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Notions de base et précisions jurisprudentielles sur
la notion d’intérêt Responsabilité des analystes
financiers en France page 4
La clause de remploi La solidarité des dettes en cas
de séparation de fait page 5
L’anatocisme
La conciliation préalable à une saisie immobilière
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Les intérêts après la clôture du compte
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Le commissionnaire en bourse n’est pas un dispensateur
de crédit
Editorial
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La newsletter Banque & Finance paraît depuis plus de sept années. Elle est éditée à chaque nouvelle saison. Vous avez en main le trentième numéro. Tous les articles qui y sont publiés et la quasi-totalité des arrêts, jugements et sentences arbitrales dont nous nous faisons l'écho sont inédites. Ils concernent des problèmes actuels de droit belge, français et européen en matière bancaire, financière et des assurances.
Afin de compléter votre information et votre collection, nous avons créé un nouveau site internet "banquefin.be" qui reprend en ligne tous les numéros publiés. Nous y avons ajouté quelques news, des liens, un index afin de faciliter vos recherches et une rubrique facilitant le dialogue. Nous sommes à l'écoute de vos suggestions et vous souhaitons bonne lecture.
Jean-Pierre BUYLE
Banque & Finance
Lettre trimestrielle d’informations juridiquesSommaire
Buyle Dier yck Maingain
Responsabilité des analystes financiers en France Le 12 janvier 2004, le Tribunal de commerce de Paris a défrayé la chronique financière en rendant son jugement dans l’affaire opposant la société Louis Vuitton - Moët Hennessy (LVMH) à la banque d’affaires américaine Morgan Stanley.
LVMH avait assigné Morgan Stanley en paiement de EUR 100 millions à titre de dommages et intérêts, pour manquements graves et répétés aux principes d'indépendance, d'impartialité et de rigueur de ses analyses financières concernant le secteur du luxe.
Plus particulièrement, LVMH alléguait que les rapports d’analyse de Morgan Stanley lui é t a i e n t s y s t é m a t i q u e m e n t défavorables et que cette dernière avait diffusé des informations fausses ou biaisées pour protéger ses intérêts et ceux d'un de ses clients, la maison de luxe Gucci, dont LVMH tentait de prendre le contrôle. LVMH estimait ainsi que Morgan Stanley avait manqué à ses devoirs, trompé la confiance de LVMH et des investisseurs, nui à LVMH et favorisé son client Gucci.
L e s a t t e i n t e s i n v o q u é e s concernaient l’image, le crédit et le cours boursier du groupe LVMH.
Sur base de l’article 1382 du Code civil français, le Tribunal de c o m m e r c e a a d m i s l a responsabilité délictuelle de Morgan Stanley. Il a estimé que la banque s’était rendue coupable d’une faute lourde ayant causé un préjudice considérable tant moral que matériel à LVMH. Il a condamné Morgan Stanley à payer EUR 30 millions à titre de réparation de son préjudice moral, c ond a m n a t i on a ss o r t i e d e l’exécution provisoire. Quant aux préjudices matériels subis par LVMH (résultant de la décote préconisée par Morgan Stanley et des coûts engagés par LVMH pour la défense de son image), ils ont été réservés par le Tribunal et un expert mandaté. Enfin, le Tribunal a ordonné la publication de son j u g e m e n t ( s a n s e x é c u t i o n provisoire), en particulier dans le rapport hebdomadaire sur le secteur du luxe émanant du service
NOTIONS DE BASE ET PRÉCISIONS JURISPRUDENTIELLES SUR LA NOTION D’INTÉRÊT
L
’intérêt est, selon le sens commun, une “somme qui rémunère un créancier pour l’usage de son argent par un débiteur pendant une période déterminée”.L’époque où une certaine doctrine interdisait le prêt à intérêt est depuis longtemps révolue. Aujourd’hui, la légitimité de l’intérêt n’est plus guère discutée. Pourtant, le régime juridique des intérêts suscite encore beaucoup de discussions tant en doctrine qu’en jurisprudence.
Nous tenterons ici de vous éclairer au regard des décisions jurisprudentielles récentes relatives au sort des intérêts dans le droit du crédit (I), à la clause de remploi (II) et à l’anatocisme (III) et enfin au sujet du sort des intérêts après clôture du compte bancaire (IV).
I. L'INTERET ET LE CREDIT
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Les intérêts conventionnelsL’intérêt conventionnel est le prix pour l’utilisation de l’argent d’autrui. L’octroi d’un crédit ne se fait pas gratuitement. Les parties conviennent dans leur convention de l’intérêt dont le débiteur est redevable outre le principal, et ceci comme rémunération pour l’argent prêté.
On est libre, sans préjudice des dispositions légales (ex. l’interdiction de l’usure – art. 1907ter C.c.), de stipuler un intérêt conventionnel, ainsi que son encours (art. 1907, al. 1 C.c). A défaut de détermination du taux de l’intérêt par une clause écrite spéciale, le taux légal est appliqué (art. 1907, al. 4 C.c.).
Au sens large, l’intérêt conventionnel est tout intérêt, quelle que soit sa nature, qui est fixé contractuellement. A cet égard, un intérêt conventionnel peut être un intérêt moratoire déterminé contractuellement.
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Les intérêts moratoiresL’intérêt moratoire est l’intérêt résultant du retard dans l’exécution d’une obligation ayant pour objet le paiement d’une certaine somme d’argent (art. 1153 C.c.). Le retard de paiement donne en effet au dispensateur de crédit droit à des dommages et intérêts.
Dans les obligations qui ne concernent que le paiement d’une somme d’argent, le taux d’intérêt moratoire, est, en principe, mais pas nécessairement, en vertu de l’article 1153 C.c., égal au taux d’intérêt légal. Des clauses dérogatoires sont possibles, vu le caractère supplétif de cet article, dans les limites bien sûr de l’article 1907 alinéa 3 C.c. et, vu le caractère indemnitaire de ces intérêts, en tenant compte de la théorie des clauses pénales.
Les intérêts conventionnels continuent à courir jusqu’à l’échéance prévue pour le paiement. A partir de l’échéance et jusqu’au non paiement et sauf exception légale, le débiteur commet une faute qui donne au créancier droit à des dommages et intérêts sous la forme d’intérêts moratoires.
d’analyse financière de Morgan Stanley.
Sur la question de la faute, et en se fondant largement sur les investigations menées aux Etats Unis par la SEC (Security and Exchange Commission) dans le cadre d'une procédure collective initiée à l'encontre de plusieurs banques d'affaires auxquelles il était reproché d'avoir utilisé leurs services d'analyse et de recherche pour obtenir ou conserver des mandats de fusions, d'acquisitions et d'introductions en Bourse, le jugement tient pour constant que la structure de Morgan Stanley ne comportait pas de séparation stricte entre les services d’investissement et ceux d’analyse financière. Partant de cette constatation, le jugement impute à l a ba nq u e d ’a ffa i re s un e multiplicité de fautes ayant mené à une valorisation de Gucci au détriment de LVMH, fautes jugées d’autant plus graves que Morgan Stanley laissait faussement entendre qu’il existait des liens entre elle-même et LVMH, sans par ailleurs relever ses liens avec Gucci.
Les reproches concernaient également l’indication de ratios d’endettement de LVMH ne correspondant plus à la réalité.
Ainsi, pour le Tribunal, la banque a manqué gravement et à de multiples reprises, à ses devoirs d’indépendance, d’impartialité et de rigueur et s’est rendue coupable de dénigrement à l’encontre de LVMH.
Au chapitre de la causalité, le Tribunal a retenu que l’opinion et les analyses d’une banque telle q u e M o r g a n S t a n l e y o n t nécessairement euun impact sur une société telle que LVMH. Il a en outre souligné la vulnérabilité particulière d’une société du secteur du luxe aux atteintes à son image de marque.
Ce jugement interpelle à plus d'un titre. Il a en tout état de cause le mérite de mettre en évidence le rôle et le statut des analystes financiers et de poser la question des conditions d’exercice de leur a c t i v i t é , q u i n ' e s t q u e partiellement appréhendée par la loi française du 1er août 2003 de sécurité financière.
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Les intérêts compensatoiresLes intérêts compensatoires ou rémunératoires sont les intérêts qui courent sur l’indemnité compensatoire qui est l’indemnité à laquelle on a droit quand le contrat n’est pas exécuté, ou quand il l’est de manière fautive. Ainsi, on exige l’exécution du contrat, soit par équivalent. La non-exécution ou la mauvaise exécution donne droit à des dommages et intérêts à partir du jour de la non-exécution ou de la mauvaise exécution. C'est le jour de la naissance du dommage.
Les intérêts compensatoires sont ajoutés aux dommages et intérêts sur base d’une décision judiciaire s’il apparaît que celui ayant droit à un tel dédommagement subit (encore) un dommage supplémentaire dans la période entre la réalisation du dommage et le paiement effectif de ces dommages et intérêts (principaux).
L’appréciation du juge est souveraine. A cet égard, les intérêts rémunératoires font intégralement partie des dommages et intérêts.
Les intérêts compensatoires résultent dès lors du retard dans l’exécution du paiement de ces dommages et intérêts. Ils sont une technique pour pallier l’influence du temps sur l’ampleur du dommage.
•
Les intérêts judiciairesCe sont les intérêts qui, en principe, sont attribués par le juge, à partir du jour de l’introduction de l’action (par citation, constitution de partie civile, demande reconventionnelle par conclusions ou comparution volontaire) jusqu’au moment du paiement. Ils doivent indemniser le dommage que le créancier subit du fait de l’écoulement du temps jusqu’au prononcé de la décision judiciaire.
L’intérêt judiciaire n’est pas une catégorie particulière d'intérêt. Cet intérêt est en effet la continuation des intérêts moratoires (pour les dettes d’argent) ou compensatoires (pour les dettes de valeur). Dès lors, le juge ne peut accorder pour une même période des intérêts judiciaires et moratoires, ou des intérêts judiciaires et compensatoires.
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Les intérêts légauxLes intérêts légaux ne forment pas non plus une catégorie à part. Le terme “intérêt légal” a une double signification.
La signification la plus évidente est celle du taux d’intérêt fixé par la loi, en particulier par l’Arrêté Royal du 4 août 1996, prise en exécution de la loi du 30 juin 1970. Actuellement, il s’élève à 7 % l'an.
Le terme “intérêt légal” peut également se rapporter à l’intérêt qui court de plein droit et qui est donc directement dû en vertu d’une disposition de la loi.
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Quatre décisions récentes ont abordé des clauses contractuelles qui prévoyaient des taux d’intérêts moratoires.
La solidarité des dettes en cas de séparation de fait Un client avait ouvert auprès d’une institution bancaire un compte à vue dont son épouse avait été désignée mandataire ayant pouvoir d’agir seule. Chaque mois, les dépenses effectuées par l’épouse au moyen de sa carte de crédit personnelle étaient débitées dudit compte dont l’époux recevait régulièrement les extraits.
Quelque temps plus tard, l’épouse avertit son agence bancaire de ce qu’elle quittait le domicile conjugal et lui communiqua sa nouvelle adresse. La carte de crédit dont l’épouse disposait lui fut reprise une semaine plus tard.
Il apparaît de l’historique du compte qu’après avoir été créditeur, le compte fut en découvert le jour de l’annonce du départ du domicile conjugal et que ce débit ne cessa de croître pour atteindre un montant de près de 10.000 euros trois mois plus tard.
La banque décida à cette époque d e s i g n i f i e r p a r l e t t r e recommandée adressée à l’époux la clôture de son compte et pria son huissier d’entreprendre la récupération du montant.
Après avoir été cité par la banque, l’époux assigna son épouse en garantie pour la moitié des sommes qu’il serait amené à devoir rembourser. La banque postula à la suite de l’entrée en s c è n e d e l ’ é p o u s e s a c on dam nati on soli da ir e et indivisible.
La Cour d’appel qui eut à connaître du litige rappela qu’après de n o m b r e u s e s h é s i t a t i o n s jurisprudentielles, la Cour de cassation avait par un arrêt du 15 octobre 1999, exclu la solidarité pour des dettes contractées en vue de couvrir les besoins du ménage, sauf si le tiers de bonne foi avait contracté dans l’ignorance de la séparation. La Cour précise que la bonne foi « désigne non seulement l’ignorance de la séparation mais aussi le devoir d’investigation du tiers qui suivant les circonstances et le degré d’organisation de la profession qu’il exerce doit chercher à apprécier raisonnablement si les engagements pris sont nécessaires pour les besoins du ménage et donc s’il y a encore cohabitation ou au contraire
Dans un jugement du 15 octobre 2002, le Tribunal de commerce de Mons a dû se prononcer sur un taux d’intérêt conventionnel s’élevant à 10,5 % l’an et qui était porté en cas de retard à 20,4 % l’an. Le Tribunal a fait application de l’article 1153 du code civil pour réduire le taux d’intérêt moratoire de 20,4 % à 13,5 %, en considérant que l’augmentation de taux en cas de retard de prêt de 10 % n’était pas justifiée.
Le Tribunal civil d’Arlon a par contre jugé qu’il était normal que lorsqu’un client débite son compte au-delà des limites convenues, le banquier avait droit de percevoir des intérêts complémentaires pour compenser sa perte imprévue de liquidités. Le Tribunal a considéré que dans cette hypothèse l’application d’un taux de 21,6 % puis 18
% l’an était conforme aux usages.
La Cour d’appel de Liège a également confirmé que le taux de 18 % l’an était un taux acceptable et fréquent dans la pratique bancaire actuelle.
Une décision du Tribunal civil de Charleroi a également confirmé la validité et l’opposabilité aux crédités d’une clause prévoyant la possibilité pour le banquier de modifier le taux d’intérêt pratiqué par la banque, dans la mesure où le crédité n’apportait pas la preuve de ce que le banquier en avait fait usage de mauvaise foi.
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* * II. L’INDEMNITE DE REMPLOI
L’article 1907bis du Code civil dispose que :
“Lors du remboursement total ou partiel d’un prêt à intérêt, il ne peut en aucun cas être réclamé au débiteur, indépendamment du capital remboursé et des intérêts échus, une indemnité de remploi d’un montant supérieur à six mois d’intérêts calculés sur la somme remboursée au taux fixé par la convention”.
Dans le droit commun, il n’y a pas d’autres dispositions qui règlent cette matière. Il faut se référer à ce que les parties ont expressément convenu, ou à ce que les conditions générales bancaires disposent.
L’indemnité de remploi est en principe due lorsque l’emprunteur utilise son droit conventionnel au remboursement anticipé du crédit.
Elle doit couvrir les éléments suivants: la perte éventuelle d’intérêts, les frais occasionnés lors de la résiliation d’une convention et la conclusion d’une autre (trouver un investissement équivalent), les frais provoqués par la perturbation de l’équilibre financier du prêteur...
L’article 1907bis du Code civil limite cette indemnité à 6 mois d’intérêts, calculés sur la somme remboursée au taux fixé par la convention.
L’indemnité de remploi n’est pas une indemnité pour la non- exécution ou l’exécution tardive d’une obligation contractuelle et ne peut pas être mise sur le même pied qu’une clause pénale. Lors d’un remboursement volontaire anticipé, il n’existe en effet pas de faute dans le chef de l’emprunteur. Il est possible que le prêteur demande une “indemnité de remploi” lorsque le crédit devient prématurément exigible dans le cas de la non-exécution d’une obligation de l’emprunteur (sur la base d’une clause de déchéance du terme). Dans
cette situation, elle constitue bien une indemnité et, vu la convention, une clause pénale.
L’indemnité de remploi est spécifiquement réglée dans la loi sur le crédit à la consommation (article 23) et dans la loi sur le crédit hypothécaire (article 26).
Deux décisions inédites récentes ont été rendues en matière d’indemnité de remploi faisant la distinction entre l’indemnité de remploi conventionnelle au sens strict et le “funding loss” qui correspond à l’indemnité que le crédité doit payer à son banquier, lorsque celui-ci souhaite rembourser son crédit avant l’échéance alors que le contrat ne le permet pas ou ne le permet qu’après un minimum d’années.
Dans son jugement du 9 avril 2003, la Cour d’appel de Gand a décidé que l’article 1907bis du code civil limitant l’indemnité de remploi à six mois d’intérêts n’était pas applicable en l’espèce, puisque le contrat de crédit ne permettait pas le remboursement avant échéance.
Il ne s’agissait pas d’une indemnité de remploi qui devait être prévue contractuellement, mais d’un “funding loss” qui est plutôt une indemnisation par des dommages et intérêts.
La Cour d’appel d’Anvers a confirmé ce jugement dans son arrêt du 2 octobre 2003.
Dans les contrats de crédit, il avait été expressément déterminé que ces crédits pouvaient être remboursés après au moins dix ans, contre le paiement d’une indemnité de remploi contractuellement prévue.
Le crédité avait voulu mettre un terme au contrat de crédit après moins de trois ans depuis la conclusion du contrat. Ici, également la Cour d’appel d’Anvers a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une indemnité de remploi, mais d’un “funding loss” et que les limitations prévues par l’article 1907bis n'étaient pas applicables.
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* * III. L’ANATOCISME
L’article 1154 du Code civil dispose que :
“Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une sommation judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la sommation, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière”.
L’anatocisme est la capitalisation des intérêts échus et non payés qui à leur tour, comme le capital, produisent un intérêt. Par exemple, pour un prêt de 10.000 EUR à 10 % il est dû après un an 1.000 EUR d’intérêts. Sur ces 1.000 EUR, il est également dû 10 %.
Le Code civil autorise l’anatocisme, mais sous de strictes conditions.
séparation de fait ».
La Cour relève à cet égard que la banque avait été avisée de la séparation de fait et qu’elle ne pouvait dès lors invoquer la solidarité entre les époux, y compris pour le découvert antérieur à cette séparation, puisque la clôture du compte courant était intervenue largement après celle-ci et après que le compte ait d’ailleurs véritablement plongé.
On rappellera que le titulaire du compte pourra invoquer ce que bon lui semble dans le cadre de l’action en liquidation du régime matrimonial à propos de la prise en compte par son ex-épouse d’une partie du compte utilisé apparemment pour les besoins du ménage et notamment de la c o u v e r t u r e d e s d é p e n s e s effectuées par celle-ci au moyen de sa carte de crédit.
La conciliation préalable à une saisie immobilière La loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire prévoit que toute exécution ou saisie à laquelle il est procédé en vertu d’un jugement ou d’un autre acte authentique doit, dans le cadre de la présente loi, être précédée, à peine de nullité, d’une tentative de conciliation devant le juge des saisies, qui doit être actée à la feuille d’audience.
Deux arrêts récents viennent de préciser l’étendue de cette obligation.
Dans le premier arrêt, un établissement de crédit avait poursuivi la réalisation forcée d’un immeuble que l’un de ses clients avait affecté en hypothèque à son profit dans le cadre d’un prêt h y p o t h é c a i r e . L e p r i x d’adjudication n’avait toutefois pas suffi à rembourser totalement le prêt. Pour la récupération du solde de sa créance, la banque saisissa un autre immeuble appartenant à son débiteur. Ce dernier s’opposa à cette saisie et en réclama la nullité, au motif qu’il n’y avait pas eu de tentative de conciliation comme le prescrit l’article 59 de la loi du 4 août 1992 précitée.
Le premier juge opta pour une solution extensive du texte, au motif que la tendance actuelle du législateur vise à une plus grande protection du consommateur. Il annula donc l’acte de saisie.
La Cour d’appel rappela «qu’à peine de créer entre un créancier ordinaire e t u n c r é a n c i e r q u i s ’ e s t insuffisamment garanti par une hypothèque une discrimination injustifiée et préjudiciable à ce dernier dont les actes et poursuites se trouveraient retardés, il ne peut être imposé de recourir au préalable de conciliation lorsque le bien visé n’est pas celui qui fait l’objet du crédit hypothécaire». Seules les exécutions ou saisies relatives à l’immeuble qui fait l’objet du crédit hypothécaire sont visées par la disposition rappelée, car une fois sa garantie hypothécaire réalisée, avec conciliation obligatoire depuis 1992, le créancier non entièrement rempli de ses droits devient un créancier ordinaire auquel le préliminaire ne s’applique plus.
Dans le second arrêt, un client qui s’était vu consentir un prêt hypothécaire remboursable en 20 ans, éprouva quelque temps plus tard certaines difficultés à respecter scrupuleusement ses échéances à la suite notamment de la perte de son emploi.
Estimant que les arriérés de mensualités restaient persistants, la banque dénonça le prêt et pour respecter les exigences de l’article 59 de la loi du 4 août 1992 sur le crédit hypothécaire, la banque invita le client en conciliation devant le juge des saisies. Le client p r o p o s a u n p l a n d e remboursement qui fut toutefois rejeté par la banque, au motif que le remboursement risquait de s’étaler sur une trop longue période.
La Cour d’appel de Liège qui examina l’affaire rappela que le droit de résolution unilatéral trouve sa source dans la convention, le contrôle juridictionnel étant réduit puisque le juge se borne à vérifier la validité de la clause, la réunion de ses conditions d’application et parfois ses effets. Le juge ne peut refuser de constater la résolution intervenue que si les conditions conventionnelles de son exercice n’ont pas été respectées, la
Pour que l’anatocisme soit possible, il faut que trois conditions soient remplies ensemble :
- il faut s’agir d’intérêts échus de capitaux;
- qui sont dus au moins pour une année entière;
- il requiert, en outre, une sommation judiciaire ou une clause conventionnelle expresse, qui doit être renouvelée chaque année.
L'article 1154 C.C. est d’ordre public.
Une convention conclue en violation des dispositions de l’article 1154 C.C. est nulle et cette nullité peut être invoquée pour la première fois en cassation.
Première condition : il doit s’agir d’intérêts échus de capitaux.
Les intérêts doivent être échus.
Le juge ne peut pas accorder d’intérêts sur intérêts pour des intérêts futurs. Il n’est pas non plus possible de le convenir préalablement.
Une telle convention serait illégale.
Le débiteur doit donc à chaque fois qu’il y a des intérêts échus, être averti que l’anatocisme sera appliqué.
Le terme “capitaux” ne peut pas être expliqué limitativement dans le sens de capitaux prêtés. Il s’agit également de sommes qui sont dues à la suite d’une décision judiciaire.
L’anatocisme peut être appliqué à toutes sortes d’intérêts : conventionnels moratoires, légaux, judiciaires ou l’intérêt capitalisé...
Deuxième condition : il doit s’agit d’intérêts qui sont dus pour une année entière.
Pour des crédits à court terme, il n’est pas possible d’ajouter chaque mois l’intérêt échu au capital et de calculer en sus l’intérêt.
Une capitalisation pour une période excédant un an est tout à fait possible.
L’exigence d’une capitalisation après une année ne vaut pas pour le compte courant. Il s’agit d’un usage contra legem. La doctrine applique cette exception également sur tous les comptes en banque comme le compte dépôts et le compte à vue.
Les tribunaux ne partagent pas tous cette opinion. Ainsi, le juge de paix de Verviers a récemment jugé que si l’article 1154 du code civil était inapplicable en matière de compte courant, il est en revanche d’application au compte vue qui a pour objet essentiel la garde des fonds des clients par le banquier en vue de l’obtention de divers services bancaires habituels.
Troisième condition : il faut une sommation judiciaire ou une clause expresse, qui doit être renouvelée annuellement à l’échéance.
Rien n’empêche d’adresser une sommation avant l’écoulement d’un an.
Une reconnaissance de dette est insuffisante, mais le dépôt de conclusions au greffe, dans lesquelles l’attention du débiteur est attirée en particulier sur la capitalisation de l’intérêt, suffit.
résiliation étant un acte unilatéral réceptice produisant ses effets de plano et irrévocablement.
La Cour précisa néanmoins que lorsqu’il est mis fin au contrat surtout unilatéralement et qu’une des parties applique une sanction contractuelle, elle est tenue plus spécialement d’un devoir de solidarité et de loyauté, que le créancier victime de la défaillance de son débiteur doit tenir compte des intérêts légitimes de son cocontractant et qu’en cas d’abus, c’est-à-dire si le créancier choisit entre deux possibilités la voie la plus dommageable à son débiteur sans avantage particulier pour lui- même, le juge peut exercer un pouvoir modérateur ramenant le droit du créancier dans les limites de son usage normal.
La Cour relève en outre que « même régulièrement mises en œuvre, des procédures d’exécution deviennent abusives et intolérables lorsque le but poursuivi n’est plus d’obtenir le paiement mais de déstabiliser le débiteur en recherchant de manière impitoyable un résultat même minime quitte à faire subir un lourd préjudice au saisi».
Selon la Cour, le droit au logement prolonge le principe de dignité humaine et le renforce, que dès lors la séance de conciliation ne doit pas se résumer à un dialogue de sourds, voire à une absence de dialogue mais doit servir à rechercher de bonne foi si la vente de l’immeuble qui sert de logement a u d é b i t e ur e st v r a i m e n t indispensable. Le créancier commet un abus lorsqu’il refuse toute discussion ou n’essaie pas loyalement d’aider son débiteur à éviter la perte de son logement.
Cette recherche dans laquelle le juge des saisies n’est pas simplement un « notaire » actant l’accord ou l’absence d’accord implique aussi de la part du débiteur une loyauté parfaite, notamment sur ses ressources et charges, le créancier ayant le droit d’être informé sur la situation du débiteur, ce qui ne constitue pas une violation du droit de celui-ci au respect de sa vie privée. Constatant que la poursuite immédiate de l’exécution forcée ne serait pas nécessairement profitable à la banque, elle débouta celle-ci.
Le débiteur doit être expressément averti que l’application de l’article 1154 code civil sera demandée.
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IV. LES INTERETS APRES LA CLOTURE DU COMPTE
Un solde débiteur en compte n’est en principe permis qu’en vertu d’une convention particulière d’ouverture de crédit (par exemple sous forme de crédit de caisse) ou de possibilité, offerte par la banque, notamment dans le cadre de l’utilisation d’une carte VISA de bénéficier, dans les limites contractuellement stipulées quant à son montant et, le cas échéant, quant à sa durée, d’un découvert.
Des facilités de caisse sont aussi possibles.
La convention intervenue entre la banque et son client à l’ouverture du compte prévoit en général que le compte à vue produit un intérêt, le taux de cet intérêt variant selon que le solde est créancier ou débiteur.
Le taux de cet intérêt est défini par le règlement général des opérations ou celui des ouvertures de crédit auquel le client a adhéré lors de l’ouverture du compte ou lors de la conclusion du contrat de crédit.
Lorsque, par contre, la convention ne stipule pas le mode de calcul des intérêts après la clôture du compte, il existe une controverse de savoir si les intérêts en vigueur avant la dénonciation du contrat continueront de plein droit à courir après celle-ci.
En principe, il faut faire application de l’article 1153 du Code civil qui, en l’absence de dispositions contraires, prévoit que les intérêts moratoires ne sont dus qu’à dater de la sommation faite au débiteur et que ceux-ci ne peuvent courir qu’au taux légal.
L’usage justifie que l’on maintienne le taux d’intérêt conventionnel, qui continue à s’appliquer de plein droit après la dénonciation du contrat.
Dans une décision du 23 juin 2003, la Cour d’appel de Liège a jugé qu’après la clôture du compte, les intérêts continuaient à courir au taux conventionnel.
Dans une autre affaire, la Justice de paix de Verviers en a jugé autrement.
Selon ce juge de paix, il n’est pas justifié de maintenir, après la clôture du compte à vue, des intérêts à un taux conventionnel. A dater de cette clôture, l’article 1153 du code civil doit s’appliquer.
Un autre arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 4 octobre 2000 concerne également l’application de l’article 1153 du code civil sur l’intérêt moratoire conventionnel. Dans cet arrêt, la Cour rappelle la distinction entre l’intérêt rémunératoire et moratoire et précise que la faculté des réductions vaut seulement pour les intérêts moratoires.
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avec la collaboration de André-Pierre ANDRE -
DUMONT Olivier CREPLET
Paul FALAISE Mady GEERTS Filip MALFAIT pour le droit belge,
Nicolas DAUBIES Sylvie DECOSTER Christophe STEYAERT
pour le droit européen et le droit français et
Philippe COLLE Bart VAN DEN BRANDE
Sabrina ZEGERS pour le droit des assurances
réalisation Alphonse HOTTAT
mise en page Colette FLAHAUT
Les informations publiées par Banque et Finance sont données à titre de renseignements. Il ne s’agit pas de consultations juridiques portant sur des situations déterminées.
Les destinataires de cette lettre d’informations sont informés par la présente de ce qu’ils sont enregistrés dans un fichier établi en vue de l’envoi de la lettre d’informations. Le cas échéant, ils peuvent demander l’application de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée.
Reproduction autorisée, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source.
Prochain numéro : Juin 2004 www.banquefin.be
INSTITUTION DE CRÉDIT
A
l’occasion d’un arrêt récent, la Cour d’appel de Liège s’est penchée sur la fonction du commissionnaire en bourse et en a précisé les contours.Un client avait ouvert plusieurs comptes auprès d’un agent délégué d’une banque qui offrait ses services via Internet. Ces services comportaient notamment la possibilité de conclure diverses transactions boursières.
Le client fit un usage intensif de ses services, au point d’exercer une activité spéculative de « day trader », c’est-à-dire, selon la Cour, en intervenant sans objectif d’investissement, en poursuivant un bénéfice immédiat sur un laps de temps très court, parfois même sur le même jour, en pariant sur les variations au fil des minutes.
A la suite d’opérations malheureuses, le client, l’agent délégué et la banque se retrouvèrent devant la Cour.
La cour précise dans un premier temps que le commissionnaire en bourse est un intermédiaire commercial, exécutant en bourse les ordres d’achat ou de vente placés par un client de manière précise quant à la description de l’objet de l’ordre, son nombre et le prix ou la fourchette de prix choisi par le client seul. « Le contrat que le commissionnaire offre à ses clients et auquel ceux-ci adhèrent est un contrat exclusif de toute notion de crédit ». La Cour rappelle à cet égard que « les dispositions légales régissant le crédit à la consommation s’appliquent au contrat par lesquels un organisme agréé de crédit met à la disposition de ses clients des sommes consacrées à l’acquisition d’un bien ou aux besoins de la vie journalière». Un commissionnaire en bourse ne pourrait devenir un dispensateur de crédit de fait ou déguisé que «s’il laissait s’accumuler un déficit anormal du débit du compte courant de son mandant, en poursuivant de nouvelles dépenses en son nom sans l’inviter à un apurement préalable du solde débiteur ».
La Cour rappelle en outre que « les dispositions légales européennes ou belges relatives à l’obligation ou à l’incitation des intervenants à n’agir en bourse que dans le cadre d’une couverture ou provision suffisante, n’édictent pas ou plus une obligation de couverture ou de provision à peine de nullité. Qu’aux termes des dispositions légales actuellement applicables et des règles de bonne conduite, les professionnels des secteurs boursiers ou bancaires n’ont cette obligation de manière impérative dans l’intérêt de leur client qu’en proportion du caractère de néophyte de ce client ».
La Cour en conclut que le commissionnaire, ou la banque logeant le compte des clients du commissionnaire pour ces opérations, ne commet pas une faute engageant sa responsabilité envers ce client en n’exigeant pas du day trader une couverture ou une provision pour chacun de ses achats. Elle précise en outre «que les règlements éventuels de ces professionnels leur réservant le droit de refuser d’exécuter une opération non couverte envers eux ne crée ni un droit ni une protection du client mais réserve au professionnel un droit d’inexécution d’un ordre d’achat, dans l’intérêt du professionnel, sans recours pour le client dont les intérêts économiques seraient lésés par cette inexécution ».
Editeur responsable : Jean-Pierre Buyle Buyle Dieryck Maingain, société civile
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