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Exposition alimentaire des enfants de moins de trois ans : présentation de l'Etude de l'alimentation totale infantile (EATi)

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La qualité de l’alimentation est l’un des facteurs à privilégier chez le nourrisson durant ses pre- mières années de vie, afin de permettre une croissance harmonieuse et optima- le. C’est de plus à cette même période que se constitue un microbiote intesti- nal qui perdurera à long terme. Nul ne conteste désormais la supériorité de l’allaitement maternel, dont les béné- fices multiples ont été mis en évidence.

Les aliments lactés diététiques du nour- risson visent d’ailleurs à reproduire la composition du lait de femme.

Mais qui dit qualité dit aussi sécurité sa- nitaire de l’alimentation. C’est pourquoi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a décidé de réaliser, durant la période 2010-2016, une vaste étude sur la sécurité de l’alimentation to- tale infantile (EATi), laquelle a porté sur l’analyse de plus de 600 substances dans des échantillons alimentaires définis à partir du régime alimentaire de 705 en- fants de moins de trois ans non prématu- rés et non allaités. La méthodologie et un résumé de cette étude de longue haleine sont exposés par Mme Marion Hulin dans l’article qui suit.

On s’aperçoit que, globalement, 90 % des substances étudiées ne posent pas de problèmes sanitaires. Par contre,

Il est désormais reconnu que la période de vie fœtale et les premières années de vie représentent une fenêtre d’exposition critique du fœtus et du nourrisson à son environnement. La qualité de l’alimentation, l’environnement psychique, l’exposition à des toxiques ou à des perturbateurs endocriniens sont capables d’impacter l’expression du génome, via l’épigénétique. Tout ou presque se joue donc durant ces mille premiers jours de la vie périnatale où le bébé se construit et au cours desquels peuvent se programmer des pathologies à plus ou moins long terme.

Rubrique dirigée par D. Le Houézec

16 substances ou familles de substances nécessitent une réduction de l’exposi- tion, dont 9 pour lesquelles la situation a été jugée « préoccupante ». Ce sont d’abord des métaux comme le plomb, dont la contamination alimentaire est ubiquitaire, ce qui témoigne d’une très large contamination environnementale.

Le nickel est retrouvé surtout dans les aliments contenant du chocolat. Pour l’arsenic, ce sont souvent les céréales in- fantiles à base de riz qui en contiennent, ainsi que les petits pots de légumes et de poisson mélangés à du riz. Le mercure est un contaminant avant tout des pois- sons. On recommande donc de ne pas en proposer plus de deux fois par semai- ne, dont une fois un poisson à forte te- neur en EPA et DHA, acides gras omé- ga 3 à longue chaîne (maquereau, sardi- ne, saumon, hareng, truite fumée), et de limiter la consommation des pois- sons prédateurs sauvages (lotte, bar, dorade, raie, thon, brochet…), qui stoc- kent plus le mercure dans leurs tissus adipeux, ce que l’Anses préconisait dé- [1]. Les mêmes recommandations sont à délivrer pour limiter l’exposition aux polychlorobiphényles (PCB), qui est ju- gée préoccupante chez l’enfant de plus de douze mois consommant certains poissons d’eau douce (anguille, bar- beau, carpe…). L’exposition aux

SANTÉETENVIRONNEMENT

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dioxines et aux furanes est principale- ment apportée par le lait de vache, les laitages ultra-frais et le poisson. Dans les composés néoformés, c’est-à-dire liés aux processus de production industriel- le, on retrouve des taux d’acrylamide conduisant à une exposition jugée trop élevée, liée à la consommation de bis- cuits, de pommes de terre et de petits pots de légumes seuls ou de légumes- viande. Cela a également été observé pour le furane, en lien avec la consom- mation de petits pots. Une optimisation des processus de fabrication doit être mise en œuvre pour limiter ce problè- me. Les aflatoxines peuvent être retrou- vées dans les boissons lactées à base de céréales et certains petits pots de fruits ou de légumes contenant des céréales.

Les résidus de pesticides, absents des aliments lactés 1er âge, ne sont retrou- vés que pour une seule molécule dans un lait 2eâge. En ce qui concerne les ali- ments courants, le seul résidu souvent trouvé l’est à des taux non préoccu- pants. On rappellera également de limi- ter, jusqu’à l’âge de trois ans, les ali- ments à base de soja, puisque cet ali- ment contient de la génistéine, molécu- le ayant une activité œstrogénique. Der- nier point souligné, les aliments indus- triels contenus dans des assiettes ou coupelles en plastique contiennent des concentrations plus élevées en phta- lates, perturbateurs endocriniens recon- nus [2]. Pour le bisphénol A (BPA), des concentrations plus élevées sont retrou- vées dans les conserves et les pots en verre, mais il est à noter que les analyses ont été faites avant la mise en œuvre de la réglementation prévoyant la suspen- sion de la mise sur le marché français de tout conditionnement à vocation ali- mentaire contenant du BPA.

Malgré la richesse des informations transmises par cette étude, certaines questions restent en suspens : l’alimen- tation bio est-elle à privilégier ? est-il préférable que les parents préparent eux-mêmes les petits pots ? quel type de contenants privilégier ? qu’en est-il de l’exposition des enfants allaités ? Autant de questions qu’il serait intéressant d’explorer.

En conclusion, cette étude apporte une photographie intéressante de ce qu’est l’alimentation actuelle des enfants et constitue un point de référence en ma- tière de suivi des évolutions de celle-ci.

Elle contient des points forts et d’autres plus faibles.

Les points forts :

l’EATi prend en compte de manière exhaustive la diversité des produits consommés, y compris la diversité des préparations et des pratiques culinaires.

Elle est donc au plus près de la vie réel- le. Certains produits « bio » ont été inclus dans l’échantillonnage, mais ils n’ont pas été séparés des autres produits. Il n’a donc pas été possible de faire une analyse différenciée bio/non bio ;

elle apporte ou confirme des conclu- sions sans appel sur un certain nombre de familles de substances préoccu- pantes (au nombre de 9) : la nécessaire prudence concernant l’alimentation à base de poisson, l’inadéquation du lait de vache chez l’enfant de moins de un an, le risque lié à la consommation des préparations infantiles au soja et la né- cessité de ne pas trop anticiper la diver- sification avant six mois, dans la mesure où celle-ci s’accompagne d’une aug- mentation potentielle de l’exposition à certaines substances chimiques.

Les points faibles :

du fait de la méthodologie suivie, l’EATi ne permettait pas d’aborder le problème de l’exposition alimentaire des enfants allaités. Ce sujet est de plus en plus documenté pour ce qui relève du relargage de certaines substances via le lait maternel, qui reste malgré tout l’aliment de référence. Une étude sur le lait des lactariums (Conta-lait) a été mi- se en place à ce propos par l’Anses et l’APHP. Elle permettra de réaliser une évaluation des bénéfices et risques asso- ciés à l’allaitement maternel en France ;

la plupart du temps, l’EATi prend en compte la DJA (dose journalière admis- sible) pour évaluer le risque lié aux sub- stances détectées. Mais cette DJA ne prend pas en compte les perturbations endocriniennes qui peuvent être obser- vées à faibles doses pour certaines sub- stances, notamment les phtalates ou

certains pesticides. Or, sur les 314 pesti- cides pour lesquels les expositions sont inférieures à la DJA, 84 sont jugés prio- ritaires, et un tiers parmi ces derniers sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, comme c’est d’ailleurs le cas pour le mercure.

Voici donc les conclusions pratiques que l’Anses nous apporte sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. En tant que praticiens de la petite enfance, nous avons forcément envie d’aller plus loin, sans engager l’Anses, tout en no- tant que d’autres travaux sont en cours sur la question de l’alimentation des nourrissons. Nous pensons qu’il est lici- te d’ajouter à celles de l’Anses certaines recommandations qui, dans l’attente de preuves scientifiques, relèvent du prin- cipe de précaution.

L’allaitement maternel doit être enco- re plus conseillé et favorisé que jamais.

Nous attendons avec impatience les ré- sultats de l’étude Conta-lait. Il nous pa- raît souhaitable, en attendant, d’informer et de conseiller aux femmes enceintes et à celles qui allaitent d’être particulière- ment vigilantes quant à leur propre ali- mentation. L’éviction d’aliments conte- nant possiblement du mercure ou des PCB, molécules liposolubles, est une priorité. Lorsque cela est possible, privilé- gier une alimentation « bio », sans pesti- cides ou presque est l’idéal.

Lorsque l’allaitement maternel n’est pas possible, l’utilisation des aliments lactés diététiques adaptés aux nourris- sons devrait être la règle pour tous les enfants dans leur première année de vie.

Ces produits très surveillés offrent presque toujours une sécurité sanitaire et garantissent les apports qualitatifs spécifiques et indispensables (oméga 3 à longue chaîne). Le biberon en plastique doit céder la place au biberon en verre.

Lors de la diversification alimentaire, l’alimentation « bio » du nourrisson est souhaitable, même si elle n’est que par- tielle. Nous ne pouvons que con seiller aux parents de préparer eux-mêmes l’ali- mentation courante diversifiée et d’évi- ter le plus possible la facilité de l’alimen- tation industrielle. Celle-ci délivre trop de produits dont la sécurité alimentaire octobre 2017

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pâtit encore de la présence de substances préoccupantes. Les contenants et films alimentaires plastifiés des plats tout prêts ne sont pas non plus exempts de risques (phtalates et substituts du bis- phénol A). Dans tous les cas, il ne faut ja- mais réchauffer les aliments au four à micro-ondes dans un contenant plastifié.

Faire son marché, acheter si possible du

« bio » (chez le producteur mais désor- mais aussi en grande surface) et privilé-

gier les petits plats faits maison, c’est ga- rantir à son enfant une alimentation de qualité et souvent plus saine. 첸

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.

Références

[1] ANSES : « Ajuster sa consommation de poisson à ses goûts et ses besoins », https://www.anses.fr/fr/content/ajuster-sa-consom mation-de-poisson-à-ses-goûts-et-ses-besoins.

[2] ANSES : « Travaux et implication de l’Agence sur les pertur- bateurs endocriniens », https://www.anses.fr/fr/content/les-per turbateurs-endocriniens.

cette population à différentes sub- stances, ainsi que le risque sanitaire qui y est associé.

QU’EST-CE QU’UNE ÉTUDE DE L’ALIMENTATION

TOTALE ?

Réalisées à l’échelle nationale, les EAT ont pour objectif premier d’estimer l’ex- position alimentaire chronique à des substances d’intérêt en matière de santé publique. Différents types de substances sont ainsi analysés afin de s’assurer que le niveau d’exposition de la population n’est pas de nature à entraîner un risque sanitaire sur le long terme :

des substances présentes naturelle- ment ou du fait d’activités humaines : contaminants de l’environnement, com- posés néoformés, toxines naturelles ;

des substances et/ou des résidus de substances réglementées : additifs, pes- ticides, molécules issues des matériaux de contact des denrées réglementaires.

Dans certaines EAT, des nutriments (mi- néraux ou oligoéléments notamment) peuvent également être analysés pour s’assurer que les besoins de la population sont couverts et que les limites de sécuri- té définies ne sont pas dépassées.

La méthode de ces études consiste à acheter, sur différents points de vente (grandes et moyennes surfaces, mar- chés, etc.), les aliments régulièrement consommés par la population pour les préparer tels qu’ils sont consommés, c’est-à-dire lavés, épluchés et, le cas échéant, cuits, avant d’analyser leur concentration en contaminants et leur teneur en minéraux. Les EAT suivent une méthode standardisée et recom- mandée depuis 1970 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organi- sation des Nations unies pour l’alimen- tation et l’agriculture (FAO), et plus ré- cemment par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) [6].

Cette méthode repose sur trois étapes clés :

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POURQUOI S’INTÉRESSER À L’ALIMENTATION

DES ENFANTS DE MOINS DE TROIS ANS ?

Les aliments sont source d’un grand nombre de nutriments, mais égale- ment vecteurs de différentes sub- stances chimiques. L’estimation de la contamination des aliments constitue un outil majeur afin d’évaluer les risques pour la population et ainsi d’éclairer les prises de décisions en ma- tière de gestion des risques (contrôle et réglementation) aux niveaux national, européen et international.

Différents outils existent pour surveiller la contamination des aliments, notam- ment les plans de surveillance et de contrôle mis en œuvre dans un cadre ré- glementaire et les Etudes de l’alimenta- tion totale (EAT) visant à évaluer l’ex- position chronique de la population. Les EAT consistent à combiner des données de consommation alimentaire avec des

données de contamination des aliments

« tels que consommés », afin de détermi- ner les expositions chroniques de la po- pulation étudiée.

En France, deux EAT, intégrant les adultes et les enfants de plus de trois ans, ont été publiées en 2005 et en 2011 (nommées EAT1 et EAT2 [1-4]). Or, les jeunes enfants sont plus sensibles, en raison d’un effet possible de certaines substances sur les étapes du développe- ment [5]et aussi du fait d’un ratio « mas- se de produits alimentaires consom- més/poids corporel » plus défavorable que celui des adultes. Par ailleurs, les nourrissons et enfants en bas âge (1) consomment des produits alimentaires qui leur sont spécifiquement destinés et pour lesquels très peu de données de contamination sont, à ce jour, dispo- nibles. L’Anses a donc mis en place une EAT spécifique pour cette tranche d’âge, l’Etude de l’alimentation totale infantile (EATi), afin d’obtenir des informations sur la contamination des aliments desti- nés aux moins de trois ans et de pouvoir ainsi évaluer l’exposition alimentaire de

Exposition alimentaire des enfants de moins de trois ans : présentation de l’Etude de l’alimentation totale infantile (EATi)

M. Hulin, J. Jean, A. Nougadère, T. Traore, K. Vin, S. Gorecki, A. Mahe, M. Merlo, G. Rivière, V. Sirot, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

(1)Dans cette étude ont été considérés comme « nourrissons » les enfants de moins de un an, et comme « enfants en bas âge » les enfants de un à trois ans.

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un échantillonnage alimentaire re- présentatif des consommations alimen- taires et des pratiques de la population étudiée ;

l’analyse d’échantillons composites préparés « tels que consommés » ;

une évaluation de l’exposition chro- nique de la population.

Dans le cadre de l’EATi, 5 484 produits, couvrant plus de 90 % du régime ali- mentaire des enfants de moins de trois ans, ont été achetés et regroupés en 457 échantillons composites.

À QUELLES QUESTIONS PEUT-ON RÉPONDRE ?

Les EAT permettent d’évaluer l’exposi- tion alimentaire chronique d’une popu- lation donnée à un grand nombre de substances d’intérêt. Sur la base des es- timations obtenues, il est possible d’éva- luer le risque sanitaire chronique lié à l’exposition aux substances mesurées pour la population considérée. Les EAT n’ont pas vocation à évaluer l’exposition aiguë, à un moment donné, ni les expo- sitions dues à des situations particu- lières : contamination des aliments par l’environnement local (type sites pol- lués par exemple), prise occasionnelle de compléments alimentaires, régimes alimentaires particuliers (alimentation exclusivement bio par exemple)… Par ailleurs, l’évaluation des risques sani- taires qui est menée ne prend pas en compte les autres voies d’exposition (respiratoire, cutanée, etc.).

Dans le cadre de l’EATi, la population ciblée est constituée par les enfants de zéro à trois ans non allaités. L’exposi- tion estimée dans cette étude corres- pond à une exposition sur une période limitée dans le temps et ne couvre pas l’exposition prénatale (s’il y a lieu) ni l’exposition des enfants allaités.

Enfin, il convient de souligner que, dans la démarche d’évaluation des risques mise en œuvre, les « effets cocktail » ou effets cumulés potentiels des différentes substances n’ont été pris en compte que lorsque les données toxicologiques étaient suffisantes.

QUELLES SONT

LES SUBSTANCES CIBLÉES ?

L’EATi a été mise en place dans la conti- nuité de l’EAT2 (qui se focalisait sur la population des plus de trois ans) et les mêmes groupes de substances ont été analysés : éléments traces métalliques et minéraux, polychlorodibenzo-p- dioxines (PCDD) et polychlorodibenzo- furanes (PCDF), polychlorobiphényles (PCB), acides polyfluoroalkylés (PFAAS ou, plus communément, composés per- fluorés), retardateurs de flamme bro- més, mycotoxines, phyto-estrogènes, composés néoformés et résidus de pesti- cides, additifs alimentaires. A cette liste ont été ajoutées d’autres substances ayant fait l’objet de questionnements en termes de risque sanitaire, de manière générale ou spécifiquement pour la po- pulation considérée, et pour lesquelles peu de données françaises existaient sur la contamination des aliments. Cela concerne notamment le furane, les sté- roïdes sexuels d’origine animale ou en- core des substances migrant des maté- riaux au contact des denrées alimen- taires (MCDA), telles que certains bis- phénols (bisphénol A – BPA – et bisphé- nol A diglycidyléther – BADGE), les phtalates, les photoinitiateurs d’encre et les alkylphénols. Au total, des données de contamination sur 670 substances ont été obtenues.

COMMENT ÉVALUE-T-ON L’EXPOSITION ET

LE RISQUE POUR L’ENFANT DE MOINS DE TROIS ANS ?

Les données de contamination obtenues sont ensuite croisées avec des données de consommation alimentaire pour éva- luer l’exposition des enfants. Les don- nées utilisées dans cette étude sont les dernières données françaises de consommation alimentaire des enfants de moins de trois ans disponibles au moment de la mise en place du plan d’échantillonnage (2); il s’agit des don-

nées de l’étude « Bébé-SFAE » 2005, étu- de TNS-Sofres-CHU Dijon réalisée pour le Syndicat français des aliments de l’enfance [7].

Afin de caractériser les risques pour la population infantile, les niveaux d’expo- sition calculés sont ensuite comparés à des valeurs toxicologiques de référence (VTR) : dose journalière admissible (DJA) ou tolérable (DJT), dose hebdo- madaire tolérable provisoire (DHTP), dose mensuelle tolérable provisoire (DMTP), dose sans effet, benchmark do- se limit (BMDL (3)), limites supérieures de sécurité (LSS). La population infanti- le étant spécifiquement ciblée dans cette étude, la pertinence de leur utilisation pour cette population a été déterminée.

Cette comparaison a permis de classer les substances en quatre catégories :

les substances pour lesquelles l’expo- sition ne dépasse pas la valeur de réfé- rence, ce qui signifie que le risque est jugé tolérable ou acceptable ;

les substances pour lesquelles le risque ne peut pas être exclu ;

les substances pour lesquelles la si- tuation est jugée préoccupante ;

les substances pour lesquelles il est impossible de conclure quant au risque.

Des données analytiques ont été obte- nues sur 670 substances ; l’exposition a pu être calculée pour environ 500 d’entre elles et le risque sanitaire caractérisé pour environ 400. En effet, pour cer- taines substances, les données n’étaient pas suffisantes.

La répartition de ces substances (voir figu- re) confirme globalement le bon niveau de maîtrise sanitaire au regard des va- leurs toxicologiques de référence rete- nues, puisque, pour 90 % de ces sub- stances, le risque a été jugé tolérable ou acceptable, c’est-à-dire ne présentant pas de préoccupation sanitaire. Toute- fois, parmi les substances ou familles de substances pour lesquelles le risque n’a pu être écarté, 16 nécessitent une réduc- tion de l’exposition, dont 9 de manière

octobre 2017

(2)Le plan d’échantillonnage a été établi entre octobre 2010 et juin 2011.

(3)Il s’agit d’une dose critique déterminée à partir de la modéli- sation de données qui est utilisable pour les substances « à seuil » et « sans seuil ».

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prioritaire (voir tableau). Pour certaines de ces substances, des conclusions simi- laires avaient été faites pour les enfants de plus de trois ans et les adultes, sur la base des résultats de l’EAT2 [1-2].

Ces substances peuvent avoir diverses origines :

origine naturelle, comme pour les mycotoxines déoxynivalénol et leurs dérivés et les mycotoxines T2-HT2 pro- duites par les moisissures, ou pour les phytoestrogènes (génistéine) présents dans les produits à base de soja ;

formation durant les pratiques de fa- brication et/ou de préparation des ali- ments, comme pour les composés néo- formés (acrylamide et furane) ;

origines diverses, naturelles ou an- thropiques, comme pour les polluants organiques persistants (PCB, dioxines et furanes) ou pour les éléments traces métalliques (aluminium, arsenic, cad- mium, cobalt, mercure, nickel, plomb, strontium et sélénium).

Pour ces substances, il est recommandé de réduire les expositions. Pour cela, di- vers leviers d’actions ont été identifiés :

agir sur les concentrations : par la ré- duction de celles-ci lors des procédés de fabrication ou de préparation, par la modification de la réglementation sur

certaines de ces substances ou par la mise en œuvre d’une réglementation si celle-ci n’existe pas ;

agir sur la consommation : en variant le régime alimentaire pour ne pas consommer systématiquement les ali- ments les plus contaminés ou en établis- sant des recommandations de consom- mation.

Pour cela, il convient d’identifier claire- ment les sources de contamination po- tentielles tout au long de la chaîne de production, en incluant l’environne- ment de la production primaire.

Enfin, pour les substances pour les- quelles l’exposition ou le risque n’ont pu être estimés, l’acquisition de données complémentaires s’avère nécessaire pour statuer de façon définitive sur l’existence ou non d’un risque pour cer- tains consommateurs. Les données à ac- quérir peuvent être d’ordre analytique (lorsque les méthodes analytiques utili- sées n’étaient pas suffisamment sen- sibles pour estimer précisément les ni- veaux d’exposition) ou de nature toxi- cologique (lorsque les données toxico- logiques disponibles ne permettaient pas d’établir les niveaux d’exposition

au-delà desquels le risque pouvait être exclu). Ces données permettront :

d’affiner l’évaluation du risque pour les substances dont le risque ne peut être écarté ;

de mener à bien une évaluation du risque pour les substances pour les- quelles il est impossible de conclure.

Au-delà de ces résultats, l’étude a pu mettre en évidence que la diversification alimentaire entraînait des expositions à certains contaminants supérieures à celles engendrées par la consommation de préparations infantiles. En quittant le régime strictement lacté, les enfants sont en effet plus exposés et à davantage de substances. De plus, l’étude a mis en évidence la consommation de lait cou- rant pour plusieurs enfants âgés de moins de un an. Cette pratique conduit à des niveaux d’exposition nettement plus élevés, notamment pour les conta- minants présents dans les produits lac- tés, à savoir, en premier lieu, les pol- luants organiques persistants (notam- ment les PCB et les PCDD/PCDF).

Cette étude a permis d’émettre diffé- rentes recommandations, pour les pou- voirs publics et les industriels, pour la communauté scientifique mais aussi pour le consommateur.

QUE FAUT-IL FAIRE

POUR CES SUBSTANCES ?

Cette étude montre qu’il est important de suivre les recommandations émises dans le cadre du Programme national nutrition santé, à savoir :

la diversification alimentaire doit être commencée à partir de six mois de façon optimale et jamais avant quatre mois révolus dans tous les cas ;

le lait de vache doit être considéré comme inadapté aux besoins nutrition- nels des enfants de moins de un an, seuls le lait maternel ou les prépara- tions infantiles permettant de couvrir les besoins nutritionnels du nourrisson.

La présente étude n’avait pas pour objec- tif d’émettre des recommandations sur la diversification alimentaire ; néanmoins, au vu des résultats sur la diversification, octobre 2017

Substances ou familles de substances pour lesquelles l’Anses recommande de réduire les expositions

9 substances pour lesquelles la situation est jugée préoccupante :

arsenic inorganiqueplomb

dioxines et furanesPCB

déoxynivalénol et ses dérivésacrylamide

toxines T2-HT2furanenickel

7 substances pour lesquelles le risque ne peut être exclu :

aluminiumcadmiumméthylmercurecobaltstrontiumsélénium (> 1 an)

génistéine (consommateurs de soja) Répartition des 400 substances évaluées

(330 substances ou familles) en fonction des conclusions en termes de risque

Situation jugée préoccupante Risque ne pouvant être exclu Risque jugé tolérable ou acceptable

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l’Agence a souhaité rappeler les recom- mandations existantes. Une mise à jour est prévue, en prenant en considération à la fois les besoins nutritionnels et les risques liés à la présence des contami- nants dans l’alimentation :

après six mois, varier le régime ali- mentaire et les sources d’approvisionne- ment. Il convient ainsi de ne pas donner toujours le même aliment à son enfant, même si celui-ci a des préférences. Cela permet aux enfants de ne pas consom- mer systématiquement les aliments les plus contaminés ;

limiter la consommation de certains aliments :

pour les poissons, l’Agence rappelle qu’afin de permettre une couverture optimale des besoins en nutriments tout en limitant le risque de surexposi- tion aux contaminants chimiques, la consommation de deux portions de poisson par semaine, dont une à forte teneur en acide docosahexaénoïque (DHA) et en acide éicosapentaénoïque (EPA) (saumon, sardine, maquereau, hareng, truite fumée) est recomman- dée. Il est également nécessaire de va- rier les espèces de poisson et les lieux

d’approvisionnement (sauvage, éleva- ge, lieu de pêche…), dans le cadre d’une alimentation diversifiée. De plus, en raison du risque lié au méthylmercu- re, il convient, pour les enfants de moins de trois ans, de limiter la consommation de poissons prédateurs sauvages (lotte ou baudroie, loup ou bar, bonite, anguille, empereur, grena- dier, flétan, brochet, dorade, raie, sabre, thon…) et d’éviter, à titre de pré- caution, celle d’espadon, de marlin, de siki, de requin et de lamproie ;

pour les produits à base de soja, il convient d’en limiter la consommation du fait de leur teneur en génistéine (phytoestrogène). L’Agence rappelle de plus que les « laits végétaux », notam- ment à base de soja, ne permettent pas de couvrir les besoins nutritionnels des nourrissons.

ET ENSUITE ?

L’EAT infantile a permis d’obtenir de nombreuses données de contamination permettant d’améliorer la connaissance des expositions et ainsi d’alimenter des travaux en cours, notamment sur la

question des mélanges de substances et de l’exposition agrégée.

Au-delà de ces données, la mise en œuvre de cette étude a permis d’identifier les connaissances à acquérir pour consolider les travaux d’évaluation des risques.

Il convient notamment de noter que cet- te étude ne permet pas de déterminer les expositions aux différentes sub- stances des enfants allaités. Pour ce fai- re, une étude est actuellement menée, en partenariat avec l’Assistance pu- blique-Hôpitaux de Paris, pour apporter des résultats en matière de contami- nants dans le lait maternel, ce qui per- mettra de compléter les résultats obte- nus dans l’EATi.

Les résultats de cette étude soulignent l’intérêt stratégique des études de l’ali- mentation totale, qui permettent l’éta- blissement d’une photographie des ex- positions alimentaires de la population française aux substances chimiques pré- sentes dans les aliments (y compris aux nouvelles substances de préoccupation émergente) et qui constituent une indi- cation pertinente en termes de santé publique. 첸

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.

octobre 2017 Références

[1] ANSES : « Etude de l’alimentation totale française 2 (EAT2).

Tome 2 : résidus de pesticides, additifs, acrylamide, hydrocar- bures aromatiques polycycliques », juin 2011.

[2] ANSES : « Etude de l’alimentation totale française 2 (EAT2).

Tome 1 : Contaminants inorganiques, minéraux, polluants orga- niques persistants, mycotoxines, phytoestrogènes », juin 2011.

[3] LEBLANC J.C., GUÉRIN T., NOËL L. et al. : « Dietary exposure

estimates of 18 elements from the first French Total Diet Study », Food Addit. Contam.,2005 ; 22 :624-41.

[4] LEBLANC J.C., TARD A., VOLATIER J.L., VERGER P : « Estima- ted dietary exposure to principal food mycotoxins from the first French Total Diet Study », Food Addit. Contam.,2005 ; 22 : 652- 72.

[5] LANDRIGAN P.J., KIMMEL C.A., CORREA A., ESKENAZI B. :

« Children’s health and the environment : public health issues and challenges for risk assessment », Environ. Health Perspect., 2004 ; 112 :257-65.

[6] EFSA, FAO, WHO : « Towards a harmonised Total Diet Study approach : a guidance document », EFSA Journal,2011 ; 9 : 2450.

[7] FANTINO M., GOURMET E. : « Apports nutritionnels en Fran- ce en 2005 chez les enfants non allaités âgés de moins de 36 mois », Arch. Pédiatr.,2008 ; 15 :446-55.

L’ensemble des résultats de l’étude EATi , substance par sub- stance, les principales conclusions et recommandations ainsi que la méthode et les limites de cette étude sont disponibles sur le site de l’Anses (https://www.anses.fr/fr/content/etude-de- l’alimentation-totale-infantile).

Références

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