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Changer l’école ou changer les parents ? Les processus non univoques du changement de la relation entre l’école et les familles

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Changer l'école ou changer les parents ? Les processus non univoques du changement de la relation entre l'école et les familles

GIULIANI, Frédérique Elsa

Abstract

Cet article se saisit des transformations institutionnelles concernant la relation entre l'école et les familles et qui ont pu se développer dans le canton de Genève, dès l'arrivée d'éducateurs sociaux ayant contribué à la mise en œuvre du dispositif de « l'École des mamans » au sein du réseau d'enseignement prioritaire genevois. Il montre que les changements non univoques qui s'en sont suivis, relèvent d'une tension entre les deux régimes de signification institués, « idéaliste » et « analogique ». Selon les conditions sociales en présence, ces régimes de signification interviennent comme deux polarités en réaction desquelles les acteurs sociaux, éducateurs et enseignants, vont être plus ou moins en capacité de développer de manière réflexive des horizons de changement.

GIULIANI, Frédérique Elsa. Changer l'école ou changer les parents ? Les processus non univoques du changement de la relation entre l'école et les familles. SociologieS , 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:120754

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Changer l’école ou changer les parents ?

Les processus non univoques du changement de la relation entre l’école et les familles

Change schools or change parents? The non-unequivocal process of change in the relationship between schools and families

Frédérique Giuliani

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/sociologies/10250 ISSN : 1992-2655

Éditeur

Association internationale des sociologues de langue française (AISLF)

Ce document vous est offert par Université de Genève / Graduate Institute / Bibliothèque de Genève

Référence électronique

Frédérique Giuliani, « Changer l’école ou changer les parents ? », SociologieS [En ligne], Dossiers, Le changement institutionnel, mis en ligne le 27 février 2019, consulté le 22 juin 2019. URL : http://

journals.openedition.org/sociologies/10250

Ce document a été généré automatiquement le 22 juin 2019.

Les contenus de la revue SociologieS sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France.

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Changer l’école ou changer les parents ?

Les processus non univoques du changement de la relation entre l’école et les familles

Change schools or change parents? The non-unequivocal process of change in the relationship between schools and families

Frédérique Giuliani

Introduction

1 La place et le statut attribués aux parents d’élèves au sein des écoles primaires genevoises situées en Réseau d’enseignement prioritaire 1 se sont profondément transformés depuis une dizaine d’années. Pendant longtemps les pratiques des acteurs scolaires tendaient à tenir à distance les parents, au nom d’un idéal d’égalité de traitement. Sous l’impulsion de discours politico-institutionnels promouvant une meilleure collaboration entre l’école et les familles dans le but de favoriser la réussite scolaire de l’élève, se sont développées des pratiques attribuant aux parents un tout autre statut : celui d’un partenaire légitime de l’action éducative mise en œuvre par l’école. Les conditions socio-historiques de ce

« renversement normatif complet » ont déjà été mises en lumière par certains travaux (Périer, 2005, p. 45). Ils montrent comment dans un contexte de chômage de masse, la collaboration entre l’école et les familles et l’implication des parents dans la scolarité de leurs enfants ont été pensées à partir des années 1990 comme une nécessité dans la lutte contre l’échec scolaire des enfants de milieux défavorisés. Transversales à de nombreux pays, ces transformations normatives se sont traduites dans le canton de Genève par le développement, au nom de la collaboration avec les familles, d’une multitude de nouvelles pratiques et de nouveaux dispositifs scolaires. Cependant les modifications rendues visibles dans les discours publics et au plan organisationnel n’annoncent pas nécessairement un changement radical des manières de concevoir les publics et de les traiter. De ce point de vue, « le changement de certaines pratiques n’est pas la traduction mécanique d’un changement institutionnellement programmé » (Raymond, 2009, p. 45).

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Si le contexte politico-institutionnel en faveur des pratiques collaboratives offre effectivement des opportunités pour que se développent de nouvelles manières de considérer la place des familles dans l’action éducative, cet article montre que les perspectives du changement institutionnel restent très contingentes de la manière dont des prescriptions politiques et les régimes de significations attenants peuvent se combiner aux référentiels professionnels des acteurs éducatifs, d’une part et des marges d’autonomie dont ces derniers disposent, d’autre part.

Questions de recherche et cadre théorique

2 En quoi l’analyse de ces transformations normatives impliquant des dimensions collaboratives entre l’école et les familles peut-elle alimenter une réflexion dans les termes d’un changement institutionnel ? Au regard de notre terrain, il nous est apparu nécessaire d’échapper à tout système d’interprétation qui nous amènerait à envisager des réponses radicales. Ainsi, il était peu opportun de partir de l’hypothèse, souvent en travail dans une sociologie critique du dévoilement, que derrière l’impression première d’un changement, « rien ne change ». De même, nous n’avons pas emprunté une posture inverse, en considérant que tout peut changer et change effectivement. Qui plus est, nous ne pouvions pas nous en tenir à la seule description monographique de changements fortement micro situés, voire trop épars. Nous n’aurions pu les associer à des tendances venant informer de manière significative un changement institutionnel. L’hypothèse de recherche que nous développons est autre. Elle suggère en effet que les transformations de la relation entre l’école et les familles qui sont à l’œuvre peuvent être analysées à partir des manières différenciées dont s’articulent, d’une part, deux régimes de signification qui impactent cette relation, d’autre part les différentes configurations sociales au sein desquelles sont actualisées in situ ces régimes de signification. Partant de cette hypothèse, plusieurs dimensions du changement institutionnel sont considérées et tenues ensemble dans cet article.

3 Premièrement, nous analysons une dimension particulière du changement, celle qui concerne la transformation des significations instituées, soit encore « un type d’institution, au sens de Mauss, sur laquelle est fondée l’action publique » (Laforgue, 2015, p. 28). Les transformations dont nous analysons les tendances ne relèvent pas seulement en effet d’une modification des normes prescrivant ce qu’il faut faire, mais bien d’un changement des significations que les acteurs professionnels peuvent conférer, selon les situations, aux relations de collaboration avec les familles. À la suite des travaux de Denis Laforgue sur les différents « régimes de significations institués » (Ibid., p. 36) nous partons de la distinction qu’il opère entre un régime de signification « idéaliste » et un autre régime qualifié d’« analogique ». Le premier de ces régimes participe d’une logique d’identification des publics-cibles au regard de leurs écarts à des normes capacitaires et vise leur réduction au moyen d’une relation asymétrique. Le second régime sous-tend une tout autre logique. Lorsque les acteurs mobilisent un régime « analogique », « ils se donnent pour tâche non de traquer et de réduire l’anormalité individuelle, mais de veiller à ce que l’ensemble des êtres humains, qu’ils prennent en charge, tout en étant pluriels et divers, restent reliés les uns aux autres » (Ibid., p. 33). Dans ce second régime de signification animé par un idéal de cohésion, les acteurs s’emploient, d’un côté, à étayer, soutenir et à habiliter (et non à normaliser) l’individu dans ses relations avec autrui, de l’autre à développer des actions censées assurer la cohérence et la cohésion de la société à

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travers le maintien d’« équilibres » entre les groupes sociaux. Nous montrons comment ces deux régimes de signification coexistent dans les pratiques collaboratives lesquelles, loin d’être univoques et uniformes, ne découlent strictement ni de l’un ni de l’autre de ces régimes. L’adoption par les acteurs d’un régime de significations de type « analogique » ne s’établit pas selon une simple logique de conversion. Cette dernière impliquerait en effet qu’un régime de signification se substitue à un autre. Or le changement des pratiques ne relève pas d’un processus aussi radical. C’est plutôt un changement de l’ordre d’une « sédimentation adjonction institutionnelle » (Thelen, 2003, p. 13) qui est à l’œuvre.

4 Deuxièmement, nous mettons en évidence que les transformations perceptibles à l’échelle de notre terrain relèvent à la fois d’une tension entre ces deux régimes de signification qui opèrent comme des polarités cognitives et des conditions sociales en présence. Les transformations institutionnelles sont en effet contingentes des conditions sociales qui participent de l’actualisation de la tension entre les régimes de signification « idéaliste » et « analogique ». Dans certaines circonstances, les manières d’identifier les familles comme des « cas » à normaliser (régime « idéaliste ») perdurent à travers les pratiques dites « collaboratives », quand bien même, par endroits, dans des poches de changement (Demailly, 2008), se développent de nouvelles identifications (de type « analogique »), en réaction à une logique de type « idéaliste ».

5 Troisièmement, l’analyse du changement institutionnel doit également se nourrir de dimensions relatives à la question de la relation entre « pouvoir » et « sens ». Il est en effet nécessaire de prendre en compte les effets que peuvent avoir les jeux de pouvoirs, internes ou externes à l’école, sur les processus d’actualisation des divers régimes de signification. Sans privilégier d’emblée une analyse en termes de « domination symbolique » qui aurait tendance à rabattre l’une sur l’autre ces questions de sens et de pouvoir, nous montrons que dans certaines conditions, les acteurs professionnels ont le pouvoir effectif de gérer collectivement la tension entre les régimes de signification

« idéaliste » et « analogique ». Inversement, lorsqu’ils n’ont pas ce pouvoir, leurs pratiques relèvent moins que précédemment d’une mise en travail des polarités que représentent les deux régimes de signification (« idéaliste » et « analogique »). Les perspectives de changement de la relation entre l’école et les familles sont alors davantage marquées par une logique imposée de l’extérieure, à dominante « idéaliste », contribuant à accroitre l’emprise de l’intervention publique sur les acteurs familiaux.

Méthodologie

6 Nous nous sommes intéressés au dispositif de « L’École des Mamans », présent au sein du Réseau d’enseignement prioritaire du Canton de Genève. L’arrivée d’éducateurs sociaux dans ces écoles REP et les pratiques collaboratives avec les directeurs d’écoles et les enseignants qui ont pu être mises en place autour de la question de la relation entre l’école et les familles constituaient en effet une entrée privilégiée pour discerner et interpréter le changement institutionnel. Par endroits – et à divers degrés – le statut et la place affectés aux familles au sein des écoles s’en sont trouvés transformés. Sans être pour autant à l’initiative de ces transformations – les décisions politiques en faveur d’une meilleure collaboration avec les familles précèdent et structurent leur action à travers le mandat qui leur a été confié – ces éducateurs sociaux ont joué un rôle non négligeable. Il a été important dans les manières, les différents cheminements (Ingold, 2013), à partir

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desquels cette perspective s’est concrètement déclinée. Il l’a surtout été dans la légitimation de nouvelles manières de faire avec les familles, sensiblement différentes des pratiques ordinaires du corps enseignant. Nous avons constaté ces tendances plurielles et contextuelles du changement institutionnel sur la base des données de terrain amassées entre 2014 et 2017 dans le cadre de plusieurs phases d’enquête centrées sur le rôle des éducateurs au sein des écoles REP 2. Ces données émanent, d’abord d’entretiens semi- directifs 3 conduits auprès de dix-sept des vingt éducateurs du REP genevois 4. Ensuite, elles ont été engrangées lors d’un long travail d’immersion et d’observation d’environ 300 heures auprès d’eux et consistant à les suivre dans leur travail quotidien. Sur la base de ce matériau, et pour illustrer ces tendances du changement institutionnel, nous avons choisi dans cet article de sélectionner les données qui concernent plus particulièrement le dispositif de « L’École des Mamans », dans la mesure où son actualisation est exemplaire des processus ci-dessus évoqués. Sur les 22 écoles REP du Canton de Genève, quatre d’entre elles comprennent une « L’École des Mamans ». Lors de la campagne d’entretiens, nous avons interviewé trois éducateurs 5 responsables de trois « Écoles des Mamans » différentes. Lors de la phase d’observation, nous avons observé les pratiques des éducateurs dans une de ces « École des Mamans » et également conduit des entretiens avec plusieurs enseignants impliqués ainsi que des parents. Les phases d’entretiens nous ont permis d’informer les manières dont les acteurs de l’école (éducateurs, directeurs et enseignants) mobilisaient dans leurs discours les deux régimes de signification

« analogique » et « idéaliste » pour expliquer l’orientation des transformations qu’ils avaient mises en œuvre. Ces premiers éléments de sens ont ensuite été confrontés aux pratiques observables telles qu’elles pouvaient se décliner en fonction des différentes configurations d’action. L’articulation entre ces phases d’entretien et d’observation a permis de discerner les variations identifiables à l’échelle des pratiques et de voir en quoi cette variabilité des pratiques pouvait être corrélée aux manières dont les acteurs professionnels étaient amenés à gérer la tension entre les deux régimes de signification.

Une tension entre deux régimes de signification productrice de changement

7 La création d’« L’Écoles des Mamans » est symptomatique du changement qui a pu s’opérer avec l’introduction des éducateurs sociaux au sein des écoles ciblées par la Politique d’enseignement prioritaire 6 du Canton de Genève. Cette dernière s’est effectuée dans le contexte plus général d’une transformation du discours politique en faveur d’un renforcement de la « collaboration entre l’école et les familles ». Ces discours publics ne font toutefois pas mention d’une critique des conventions sociales régissant jusqu’alors les manières de faire avec les familles (la distance, l’évitement…) et qui justifieraient leur changement. Les « changements escomptés » (Raymond, 2013, p. 73) ne procèdent donc pas d’une démarche explicitement critique et réflexive de l’école sur elle-même. Seul l’argument de l’efficacité présumée des pratiques collaboratives est mis en avant.

Toutefois, au sein des REP, ces nouvelles recommandations adressées à l’ensemble des écoles primaires du canton se trouvent renforcées par un mandat spécial confié aux éducateurs sociaux : développer « un climat de confiance entre l’école et les familles » (Biffiger & Riedweg, 2007). A priori, ces prescriptions pourraient être considérées comme suffisantes pour insuffler un changement radical du régime de signification instituée. Dès lors que l’intervention politique préconise d’associer et de faire participer les familles,

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nous pourrions en effet considérer qu’elle s’appuie davantage sur un régime de type

« analogique », bien moins que sur le type « idéaliste » traditionnellement mobilisé dans l’école pour organiser la relation avec les familles. Or, deux éléments d’analyse sont ici à prendre en compte. D’une part, le régime de signification « analogique » mobilisé par les policy makers relève d’un discours qui vise à définir de manière « idéaliste » des modes de faire « analogiques ». Ces discours sont donc porteurs d’une tension a priori non résolue entre régimes de signification « analogique » et « idéaliste », avec laquelle les acteurs auront à composer. D’autre part, dans ces conditions les formes de collaborations entre l’école et la famille peuvent être fortement dépendantes de la manière dont les agents de terrain impliqués dans cette visée de changement vont faire en contexte avec cette tension, en fonction des situations pratiques auxquelles ils sont confrontés. Il est donc nécessaire d’analyser comment un changement peut s’opérer en pratique, en considérant notamment les référentiels professionnels qui peuvent imprégner les acteurs professionnels et ainsi orienter les manières dont ils peuvent se saisir de cette tension.

8 Dans le contexte de l’école primaire genevoise, les éducateurs ont fortement contribué à importer des pratiques développées dans le champ du travail social depuis une quinzaine d’années, notamment des pratiques mettant l’accent sur la rencontre, la relation, le lien.

Comme l’ont montré de nombreux observateurs du travail social (Ion, 1988 ; Dubet, 2002 ; Demailly, 2008), le développement de telles pratiques peut largement s’expliquer par un certain déclin de l’idéal éducatif. Sans toutefois disparaître, les significations « idéalistes » ont pour partie laissé place à de nouvelles manières de penser et d’agir orientées vers l’accompagnement, le soutien, l’écoute et la participation des usagers. Autrement dit, si les éducateurs sociaux animés par des logiques « non idéalistes » ont contribué au changement des pratiques scolaires à l’égard des familles en important des manières de faire éprouvées dans les dispositifs du travail social, ces contributions n’ont pu prendre une réelle consistance qu’au regard de l’actualisation, dans le cadre d’interactions situées (Strauss, 1992 ; Giuliani, 2017), de logiques d’action qui sont convergentes avec certaines dimensions ou tonalités idéalistes présentes dans les préconisations des policy makers, sans toutefois se recouvrir.

9 Concrètement, l’arrivée des éducateurs sociaux et la mise en œuvre de leur nouveau mandat a conduit, dans plusieurs écoles, à la renégociation de deux types

« d’arrangements institutionnels » (Thelen, 2003, p. 13). Chacun concerne l’école en tant qu’espace public, au double sens du terme, i.e. comme espace de circulation et comme espace de communication. Le premier arrangement, sous-tendu par une logique de la rencontre compatible avec le régime « analogique », consiste à faire de l’école un lieu que les parents ont le droit de fréquenter et où ils peuvent circuler. C’est donc un principe d’accessibilité de l’école, en tant qu’espace public, qui est instauré. Le second arrangement consiste à faire de l’école un espace où le parent peut, en son nom propre, non seulement exprimer ses opinions privées, mais également être associé aux discussions, aux réflexions qui concernent la scolarité de son enfant. Notons ici que les perspectives qu’ouvre ce deuxième arrangement sont également compatibles avec un régime de type « analogique », la relation entre l’école et les familles étant alors davantage alimentée par des échanges de sens, de paroles plurielles. Avec ces deux arrangements, c’est la construction de l’école comme espace de circulation et d’expression de divers points de vue qui est en jeu.

10 Dans les faits, ces deux arrangements institutionnels ont favorisé des transformations organisationnelles à l’égard des parents : ces derniers sont davantage invités que par le

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passé à franchir les murs des établissements, à échanger régulièrement, de manière formelle ou informelle, avec les enseignants, mais également à s’exprimer au sujet des difficultés éprouvées par leur enfant et par eux-mêmes dans le suivi de ce dernier. Des espaces de coprésence ont pu se développer, sous des formes multiples. Il aura donc fallu un dépassement du régime de signification « idéaliste », tant du côté de l’école que des travailleurs sociaux, pour que le régime de type « analogique » puisse imprégner les lieux et pour partie les esprits. Des transformations bien réelles (spatiales, relationnelles) sont apparues avec l’introduction du régime de signification « analogique » (Giuliani, 2018).

Cela étant, à l’échelle toujours circonstanciée des situations pratiques, deux « horizons de réalités » peuvent coexister. Certaines transformations envisagées selon un régime de signification « analogique » peuvent finalement s’actualiser d’une manière qui alimente plutôt un référentiel « idéaliste ». Si les modalités organisationnelles ont bel et bien changé, la manière dont les familles sont identifiées et cadrées dans les pratiques professionnelles ne s’est quant à elle pas toujours modifiée en même temps. Dans certains contextes collaboratifs les professionnels réactivent en effet le régime de signification

« idéaliste ». À l’échelle des pratiques, l’analyse d’un changement institutionnel doit donc permettre de discerner et de comprendre quelles sont les contingences qui participent de cette coexistence entre ces deux horizons de réalité, comment elles peuvent s’articuler, s’entremêler au gré des situations, des contextes mais aussi et surtout des acteurs en présence. C’est cette dimension analytique que nous allons maintenant appréhender à partir des pratiques concrètes des acteurs, en montrant comment les transformations factuelles de la relation entre l’école et les familles dont elles peuvent être porteuses, s’opèrent selon une tension créatrice à déclinaison variable entre, d’une part, les dimensions suggestives 7 de régimes de signification dont aucun ne se traduit de façon pure tout en alimentant l’horizon des possibles, d’autre part la présence de conditions sociales particulières qui peuvent être déterminantes en matière d’actualisation de nouvelles orientations.

Les conditions de possibilité d’une gestion collective du sens du changement

11 Dans une école du REP, l’arrivée, en 2006, d’un éducateur social mandaté pour développer un « climat de confiance entre l’école et les familles » a suscité la mise en œuvre d’une réflexion collective sur la place et le statut des parents. Incarnant une logique propre au travail social de dépassement de l’idéal éducatif, l’éducateur a dès son arrivée formulé une critique explicite du principe de mise à distance des parents et a justifié comme suit une transformation des pratiques : « À l’époque, les portes d’entrée des écoles primaires étaient flanquées d’un panneaux "Interdit aux parents". Quelle horreur ! » (Éducateur REP, membre fondateur de « L’École des Mamans »).

12 Cette division de l’espace, qui est aussi une division morale, est apparue bien peu légitime aux yeux de ce professionnel chargé de renforcer les relations avec les familles :

« Quand je suis arrivé, je me suis rendu compte qu’il y avait un mur entre l’école et les familles, source de nombreux malentendus qui péjorent lourdement la scolarité des enfants. J’ai découvert aussi l’existence de mamans qui ne parlent pas le français, qui du coup n’osent pas venir à l’école et qui se trouvent isolées » (Éducateur REP, membre fondateur de « L’École des Mamans »).

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13 En s’inspirant de certaines expériences du travail social communautaire (Chantraine- Demailly, 1982) développées au nom du changement social et de la capacité citoyenne, cet éducateur eu l’idée de créer une association, « L’École des Mamans », avec pour objectif d’ouvrir les portes de l’école aux mères d’origine étrangère 8. Le projet d’une telle école (que nous pouvons considérer comme une sorte d’« espace intermédiaire transitionnel » entre deux mondes et dont la signification opératoire était assez compatible avec un régime de type « analogique »), a rapidement reçu l’approbation du directeur de l’école.

En revanche, il n’y avait pas de consensus a priori entre les enseignants de l’école autour de la volonté affichée par le directeur et l’éducateur de, selon leurs termes : « travailler autrement avec les familles ». L’engagement personnel et militant de ces deux acteurs (et de quelques-uns parmi les enseignants) dans le projet de « L’École des Mamans » était certes très affirmé. Il était nourri par une vision du monde, une conscience des rapports sociaux, un projet politique alternatif qu’ils développaient aussi parfois en dehors de l’école, au travers d’une action militante dans des associations ou des partis politiques.

Cela étant, comme la légitimité d’une ouverture de l’école aux parents ne suscitait pas l’adhésion de l’ensemble des acteurs scolaires, un processus de concertation a été mis en place à l’initiative du directeur, au cours duquel les acteurs ont collectivement stimulé leurs capacités d’autoréflexion sur leurs pratiques ordinaires avec les familles. Les échanges ont permis de concevoir le projet d’ouverture de l’école aux parents comme une transformation nécessaire, en réaction à la relation de méfiance et de soupçon réciproques jusqu’ici à l’œuvre. Les uns ont pu en effet être soupçonnés de ne pas remplir leur mission éducative, les autres de développer des pratiques discriminatoires, injustes et irrespectueuses. À l’issue de cette concertation « L’École des Mamans » a pu voir le jour. Décrite de manière très schématique, « L’École des Mamans » se décline selon le dispositif suivant : trois fois par semaine, une enseignante FLE (Formation aux langues étrangères) dispense, dans les locaux de l’école primaire concernée, des cours aux mères pendant les horaires de classes des aînés de la fratrie, tandis qu’une assistante socio- éducative assure la surveillance des plus jeunes non encore scolarisés. Les cours sont gratuits mais les concepteurs du dispositif ont élaboré les conditions d’une réciprocité, en permettant aux mères de troquer leurs cours contre la préparation d’un repas que chaque acteur de l’école pourrait partager en commun. « L’École des Mamans » est aussi pourvue d’un vestiaire, un lieu situé au sein de l’école primaire, où tout un chacun peut venir déposer ou prendre des vêtements pour enfants. La gestion de ce vestiaire est confiée à une mère de famille du quartier, bénévole de l’association. Tel que présentés par les concepteurs du dispositif, les cours de français dispensés ne constituent pas clairement la finalité du dispositif :

« Les cours de français ne sont qu’un prétexte. Le but n’est pas seulement d’apprendre le français. Le but est de faire en sorte que les familles se sentent accueillies, à l’aise à l’école. Pour qu’enfin elles dépassent la peur d’être jugées. Et pour permettre aussi un changement de regard des enseignants sur certaines familles » (Directeur d’école primaire en REP et membre d’une « École des Mamans »).

14 Les cours de français sont conçus comme des opportunités relationnelles propices à la transformation des représentations et des stéréotypes que les enseignants nourrissent à l’endroit des familles et vice versa. En effet, le fait que « L’École des Mamans » se situe à l’intérieur des locaux de l’école permet de diversifier les situations dans lesquelles parents et enseignants se rencontrent en proposant d’autres espaces de contact que les scènes officielles et formelles habituelles. Cet espace commun aux familles et aux

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enseignants autorise le développement de relations d’interconnaissance entre chaque partie. Parents et enseignants ont ainsi l’opportunité d’entrer en relation, non plus seulement au titre de leur statut social et des rôles sociaux associés, mais essentiellement au regard de l’implication que chacun aura consentie pour faire exister ce lieu comme un espace partagé. Il peut ainsi se nouer des relations établies par les acteurs en qualité de membres de « L’École des Mamans ». Des affinités entre des mamans et des enseignants impliqués s’y révèlent, comme ces propos peuvent l’exprimer :

« Nous aussi, on apprend d’elles, de ce que c’est que vivre dans le monde tel qu’il est aujourd’hui. Il y a des choses que je n’aurais jamais soupçonnées, des histoires de vie incroyables. Et oui, ça change forcément ma pratique. Je vais plus me demander comment les parents que j’ai en face de moi peuvent comprendre et interpréter ce que je leur dis » (Enseignante impliquée dans une « École des Mamans »).

15 L’espace commun ainsi redéfini offre un espace de perceptions réciproques dans lequel chacun peut prendre appui sur d’autres sentiments que la peur pour entrer en relation avec l’autre, la peur d’être jugé comme un mauvais parent pour les uns, la peur de dévoyer les valeurs constitutives de son identité professionnelle (l’égalité de traitement) dans les dérives du clientélisme pour les autres 9. Cet espace commun est également conçu comme une façon de pluraliser les possibilités d’expression offertes aux parents pour faire entendre leur voix :

« Faire tomber les murs, c’est aussi permettre aux familles d’oser exprimer toutes leurs souffrances, liées à la migration, liées à la précarité. Sans cela tout est mis sous le tapis, tout est dissimulé, les difficultés à comprendre, à s’adapter, à vivre, à trouver du sens, et après… il ne faut pas s’étonner si ça pète. Avec « L’École des Mamans » c’est tout un esprit qui s’est instauré : la porte du directeur est toujours ouverte et les mamans n’ont pas besoin de prendre rendez-vous avec lui pour aller lui parler des problèmes qu’elles rencontrent » (Éducatrice, membre fondateur de la première « L’École des Mamans »).

16 Les parents visés par le dispositif sont connus comme ne pouvant pas être en mesure de déployer les ressources langagières, cognitives, communicationnelles qui leur permettraient de construire des arguments pour faire entendre leur voix (Payet &

Laforgue, 2008), selon les protocoles de justification qui régissent l’espace public de l’école. Ils se présentent très rarement à l’élection des délégués de parents par exemple et se taisent lors des rencontres collectives parents-professeurs organisées en début d’année (Delay, 2013). Les contraintes d’argumentation et de justification organisant l’espace public de l’école ont donc pour effet contreproductif de priver certaines populations d’une parole publique, renvoyant ainsi certains enjeux et problèmes liés à la scolarisation des enfants sur la sphère privée. Tel que pensé par ses concepteurs, le dispositif de

« L’École des Mamans » se veut un espace commun qui se différencie du modèle dominant de l’espace public où l’exigence d’argumentabilité est de mise. Dans cet espace commun, la parole légitime n’est pas une parole articulée (Callon & Rabeharisoa, 1999) respectant les conventions de délégation, mais une parole phénoménologique autorisant l’expression publique de l’expérience telle qu’elle est vécue, ressentie et perçue par le sujet. Cette étude de cas révèle une déclinaison possible du changement institutionnel. En l’espèce,

« le contexte politique offre un nouveau défi » (Thelen, 2003, p. 7), en préconisant l’immersion au sein des écoles de nouveaux acteurs – les éducateurs sociaux – et à travers eux la mise en œuvre d’un nouveau rôle professionnel à l’adresse des familles. En se positionnant sur ce créneau de l’action en direction des familles, a priori peu revendiqué par les enseignants, ces professionnels ont élargi leur territoire d’intervention et conquis une certaine légitimité aux yeux des enseignants au titre de leur capacité à se positionner

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au contact avec le public des familles. Le changement opéré au sein de certaines écoles est donc lié à l’importation, par des acteurs situés à l’intersection des champs du travail social et de l’école, d’autres manières de faire avec le public.

17 Cependant cette étude de cas permet également d’illustrer la manière dont un changement peut être opérant sous cette tension créatrice que nous évoquions précédemment. Premièrement, le dispositif de « L’École des Mamans », qui peut être considéré comme assez exemplaire des initiatives rendues possibles par le discours politique prônant le renforcement de la collaboration entre l’école et les familles, actualise effectivement des pratiques qui relèvent plutôt d’un régime de signification

« analogique ». Elles traduisent sans contexte une logique de rencontre entre l’école et les familles ! Toutefois, ces pratiques devenues possibles et qui sont effectivement actualisées se déploient dans un dispositif nourri au départ par une manière de penser qui relève plutôt d’un régime de signification « idéaliste ». Ce dispositif est en effet pensé, planifié, doté d’objectifs clairs visant à changer l’existant, notamment les normes relationnelles jusque-là en vigueur. Ainsi, si un horizon de transformation a été effectivement ouvert, aucun changement ne peut être envisagé comme étant le résultat d’une traduction et d’une application mécaniques de l’un ou l’autre de ces régimes de signification. Par contre, nous pouvons considérer que chacun des régimes a indirectement contribué à alimenter de nouvelles initiatives. Comme le démontre la déclinaison du dispositif de « L’École des Mamans » ci-dessus décrite, c’est en réaction à une orientation instituée et normative initiée à partir d’un régime de sens de type « idéaliste » que des pratiques de collaborations prennent sens et se déploient de manière créative, toutefois selon un régime de signification de type « analogique » qui n’est pas complètement pur dès lors qu’il se veut l’instrument et se fait l’écho d’une nouvelle norme. Deuxièmement, si des transformations ont pu s’opérer dans le cadre d’une situation d’un écho créatif entre deux régimes de signification, ce seul paramètre ne suffit pas à expliquer l’actualisation de nouvelles pratiques. Cette actualisation n’a été possible qu’au regard de conditions très particulières, notamment sociales, tel que la présence et les initiatives d’acteurs professionnels (l’éducateur, le directeur et certains enseignants) agissant selon une éthique personnelle (fondée sur une conscience politique des inégalités sociales et des rapports sociaux de domination), doublée d’une adhésion à des normes professionnelles (plutôt qu’à des régulations institutionnelles), lesquelles attribuent un primat à la relation avec le client, avec l’élève et sa famille. Nous pouvons ainsi considérer que la présence de tels acteurs a été un autre facteur déterminant des transformations qui ont pu voir le jour au sein de « L’École des Mamans ». En résumé, c’est la tension suggestive et bien souvent présente entre les deux régimes de significations et la présence de conditions particulières qui favorisent le développement et l’actualisation d’un nouvel horizon de pratiques. Dans le cas présent, ces pratiques concourent à la légitimation de populations confinées jusque-là à l’invisibilité et réduites au silence, en mettant sur pied une modalité relationnelle susceptible de transformer les représentations. Cet « ordre ensemble » (Heritage, 1991 [1987], p. 97) à validité locale entraine pour les parents, comme pour les enseignants impliqués, une nouvelle évaluation de soi et des autres. En limitant les effets du stigmate il contribue, d’une part, à la modification des représentations enseignantes à l’égard de familles, d’autre part à la transformation des représentations que ces populations entretiennent à l’égard d’elles-mêmes (sentiment d’incompétence, d’illégitimité) et des enseignants. Concrètement, cela s’est traduit pas une refondation (de type « analogique »), assumée comme telle, des relations sociales

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internes à l’école, désormais orientées vers l’échange, le don et le contre-don (Chauvenet, Guillaud, Le Clère & Mackiewicz, 2014), le renforcement de l’autonomie des mères par l’apprentissage, le tout pensé dans une perspective émancipatrice à la fois individuelle et collective. Toutefois, cette refondation est également porteuse d’un horizon de mise en conformité. Elle est en effet fondée sur un prérequis (« idéaliste ») de participation et d’exposition de soi pouvant conduire les professionnels à formuler une exigence de justification à l’adresse des parents qui chercheraient à pratiquer faiblement le dispositif, voire à l’éviter totalement. En résumé, les transformations qui sont à l’œuvre dans la situation que nous avons décrite doivent être analysées, d’une part, au regard de la présence agissante – à des degrés divers – de la tension entre les régimes de signification

« idéaliste » et « analogique », d’autre part en considérant la manière dont des transformations sont également contingentes de la manière dont les acteurs (éducateurs, enseignants) activent, réagissent en présence de cette tension, selon les marges de manœuvre dont ils disposent. C’est ce dernier point que nous allons éclairer.

Entre « sens » et « pouvoir » : un changement sous contrainte

18 Dans l’exemple précédent de « L’École des Mamans », le changement institutionnel s’est accompagné de transformations organisationnelles assez significatives : redéfinition de l’école en tant qu’espace commun où les parents peuvent librement circuler, mise en place de lieux dédiés aux parents et à leurs aînés, créations d’espaces singuliers, tel un vestiaire, etc. Ces transformations ont en fait rendu possible le développement, immédiat mais aussi à déployer, d’opportunités, en laissant aux acteurs de terrain des marges de manœuvre pour définir les modalités de déclinaison de la démarche collaborative escomptée. Dans le même temps, le changement institutionnel a été très contingent de la manière dont les acteurs institutionnels impliqués ont interprété, se sont saisis des opportunités de transformations qui s’offraient à eux. Autrement dit, bien que le développement en contexte d’une dynamique collaborative ait été en quelque sorte rendu possible à partir d’un régime de signification « idéaliste » (définissant et imposant l’idée de collaboration entre l’école et les familles), ce développement ne relève pas d’une

« feuille de route » qui conçoive, fabrique ou planifie l’organisation des pratiques en amont de l’école, encore moins d’un cahier des charges imposé aux acteurs impliqués.

Cela eut été peu cohérent en référence aux perspectives ouvertes par un régime de signification de type « analogique ». Nous allons montrer à présent que dans d’autres cas le potentiel du dispositif de « L’École des Mamans » a été décliné tout autrement, de sorte que les acteurs de l’école (éducateurs, enseignants) ont eu peu de marges de manœuvre ou de latitude d’action pour gérer collectivement la tension entre les régimes de signification « idéaliste » et « analogique ». En effet lorsque des acteurs externes interviennent de façon significative dans son pilotage, alors le dispositif d’inspiration

« analogique » peut se trouver largement réorienté vers d’autres finalités qui, elles, ont une connotation plus « idéaliste ». Autrement dit, l’articulation entre « sens de l’action » et « pouvoir des acteurs », notamment d’un acteur extérieur, est tout à fait importante à prendre en compte quand on essaie de discerner les chemins empruntés par le changement institutionnel. Ainsi, entre le moment de création de la première « L’École des Mamans » et la diffusion du dispositif à d’autres écoles, le principal financeur a pris plus de poids dans la définition des orientations stratégiques. Devenu l’un des projets

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phares d’un service d’État rattaché au Département de la sécurité et de l’économie, principalement chargé de la mise en œuvre de la politique d’intégration des étrangers, le dispositif de « L’École des Mamans » s’est trouvé subrepticement détourné de l’objectif de transformation de l’école voulu par ses concepteurs, pour être réorienté, selon un régime de signification « idéaliste », vers un objectif d’intégration des étrangers. Dans ces conditions, une importance particulière a été accordée au cours de français et à la nécessité de l’apprentissage de la langue pour les mères de familles étrangères dans une visée d’intégration de ces dernières à la société suisse. Dans ce cas, l’enjeu a moins porté sur la renégociation des arrangements institutionnels scolaires, tels que l’accessibilité de l’école aux familles et l’expression de leurs points de vue, mais a plutôt consisté à développer les capacités individuelles des mères de famille, pour leur permettre de trouver leur place dans le monde du travail et de l’économie de marché. Les acteurs professionnels (directeur, éducateurs, enseignants) ont été alors incités à concevoir le dispositif comme un programme compensatoire, justifié par les caractéristiques socio- culturelles des familles dont les enfants fréquentent l’école. Les finalités collaboratives associées à ce dispositif n’ont pas été pensées comme devant aller dans le sens d’un réel changement de l’école, ni d’une transformation des représentations et des attentes normatives qui peuvent sous-tendre l’action des professionnels qui l’incarnent. Elles ont eu davantage pour objectif de réduire l’anormalité individuelle pour rapprocher les publics-cibles des normes capacitaires en vigueur, selon des modalités « dispositives » voulues plus modernes et contemporaines.

19 Dans cette configuration, deux éléments d’analyse sont à considérer. Premièrement, le pouvoir dont dispose manifestement une institution extérieure d’imposer, selon un régime de signification « idéaliste », la transformation des parents au travers d’une action visant la mise en conformité de ces derniers avec des normes capacitaires, peut avoir comme conséquence de modifier de manière notoire le sens (« analogique ») du dispositif de « L’École des Mamans » tels que défini au départ. En l’occurrence, il n’est plus question de changer l’école, ni de privilégier les relations entre l’école et les familles.

Deuxièmement (et surtout), le sens et le cours des actions des acteurs s’en trouvent incontestablement modifiés. Ce ne sont plus les savoirs et les pratiques sociales de référence de l’action communautaire qui prédominent, mais plutôt une centration sur le suivi individualisé. Les acteurs de l’école s’adossent à des savoirs psychologiques plutôt qu’aux théories de la transformation sociale. Plus fondamentalement, ils mobilisent une vision dépolitisée de leurs publics, ce qui les conduit, presque malgré eux, à imputer à ces derniers la responsabilité de leur échec social 10. Cette lecture apolitique des conduites familiales semble avoir toutes les chances de s’imposer lorsque l’éducateur est construit par ses collègues enseignants, au sein des équipes éducatives, comme un expert des populations marginales dont on lui délègue la gestion. La division morale du travail (Hughes, 1996 [1971]) éducatif influence donc également le régime de signification mobilisé par les acteurs professionnels. Face à des subjectivités cristallisant les effets destructeurs de la pauvreté et de la disqualification sociale subies sur le long terme, seule une interprétation (« idéaliste ») des conduites familiales en termes de déficit s’est imposée. Dans les faits, elle sert à justifier une action éducative voulue, non seulement comme la plus individualisée possible, mais surtout fondée sur l’intériorisation par le sujet des normes sociales dominantes : « Le niveau des familles dans cette école est très très bas. Il y a beaucoup de familles totalement déstructurées. Il faut tout reprendre,

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éduquer, donner un cadre, mettre des repères et mettre des limites » (Éducateur REP, membre d’une « L’École des Mamans »).

20 Le développement quasiment hégémonique de cette vision déficitaire et apolitique des publics-cibles alimenté par un acteur extérieur participe de la construction d’un impensé : la question de l’espace public de l’école comme espace d’expression des divers points de vue. Elle s’en trouve complètement occultée. Il n’y a alors pas lieu, aux yeux des acteurs professionnels pris dans ce genre de configuration, de développer une pensée réflexive sur les limites de cet espace public qu’est l’école et les contraintes qu’il fait peser sur ces populations. De plus, lorsque ces dernières cherchent à faire valoir leurs points de vue, y compris en respectant les mécanismes de délégation de la parole et l’exigence d’argumentabilité, leurs voix se trouvent d’emblée disqualifiées ! Nous avons en effet pu constater cela dans une école, lorsqu’une association portugaise de quartier a relayé auprès de l’éducateur social une plainte des parents d’élèves d’origine portugaise pour ségrégation sociale : « Ils sont venus nous voir en disant : "pourquoi vous mettez tout le temps nos enfants en spécialisé ?!!. On leur a répondu : "Non, vous n’avez pas compris comment fonctionne l’école suisse, on va vous expliquer comment ça marche ici" » (Éducatrice REP, membre d’une « École des Mamans »).

21 Comme on peut le voir dans cet extrait, lorsque les familles cherchent à dénoncer les processus de ségrégation scolaire dont elles sont l’objet, leur demande de justice n’est pas reconnue comme telle, mais est interprétée comme un besoin d’éducation des familles 11. De tels constats illustrent de manière assez représentative une déclinaison du dispositif de « L’École des Mamans » où certes un changement s’opère, mais sans que les acteurs professionnels, éducateurs et enseignants, puissent avoir de prises et agir sur pour actualiser à leur manière la tension entre les régimes de signification « idéaliste » et

« analogique ». Ainsi, bien que les acteurs professionnels de l’école et notamment les éducateurs sociaux, reconnaissent comme légitimes les principes « analogiques » de la collaboration entre l’école et les familles, la très forte incitation par un acteur extérieur d’un mode de fonctionnement nourri par un régime de signification « idéaliste » limite en effet leur capacité réflexive et réoriente malgré eux les finalités de leurs actions.

Autrement dit, si au regard des différentes situations analysées on peut considérer qu’un certain degré de tension s’avère non seulement inévitable mais est également essentiel pour tout changement institutionnel, celui-ci prend une déclinaison très particulière lorsque les modalités d’application sont imposées de l’extérieur.

Conclusion

22 Cet article étudie une forme particulière du changement institutionnel, liée à la mise en œuvre d’une politique scolaire en faveur d’une meilleure collaboration entre l’école et les familles, laquelle a suscité depuis une dizaine d’années le développement de formes collaboratives non univoques. Du point de vue des acteurs chargés de la mise en œuvre de cette politique publique, la légitimité des pratiques collaboratives semble aujourd’hui aller de soi, mais tous n’accordent pas la même signification à celles-ci, ne leur attribuent pas la même finalité et ne s’y engagent pas de la même manière. Indiquant davantage ce qui pourrait être imaginé plutôt que ce qu’il faut faire, les préconisations politiques impulsent un changement attendu des pratiques des acteurs scolaires à l’égard des familles, lequel ne peut s’effectuer sur le mode de consignes et de règles concernant les modalités de l’action. Sauf dans les cas où l’impulsion politique se double d’un pilotage

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organisationnel et financier, une grande marge de manœuvre existe ainsi dans la manière dont les acteurs peuvent interpréter et se saisirent de la consigne de changement. Ainsi, en fonction des marges de manœuvre dont les acteurs disposent pour agir sur la tension entre deux régimes de significations instituées, « idéaliste » et « analogique », l’horizon du changement ne sera pas le même, de même que les pratiques collaboratives développées ne poursuivront pas les mêmes buts et se déclineront différemment. Nous avons pu également montrer que l’horizon du changement tel qu’il peut se décliner à partir de la tension entre différents régimes de signification est fortement dépendant des conditions sociales. Sur notre terrain il a partie liée avec l’introduction de nouveaux acteurs scolaires, les éducateurs sociaux. Incarnant des transformations historiques intervenues dans le champ du travail social (passage d’un régime idéaliste à un régime analogique) et que l’on retrouve dans celui de l’école, leur rencontre avec les acteurs de l’école a facilité l’actualisation collective des opportunités ouvertes par la tension entre les deux régimes de signification, tension manifestement nécessaire pour tout changement. Ensemble, éducateurs et enseignants ont pu mettre en œuvre des perspectives de changement qui en effet ne relèvent jamais d’un seul régime mais oscillent entre deux polarités : la réduction de l’écart entre les individus et des normes capacitaires idéales d’un côté, l’idéal de cohésion d’un environnement social rassemblant l’école et les familles. C’est dans cette configuration qu’ont pu être déclinés des changements de pratiques. Ils se traduisent certes de façons distinctes dès lors qu’ils dépendent de plusieurs facteurs, par exemple, en fonction de réelles marges de manœuvre dont peuvent disposer les acteurs, de la division du travail éducatif, voire du poids des prérogatives que s’accordent les organismes financeurs au cours du processus d’institutionnalisation des pratiques. En l’occurrence un facteur peut être considéré comme tout à fait important, à savoir : la vision politique du monde social mobilisée par les acteurs et qui colore la façon dont ils conçoivent leur rôle professionnel et leur engagement auprès des populations 12. La contestation collectivement partagée ou assumée individuellement des rapports de pouvoirs qui s’expriment à travers les relations pédagogiques et éducatives pèse grandement dans la déclinaison de pratiques inspirées d’un régime de signification à dominante « analogique » et orientées vers un but de changement social. Inversement, une perspective plus centrée sur la réparation des subjectivités défaillantes suscitera davantage des pratiques inspirées d’un régime de signification à dominante « idéaliste », dont la transformation des sujets constitue la finalité. Ainsi, l’enjeu qui est de concevoir ces pratiques collaboratives comme un levier d’action sur les rapports sociaux et sur le conflit social à l’œuvre dans les relations entre l’école et les familles (Bourdieu & Passeron, 1970), dont les effets sur la scolarité des enfants de milieux sociaux défavorisés sont désormais connus, ne semble au final perçu et porté que par une poignée d’acteurs enseignants et éducateurs sociaux.

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NOTES

1. REP plus loin dans le texte.

2. Cette enquête s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur les relations entre école et familles au sein des REP soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

3. Julie Pelhate a participé à la réalisation de ces entretiens dans le cadre de sa thèse de doctorat

« La mise en scène partenariale de l’échec scolaire : approche ethnographique du traitement institutionnel de la difficulté scolaire en REP », Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, 2018.

4. Les entretiens ont été réalisés au cours de l’année 2014-2015. Dès lors les effectifs se sont accrus. En octobre 2016 le REP compte 26 éducateurs.

5. Il n’y a qu’un seul éducateur dans chacune des écoles.

6. PEP plus loin dans le texte.

7. Comme le suggèrent certains travaux, il faut avoir à l’esprit que l’institution publique

« influence les comportements non pas simplement en précisant ce qu’il faut faire, mais ce qu’on peut imaginer faire dans un contexte donné » (Hall & Taylor, 1997, p. 483).

8. Une très brève analyse de ce dispositif a fait l’objet d’une publication précédente (Giuliani &

Pelhate, 2015).

9. Cette expérience fondatrice de la première « École des Mamans » a fait l’objet d’une publication par l’un des membres fondateurs dans laquelle il relate précisément le projet de transformation de l’école qui anime les pratiques (Poirier, 2016).

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10. Nous rejoignons sur ce point le constat d’une individualisation de la responsabilité parentale dans le cadre des politiques scolaires (Monceau, 2010).

11. Nous sommes dans un contexte cognitif particulier ici car sont peu diffusées dans le corps social et demeurent méconnues, toutes les enquêtes menées par le Service de recherche en éducation genevois qui prouvent que les filières de l’enseignement spécialisé genevois sont composées en majorité d’élèves masculins, issus de l’immigration (portugaise, italienne, albanaise).

12. L’analyse de la façon dont ces visions politiques du monde social se construisent et se modèlent au cours des trajectoires professionnelles relève d’une autre recherche qui pourrait être menée pour mieux comprendre l’engagement des acteurs dans les rôles professionnels et leur appropriation des dispositifs de l’action publique.

RÉSUMÉS

Cet article se saisit des transformations institutionnelles concernant la relation entre l’école et les familles et qui ont pu se développer dans le canton de Genève, dès l’arrivée d’éducateurs sociaux ayant contribué à la mise en œuvre du dispositif de « l’École des mamans » au sein du réseau d’enseignement prioritaire genevois. Il montre que les changements non univoques qui s’en sont suivis, relèvent d’une tension entre les deux régimes de signification institués,

« idéaliste » et « analogique ». Selon les conditions sociales en présence, ces régimes de signification interviennent comme deux polarités en réaction desquelles les acteurs sociaux, éducateurs et enseignants, vont être plus ou moins en capacité de développer de manière réflexive des horizons de changement.

This paper examines changes in the relationship between schools and families that occurred following the introduction of social educators and the “School for Mothers” program into

“priority education network” schools in the canton of Geneva (Switzerland). It shows that the non-unequivocal changes that followed are the result of a clash between the two systems of meaning – “idealist” and “analogue” – that arose. Depending on the social conditions involved, these systems of meaning act as poles in reaction to which social actors, educators and teachers will, to varying degrees, be able to develop new avenues for change that are not constrained by established models.

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«analógico». Dependiendo de las condiciones sociales, estos sistemas de significado actúan como dos polaridades frente a las cuales los actores sociales, educadores y docentes, serán capaces, en distinta medida, de desarrollar horizontes de cambio de forma reflexiva.

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INDEX

Palabras claves : relaciones familia-escuela, cambio institucional, integración, escuela, roles educativos

Mots-clés : relations école-familles, changement institutionnel, intégration, école, rôle éducatif Keywords : school-family relations, institutional change, school, integration, educational role

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