• Aucun résultat trouvé

Spécialisation des tâches chez les Mayas classiques

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Spécialisation des tâches chez les Mayas classiques"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

Spécialisation des tâches e t sociétés

Spécialisation des tâches

chez

les

Mayas

Lettrés

artisans

Charlotte Arnauld (UMR 8096 - Archéologie des Amériques)

Problème

Les cas archéologiques d'ateliers produisant des outils de silex ou d'obsidienne, d e la céram ique utilitaire e t d'autres produits courants trouvés dans les habitats mayas classiques modestes sont très peu nom breux. Il n'y a pas d 'in d ic e d e fortes « spécialisations artisanales », qu e c e soit dans l'espace ou dans les techniques. Il fa u t rappeler q u 'e n term es d e c o n te x te culturel général, la « civilisation m aya classique des basses terres » (sud- est du Mexique, nord e t est du G uatem ala) a produit un véritable système d'é criture et d e très nombreuses inscriptions, mais q u 'a u c u n e ne com p o rte la moindre évocation d'o rd re économ ique. Puisque les objets produits sont conservés (du moins, pour les périssables com m e les textiles, par leurs représentations), des ateliers d e production artisanale ont bien existé. L'a pproche actuelle consiste à postuler qu'ils étaient fortem ent insérés dans les unités sociales des cités mayas, unités encore bien mal identifiées dans la sfrucfure de l'h a b ifa t archéologique. C 'esf pourtant d e c e c ô té q u 'o n re ch e rch e des indices d e spécialisation, et q u 'o n co m m e n ce à les trouver.

1. << Spécialisation indépendante »

On a d 'a b o rd pensé la spécialisation artisanale (SA) c o m m e a y a n t é té c o n c o m ita n te d 'u n e différenciation sociale à l'intérieur des grands établissements groupés e t assez denses com m e Tikal, site é tu d ié dans les années cinquan te-soixante (environ 60 000 habitants à l'a p o g é e vers 700 d.n.e.). Dans les années soixante-dix, Becker a fait l'inventaire des traces archéologiques connues q u 'o n pouvait

interpréter dans le c a d re de la SA. On supposait alors q u e ces hypothétiques ateliers im pliquaient une p ro d u c tio n d e biens pour une d e m a n d e non spécifique e f que les acfivifés d e producfion étaient régies par des principes d 'e ffic a c ité e t d e sécurité, ce qui co rre sp o n d a it à c e q u 'o n a a p p e lé la « spécialisation in dépe ndante » (SAI, définie par Earle, entre autres, en 1981). C 'est dans c e contexte que Fry a d é v e lo p p é des analyses appro fo n d ie s d e la c é ra m iq u e tro u vé e à Tikal. Ses conclusions (à nouveau synthétisées en 2003) sont qu'il d e va it exister à Tikal un système d 'é ch a n g e s par marchés locaux pour les productions d e grands volumes et poids — pas d 'a nim aux d e b â t chez les Mayas — e t une distribution plus large de céram iques plus légères sur un m arché central situé (théoriquem ent) juste à l'est d e la Place Principale du centre. D'après ses analyses d e pâte, certains ateliers devaien t produire toute la g a m m e e n gob ée, alors qu e d'a utres n 'a uraient produit que d e grosses pièces non engobées. Il situe les ateliers plutôt à la périphérie d e Tikal, C 'est Becker qui a identifié (effectivem ent plutôt à la périphérie, à l'est) un ensemble de neuf groupes d 'h a b ita t sur 12 ha d o n t une des activités économ iques importantes é ta it la p ro d u ctio n d e cé ra m iq u e « d e gra n d e qualité ».

La cé ra m o lo g u e Prudence Rice, faisant le bilan de ces recherches en 1987, propose q u 'o n réserve le term e d e « spécialisation » à la tendance, plus ou moins marquée, à la concentratio n spatiale des a ctivités d e p ro d u ctio n e t le term e d'« intensification » à celle d e l'artisan à travailler à temps partiel ou à plein temps. A pparem m ent, il n'y avait pas, dans une cité aussi im portante que Tikal,

(2)

Charlotte Arnauld

de « spécialisation spatiale » ni d'« intensification » marquées des activités de production. Les grandes quantités de silex e t d'obsidienne trouvées le plus souvent en contextes rituels ne perm ettent pas de localiser des ateliers, M êm e l'existence du m arché central n'est pas dém ontrée.

Q uant aux ateliers d e fabrication d e bifaces d 'u n silex « c h o c o la t » d'e xcellente qualité sur le gisem ent d e Colha au Belize, très étudié depuis les années quatre-vingt, ils n 'o n t pas donné naissance localem ent à un établissement d 'u n e quelconque im po rta n ce ; reste à com prendre c o m m e n t ces bifa ce s apparaissent si bien distribués dans d e nom breux sites des basses terres, m êm e distants de centaines d e kilomètres.

2. Spécialisation attachée

Par opposition à la SAI, la SAA im plique une production d e biens par des spécialistes contractuels, contrôlée pa r l'élite d e la société (Earle e t autres). Pour le m onde maya, des cas de c e type n 'o n t été identifiés que récem m ent. Par exemple, dans la région d e la grande cité d e C opân non loin du gîte d 'o b s id ie n n e d 'Ix p te p e q u e , A o ya m a (1999) dém ontre que l'élite contrôlait effectivem ent, non pas la taille artisanale, mais la distribution des nucléi à lames prismatiques, à partir du gîte, à C opân e t dans les vallées adjacentes (jusqu'à 60 km). Ce système s'est effondré a v e c la disparition de l'élite vers le IXe siècle. Bail e t Reents-Budet ont, pour leur part, identifié des ateliers d e céram ique d e grande qualité à l'intérieur de groupes de palais dans d e petits centres politiques du nord du Belize (1999).

C ependant, c e que Inom ata trouve dans les palais d 'A g u a te c a , un site aban d o n n é brutalem ent au cours d 'u n e déroute guerrière, c e n'est ni la spécialisation spatiale d'ateliers groupés près des maisons nobles, ni les indices d 'u n e p ro d u ctio n intensive, mais bien plutôt les preuves d 'u n e activité p ro d u c tric e des nobles eux-m êm es dans leurs maisons, im pliquant une certaine diversité (dans les matières premières) d'o bjets somptuaires. Inom ata p arle d e « h a u te culture » pour définir c e tfe production particulière, caractérisée par l'ésotérisme et l'unicité des produits, ainsi que la perform ance d 'o rd re intellectuel, mystique, religieux e t/o u m agique a tta c h é e à l'a ctivité d e production, sans oublier évid e m m e n t l'expertise te ch n iq u e qu'e lle suppose.

3. Artisans-lettrés

Les produits sont des coquillages et des os travaillés (outils, restes des m atériaux e t objets non finis trouvés dans les résidences), des textiles (pesons à filer, aiguilles d'os), des livres de papier (battoirs à écorce, encriers), des sculptures d e pierre (outils spécifiques), des miroirs d e pyrite, des miniatures d 'a lb â tre .... B ea u co u p d e ces objets, d o n t évidem m ent les livres, portaient des textes glyphiques inscrits par l'artisan lui-m êm e. Les vestiges sont groupés dans les maisons d e telle sorte q u 'u n e spécialisation par m atière première est im probable (par exemple, os, co quillag e e t textiles sont travaillés dans la m êm e maison ; certains coquillages percés ornaient des tissus) ou par activité (fabrication et inscription réalisées par la m êm e personne). Par contre, on suppose que la m atière première e t des pré-formes é ta ie n t fournies par des dépendants de moindre statut e t que ces artisans nobles avaient aussi bien d 'a u tre s a ctivité s q u e celles d e la production artisanale.

Ces artisans é taient des lettrés, impliqués dans la vie de la cour royale e t dans les activités religieuses e t politiques d e la cité, par lesquelles ils avaient acquis les connaissances nécessaires à la production d 'o b je ts, d o n t la d e m a n d e é ta it h a u te m e n t spécifique : par exemple, un des objets finis trouvés dans une des maisons nobles paraît identique à celui qui est représenté dans la coiffure du roi sur une stèle d 'A g u a te c a . Ces objets circulaient dans la noblesse par différents systèmes d 'é c h a n g e s e t de dons liés à des protocoles particuliers (m ariages, funérailles, formations d'alliances...). La production d e tels biens, eux-mêmes peut-être doués d e pouvoirs magiques d e par les conditions d e fa b rica tio n (après une période d e jeune par exem ple), s'a p p a re n ta it à un a c te de création lié au pouvoir politique, d o n t il ne se distinguait peut-être pas clairem ent (voir les figures de héros mythiques, artisans civilisateurs, démiurges, présents dans bien des cultures, d o n t celles d e la Mésoamérique).

D'autres données confirm ent l'existence de tels artisans lettrés : l'artisanat très élaboré (déjà évoqué) de céram iques fines dans les afeliers des palais du Belize (en cours d 'é fu d e ), la production d'o bjets somptuaires à l'intérieur d e grands groupes d 'h a b ita t d e C opân près des demeures d e haut statut, les nombreuses représentations peintes sur des vases céram iques d e scènes de co u r im pliquant des

(3)

Spécialisation des tâches e t sociétés

artisans, en particulier des scribes, e t les objets associés au d éfunt dans de nombreuses tom bes royales ou nobles (certaines c o n te n a ie n t, pa r exemple, « les instruments » d 'u n scribe).

Conclusion

Les données d 'A g u a te c a sont insuffisantes en soi à dém ontrer c e phénom ène d'artisans nobles dans la mesure où les « palais » d 'A g u a te c a ne figurent pas parmi les réalisations résidentielles les plus prestigieuses des basses terres. C ependant, l'intérêt d e ces découvertes est d e souligner le fait que de telles activités d e production étaient nécessairement inscrites dans un contexte social spécifique. Il s'agit d 'u n cas particulier de « spécialisation insérée »

(e m b e d d e d specialization) dans un c a d re social

définissant à la fois les conditions d e production, les

biens eux-mêmes, la d e m a n d e e t les modes de distribution. Il est possible que les autres cas de spécialisations artisanales aient aussi répondu à ce tte définition de la spécialisation insérée, ou production artisanale largem ent déterm inée par les caractères d e l'unité sociale dans laquelle elle était nécessaire e t pour laquelle elle existait (unité structurant la société au-dessus du niveau d e la famille e t en- dessous du niveau d e la cité e t d e son territoire). Il est possible, si c e tte hypothèse se révèle exacte, que des ateliers com m e ceux repérés pa r Becker à Tikal soient d o n c identifiables dans l'h a b ita t maya, encore mal connu, correspondant à ces unités sociales.

Élément bibliographique

Takeshi In o m a ta 2001, The p o w e r a n d id e o lo g y o f artistic c re a tio n . Elite c ra ft specialists in Classic M a y a society,

Current A nthropology 42-3, p. 321-349.

Références

Documents relatifs

chemise robinet cerise cheval requin zéro.. rocher tournevis maison chemin écureuil

ﺾﻌﺑ ﰲ ﺪﳒ ﺎﻨﻧأ ذإ ،ﺞﺘﻨﳌا ﻒﻴﻟﺎﻜﺗ ﺎﻬﻌﻣ ﺖﻌﻔﺗرا ةدﻮﳉا ﺖﻌﻔﺗرا ﺎﻤﻠﻛ ﻪﻧأ ﻰﻠﻋ ﻢﺋﺎﻘﻟا مﻮﻬﻔﳌا ﺾﻔﺨﻨﻣ ﺔﻴﻟﺎﻌﻟا ةدﻮﳉا وذ ﺞﺘﻨﳌا نﻮﻜﻳ يأ ﻒﻴﻟﺎﻜﺘﻟاو ةدﻮﳉا ﲔﺑ ﺔﻴﺴﻜﻋ ﺔﻗﻼﻋ

Ce travail à la main présente une étude du phénomène des migrations internationales pour l'emploi et son impact sur les marchés du travail locaux, d'une part, et l'impact du

L’événement « manger une salade verte et une pizza aux quatre fromages » a une probabilité de 1/6. L’événement «manger une salade verte, une pizza végétarienne et une

Personnes ressources TIC Contact Rôles /

Placer une lampe (éteinte) à 30 cm d’une plaque d’un des matériaux (la verticale de l’extrémité de la lampe doit être à 30 cm de la plaque).. Choisir 2 thermomètres ayant

Quels sont les précautions à prendre pour pouvoir comparer les comportements thermiques des différents matériaux.. Préciser

Pour ce qui concerne les dépenses SYTRAL (Figure 5), plus de la moitié en sont liées à l’exploitation du réseau – c’est ce que le SYTRAL verse à son exploitant – et