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Pour changer la société, l école doit s ouvrir au monde extérieur

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Academic year: 2022

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* Gerhard de Haan dirige l’Institut de recherche pédagogique pour l’avenir à l’Université libre de Berlin et le programme allemand d’éducation pour un développement durable.

L’émergence d’une société durable exige la participa- tion et l’engagement de tous. Le programme natio- nal allemand d’éducation au développement dura- ble tire toutes les conséquences de ce constat : son premier objectif est de former des citoyens capables

« de modifi er et d’aménager l’avenir des sociétés dans lesquelles ils vivent grâce à une participation active com- patible avec le développement durable ».

Gerhard de Haan dirige ce programme, dont le constat de départ cingle comme une gifl e sur la joue du système éducatif en place : pour infl échir les modes de vie vers le durable, il ne suffi t pas de transmettre des connaissances sur la nécessité de transformer la société, il faut que l’en- seignement donne à chaque citoyen les compétences qui le rendent capable d’y parvenir. Ce que le système éduca- tif n’est pas habitué à faire.

Pour satisfaire à cette exigence, l’Allemagne a engagé en 1999 un programme de réforme scolaire, appelé BLK-21, dans 160 écoles pilotes du secondaire. Depuis 2004, le programme Transfer-21

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étend les leçons de BLK-21 à des milliers d’écoles. Cette expérience pionnière arrive à son terme fi n juillet 2008. Il est d’ores et déjà possible d’en extraire les premiers enseignements.

ces conditions, l’école pourrait-elle être le lieu d’une éduca- tion pour un développement durable ? N’y a-t-il pas là une belle contradiction ?

Gerhard de Haan : Je ne le pense pas. Notre expérience en Alle- magne révèle une réalité différente. Près de 10 % des écoles sont en train de mettre en œuvre le programme national d’éduca- tion pour un développement durable. Cela représente environ 2700 écoles, ce qui est énorme pour un programme de réforme.

Le nouveau curriculum de ces écoles inclut des enseignements spécifi ques sur la durabilité. Et elles savent qu’il vaut la peine de s’engager sur ce thème. Par exemple sur les économies d’énergie, avec le projet « 50/50 », lorsqu’une école économise de l’énergie, elle récupère la moitié de l’argent épargné. Libre à elle ensuite d’investir ce pécule dans un projet lié à l’écologie, par exemple.

Les écoles ont donc intérêt à avancer vers la durabilité.

LRD : 10 % des écoles qui adoptent votre réforme, c’est préci- sément l’un des objectifs du programme Transfer-21.

GdH : Absolument.

LRD : Voilà une bonne nouvelle. Pouvez-vous présenter à grands traits les principaux buts de Transfer-21 ?

GdH : Il comprend trois objectifs centraux. Le premier, je viens de le mentionner, concerne la gestion durable des établisse- ments scolaires. Le deuxième est l’acquisition par les élèves des compétences nécessaires pour être à même de transformer la société. Nous en avons identifi é sept : faire preuve de créativité et de fantaisie pour envisager et imaginer des avenirs possibles ; savoir résoudre les problèmes et innover de manière interdis- ciplinaire en tenant compte de connaissances complexes en constante évolution ; être solidaire avec les plus pauvres, les plus faibles, les opprimés, ceux qui souffrent ; être capable de planifi er et d’agir en prévoyant des conséquences secondaires et des effets inattendus d’une action ; savoir régler les confl its de manière démocratique, chercher le consensus, faire preuve d’empathie, comprendre les différences culturelles et accep- ter la diversité des points de vue ; apprendre à apprécier des styles de vie durables et devenir capable de les transmettre à d’autres ; porter un regard critique sur ses propres intérêts et motivations. Un abondant matériel sert de support à la trans- mission de ces compétences. Notre objectif est de le diffuser bien au-delà des 10 % d’écoles qui appliquent Transfer-21.

Les conditions sont favorables puisque la Commission des mi- nistres de l’Education des länder a adopté voilà quelques mois une recommandation sur le développement durable. Ainsi avons-nous le soutien des länder.

LRD : Quel est le troisième objectif de Transfer-21 ?

GdH : Il est de renforcer les relations de l’école avec le monde extérieur. Sur ce plan, les collaborations avec des partenaires ex- LaRevueDurable : La société actuelle n’est pas durable. Et le fonc-

tionnement des établissements scolaires est le parfait refl et de cet état de fait. Par exemple, le mode de vie de nombreux enseignants, en matière de transport ou de consommation notamment, est en complet décalage avec l’impératif de durabilité. Comment, dans

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et des lacunes subsistent sur ce point. Une autre diffi culté est liée aux modes d’enseignement. En Allemagne, l’enseignement a en- core en grande partie lieu sous forme de questions-réponses : l’enseignant pose une question et les élèves cherchent la réponse.

Notre programme, en revanche, privilégie l’« apprentissage civi- lisé », qui relie les processus d’apprentissage au quotidien et aux expériences des enfants, les rend pratiques et applicables. Nous y réussissons en partie, mais il reste beaucoup à faire.

LRD : Peut-on déjà dire que certaines composantes du pro- gramme ont mieux fonctionné que d’autres ?

GdH : Certainement ! Ce qui a bien fonctionné, c’est d’avoir atteint ce taux de 10 % d’écoles qui appliquent Transfer-21, c’est-à-dire autant que nous le souhaitions. Une leçon très im- portante est que la réussite est plus marquée lorsque les direc- teurs d’école sont motivés. L’effet peut même être étonnant, comme en Basse-Saxe, au nord-ouest de l’Allemagne : dans cet Etat, 20 % des écoles participent au programme. L’explication est la suivante : lors d’une inspection des écoles, l’établissement qui s’en est le mieux sorti travaillait avec nous dans le cadre de BLK-21. Du coup, beaucoup d’écoles ont voulu l’imiter. Dans d’autres länder, nous avons plus de peine. Mais ce taux moyen de participation était notre premier objectif.

LRD : Y a-t-il un lien entre la participation de cette école de Basse-Saxe à BLK-21 et le fait qu’elle soit arrivée en tête du classement du land ?

GdH : Il n’y a aucun doute possible sur le rapport de cause à effet. BLK-21 incluait un guide des compétences à transmettre, de la gestion durable de l’école, de son ouverture sur l’extérieur, de sa capacité à s’évaluer, etc. L’école victorieuse a strictement suivi ce guide. Ainsi a-t-elle pu montrer aux inspecteurs que tout ce qu’elle accomplissait se fondait sur une structure systé- matique et rigoureuse de travail. C’est cela qui a été déterminant et qui a fortement convaincu les inspecteurs : ils ont bien vu que quelque chose de substantiel avait changé dans cette école. C’est pour cela qu’elle a fait un tel tabac.

LRD : Plus précisément, que pouvez-vous dire de la transmis- sion des compétences aux élèves pour les rendre à même de transformer la société vers le durable ?

GdH : L’évaluation complète n’étant pas encore disponible, nous savons encore peu sur l’amélioration des compétences des enfants. J’espère toutefois que cela se passe bien. De BLK-21, nous savons que les élèves reçoivent beaucoup pendant les cours : ils sont motivés, s’engagent et remarquent qu’ils sont capables de mener des actions à leur terme. Cela est très positif.

Ce sont des succès importants.

LRD : Peut-on au moins discerner une hiérarchie dans le niveau de diffi culté à transmettre chacune de ces sept compétences ? trascolaires jouent un rôle décisif. Cela d’autant plus que l’Alle-

magne est passée d’un système scolaire avec des demi-journées de cours à une école qui tend toujours davantage à durer toute la journée. Dès lors, l’après-midi peut être organisée en col- laboration avec un partenaire extrascolaire qui travaille, par exemple, sur la solidarité Nord-Sud ou sur l’environnement.

Premier bilan

LRD : Etes-vous d’ores et déjà en mesure d’esquisser un bi- lan des accomplissements de Transfer-21 ?

GdH : L’évaluation de l’ensemble du programme a été confi ée à un organe externe, qui devra relever les compétences des élè- ves, les thèmes que les écoles abordent, le comportement des directeurs d’école et des enseignants, etc. Un recensement de ces données est en cours et se poursuivra après juillet 2008, une fois le programme achevé. Les résultats complets seront dispo- nibles dès 2009 ou en 2010. Ils seront intéressants, car c’est la première fois qu’un tel programme a lieu en Allemagne.

LRD : Mais que pouvez-vous dire en première approximation ? GdH : Qu’il n’est pas sûr que nous pourrons atteindre tous les objectifs poursuivis. La durabilité est quelque chose de compli- qué, de diffi cile à faire comprendre. En milieu scolaire, il n’est pas simple de traiter des effets à long terme sur l’environnement et de les relier à son style de vie. Nous n’y parvenons pas toujours

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Diplômé dans les disciplines de l’éducation, la psychologie et la sociologie, Gerhard de Haan préfère… l’écologie.

Sa carrière commence dans les années 1970 à l’Université libre de Berlin, où il fait ses études. Comme assistant, ses principaux champs de recherche concernent la didactique et la pédagogie scolaire. Puis il se tourne vers les sciences de l’éducation. En 1990, il devient professeur d’éducation et d’écologie à l’Ecole de pédagogie Neubrandenburg, en Allemagne.

Il est nommé professeur d’éducation à l’Université libre de Berlin dès l’année suivante, et y devient responsable du groupe de travail « Ecologie et pédagogie » en 1992. Aujourd’hui, il dirige l’Institut de recherche pédagogique pour l’avenir1. A partir de 1999, il assume des fonctions au plus haut niveau : directeur du programme allemand d’éducation au développe- ment durable depuis 1999 (BLK-21 puis Transfer 21), il pré- side le Comité national allemand pour la décennie de l’Unesco depuis 2005.

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1 www.institutfutur.de

Lorsque la pédagogie mène à l’écologie

Diplômé dans les disciplines de l’éducation, la psychologie et la sociologie, Gerhard de Haan préfère… l’écologie.

Sa carrière commence dans les années 1970 à l’Université libre

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GdH : L’évaluation devra le confi r- mer, mais il apparaît que les écoles et les enseignants traitent en effet plus certaines compétences que d’autres. En particulier, la compétence solidarité fonction- ne très bien, la motivation est très grande grâce aux contacts dans les pays en développement. Les élèves parviennent aussi plutôt bien à relier leur style de vie à leur consommation. Une autre source d’expériences positives, ce sont les actions collecti- ves dans les communes : il y a de très nombreux exemples. Les enseignants éprouvent en revanche des diffi cultés à travailler avec des scenarii sur des perspectives d’avenir. Ils

ne sont pas du tout habitués à cela. De même, il leur est diffi cile de transmettre des approches très complexes telles que l’approche syndrome, dont le but est d’identifi er des pathologies de la Terre.

5000 entreprises durables

LRD : Transfer-21 arrive à son terme fi n juillet 2008. Quelle est la suite prévue ?

GdH : C’est toute la question qui se pose maintenant. La si- tuation est favorable, puisque, dans le cadre de la Décennie de l’éducation pour le développement durable2 que chapeaute l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) depuis 2005, la formation au dévelop- pement durable en Allemagne est prévue jusqu’en 2014. Les

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opportunité Une pour les élèves

les moins favorisés

Trois principes fondamentaux

De 1999 à 2004, le programme BLK-21 s’est concentré sur le niveau secondaire. Transfer-21 ajoute le niveau primaire et les écoles à journées entières, qui commencent à 8h et se terminent dans l’après-midi. Ces deux programmes repo- sent sur trois principes de base : le savoir interdisciplinaire, l’apprentissage participatif et les structures innovantes.

Le savoir interdisciplinaire introduit dans les cursus des contenus et des formes de travail qui transmettent un savoir interdisciplinaire et les compétences d’action qui y sont liées. L’apprentissage participatif se réfère à la participation de tous les groupes sociaux, y compris les élèves, au proces- sus de développement durable, ce qui est l’une des exigences centrales des Agendas 21.

Les structures innovantes partent de l’idée que l’ensemble de l’école est un facteur de formation. Ce troisième principe concerne la gestion de l’école et ses rapports avec la société, ce qui inclut les écoles durables, les audits de durabilité dans les écoles, les entreprises scolaires et les économies durables, les nouvelles formes de coopération avec la société.

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GdH :

mer, mais il apparaît que les écoles et les enseignants traitent en effet plus certaines compétences

länder sont très engagés et, grâce à Transfer-21, beaucoup dis- posent de centres de compétences en développement durable, qui subsisteront une fois le programme terminé. A mon avis, l’étape suivante devrait être de lancer une initiative centrale avec les länder autour des entreprises durables gérées par les élèves.

LRD : Vous n’avez pas encore parlé de ces entreprises. De quoi s’agit-il ?

GdH : C’est un des résultats les plus surprenants de Transfer-21.

Nous n’étions pas trop sûrs de cette idée au début, mais ces entreprises d’élèves génèrent un très fort intérêt.

Rien qu’en Basse-Saxe, il y en a plus de 400. Or, elles constituent une grande opportunité pour le tiers d’élèves les moins favorisés sur le plan de la formation, qu’en Allemagne nous appelons

« le précariat ». Elles amènent les enfants à s’im- pliquer dans une activité qui a du sens, les moti- vent à apprendre, augmentent leur intérêt pour l’école. Du coup, leurs notes s’améliorent. C’est pour cette raison que j’aimerais lancer une grande initiative au niveau fédéral pour dire ce que nous faisons et proposer la créa- tion de 5000 entreprises durables d’élèves, par exemple.

J’aimerais qu’on mette l’accent là-dessus.

LRD : Comment se distinguent ces entreprises ? Quel type d’activité développent-elles ?

GdH : Outre le fait qu’elles ont en général un vrai business plan, elles se distinguent avant tout par leur fi nalité en lien direct avec la durabilité : atelier pour vélos, entreprise de prêt de vélos, tourisme doux régional, petite restauration avec des produits bio, etc. Les activités possibles sont innombrables.

LRD : Que deviennent les profi ts dégagés ?

GdH : Ils sont peu élevés. La plupart de ces entreprises par- viennent juste à survivre. Celles qui génèrent le plus d’argent atteignent peut-être 20 000 euros par an. Ce qu’elles font de cet argent est cependant en effet très intéressant : elles l’investissent parfois dans l’école pour améliorer sa situation, par exemple en achetant du matériel. Mais le plus souvent, elles investissent cet argent dans un pays en développement. Elles se disent : on fait un don, on crée un partenariat, on construit quelque chose en- semble, par exemple des fours solaires.

LRD : Pour l’instant, rien n’est encore décidé quant à cette grande initiative pour promouvoir ces entreprises que vous voulez lancer ?

GdH : Nous n’avons réuni qu’une partie des fonds nécessaires. Les ministères fédéraux du travail et de l’environnement sont prêts à contribuer fi nancièrement. Mais pour vraiment faire ce que nous souhaitons, il nous manque encore des fonds : nous avons besoin

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uu de 5 millions d’euros par an. C’est beaucoup d’argent, mais je tiens à ce projet…

LRD : Indépendamment de ces entreprises, comment la diffu- sion de l’éducation pour un développement durable se pour- suivra-t-elle en Allemagne s’il n’y a plus de programme ? GdH : En règle générale, les länder disposent, grâce à Trans- fer-21, d’un centre de compétence ou d’un responsable dans le cadre des formations continues des enseignants, de sorte que le thème ne disparaîtra pas. Nous travaillons aussi sur la constitution d’une agence au niveau fédéral pour la formation au développement durable, une Sàrl d’utilité publique. Une organisation reprendra ainsi tous les acquis de BLK-21 et de Transfer-21 et poursuivra le travail.

LRD : Cela se poursuivra donc sous une autre forme…

GdH : Exactement. Il n’y aura plus cette forme de subvention de l’Etat, il faudra faire les choses autrement.

LRD : Estimez-vous avoir reçu suffisamment de moyens pour mener à bien votre programme ? Vous a-t-il manqué quel- que chose ?

GdH : Evidemment, on peut toujours dire qu’on ne reçoit pas assez d’argent ! (rires) Mais je ne me plains pas. Transfer-21 a investi environ 10 millions d’euros sur quatre ans. C’est beau- coup. Avec de telles ressources, nous avons jusqu’à présent pu

nous débrouiller. Cela ne suffit cependant pas pour conseiller des milliers d’écoles de façon intensive. Pour s’occuper des 2700 éta- blissements scolaires qui participent au programme, vingt per- sonnes sont engagées : cela fait 135 écoles par personne, ce qui est beaucoup trop. Lorsqu’on conseille un nombre réduit d’écoles, on peut pratiquement toutes les connaître. Au-delà de 2000 éco- les, on en connaît à peine 10 %. Il faut donc persévérer et, selon mon expérience, souvent s’adapter.

Du côté des enseignants et des pédagogues

LRD : Quel accueil les enseignants et les directeurs d’école, qui sont autant les destinataires du programme que les élè- ves, ont-ils réservé à Transfer-21 ?

GdH : Les réactions sont très variées. Certaines écoles sont bien plus ouvertes aux réformes que d’autres. Les plus ouvertes participent souvent aux programmes Erasme ou Copernic, ont l’habitude de prendre des initiatives, etc. Il est plus facile de les intéresser à la durabilité. D’une part, c’est un grand thème ac- tuel et les directions des écoles sont conscientes de la nécessité de le traiter. D’autre part, ce thème conduit les élèves à mettre la main à la pâte, à développer une activité pratique, ce que de nombreuses écoles estiment très important. C’est aussi le cas des enseignants socialement ouverts. Le problème est que nous touchons justement ces enseignants-là, ceux qui sont ouverts à l’innovation sociale, et il est beaucoup plus difficile d’intéresser les autres. Le souhaiterions-nous, nous aurions des difficultés à passer à 30 % d’écoles qui appliquent Transfer-21 au cours des trois prochaines années. Les enseignants motivés sont déjà montés à bord et nous ne saurions pas comment convaincre les autres de les rejoindre.

LRD : Comment les enseignants moins ouverts réagissent-ils ? Disent-ils ne pas être convaincus par la thématique ? Ne pas avoir le temps pour ça ?

GdH : Là encore, c’est très variable. Il y a un film de Reinhard Kahl, dans la série Archives du futur, intitulé « Les serres du futur », qui présente des écoles novatrices. Quand on le projette aux enseignants, leurs réactions sont toujours les mêmes : « Ça, on ne peut pas le faire », « C’est beaucoup trop compliqué »,

« Ce n’est pas adapté à notre école », etc. Ce qui change beau- coup les choses, c’est lorsqu’ils voient une école, qui se trouve dans la même situation que la leur, réussir à innover. Il faut donc procéder autrement : plutôt que de rechercher deux ou trois enseignants dans les écoles, il faut d’abord toucher leur direction. Si elle voit que c’est une bonne chose, la moitié du chemin est faite. Ensuite seulement on peut chercher un grou- pe d’enseignants qui soit d’accord d’aller de l’avant. C’est ce modèle qui a fonctionné en Basse-Saxe : de nombreuses écoles se laissent persuader non pas par le thème, mais parce qu’une bonne école s’occupe de développement durable.

12 Du primaire à l’enseignement supérieur

LRD : Les principes de Transfer-21 s’appliquent-ils à l’ensei- gnement supérieur, aux universités, aux écoles d’ingénieurs ou de commerce, etc. ?

GdH : Je le pense, oui, surtout les idées de base. On peut y adapter l’interdisciplinarité ou le traitement des scenarii d’avenir. Les hautes écoles sont encore fortement orientées sur les savoirs spécifiques aux disciplines, ou sur des constel- lations complexes de problèmes, que l’on peut comparer à la problématique du développement durable. On pourrait donc reprendre certains concepts d’apprentissage à ce niveau et, sans doute aussi, certaines grandes problématiques.

LRD : Travaillez-vous dans cette direction ?

GdH : Non. Nous nous sommes réparti les tâches. Je m’occupe des écoles primaire et secondaire et il existe un programme spécifique aux hautes écoles. Nous avons toutefois créé une banque de données et réalisé un guide de toutes les filières d’études de la durabilité et de toutes les institutions de recher- che sur ce thème en Allemagne. Il est sorti à l’automne 2007.

Un site internet permet de savoir où l’on peut étudier le déve- loppement durable en Allemagne.

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LRD : Concrètement, comment s’adresse-t-on aux enseignants ? GdH : Via différents canaux. Nous organisons de nombreu- ses formations continues, qui constituent un canal très direct.

Nous produisons du matériel, qu’on trouve partout, et des newsletters. Nous essayons aussi de mettre en place des cho- ses au niveau collectif, pour qu’on se dise : cette tâche étant commune, nous allons nous en occuper ensemble. Une autre initiative est un projet sur la « société du savoir vieillissante ».

La société du savoir est de plus en plus âgée : en 2050, il y aura en Allemagne davantage d’octogénaires que d’enfants et d’adolescents de moins de vingt ans. Dans ce double contexte, nous nous demandons ce que la société doit acquérir comme nouvelles compétences. Et nous essayons de mettre sur pied un projet européen avec plusieurs pays : Finlande, Hongrie, Autriche et Espagne.

LRD : Comment les spécialistes de l’éducation qui ne s’intéressent pas particulièrement au dé- veloppement durable perçoivent-il Transfer-21 ?

GdH : Les priorités actuelles des pédagogues, en Allemagne, portent sur les matières classiques : allemand, mathématiques ou anglais.

LRD : Comme partout !

GdH : Effectivement : ce sont ces matières qui concentrent l’at- tention. Et tout autre thème, au premier rang desquels l’éduca- tion au développement durable, s’en trouve affecté. C’est ainsi qu’un programme d’éducation à la démocratie en a aussi pâti…

L’infl uence de la politique joue également un rôle : pour qu’un thème soit mis en évidence, il faut qu’une personnalité du mi- nistère insiste sur son importance. Autrement, les chances de le voir mis en avant sont faibles. Il faut être clair : la durabilité reste un domaine marginal. Du point de vue du volume, il peut faire peut-être deux heures par semaine, ce qui est peu.

Ecole et société

LRD : Les attentes de la société à l’égard du système éducatif sont très fortes. BLK-21 et Transfer-21 partent de l’idée que l’éducation peut beaucoup pour la durabilité. Pensez-vous que l’on attend trop des écoles en la matière ? Que l’école n’est pas en mesure de fournir certaines choses dans ce registre ? GdH : Notre espoir et l’un de nos objectifs étaient que les en- fants et les jeunes sachent que l’on peut s’engager en faveur du développement durable. Mais c’est une évidence : l’école n’a pas le pouvoir de changer le monde. Si les choses ne bougent pas aussi au niveau économique, cela ne fonctionnera pas. Sur ce plan, l’école est impuissante. Dans toute cette histoire, elle n’est pas l’entité qui décide. Nous voulons amener les enfants à se dire, du moins à pouvoir se dire : « Ça, je suis d’accord, mais ça,

je n’en veux pas, je le laisse tomber et je consomme autrement. » Nous voulons qu’ils s’engagent activement comme citoyens.

Mais bien sûr, la pédagogie n’a pas d’infl uence sur les décisions des gros producteurs d’énergie, par exemple.

LRD : En Europe ou dans le monde, que préconiseriez-vous aux programmes nationaux d’éducation sur le développe- ment durable ?

GdH : Ce serait très bien s’ils se fondaient un peu plus sur le mo- dèle que nous développons en Allemagne depuis neuf années. Ce serait un gros avantage si on pouvait exporter un peu ce modèle vers d’autres pays. Et s’il fallait encore développer un thème cen- tral, il faudrait davantage mettre en avant l’apprentissage global, c’est-à-dire tout ce qui est lié à la coopération au développement.

Et faire un effort substantiel sur la représentation de l’avenir, la vision du futur. C’est extrêmement important et cela s’applique de manière générale au système de formation.

LRD : A part l’Allemagne, quels sont les pays en avance dans ce domaine ?

GdH : Le Japon – auquel on ne s’attendrait peut- être pas –, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud. En Europe, la Suède, les Pays-Bas et, en partie, le Royaume-Uni.

LRD : Ces pays travaillent-ils aussi sur les compétences ? GdH : Oui ! Nous échangeons un peu entre nous. Une confé- rence de l’Union européenne a récemment eu lieu à Berlin sur ce sujet.

LRD : En Suisse et en France, la Décennie de l’éducation pour le développement durable de l’Unesco, en cours depuis 2005, ne brille pas de mille feux. Vous présidez le Comité natio- nal allemand pour cette décennie. Pourquoi, en Allemagne, prend-on cette décennie au sérieux ?

GdH : Cela remonte aux années 1970, lorsque le gouvernement a pris une initiative qui a conduit à la création du Ministère de l’environnement. Curieusement, il existe un intérêt pour ce thème au niveau de la politique fédérale. Et puis, l’Unesco est en Allemagne une institution très renommée, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays. Il y a une volonté très positive, parce que tous, en Allemagne, en attendent quelque chose. On n’a pas en tête que la durabilité correspond uniquement à la protection des ba- leines, on pense au potentiel d’innovation. Nombreux sont ceux qui ont compris cela. Les länder conservateurs ont très vite vu le potentiel de l’éolien, du solaire, etc., branches qui explosent.

1 www.transfer-21.de ; voir aussi de Haan G. L’Allemagne à la pointe de l’éducation pour un développement durable, LaRevueDurable n° 8, décembre 2003-janvier 2004, pp. 19-21.

2 www.dekade.org

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S’impliquer dans une

activité qui a du sens

je consomme autrement. »

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