre´ tout d’importantes diffe´ren- ces entre les deux responsabilite´s. Et celles qu’il ne mentionne pas demeurent dans la re´glementation des contrats spe´ciaux (limitations le´gales de responsabilite´, prescriptions particulie`res, etc.), ou seront maintenues par les tribunaux.

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C. – La soumission force´e a` une prescription unique

11. Une des diffe´rences les plus sensibles entre les deux responsabilite´s a toujours e´te´ que l’une et l’autre ne sont pas ne´cessairement soumises aux meˆmes re`gles de prescription. Certes, dans certaines situations, l’une et l’autre peuvent fonctionner de la meˆme manie`re. Ainsi, le proprie´taire d’un ve´hicule victime d’un dommage corporel cause´ par un garagiste ayant effectue´ une re´paration de´fectueuse pourra demander re´paration pendant dix ans, a` compter de la survenance de l’accident, tout comme en matie`re de´lictuelle le passant heurte´ par un chauffard dans la rue.

Forts sans doute de cette constatation, les auteurs de l’avant-projet ont institue´, a` l’article 1384, une prescription commune aux deux responsabilite´s qui court pendant dix ans a` compter de la survenance du dommage15.

Art. 1384 : Les actions en responsabilite´ civile se prescrivent par dix ans a`

compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, sans e´gard, en cas de dommage corporel, a` la date de la consolidation.

Mais il y a la` une uniformisation un peu force´e... Car de nombreux textes instituent en matie`re contractuelle des prescriptions particulie`res qui diffe`rent de celle ainsi caracte´rise´e sur deux points : quant a` la dure´e et quant au point de de´part ; la dure´e varie selon les contrats et peut aller, par exemple, de un an (transport de marchandises), ou moins, a` dix ans (construction immobilie`re), ou plus ; et le point de de´part est ge´ne´ralement le contrat, ou plus pre´cise´ment le moment où son exe´cution peut eˆtre exige´e.

12.Il est manifestement impossible de concilier l’article 1384 de l’avant-projet avec les dispositions retenant ainsi des prescriptions particulie`res. La seule possibilite´

de les laisser cohabiter est de conside´rer que les re`gles contractuelles spe´ciales de´rogent a` la re`gle ge´ne´rale de l’article 1384.

Et donc de maintenir les diffe´rences existantes entre les deux responsabilite´s, diffe´rences une fois encore minimise´es.

II. – Une distinction assouplie

13.Ces diffe´rences justifient qu’on dispose de crite`res pour de´limiter le champ d’application des deux responsabilite´s, et e´ventuellement pour justifier certains chevauchements entre elles. A` cet e´gard, l’avant-projet contient d’importantes nou- veaute´s, que certaines de´cisions de jurisprudence re´centes ont peut-eˆtre inspire´es.

Il proce`de a` des ame´nagements significatifs par rapport au droit positif actuel que ce soit dans les rapports entre contractants, où le principe du non-cumul est conserve´, mais avec une exception importante pour les dommages corporels (A), ou dans les rapports entre les contractants et les tiers, lesquels se voient, certes, 15. Le texte reprend le contenu de l’article 2270-1 du Code civil en e´tendant a` la responsabilite´

contractuelle la solution initialement limite´e a` la responsabilite´ de´lictuelle.

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oblige´s de respecter les re`gles du contrat dont ils invoquent la mauvaise exe´cution, mais qu’on autorise a` y e´chapper s’ils peuvent e´tablir a` l’encontre d’un contractant un fait constitutif de responsabilite´ de´lictuelle (B)

A. – Rapports entre les contractants

14.S’agissant des rapports entre contractants, l’avant-projet oscille entre tradition et modernite´ : il maintient le principe du non-cumul et mais y fait exception pour les dommages corporels.

Art. 1341 :En cas d’inexe´cution d’une obligation contractuelle, ni le de´biteur ni le cre´ancier ne peuvent se soustraire a` l’application des dispositions spe´cifiques a`

la responsabilite´ contractuelle pour opter en faveur de la responsabilite´ extra- contractuelle.

Toutefois, lorsque cette inexe´cution provoque un dommage corporel, le cocontractant peut, pour obtenir re´paration de ce dommage, opter en faveur des re`gles qui lui sont plus favorables.

Il faut donc distinguer entre les deux types de dommages, corporels et mate´riels, comme le font de´ja` la loi de 1985 sur les accidents de la circulation et la directive de 1985 sur la responsabilite´ du fait des produits de´fectueux16.

15.Pour la re´paration d’un dommage corporel, conse´cutif a` la mauvaise exe´cu- tion d’un contrat, la partie victime peut «opter en faveur des re`gles qui lui sont le plus favorables».

La formule est judicieuse car elle couvre aussi bien le recours aux re`gles ge´ne´rales de la responsabilite´ de´lictuelle (fait des choses : art. 1354 ; fait d’autrui : art. 1355 et s.) qu’aux re`gles spe´ciales applicables a` la circulation automobile ou au fait des produits de´fectueux. De plus, parmi les re`gles propose´es pour les conventions sur la responsabilite´, l’article 1382-1 de l’avant-projet pre´cise qu’il est impossible d’exclure ou de limiter la re´paration du dommage corporel. Ces solutions sont nouvelles, mais elles sont en harmonie avec l’e´volution du droit et re´pondent aux souhaits de la doctrine de voir traiter ce type de pre´judice avec la plus grande sollicitude.

Cependant, le remaniement est sensible et certaines conse´quences risquent de laisser sceptique. Ainsi, dans le champ d’application traditionnel de l’obligation de se´curite´ de moyens, on risque d’avoir des surprises : dira-t-on que l’organisateur de promenades e´questres est « gardien » des chevaux monte´s par ses clients, dira- t-on que l’exploitant d’une piscine est « gardien » de son installation, voire de l’eau où vient a` se noyer un nageur, etc. ? Peut-eˆtre l’indemnisation automatique en re´sultant est-elle ce qu’on exige aujourd’hui, mais on peut redouter les conse´quen- ces : peut-eˆtre demain les chevaux vont-ils eˆtre au choˆmage, et les piscines vont- elles fermer...

16. Sur ces textes, v.supra, no3.

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16.Pour les autres dommages : mate´riels, commerciaux, e´conomiques, etc., on reste dans la pure tradition. La responsabilite´ contractuelle, et elle seule, est applica- ble dans les rapports entre contractants. Le principe du non-cumul est re´affirme´.

Dans cette application exclusive du droit des contrats, entre les parties, on continuera de faire jouer la distinction entre obligation de re´sultat ou de moyens, les limitations de responsabilite´, les prescriptions spe´cifiques ; de surcroît, on devra exclure le jeu de la responsabilite´ de´lictuelle du fait des choses, du fait d’autrui, etc.

B. – Rapports entre contractants et tiers

17. S’agissant des rapports entre contractants et tiers, l’avant-projet combine orthodoxie contractuelle et audace : il impose, en principe, le respect du contrat par les tiers, mais ouvre un cumul e´ventuel avec la responsabilite´ de´lictuelle. On exige que les tiers, invoquant la mauvaise exe´cution d’un contrat, se plient a` ses re`gles, pour obtenir re´paration du pre´judice en re´sultant ; toutefois, on admet qu’ils puissent leur e´chapper s’ils peuvent imputer au contractant de´faillant une faute de nature de´lictuelle.

Art. 1342 : Lorsque l’inexe´cution d’une obligation contractuelle est la cause directe d’un dommage subi par un tiers, celui-ci peut en demander re´paration au de´biteur sur le fondement des articles 1362 a` 1366. Il est alors soumis a` toutes les limites et conditions qui s’imposent au cre´ancier pour obtenir re´paration de son propre dommage.

Il peut e´galement obtenir re´paration sur le fondement de la responsabilite´ extra- contractuelle, mais a` charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits ge´ne´rateurs vise´s aux articles 1352 a` 1362.

Le raisonnement semble logique, les solutions paraissent e´quilibre´es : respect du contrat par les tiers qui en invoquent l’inexe´cution, responsabilite´ des contrac- tants pour toute violation d’une re`gle ge´ne´rale de conduite.

Elles suscitent, toutefois, trois sortes d’observations, dont certaines sont un peu critiques.

18. S’agissant du respect du contrat par les tiers, tout d’abord, on peut se demander s’il ne conviendrait pas de reconnaître, enfin, qu’un tiers au contrat ne peut pas, en toutes circonstances, se plaindre de sa mauvaise exe´cution : de fait, n’e´tant pas cre´ancier de l’obligation viole´e, il ne saurait en exiger l’exe´cution ; semblablement , il ne saurait en exiger l’exe´cution par e´quivalent sous forme de dommages-inte´reˆts. On retrouve ici le particularisme de la responsabilite´ contrac- tuelle en ce qu’elle joue, dans une certaine mesure, un roˆle de paiement. Seul le cre´ancier d’une obligation peut exiger le paiement.

En d’autres termes, il faudrait reconnaître que rien ne justifie de permettre a`

un tiers de demander a` be´ne´ficier de l’inte´reˆt e´conomique d’un contrat – e´quipement en bon e´tat de fonctionnement, moyen de transport arrivant a` l’heure, etc. – alors qu’il n’a pas verse´e de contrepartie17.

17. V. en ce sens, J. HUET,Responsabilite´ contractuelle et responsabilite´ de´lictuelle, the`se pre´c., nos640 s («La de´limitation d’un domaine re´serve´ aux parties»).

(11)

La jurisprudence commence a` manifester quelque re´ceptivite´ a` cette ide´e. Une illustration en est donne´e par un arreˆt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 octobre 2002 : dans cette affaire, une chaîne de production avait e´te´ livre´e a` une entreprise de fabrication de jus de fruit, la socie´te´ Fruival ; son fonctionnement de´fectueux l’avait empeˆche´e d’approvisionner comme pre´vu la socie´te´ Andros, qui devait commercialiser une partie de sa production ; celle-ci avait demande´ re´paration de son pre´judice en meˆme temps que l’acheteur de l’e´quipement ; la Haute juridiction a casse´ la de´cision d’appel qui avait accueilli cette re´clamation au motif «qu’un tiers au contrat ne peut obtenir, sur le fondement de la responsabilite´ de´lictuelle, re´paration d’un des contractants que s’il de´montre que celui-ci a cause´ un dommage en manquant a` son e´gard au devoir ge´ne´ral de ne pas nuire a` autrui sanctionne´ par l’article 1382 du Code civil»18.

Cela n’interdit pas de penser que certains tiers pourraient demander l’exe´cution par e´quivalent d’un contrat, et donc demander des dommages-inte´reˆts au de´biteur qui n’a pas fourni correctement la prestation attendue, mais cela ne devrait eˆtre admis que dans des hypothe`ses de´termine´es, par exemple a` raison de la transmission des actions en garantie aux proprie´taires successifs de la chose19, ou encore dans le cadre de contrats interde´pendants20.

19. En ce qui concerne la possibilite´ pour les tiers d’invoquer la responsabilite´

de´lictuelle, on peut redouter qu’elle ne ruine le principe du respect du contrat, car l’exception qui lui est ainsi apporte´e ouvre assez largement aux tiers les possibili- te´s de cumul entre les deux re´gimes de responsabilite´.

Ceux-ci vont pouvoir se pre´valoir de la responsabilite´ de´lictuelle pour faute, pour le fait d’autrui et pour le fait d’une chose.

– Responsabilite´ pour faute. Les tiers pourraient rechercher la responsabilite´

de´lictuelle d’un contractant a` raison de sa faute et donc invoquer l’article 1352 selon lequel «toute faute oblige son auteur a` re´parer». Certes, le texte de l’avant- projet invite a` exiger, pour admettre ce cumul, que l’inexe´cution du contrat constitue en meˆme temps la violation d’un devoir de porte´e ge´ne´rale, d’une re`gle de conduite qui s’impose a` tous. Mais il y a fort a` parier que la ne´cessite´ de «rapporter la preuve de l’un des faits ge´ne´rateurs» risque de se trouver dilue´e dans l’ide´e que toute inexe´cution d’un contrat est une faute...

Et, d’ailleurs, la plus grande confusion re`gne a` ce propos en jurisprudence.

Contrastant avec le courant majoritaire, qui assimile toute faute contractuelle a`

une faute de´lictuelle21, on trouve des arreˆts qui demandent une faute «envisage´e

18. Arreˆt non publie´ auBulletin,JCPG 2003, I, 152, chron. G. Viney, no3 ;adde, entre autres de´cisions, Cass. com., 5 avr. 2005,RTD civ.2006, p. 602, obs. P. Jourdain, cassant une de´cision d’appel ayant accueilli la demande d’un tiers de be´ne´ficier d’une obligation de non-concurrence ; et, ante´rieurement, Cass. civ. 1re, 7 nov. 1962,JCP1963, II, 12987, note Esmein, censurant une de´cision qui avait accueilli la demande en re´paration d’un entrepreneur, contre un architecte avec lequel il n’e´tait pas contractuellement lie´, pour de´faut de surveillance du chantier, «sans rechercher si(ce manquement)devait constituer une faute dommageable au regard de l’entrepreneur, envisage´e en elle-meˆme, inde´pendamment de tout point de vue contractuel».

19. Sur cette transmission, v.supra, nos2 et 3.

20. Sur cette notion, v.infra, no19.

21. Et sur ce principe, v.supra, no2.

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en elle-meˆme, inde´pendamment de tout point de vue contractuel», et d’autres qui s’attachent a` l’ide´e de faute «de´tachable» du contrat, soit pour l’exiger, soit pour l’e´carter22, et cela sans compter ceux qui se contentent d’une faute relevant des articles 1382 et 1383 du Code civil23. Il n’y a la` aucune ligne directrice pre´cise.

– Responsabilite´ du fait d’autrui. La possibilite´ de cumul ouvrirait e´galement au contractant victime de l’inexe´cution la possibilite´ d’invoquer les articles 1355 et suivants de l’avant-projet qui pre´voient la responsabilite´ du fait des mineurs, du fait des pre´pose´s, etc.

Il est difficile de mesurer les conse´quences de cette nouvelle solution, mais on peut estimer qu’elles ne devraient pas eˆtre trop importantes dans la mesure où ces cas de responsabilite´ se retrouvent en matie`re contractuelle pour certains (il en va ainsi de la responsabilite´ du fait des pre´pose´s) ; de surcroît, la solution n’affecterait en rien le jeu normal des responsabilite´s contractuelles du fait d’autrui (art. 1735, personnes de la maison du locataire ; art. 1953, e´trangers allant et venant dans l’hoˆtel, etc.), qui conservent ainsi toute leur utilite´ et leur spe´cificite´.

– Responsabilite´ du fait des choses.La possibilite´ pour le contractant victime de l’inexe´cution de se pre´valoir des articles 1354 et suivants de l’avant-projet risque de soulever, quant a` elle, beaucoup de difficulte´s car elle fait interfe´rer avec le contrat des solutions qui ont e´te´ conçues en dehors de ce contexte. De plus, dans un cadre contractuel, la de´termination du responsable de la chose ayant cause´ un dommage sera complique´e par le fait que les contrats influent fortement sur l’alloca- tion de la qualite´ de gardien ; de fait, les contrats souvent transfe`rent la garde : du vendeur a` l’acque´reur, du bailleur au locataire, du preˆteur a` l’emprunteur, etc.

On peut meˆme douter que, dans bien des situations, la responsabilite´ de´lictuelle du fait des choses soit, finalement, de quelque secours et se demander si la possibilite´

reconnue aux contractants d’en be´ne´ficier ne se re´ve`le pas assez de´cevante.

20. Enfin, il faudra combiner ces re`gles avec les dispositions des articles 1172 a` 1172-3 de l’avant-projet sur les contrats interde´pendants24; or, elles interdisent 22. V. la jurisprudence en matie`re de mandat : Cass. civ. 1re, 11 avr. 1995,RTD civ.1995, p. 897, obs. P. Jourdain, exigeant une faute de´tachable du contrat ; Cass. civ. 1re, 18 mai 2004, Bull. civ.I, no141, censurant une de´cision ayant exige´ une faute «de´tachable», alors que «la faute commise dans l’exe´cution du contrat(est)susceptible d’engager la responsabilite´ de´lictuelle de son auteur a` l’e´gard des tiers a` ce contrat».

23. V. Cass. com., 8 oct. 2002, pre´c. ; adde, Cass. com., 9 juill. 2002,Bull. civ.IV, no122, cassant une de´cision ayant repousse´ la demande du destinataire d’une marchandise transporte´e, tiers a` un contrat de transport, dirige´e contre le transporteur, alors que la cour e´tait «tenue de statuer sur sa demande fonde´e sur la responsabilite´ de´lictuelle du transporteur».

24. Les textes de l’avant-projet concernant les contrats interde´pendants sont les suivants : Art. 1172 : Les contrats concomitants ou successifs dont l’exe´cution est ne´cessaire a` la re´alisation d’une ope´ration d’ensemble a` laquelle ils appartiennent sont regarde´s comme interde´pendants dans la mesure ci-apre`s de´termine´e.

Art. 1172-1 : Les clauses organisant les relations des parties a` l’un des contrats de l’ensemble ne s’appliquent dans les autres conventions que si elles y ont e´te´ reproduites et accepte´es par les autres contractants.

Art. 1172-2 : Toutefois, certaines clauses figurant dans l’un des contrats de l’ensemble e´tendent leur effet aux contractants des autres conventions, pourvu que ceux-ci en aient eu connaissance lors de leur engagement et n’aient pas forme´ de re´serves.

Il en est ainsi des clauses limitatives ou exclusives de responsabilite´, des clauses compromissoires et des clauses d’attribution de compe´tence.

Art. 1172-3 : Lorsque l’un des contrats interde´pendants est atteint de nullite´, les parties aux autres contrats du meˆme ensemble peuvent se pre´valoir de leur caducite´.

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aux tiers, qui sont parties a` un contrat lie´ a` celui dont elles invoquent l’inexe´cution, de pre´tendre y e´chapper de`s lors qu’ils ont connaissance des conditions pose´es dans ce contrat...

Voila` donc de larges champs ouverts a` la me´ditation par les textes propose´s.

ڊ

21.Somme toute, malgre´ les he´sitations ou les re´serves qu’elles peuvent susciter, on ne peut qu’eˆtre se´duit par les propositions contenues dans l’avant-projet au sujet de la distinction des responsabilite´s de´lictuelle et contractuelle. On ne peut qu’eˆtre impressionne´, car il fallait de l’audace pour tenter de trouver des solutions nouvelles et nuance´es pour organiser les rapports entre les deux responsabilite´s.

Il s’agit de propositions exploratoires ; les solutions concre`tes seront a` de´finir au fil du temps, et parfois meˆme au cas par cas. Les tribunaux seront, une fois encore, le laboratoire du droit.

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