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ET DU PLEIN - EMPLOI ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

D ’ UNE CROISSANCE FORTE

ET DU PLEIN - EMPLOI ?

PATRICK ARTUS*

P

ar les mécanismes que nous allons décrire, les Etats-Unis ont pu profiter, depuis la récession de 1990-91, d’une accélération continue des gains de productivité et de la croissance potentielle, ainsi que du retour au plein- emploi.

Par simple analogie avec les Etats-Unis, certains prédisent la même évolution en Europe Continentale (nous étudierons la situation de la zone euro), c’est-à-dire un cycle de croissance forte et longue tirée par le développement des nouvelles technolo- gies.

Nous pensons que les choses pourraient être beaucoup plus difficiles et incertaines, en particulier, en raison de l’insuffisance de l’accumulation de capital et des ressources en main-d’œuvre qualifiée. Nous allons développer ces points et nous interroger sur les causes profondes de ces insuffisances.

Nous allons aussi examiner l’adaptabi- lité du modèle américain à l’Europe Con- tinentale, en particulier en ce qui concerne ses effets sur les inégalités.

COMMENT INTERPRÉTER LA SITUATION DES ÉTATS-UNIS ?

Pendant un temps, on a pu croire que l’accélération des gains de productivité aux Etats-Unis ne provenait que du secteur qui produit les nouvelles technologies (Internet, Télécom, logiciels...). Les évolutions récentes montrent que, au contraire, l’intégration des nouvelles tech- nologies dans le capital productif (dans les processus de production) de l’ensemble des secteurs joue un rôle central dans l’ac- célération de la croissance potentielle.

Le secteur des « services nouveaux » (services informatiques, Télécom, Internet...) est évidemment en croissance très forte (graphique n °1), et contribue significativement à la progression de l’em- ploi d’ensemble (graphique n° 2), mais c’est en raison non seulement de la hausse de la demande finale pour ces nouveaux services, mais aussi de la très forte augmen- tation de l’investissement en nouvelles tech- nologies dans l’ensemble de l’économie.

* Directeur des Etudes économiques du groupe Caisse des dépôts.

(2)

Graphique n° 1

Etats-Unis : croissance par secteurs (en %)

-4 -2 0 2 4 6 8 10

99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Total

Secteur manufacturier Services

Services nouveaux Services traditionnels

-4 -2 0 2 4 6 8 10

-10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12

00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Emploi total Secteur manufacturier Services traditionnels Services nouveaux

-10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12

Graphique n° 2

Etats-Unis : emploi (G. A. en %)

0 2 4 6 8 10 12 14 16

00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

Total Structures

Equipements (y, c, informatique) Informatique

0 2 4 6 8 10 12 14 16

Graphique n° 3

Etats-Unis : taux d’investissement productif

Source : DRI, CDC-Marchés

Source : Datastream, CDC-Marchés

Source : DRI

(3)

Le graphique n° 3 montre que c’est cette composante de l’investissement qu’ex- plique la progression de taux d’investisse- ment total des entreprises aux Etats-Unis.

Ce constat est le point de départ de l’analyse qu’on peut faire des mécanismes de la « nouvelle économie » aux Etats- Unis. La productivité globale des facteurs (productivité de l’ensemble capital-tra- vail) accélère tardivement, à partir de

1997-98 (graphique n° 4), et cette accélé- ration est beaucoup moins impression- nante que celle de la productivité du tra- vail qui débute en 1993-1994 et se pour- suit en 1999-2000.

Par ailleurs, la hausse de l’investisse- ment aboutit à une progression de plus en plus rapide du capital productif (graphique n° 5), l’intensité capitalistique s’accroissant nettement à partir de 1994.

-8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8

99 97 95 93 91 89 87 85 83 81 79 77 75 73 71

Productivité du travail Productivité globale des facteurs Productivité du capital productif

-8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8

Graphique n° 4

Etats-Unis : productivités (en %)

Graphique n° 5

Etats-Unis : PIB, emploi et capital en volume (en %)

-3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

99 97 95 93 91 89 87 85 83 81 79 77 75 73 71

Capital productif en volume Emploi

PIB en volume

-3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Source : DRI

Source : DRI

(4)

SUBSTITUTION DE CAPITAL AU TRAVAIL

Ce qui précède conduit à l’interpréta- tion suivante : la nouvelle économie ne consiste pas en une accélération exogène, spontanée, du progrès technique, ce qui se traduirait par des gains visiblement plus rapides pour la productivité globale des facteurs. Ceci est important car un doute est jeté sur la possibilité d’obtenir sans effort un cycle long d’expansion. Quand on évoque les cycles technologiques, on a plutôt en tête une accélération spontanée du progrès technique que des gains de productivité résultant d’un effort intense d’accumulation.

Il semble y avoir plutôt substitution de capital au travail aux Etats-Unis, d’où na- turellement l’accélération des gains de pro- ductivité du travail. Quels sont les motifs de cette substitution ?

Le graphique n° 6 montre l’accélération des gains salariaux à partir de 1996, et l’ab- sence d’effet durable sur les coûts unitaires grâce à l’accélération des gains de producti- vité ; le graphique n° 7 montre que les taux d’intérêt réels à long terme sont restés assez stables et assez faibles aux Etats-Unis. La substitution de capital au travail peut donc être interprétée comme une réponse à l’évo- lution du coût des facteurs (hausse du prix relatif du travail) liée elle-même au retour au plein-emploi et au maintien d’une politique monétaire pas trop restrictive.

-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7

00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90

A court terme A long terme

-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7

Graphique n° 6

Etats-Unis : taux de salaire, productivité et coût unitaire (G.A. en %)

Graphique n° 7 Etats-Unis : taux d’intérêt réel

Coût unitaire Salaire nominal Productivité du travail Taux de salaire réel (au prix du PIB)

-3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

-3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

00 99 98 97 96 95 94 93 92 91 90 Source : DRI

Source : Datastream

(5)

Une autre interprétation, probable- ment complémentaire, consiste à dire que la modernisation du capital productif, avec l’introduction des nouvelles techno- logies, a été une obligation pour les entre- prises américaines ; celles qui ne l’avaient pas fait auraient disparu, face à la concur- rence. L’effort nécessaire d’investissement est ensuite renforcé par la réduction de la durée de vie des équipements, le besoin de remplacer continuellement ceux qui sont liés aux nouvelles technologies. Une première caractéristique du modèle amé- ricain, utile pour analyser la situation de l’Europe, apparaît donc : l’accélération des gains de productivité, donc de la crois- sance potentielle, nécessite un effort du- rable et important d’accumulation de capital, une hausse de l’intensité capitalistique de l’économie.

Ceci fait aussi naître quelques inquié- tudes : le coût du capital (amortissements, service de la dette) s’accroît avec la nou- velle économie, en contrepartie de la ré- duction du coût du travail due aux gains de productivité. La durabilité du modèle peut être questionnée : dans le long terme, il n’est pas possible que le capital croisse plus vite que la production.

EMPLOI ET RESSOURCES EN MAIN-D’ŒUVRE

Depuis 1994, l’emploi total augmente aux Etats-Unis à un rythme moyen de 2 % par an (graphique n° 8), la population en âge de travailler de un peu plus de 1 % par an, d’où naturellement la forte baisse du taux de chômage. Ceci est évidemment équivalent à dire que la croissance, jus- qu’au début de 2000, a été supérieure à la croissance potentielle.

Il faut qu’un pays soit capable d’obtenir cette progression continue de l’emploi, d’abord au niveau macroéconomique : maintenir la croissance impose, lorsque le taux de chômage se rapproche du chô- mage structurel, d’une part des gains de productivité élevés, d’autre part une hausse du taux de participation, évolutions que précisément on a observée aux Etats-Unis.

Ensuite au niveau macroéconomique : même si la nouvelle économie crée des emplois à tous les niveaux de qualification, elle est particulièrement gourmande en emplois qualifiés, pour lesquels le taux de chômage est aujourd’hui inférieur à 3 % aux Etats-Unis, malgré une structure par

Graphique n° 8

Etats-Unis : créations d’emplois et taux de participation

-2 -1 0 1 2 3

00 88

Emploi total (GA en %, G)

Population en âge de travailler (GA en %, G) Taux de participation (D, en %)

65,0 65,5 66,0 66,5 67,0 67,5

89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99

Source : BLS

(6)

et d’un recours continu à l’immigration, celle-ci ayant changé de nature au cours des années 1990, avec un contenu de plus en plus important en travailleurs qualifiés.

La croissance a donc profité aux salariés américains de tous niveaux de qualifica- tion, et a pu se poursuivre pour plusieurs raisons : les gains de productivité élevés, la hausse, jusqu’en 1998, du taux de partici- pation, la démographie favorable et le re- cours à l’immigration, avec des immigrés de plus en plus qualifiés au cours du temps.

qualification de la population active nette- ment plus favorable que celle des pays euro- péens (tableaux n° 1 et n° 2). Nous nous demandons plus loin si ces conditions macro et microéconomiques, sur le marché du travail, du maintien d’une croissance forte peuvent être réunies en Europe.

Le graphique n° 9 permet aussi de vi- sualiser la contribution importante de l’im- migration à la croissance de la population active aux Etats-Unis. Ces derniers bénéfi- cient donc d’une démographie favorable

0 1 2 3 4 5 6 7 8

99 88

Emploi + chômage (GA en %) Taux de chômage (en %)

89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 0

1 2 3 4 5 6 7 8

Graphique n° 8 bis

Etats-Unis : emploi et taux de chômage

Tableau n° 1

Population active par niveau de qualification (%)

Faible Elevée Moyenne Faible/élevée

Etats-Unis 14,9 24,5 60,6 0,6

France 32,9 9,3 57,8 3,5

Allemagne 18,2 11,6 70,2 1,6

Italie 66,8 7,5 25,7 8,9

Espagne 73,8 11,0 15,2 6,7

Source : OCDE, 1997

Tableau n° 2

Taux de chômage par niveau de qualification

Faible Elevée Moyenne Faible/élevée

Etats-Unis 12,6 2,9 7,7 4,4

France 14,7 6,2 10,4 2,4

Allemagne 9,0 4,0 6,5 2,3

Italie 9,6 6,9 8,2 1,4

Espagne 23,2 14,0 18,6 1,7

Source : OCDE, 1997 Source : BLS

(7)

Si les gains de productivité aux Etats- Unis, corrigés du cycle, sont voisins de 3 % et si la population active augmente de 1 % par an, l’économie peut connaître une crois- sance durable non-inflationniste de l’ordre de 4 %, ce qui est tout à fait remarquable.

UN MOINDRE OPTIMISME POUR LA ZONE EURO

Partons de l’analyse qui précède : la poussée de la croissance aux Etats-Unis est liée à la progression de la demande pour les nouveaux services, pour les nouvelles tech- nologies, mais n’a été durable que parce que l’offre de biens a suivi l’évolution de la demande, grâce à l’effort d’accumulation de capital, et parce que les ressources en emplois ont été trouvées.

Si cet effort n’avait pas eu lieu, des tensions inflationnistes se seraient mani- festées précocement, soit directement en raison de l’excès de demande de biens, soit parce que l’accélération des coûts salariaux n’avait pas été compensée par des gains de productivité plus élevés.

Il y aurait alors eu durcissement de la

politique monétaire et arrêt de l’expansion.

Cependant (graphique n° 10) l’inflation (hors énergie) est très stable aux Etats-Unis.

L’Europe bénéficie certainement d’une forte accélération de la demande pour les nouveaux services et les nouvelles techno- logies. Mais, comme on l’a déjà dit, la nouvelle économie ne peut absolument pas être réduite au secteur des nouvelles technologies. Il s’agit bien plus de leur inclusion dans l’ensemble des processus de production, ce qui permet l’évolution pa- rallèle de l’offre et de la demande pour l’ensemble des biens.

Le handicap de l’Europe ne se situe pas du côté de la demande de nouvelles tech- nologies, qui rattrape rapidement le ni- veau des Etats-Unis, mais du côté de l’of- fre de l’ensemble des biens.

34 % des Européens disposent d’une con- nexion Internet, ce qui est le même chiffre qu’aux Etats-Unis (36 %) ; cela montre que les différences ne se situent pas du côté de la demande, mais de celui de l’offre de biens.

Le taux d’investissement productif en Europe stagne depuis 1993, les gains de productivité sont faibles (autour de 1,5 % par an) et n’accélèrent pas, au con- traire (graphique n° 11 et n° 12).

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

98 70

90 100 110 120 130 140 150 160

Population d'immigrés (D) Population en âge de travailler (G)

72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96

Graphique n° 9

Etats-Unis : population active et immigration (en millions)

Sources : Census Bureau, CDC Marchés

(8)

0 2 4 6 8 10 12 14 16

00 90

Etats-Unis : total Etats-Unis Informatique Zone euro

0 2 4 6 8 10 12 14 16

91 92 93 94 95 96 97 98 99

Graphique n° 11

Taux d’investissement productif y.c. bâtiments Etats-Unis et zone euro

Source : DRI

-1 0 1 2 3 4 5

00 90

Etats-Unis Zone euro

91 92 93 94 95 96 97 98 99

-1 0 1 2 3 4 5

Graphique n° 12

Productivité du travail (G.A en %)

Source : Datastream 0,0

0,3 0,6 0,9 1,2 1,5 1,8 2,1 2,4 2,7 3,0 3,3

00 99

98 97

96 95

Zone Euro Etats-Unis

0,0 0,3 0,6 0,9 1,2 1,5 1,8 2,1 2,4 2,7 3,0 3,3

Graphique n° 10

Zone euro : core inflation (G.A. en %)

Source : Datastream

(9)

Un premier risque est donc que l’Eu- rope soit beaucoup moins résistante que les Etats-Unis à un choc inflationniste, par exemple à une ré-accélération des salaires, qui ne se produit pas encore évidemment (graphique n° 13). La question centrale est ici celle du niveau du NAIRU (taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation). Le NAIRU est d’autant plus élevé que les gains de productivité sont faibles, que la pression fiscale est forte, que les rigidités (faible mobilité géographique, profession- nelle ; existence de pièges à inactivités) du marché du travail sont fortes. Le taux de chômage est aujourd’hui à peine supérieur à 9 % dans la zone euro ; où se situe le NAIRU ? La plupart des travaux semblent le situer entre 8 et 8,5 %, ce qui indique- rait que la marge de croissance non infla- tionniste est limitée.

Un second danger en ce qui concerne la poursuite de la croissance européenne est aussi le retour de l’inflation due à une progression de la demande qui ne serait pas suivie d’une progression correspon- dante de l’offre, en raison de l’insuffisance de l’investissement, et non de l’excès du chômage structurel.

Compte tenu, de plus, du comporte- ment prévisible de la BCE, ce retour d’une inflation, même modérée entraînerait une

hausse forte des taux d’intérêt réels, un freinage de l’investissement, détestable si le problème est précisément l’insuffisance de l’investissement.

Ce danger se lit dans l’écart entre les taux de croissance potentielle entre les Etats-Unis et la zone euro. Une estimation raisonnable des gains tendanciels de pro- ductivité du travail aux Etats-Unis, en 2000, est de 4 % par an. La population active augmente de 1 % par an, et la croissance potentielle est peut-être de 5 % par an. Dans la zone euro, les chiffres correspondants sont environ 2 %, 0,5 % et 2,5 %. Puisqu’il faut plus de deux ans pour qu’un effort d’investissement se trans- forme en gains de productivité, et que cet effort d’investissement n’a pas démarré dans la zone euro, il est peu probable que l’appareil productif de la zone euro puisse répondre à une croissance forte et durable de la demande.

Un troisième risque est l’arrêt de la baisse du chômage dû à la butée sur le chômage structurel non seulement pour des raisons macroéconomiques (reprise de l’inflation, insuffisance de l’offre) mais aussi pour des raisons microéconomiques.

On a vu plus haut (tableaux n° 1 et n° 2) que les pays de la zone euro présentaient un taux de chômage très élevé pour les

-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

00 90

Coût salarial unitaire Taux de salaire nominal

91 92 93 94 95 96 97 98 99

-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8

Graphique n° 13

Zone euro : taux de salaire et coût salarial (G.A. en %)

Source : Datastream

(10)

non-qualifiés, qu’une partie importante de la population active était peu qualifiée.

Les graphiques n° 14 et n° 15 montrent que, depuis 1997, l’emploi croît rapide- ment dans la zone euro, alors que la popu- lation en âge de travailler augmente très peu et que le taux de participation est faible et stagne.

La faiblesse des gains de productivité (graphique n° 16) et la quasi stagnation de l’offre de travail impliquent une décrois- sance très rapide du taux de chômage.

La question est de savoir si on peut l’extrapoler :

- la croissance va-t-elle continuer si l’offre de biens n’augmente pas plus vite ? Sans hausse substantielle du taux d’investisse- ment, c’est difficile à croire ;

- comment éviter l’insuffisance de main- d’œuvre qualifiée ? Certains gouvernements européens ont évoqué le recours à l’immi- gration, mais est-il crédible ? Ne va-t-on pas plutôt délocaliser les activités concernées (programmation, back office...) dans les pays,

Source : OCDE, CDC-Marchés 50

52 54 56 58 60 62 64

85

Ratio emploi/population (en %, G) Emploi total (en %, D) Taux de chômage (en %, D)

86 87 88 89 90 91 92 93 94

-2 0 2 4 6 8 10 12 14

95 96 97 98 99

Graphique n° 14

Zone euro : taux de chômage, emploi et ratio emploi sur population de 20 à 60 ans

Graphique n° 15

Croissance de la population de 20 à 60 ans (en %)

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2

Zone euro Etats-Unis

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2

85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99

Source : OCDE, CDC-Marchés

(11)

comme l’Inde, où la main-d’œuvre ayant les qualifications requises est disponible ?

La stratégie européenne de créations d’em- plois doit évidemment être réexaminée.

Dans les dernières années, il s’agissait d’une stratégie de croissance « riche en emplois », c’est-à-dire avec des gains de productivité faibles.

Cette stratégie était raisonnable dans une situation de chômage élevée et de croissance pas très forte.

A partir du moment où des tensions, des difficultés de recrutement, apparaissent sur le marché du travail, il devient nécessaire, pour éviter le plafonnement de la croissance, de changer complètement de stratégie.

Rechercher des gains de productivité élevés devient alors indispensable pour éco- nomiser les ressources en main-d’œuvre, devenues rares.

QUEL PLEIN-EMPLOI ?

Nous allons maintenant évoquer un point différent : supposons que les diffi- cultés évoquées ci-dessus ne se réalisent

pas, que l’investissement accélére, que les politiques de requalification soient effica- ces... et que le taux de chômage baisse aussi beaucoup dans la zone euro. Le retour au plein-emploi y serait-il accompagné des mêmes inégalités qu’aux Etats-Unis ? Ces inégalités seraient-elles acceptables pour les Européens ?

Le creusement des inégalités inter-mé- nages aux Etats-Unis continue de s’inten- sifier, quels que soient les critères utilisés (âge, sexe, éducation, salaires individuels ou revenus des ménages). C’est ce qu’indi- que l’évolution de l’indice de concentra- tion (le saut de 1993 correspond à un changement dans la méthode de calcul du Census Bureau) (graphique n° 17). L’aug- mentation continue de l’indice reflète la dispersion croissante de la distribution du revenu des ménages américains depuis 1970.

Sur une période plus longue, l’élargisse- ment des inégalités est plus perceptible en- core. La répartition par quintiles du revenu des ménages s’illustre par un biais en faveur des ménages les plus riches (graphique n°

18). Il y a aujourd’hui 3 % de ménages en dessous du seuil de pauvreté (13 000 dol-

-3 -1 1 3 5 7 9 11 13

00 90

Croissance Productivité du travail Emploi

Taux de chômage

91 92 93 94 95 96 97 98 99

-3 -1 1 3 5 7 9 11 13

Graphique n° 16

Zone euro : emploi, croissance, productivité et taux de chômage (G.A. en %)

Source : OCDE, CDC-Marchés

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lars), contre 2 % en moyenne depuis 20 ans.

L’analyse des revenus d’activité montre aussi que les différences sont de plus en plus marquées entre catégories de tra- vailleurs sur le marché du travail. Elles sont généralement accentuées par les fac- teurs de différenciation habituels que sont l’expérience et le niveau d’éducation.

Après une période de relative stabilité, puis un large déclin au cours des années 1970, l’écart de rémunération entre tra- vailleurs qualifiés et non qualifiés s’est forte- ment accentué lors des deux dernières dé- cennies. La prime à la qualification est deve- nue un facteur non négligeable de creuse-

ment des inégalités au cours des vingt der- nières années (graphiques n° 19 et n° 19 bis).

Abstraction faite des niveaux de qualifications, la prime à l’expérience s’est accrue sur la période. Stable jusqu’au début des années 1970, le ratio des salaires entre classes d’âges (graphique n° 20) n’a cessé de progresser jusqu’en 1994, avant de se réduire un peu.

L’écart est encore plus marqué au sein de la population qui possède un niveau d’éducation très faible.

L’explication la plus généralement ac- ceptée pour éclairer l’ouverture des inéga- lités est le progrès technique.

Graphique n° 17

Etats-Unis : inégalités de revenu entre ménages

Source : Us Census Bureau, Current Population Report

Graphique n° 18

Répartition du revenu des ménages par quintiles

Source : Census Bureau, Current Population Report 0,46

0,45 0,44 0,43 0,42 0,41 0,4 0,39

0,46 0,45 0,44 0,43 0,42 0,41 0,4 0,39 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98

50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0

1er quintile 2ème quintile 3ème quintile 4éme quintile 5éme quintile 1967 1993 1998

4 3,6 3,6

10,8

17,315,1 15

24,2

9 9

23,5 23,2

43,8 48,9 49,2

(13)

Graphique n° 19*

Etats-Unis : inégalités salariales et niveau d’éducation

(ratio du salaire réel médian entre élèves de Collèges et de High Schools)

Source : Census Bureau, Current Population Report 1,20

1,25 1,30 1,35 1,40 1,45 1,50 1,55

89

63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87

1,20 1,25 1,30 1,35 1,40 1,45 1,50 1,55

* Le saut de 1990 correspond à un changement de méthode statistique.

Source : BLS, Census Bureau

Graphique n° 19 bis*

Etats-Unis : inégalités salariales et niveau d’éducation

(ratio du salaire réel médian entre élèves de collèges et de High Schools)

1,2 1,4 1,6 1,8 2,0 2,2

97

63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87

1,2 1,4 1,6 1,8 2,0 2,2

93 95 89 91

Une autre piste a aussi été évoquée : la concurrence des nouveaux pays industria- lisés, à partir du début des années 1980, qui a forcé les secteurs concurrencés à bais- ser leurs coûts de production. Cette expli- cation est plutôt rejetée aujourd’hui ; en particulier, elle impliquerait aussi une baisse du prix relatif des secteurs touchés, qu’on n’observe pas.

Deux explications se cumulent. La nou- velle vague d’innovations techniques à par-

tir des années 1960-1970 a amélioré la productivité du capital et, donc, conduit a privilégier l’embauche de main-d’œuvre qualifiée. Dans un tel cas de figure, le degré de substituabilité du capital au travail dif- fère entre catégorie de travailleurs. L’élasti- cité de substitution est plus élevée entre le capital et le travail non qualifié qu’entre le capital et le travail très qualifié. En d’autres termes, le degré de complémentarité entre le travail et le capital est plus élevé pour la

(14)

main-d’œuvre qualifiée. La nature du mar- ché du travail aux Etats-Unis, c’est-à-dire son degré de flexibilité, aurait entraîné un ajustement par les prix (et non pas par les quantités comme c’est le cas en Europe) de l’offre et de la demande de travail.

Une autre interprétation repose sur la nature du choc technologique. De par sa complexité et si on fait l’hypothèse que les travailleurs qualifiés ont un avantage

comparatif dans l’apprentissage des nou- velles technologies, leur développement s’accompagne d’un creusement des inéga- lités. L’adoption réussie d’une nouvelle technologie nécessite l’embauche d’une main-d’œuvre qualifiée. Plus elle se dif- fuse, plus la demande de travailleurs quali- fiés va être forte et plus les différences salariales vont s’exacerber.

Effectivement, les rémunérations

-10 0 10 20 30

1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000

Vêtements

Métallurgie de base Papier

Industrie du verre Biens d'équipement

Electronique

Chimie Instrumentation

Rémunération réelle (en %)

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Graphique n° 21

Etats-Unis : rémunérations salariales réelles et investissement technologique (variation en %) 1979-1989

Investissement net en nouvelles technologies (dollars constants par tête) Source : Brauer & Hickok

Graphique n° 20

Etats-Unis : inégalités salariales entre classes d’âges (ratio du salaire médian entres 45-54 ans et 25-34 ans)

1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6

97

55 59 63 67 71 75 79 83 87 91 93 95

1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6

Source : BLS, Census Bureau

(15)

Source : NIPA, calculs CDC Marchés

Graphique n° 22

Etats-Unis : productivité des branches qualifiées et non qualifiées du secteur manufacturier (base 100 en 1977)

75 100 125 150 175 200 225

77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97

75 100 125 150 175 200 225 secteurs non qualifiés

secteurs qualifiés

tendent à être plus élevées dans les secteurs où l’investissement dans les nouvelles tech- nologies est élevé (graphique n° 21).

La corrélation entre investissement tech- nologique, main-d’œuvre qualifiée et aug- mentation des inégalités salariales est liée à l’écart de productivité induit par la nature même de l’investissement (graphique n° 22).

Ainsi, l’exemple des Etats-Unis montre que, spontanément, les vagues d’innova-

tions techniques, qui stimulent la crois- sance et l’emploi, accroissent les inégalités, en accroissant la valeur de la qualification et de l’adaptabilité.

Les inégalités patrimoniales sont d’ailleurs aussi extrêmement fortes aux Etats-Unis (voir le tableau n° 3 ci-après) ; on sait qu’elles sont caricaturales dans les régions où sont concentrées les entreprises de la nouvelle économie (Californie).

Tableau n° 3

Richesse financière nette par niveau de revenu et d’éducation (milliers de dollars)

Richesse moyenne Pourcentage de famille

1989 1992 1995 1998 1989 1992 1995 1998

< 10 000 26 31 46 40 16 16 16 13

10 000 - 25 000 78 71 75 86 24 28 27 25

25 000 - 50 000 122 124 119 135 30 29 31 29

50 000 - 100 000 229 241 256 275 22 20 20 25

> 100 000 1373 1284 1465 1728 8 7 3 8

Ensemble 217 200 203 282

Niveau d’éducation

< high school 92 76 87 79 24 20 19 16

High school 134 121 138 158 32 30 32 32

Début collège 214 185 187 238 15 18 19 19

Diplômé collège 417 363 362 528 29 32 30 33

Niveau de revenu ($)

(16)

Toute la difficulté pour l’Europe con- sistera donc, si la nouvelle économie y prend les mêmes formes qu’aux Etats- Unis, à corriger les inégalités excessives, qui sont rejetées par les Européens, sans compromettre la croissance, sans faire dis- paraître les incitations à entreprendre ou à innover.

Ceci suppose une fiscalité sophistiquée, capable de distinguer entre les enrichisse- ments justifiés et les autres.

Deux difficultés en chaîne apparaissent donc pour l’Europe :

- le besoin de changements structurels (vitesse plus grande d’accumulation de capital, requalification de la main-d’œuvre) pour pro- fiter d’une accélération de la croissance poten- tielle et du retour au plein-emploi emploi ; - le besoin d’accompagner la croissance, tirée par les nouvelles technologies, d’une politique intelligente de maîtrise des iné- galités qui ne nuise pas à la croissance.

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