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Collaborer n'est pas si évident… même si c'est une évidence
EMERY, Roland Albert
EMERY, Roland Albert. Collaborer n'est pas si évident… même si c'est une évidence. La gazette de l'OMP , 2018, no. 27, p. 8-9
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150529
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Ce court article rend compte d’une partie de résultats d’une recherche doctorale en sciences de l’éducation (Emery, 2016) menée dans 13 institutions spécialisées de l’OMP et du secteur privé subventionné du canton de Genève. Cette recherche questionne la collaboration entre professions différentes plus particulièrement en lien avec la conception et la régulation des projets des élèves.
Pour les professionnels de l’OMP, le fait que les établisse- ments désignés actuellement comme centres médico-pé- dagogiques (CMP) fassent partie du dispositif de l’ensei- gnement spécialisé est vraisemblablement une évidence.
Pourtant, l’étude des textes prescriptifs suisses et interna- tionaux montre que ce type de structure est peu délimité et très variable d’un système scolaire à l’autre. Il ressort néanmoins que, dans les pays francophones du moins, les institutions sont entre autres caractérisées par le fait qu’elles délivrent des prestations d’enseignement spécia- lisé couplées à des prestations d’éducation et de soin, ce qui justifierait dès lors l’implication de différentes expertises professionnelles pour l’évaluation et l’intervention auprès des enfants ou adolescents.
Or, cette collaboration multiprofessionnelle est souvent présentée comme une évidence en premier lieu dans la littérature professionnelle. Mais une partie de la littérature scientifique vise également à identifier et prescrire des
« bonnes pratiques ». Peu de travaux de recherches visent à comprendre les phénomènes collaboratifs et à rendre compte de la complexité du travail à plusieurs professions.
Il ressort néanmoins de la littérature un véritable jeu de tensions. Par exemple, il est préconisé de clarifier, d’expli- citer et de comprendre les différents rôles professionnels alors que les frontières entre professions ne sont pas si clairement définies ; il existe des zones de flou, de diver- gence, d’exclusivité, de chevauchements entre ces pro- fessions. S’il est recommandé d’améliorer la collaboration en construisant par exemple une cohésion d’équipe par la confiance et le respect, certains travaux portant sur la question des statuts professionnels montrent à quel point les interactions collaboratives peuvent être entravées par des phénomènes de hiérarchie souvent implicitement mar- quée entre les professions concernées.
Notre recherche considère que la collaboration se réalise toujours par rapport à un objet et qu’elle se déploie dans des contextes et situations singulières. A ces fins, nos études portent sur la manière dont se décline la collabora- tion entre professions différentes en lien avec la conception et la régulation de projets éducatifs d’élèves (PEI). Trois études différentes ont été menées dans 13 institutions spécialisées. Des documents en lien avec les projets des élèves ont été récoltés et analysés, servant d’ancrage à
des entretiens menés d’une part avec les responsables ou directeurs d’établissement et d’autre part avec l’ensemble des professionnels de 2 institutions. Ces documents et en- tretiens ont été analysés, mettant en évidence plusieurs résultats dont nous ne rendons compte ici que de quelques aspects significatifs.
En premier lieu, si les professionnels se soucient certes d’un projet comme document à rédiger, ils insistent néan- moins sur le caractère processuel des projets des élèves.
Pour eux, le PEI d’un élève ne se résume pas à un do- cument qui prescrirait leurs pratiques. Notre recherche confirme que la conception et la régulation de projets se ré- alisent à travers de nombreuses pratiques (p.ex. séances de travail en commun, rédaction de différents documents, entretiens avec les familles et/ ou différents partenaires) et qu’une centration exclusive sur un document pourrait a contrario entraver les projets dans leur dimension proces- suelle. En outre, les professionnels y consacrent beaucoup de temps dans des espaces et temps informels, échan- geant non seulement dans les espaces interstitiels de l’institution mais également avec les partenaires impliqués dans différents réseaux professionnels. Si les profession- nels déclarent un manque de temps lors des séances de travail en commun pour désigner des objectifs et discuter plus généralement d’un projet, force est de constater qu’ils passent déjà beaucoup de temps à rendre compte de ce flux d’activité informelle, échanges qui leur sont pourtant nécessaires pour s’ajuster à la complexité de leur travail.
En second lieu, l’étude de l’activité déployée en vue des projets des élèves montre comment le travail en équipe relève d’une forme d’intelligence collective. Les connais- sances à propos des élèves, les compétences d’évalua- tion et les diverses modalités d’intervention sont largement distribuées entre les professionnels. Elles se révèlent particulièrement pertinentes dans les situations déclarées complexes nécessitant des formes de soutien social entre professionnels. Pour les professionnels, la collaboration est ainsi une évidence non remise en question, confir- mant en cela ce qui est pointé dans la littérature. C’est une composante essentielle de leur travail qui permettrait une richesse de points de vue et des échanges favorisant l’ap- prentissage mutuel. Pourtant, un jeu de tensions se dégage dans les discours recueillis entre ce qui est de l’ordre des cultures professionnelles et ce qui relève de la culture de l’équipe. L’analyse des discours des professionnels montre la complexité à composer avec les différents mandats pé- dagogiques, éducatifs et thérapeutiques de l’institution.
Par exemple, les professionnels interrogés ont tendance à affirmer une prédominance des projets thérapeutiques sur les projets éducatifs et pédagogiques, se marquant entre autres par l’usage d’un langage médico-psychologique au détriment des autres langages professionnels. Les ré- sultats montrent certes que chaque professionnel recon- naît à l’autre la spécificité de son rôle, mais les rôles de
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE
Département de l’instruction publique, de la culture et du sport
Office Médico-Pédagogique page 8
Réflexion
Collaborer n’est pas si évident… même si c’est une évidence !
11. Pour des raisons de lisibilité, nous n’insérons pas de références dans le texte. Un texte avec références et bibliographie est disponible auprès de l’auteur : Roland.Emery@unige.ch
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Département de l’instruction publique, de la culture et du sport
Office Médico-Pédagogique page 9 spécialistes sont valorisés, le rôle de
responsable thérapeutique ayant une coloration particulière qui est présen- tée comme garant du processus d’in- terprétation de ce que font et disent les enfants et qui suscite souvent de fortes attentes de la part des autres profes- sionnels. Dans plusieurs institutions, le mandat thérapeutique est clairement ce qui fait la culture commune alors
que les mandats éducatifs et pédagogiques relèvent da- vantage de la culture professionnelle spécifique. Cette pré- dominance pourrait alors laisser à ces seuls professionnels, enseignant et éducateur, la responsabilité de représenter leur mandat respectif et de le faire vivre dans l’institution.
A l’heure où la collaboration multiprofessionnelle tend à être une nouvelle injonction en vue d’une école dite inclu- sive (voir par exemple l’implantation d’équipes pluridiscipli-
naires dans les contextes scolaires ordinaires), il est toujours bon de rappeler que ces formes de collabo- ration ne sauraient simplement se décréter, mais qu’elles relèvent d’un processus dynamique et complexe entre les acteurs. Evoluant dans des nouvelles configurations d’acteurs et de contraintes, les professionnels se voient dans un ajustement constant de leurs actions et dans l’obligation voire l’urgence à inven- ter des nouvelles formes collaboratives pour accompagner les élèves dont ils sont responsables.
Roland Emery Chargé d’enseignement SSED, IUFE, Université de Genève Ancien RP CMP Villa Eckert, Les Amandiers, La Coudraie
Les publications de l’OMP
De nombreux articles sont publiés par des collaborateurs de l’OMP dans différents domaines. Cette rubrique a pour but de présenter ces articles en quelques lignes. Ces articles sont également mis à disposition en format électronique sur l’intranet OMP.
Parmi les articles récents de notre unité de recherche : Bronwyn Glaser, Stephan Eliez, Hannah Cholemkery, Christine M. Freitag, Maude Schneider
Online Social Skills Group Training for Adolescents and Young Adults with 22q11.2 Deletion Syndrome Journal of Behavioral and Brain Science, 2018, 8
Résumé : Le syndrome de microdélétion 22q11 a un im- pact sur les compétences sociales des personnes affectées.
Le programme SOSTA-FRA, conçu pour les troubles du spectre de l’autisme, a été utilisé en ligne lors de séances de groupe avec des adolescents et des adultes isolés géo- graphiquement. Les 12 séances hebdomadaires ont ciblé la communication, la conscience émotionnelle et la réciprocité.
22 participants ont été évalués quant à leur comportement, réactivité sociale, et cognition, avant et après l’intervention.
Les parents ont rempli un questionnaire pour déterminer si l’intervention répondait à leurs besoins. Les données re- cueillies montrent de grands effets sur la conscience sociale, et des effets petits à moyens sur la motivation sociale. Ces résultats indiquent que la formation en ligne sur les compé- tences sociales est faisable et prouve son efficacité sur les individus affectés de microdélétion 22q11.
Holger Sperdin, Ana Coito, Nada Kojovic, Tonia Rihs, Reem Jan, Martina Franchini, Gijs Plomp,
Serge Vulliemoz, Stephan Eliez, Christoph Michel, Marie Schaer
Early alterations of social brain networks in young children with autism
eLife 2018
Cet article scientifique a fait l’objet d’un article tout public publié en ligne dans le Journal de l’Université de Genève:
https://www.unige.ch/lejournal/numeros/journal143/article-re- cherche-1/
Résumé: Les nouveau-nés sont naturellement attirés par les voix, les visages et les gestes, ce qui leur permet d’apprendre à interagir avec ceux qui les entourent. Cet apprentissage passe par le développement de réseaux de connexions neuronales reliant différentes parties du cerveau. Les chercheurs ignorent encore pourquoi les enfants atteints de TSA sont, au départ, moins sensibles à ces signaux. Mais il est vraisemblable, selon eux, que cette indifférence exerce assez rapidement une in- fluence délétère sur le développement des réseaux neuronaux impliqués dans le comportement social. C’est justement pour s’en convaincre que l’étude genevoise a été réalisée.
Hilary Wood de Wilde, Astrid Costes et Martina Franchini
Le Centre d’Intervention Précoce en Autisme de Genève et l’approche du Early Start Denver Model Revue suisse de pédagogie spécialisée, 1/2018
Résumé : Les Centres d’Intervention Précoce en Autisme (CIPA) ouverts à Genève depuis 2011 se basent sur l’ap- proche du Early Start Denver Model (ESDM), une méthode centrée sur l’engagement social et qui intervient sur tous les différents domaines du développement. À ce jour, les études montrent que les enfants qui suivent cette thérapie intensive ont un meilleur fonctionnement adaptatif, une réduction no- table de la sévérité de leur symptomatologie et un meilleur fonctionnement cognitif. Au CIPA, le partenariat avec les pa- rents tient une place importante. Grâce à une intervention intensive, les parents sont les témoins actifs des progrès de leur enfant.
