-Bull.Soc génl. France. 1992 ,1. 163, n''4, pp. 521-523
OBSERVATION
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Observa
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al éogéographiqu e
par ERIC BUFF ETA UT '
Le récent art icl e de Broin el al. [19 91] sur la pal éobio -géographie de la Téth ys utilise le giseme n t de dinosaures de Damparis (Jura ) com me exem ple, parm i d'au tres. di
n-diced'émersiondanslarégi on du Juraau Jurassique.Ayant .récem ment pu blié un art icl e [Buffetaut, 19 8 81 - non cité
A
r
Broin et al; - sur la sign ifica tion paléog é o graph ique '~s dinosau res trouv és en 1934 à Damparis. je crois utiled' apporter certa ines précision s et rectifications à leur sujet,
en ce qui conce rne le conte nu, l'âg e el l'i nterprétation du
gise ment. On trouvera la listedes publications relativement nombreuses consacrées à ces fossiles el à leur gise me n t dans mon art icle de 1988.
Une première re ctification des données fournies par
I3roin el (/1. [19911 porte sur le co nten u du gisemen t [décrit en détail par Dorlod ot. 19 34. et Lapparent, 19431. En plus
d'un asse z grand no mbre d'él éments en part ie dissoci és d'un sq ueleue de sau ro po de. ce n'est pas une dent de thé
-ropod e qui fut trouvée, comme l'é crivent Broin el al" mais
sept, dont une de forte taill e et six nettement plus petites. Com meje l'ai faitremarquerda ns mon art icle de 19 88[voir
aussi Buffetaut el al.. 19911, le s déterm inati on s proposées par Lappar ent en 1943. tant pour les théropode s que pour lesau ropode ,son tsujettes àcaution, mais une identific ation précise n'est cependant pas indispe ns ab le pour discu ter de
la formatio n du gisement de dino saures de Da m paris et de
]
sa sig nific ation palé o géo gr aphique.Sa position stratigraphi -que est à cet égard d'une bien plus grande importan ce, ct la Ce sujet une rectific ation s'impose de nou ve au, Les os -~ments de la carriè re Solvay ont été trouvé s dans une le n-till e marneuse intercal ée dans une série calca ire. Les opinions sur l'â ge de celte série ont varié. Les premiers
au te u rs à s' être occu pés des dinosau res de Damp aris, y
com pris Lapparen t en 194 3, les ont plac és, suivant la no -menclature de l'époque, dans 1'«Astartien » ou le «Séqu a-nien», En 1967, cependan t, Lap pare nt le s a att rib ués au
Kirnmeridgien , et c'est cette opinio n qu'ont re pr ise Broin
el al, en 1991, en considérant le nive au à dinosaure s de
Dam paris com me « d'âg e kimm eridgi en inférieur». En fait,
co mme je l'ai déjà fait rem arquer [Buffetaut, 198 81. le s études stratigraphiq ues mod ernes co nduisent à placer le g
i-se me n t de Damparis dans l'Oxford ien. Suiva nt Enay et al.
l
1988j, la lentille à din osau res se place à la base des Cal-caires de l'Isle-sur-le -D oubs, qui appart ien nent à lOxfor -dien moyen [sommet de la zone à Trans versariurn selon
Contini. 1989]. Il ne s' agit donc pas de Kim meridgien . ce
quiest d'une importance évidente si l'on veut éviter d' as-socier «pour un âge les donn ées de plusieurs étages»,
COmme le souhaitentave c raison Broin el al. [1991, p. 23
J
.
Broinetal.r
19 9 11ci ten tlesdinosau resde Damparis par-mi d'a utre s ind ice s pal éont ologiqu e s « impliqu ant l'exi
s-ten ce à diverses reprisesd'uneou plusieurs terres éme rgées.
Ù proximité de s gisementsou in situ.du Callo vien au Ki m
-merid gien inférieur) dans la ré gion du Jura. [J convient à
ce propos de s'i n te rroge r sur la significat io n de s re stes de dinosaure s cn tant quindicut eurs de terres émergé es . En ef
-l'et, le s re ste s de dino sau res dans des dépôts mari ns ne sont pas vraiment rares .On peu tcite run bon nom b re d' e xem ples eu Euro pe . dans le Jurassique et le Cré tacé. En Amé riq ue du Nord, le Crétacé mar in du «Wes tern lnterior » et de la cote est des États- Unis a livré un certa in nombre de re stes de dinosau res, par fo is asse z comple ts. dont une liste il été
don née par Horn er 1.19791. Ces spécime ns d'anima ux dont
on s'accorde aujo urd'h ui à penser qu'ils étaient fran che -ment te rrestres, trouvés dans des dépôts mari ns, ne f our-nissent générale ment pas d'ind icat ions palé ogéo gra ph iqu es très précise s, Notam me nt, ils n'indiquent pas néc e ssaire -ment la proxim ité im médiate d'un rivage. li s'agit en effet
-de re ste sde cad av re sentra înés en mer, et quiont pu y not
-ter pendant des durées très difficile s à préc ise r, mais qui
ont pu être longues et permettre un transport su r des dis
-tances assez considé rab les, C'est au moins ce que laissen t
penserdes décou vertes com me celles d'Had osauridae et de Nodosaurid ae dans la craie du Kansas (Niob rara Fo
rma-tion), dép osée appare m me nt à une grande dista nce des
masses continen tales le s plus proch es (p lusieu rs centa ines
de kilomètres d'aprè s la carte de Laferrière [1988]). D'au -tres spécimens. en re vanche, sem blent avoir été enfouis en
milieu marin peu pro fond et non loin d'une côte: c'e st par exem ple le cas des rest es d'Iguanodon du Calcaire à Spa
-tangues de la régi on de Saint-D izier. Toutefo is, dans un cas
comme dan s l'autre , ce ne son t pas les ossemen ts de din o-sa ures qui fournissent les indications palé o géo gra phiques • CNRS-URA 1433, Univ.Paris VLI, 2 place Jussieu. 75251 Paris cede x 05.
Manuscrit dép osé le 4 avril 1991, accepté le 22 janvier 1992.
522 OBSERVATION ET RÉPONSE
(pro fo nde ur.éloig ne me nt d'un rivage ), mais bien plutô t les carac tè res séd imentologiq ues des dép ôts et la nature des
fossiles marins qu'ils contiennent.
Le casdes dinosaures de Damparis, commeje l'ai
mon-tré, est tout autre, et permet des conclusions plus préci ses.
Il s'agit en effet d'une association d'un type bien p
articu-lier,celle d'un squelette relativement complet de sauropodei
et de quelques dents épa rses de théropodes. Ilest ex
trême-ment difficil ed'imagin er comment un tel assemblage aura it
pu se form er , par associ ati on fortuite après tran sport, en
milieu marin. En revanch e ,on rencontre assez souvent des assemblages de ce type en milieu contine ntal [Buffet a ut et
Suteethorn, 19 89] . L'interprét ation la plus simple et la plus
logiqu e de tels gisem ents est qu' il s'agit de lieu x où un
cadavre de sa uro pode a été dépecé et conso mmé par des
théropodes, qui y ont laissé quelques dents (ceci n' ayant
rien d'étonn ant compte tenu du mode de remplacement
den-taire desthéropodes [voirCurrie el al., 1990]). Le gise me nt
de dinosaur es de Dampari s apparti entclairement à ce type,
et la co ncl usio n qui s'impose est donc qu'il s'est form é in
situ sur la terre ferme. Il ind iq ue non pas la «pro ximité»
d'une terre éme rgée,comme on rasouventécrit , mais bien
une éme rsio n sur place, en l'occurre nce celle d'une pla te
-. , formecarbona tée,qui devaitfairepar tie d'une aireémergée d'une surface cons idé ra ble, capa ble d'abrite r des popul a-tion s de dinosa ures de grande taille. Les pistes de sauro
-podes connues dans des environne me nts sédime nta ires
compa rab les [Leghi ssa et Leon ardi , 19901, y compris dans
le Juras siqu e supérie ur du Jura [Mey er , 19901. tém oi gnent
d'une façon encore plus irréfutable de la réalitéde ces phé
-nomènes d' exondation. Il faut noter. en passant. que de
tell es éme rs io ns ont pu n'avoir qu'une durée brève
l'éch ell e des temps géologiques,'d' ai1 des difficultés pou
r-en rendre compte sur descarte spaléogéo gr aph ique squi né
-ce ssairement synthéti sent des donnée s corres po nda nt à une
certaine «tranche de temps ». De tell esémersion s relativ
e-ment fugaces ont pu néanmoins avoir des conséquences
bio-géo graphiq ues importante s en permettant des dispersions
d'animaux terrestres .
L'exemple des dinosaure s oxford ie ns de Damp ari s illu
s-tre que lq ues problè mes liésà l'inter préta tio n de certa ins gi -seme nts paléo nto logi q ues à des fins paléogéogr aph iqu es.
Outre la nécessité évidente de bien connaî tre la position
stratig raphique desgisementsense fondant sur desdonn ée s
récentes, il apparaît qu'une analyse détaillée du contenu et
des cond itions des gise ments est néce ssaire pour en appr
é-cier la sig nifica tion. Les restes de dinosaures trouvés en
milieu marin sont d'interprét ati on délicate en terme de
proximité éve ntue lle d'une côte, et il convient de bien les
distinguer des giseme nts vraiment continent au x, qui n'ont
évide mme nt pas le mêm e sens d'un point de vue pal éogéo -grap h iq ue. Le term e de «gisements littor a ux» tel qu'il est
employé par Broin el al. [1991 , p.24] est ambig u, dans la
mesure où il reco uvre aussi biendes giseme ntsoù des traces
d'é mersion sont certaines (Cerin, par exemp le), que d'a
u-tres où l'émersion paraî t au contraire fort improb abl e (Vil
-lers-sur -Mer. par exemple).
Remerciements - Je remerci e Mon sieur Marc Philippe
(Lab or atoire de Pal éobotaniqu e du Mézozoïque, Unive rsité
Lyon 1)pour ses indications sur la positi on stratig ra phique
du giseme nt de Dampari s.
Références
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OBSERVATION ET RÉPONSE
R
éponse
des auteurs
(Broin de et al.)
523
1) La note de Buffetaut [déc embre 1988J non citée dans
notr e note de synthèse très générale de 1991 (déposée à la
SGFà lami-décembre 1989) comme t une erreuréq uiva lente
àla nôtr e quant à l'âge du gise ment de Damp ari s que l'au
-teur place dans l'Oxfordi en supérieur. Enay el al. [août
1988], not e ni citée par nou s, ni par Buffetaut [décembre
1988], don nent l'âge qu'il conv ient de retenir in fine pour CP ~ise me n t. enaccord avec le prése ntarticle,à savoirOx -.ien mo yen au somme t de la zone à Transve rsarium. La
noie de référence stratigrap h ique que nousaurionsdû citer est donc bien celle de Enay el al. [1988J et non pas celle
de Buffetaut [1988].
(
/
2) L' âgede cegisement étantdésormais bien établi nou s
cons tato ns que M. Buffetautse trouve enple inaccordavec not re approc he méth odologiqu e et nos concl usions p
aléo-géograph iqu es, mêm e si les argume nts ne sont pas lou s les
mêmes.
3) L'inte rpréta tio n paléoécologiqu e de l'assemblage de dinosaures de Dam pari s proposée par Buffet au t [1988] et
reprise ici est contestable: la coexiste nce, à Damparis
comme dansde nombreu x gisements, de seuls restes de sa
u-ropodes et de dent s de thér opodes n'impl ique pas un d
é-peça ge sur place des cadavres de sauro podes par le s
théropodes: c' es t une hypoth èse qui reste à prou ver.