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La réforme de l’éducation en République démocratique populaire du Laos : bonnes intentions et tensions ?

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mondiaux ?

La réforme de l’éducation en République démocratique populaire du Laos : bonnes intentions et tensions ?

Kongsy Chounlamany

Traducteur : Robert Elbaz

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ries/3750 ISSN : 2261-4265

Éditeur

Centre international d'études pédagogiques Édition imprimée

Date de publication : 19 mai 2014 ISSN : 1254-4590

Référence électronique

Kongsy Chounlamany, « La réforme de l’éducation en République démocratique populaire du Laos : bonnes intentions et tensions ? », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], Colloque : L’éducation en Asie en 2014 : Quels enjeux mondiaux ?, mis en ligne le 11 juin 2014, consulté le 20 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/ries/3750

Ce document a été généré automatiquement le 20 avril 2019.

© Tous droits réservés

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La réforme de l’éducation en République démocratique populaire du Laos :

bonnes intentions et tensions ?

Kongsy Chounlamany

Traduction : Robert Elbaz

1 La République démocratique populaire du Laos compte 5,6 millions d’habitants comprenant 49 groupes ethniques (recensement national de 2005), parlant 82 langues et résidant principalement dans des zones rurales (à 80 %). Au cours de l’histoire, le territoire du Laos a subi de nombreuses ingérences de la part de pays voisins et de colonisateurs plus puissants. En 1954, le Laos, qui venait d’obtenir son indépendance de la France, entreprend de bâtir une société moderne, mais se trouve vite (en 1962) pris dans la guerre du Viêt Nam avec les États-Unis. Pour appréhender l’évolution de l’éducation au Laos, il faut tenir compte des facteurs importants que constituent l’héritage colonial, l’économie, les traditions, la culture, la religion et les modèles de rapports hommes- femmes, auxquels s’ajoutent les enjeux actuels de la pauvreté, de la langue et des disparités géographiques.

2 Si les études montrent que les systèmes éducatifs nationaux tendent globalement à se rapprocher, il est important de comprendre de quelle manière, à l’échelle locale, de nouvelles influences s’intègrent à de précédentes idées et normes ainsi qu’à des pratiques déjà en place dans le domaine de l’éducation. Pour cela, nous examinerons la façon dont l’ouverture du pays à des bailleurs de fonds et à des marchés internationaux a entraîné des réformes de l’éducation dès le début des années 1990, visant à introduire de nouvelles méthodes d’enseignement, des méthodes dites centrées sur l’élève ou l’apprenant. Nous analyserons aussi la façon dont les responsables politiques, les enseignants et les élèves intègrent les influences occidentales en composant avec les traditions laotiennes en matière de politiques et de pratiques éducatives, elles-mêmes marquées de l’empreinte des différentes périodes coloniale, royaliste et, actuellement, socialiste (Chounlamany &

Kounphilaphanh, 2011).

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Réforme éducative : de bonnes intentions

3 Sous l’effet de la dégradation économique du pays, la République démocratique populaire du Laos s’est ouverte à des bailleurs de fonds et à des marchés internationaux. Mais l’accès à l’aide financière dans le domaine de l’éducation a été soumis au remplacement du précédent mode de gestion, fortement centralisé, par des stratégies de décentralisation, ainsi qu’au remplacement des méthodes traditionnelles d’enseignement, fondées sur le modèle du cours magistral, par des pratiques de classe davantage centrées sur les élèves.

4 Selon le ministère de l’éducation, « les enseignants doivent guider et faciliter l’apprentissage. Les recherches ont mis en évidence le fait que les élèves apprennent en faisant. Les enseignants doivent donc mettre en place des activités pratiques orientées vers les élèves afin de faciliter leurs apprentissages » (Ministère de l’éducation et Centre de développement professionnel des enseignants, 1994 : 2). Les nouvelles modalités d’enseignement ont mis l’accent sur les méthodes de découverte, en s’inspirant du vécu des élèves, et permis de réserver 20 % du programme pour des adaptations au contexte local, cet espace de liberté visant à mettre en place un enseignement et un apprentissage plus autonomes.

5 Dans le prolongement des déclarations politiques, la volonté de réformer le système éducatif a entraîné des mesures concrètes qui concernaient la production et la diffusion de nouveaux supports d’enseignement et d’apprentissage à l’échelle nationale : des manuels pour tous les élèves, des guides pour les enseignants, la formation des enseignants aux nouveaux programmes scolaires, la formation de plus de 500 conseillers pédagogiques pour les niveaux primaire et secondaire.

6 Le ministère de l’éducation reconnaît les difficultés qu’il y a eu à mettre en place de nouvelles méthodes d’enseignement, en raison des compétences insuffisantes des enseignants, de programmes peu appropriés ou encore du manque de matériels pédagogiques (Ministère de l’éducation, 2009). On observe cependant d’autres obstacles, liés aux facteurs contextuels tels que les traditions d’enseignement, les questions liées à l’égalité des sexes ou à l’appartenance ethnique.

Des tensions à la croisée des idéologies occidentales et des traditions laotiennes

7 L’éducation au Laos fonctionne encore selon un schéma de pilotage descendant. Le système éducatif laotien est organisé de façon très hiérarchisée, en partant du niveau politique le plus élevé. Même si les réformes éducatives se sont efforcées d’assigner aux enseignants un nouveau rôle, l’organisation, la gestion et le contrôle du système éducatif reposent toujours sur une structure hiérarchique traditionnelle, qui limite la mise en œuvre concrète des réformes.

8 En effet, les enseignants doivent suivre le programme car ils sont inspectés sur la conformité ou non de leur enseignement aux instructions officielles. De plus, les évaluations centralisées étant basées sur le contenu des manuels, il est dans l’intérêt des enseignants et des élèves de s’y conformer étroitement. Ainsi, les méthodes fondées sur la découverte préconisées par la réforme se transforment, dans la pratique, en méthodes de

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transfert des connaissances. De même, du fait que l’accent est mis sur le curriculum, les programmes disciplinaires, les manuels, les guides de l’enseignant et la supervision constante exercée par les conseillers pédagogiques, c’est ce cadrage formel qui est au cœur de l’enseignement et de l’apprentissage, plutôt que le vécu des élèves.

9 En dépit des bonnes intentions, il existe des tensions inhérentes au système, entre la façon dont le secteur de l’éducation est organisé et les objectifs politiques définis. Il est difficile d’imaginer comment il serait possible de mettre en œuvre une pratique pédagogique éclairée, centrée sur l’élève, sans une part d’autonomie à l’échelle locale en termes de modalités, de méthodes et de contenus. Le système éducatif laotien étant hiérarchisé, modalités, méthodes et contenus sont, au moins de manière implicite, déterminés par le système à travers son mode d’organisation, de gestion et de contrôle.

Le ministère lui-même souhaite évoluer vers un type d’enseignement centré sur l’élève, favorisant la participation active et les méthodes de découverte. Cependant, l’un des effets induits du système est que, plus on se rapproche du terrain, plus le système est réglementé en matière de curriculum et de modèles d’évaluation, ce qui crée une culture où les modèles de transfert des connaissances sont favorisés plutôt que ceux qui encouragent la découverte et où les enseignants privilégient le contenu des manuels (qui continuent de fournir les « bonnes réponses »).

Les réactions suscitées par la réforme de l’éducation chez les élèves et les enseignants

10 Dans la pratique, les enseignants ont commencé à utiliser avec leurs élèves de nouvelles méthodes d’enseignement et à favoriser la pédagogie centrée sur l’élève. Les entretiens que nous avons menés auprès d’enseignants formateurs et d’enseignants stagiaires révèlent un consensus sur la manière de mettre en œuvre la pédagogie centrée sur l’élève et de la définir, que ce soit pour l’apprentissage en groupe ou individuel. Si auparavant les enseignants dictaient la majeure partie de leurs cours pour les faire recopier dans les cahiers, ils donnent aujourd’hui la possibilité aux élèves de s’exprimer, d’échanger des idées et de chercher des informations individuellement ou en groupe. Les enseignants expriment également leur souhait d’établir des passerelles entre les contenus disciplinaires et le vécu des élèves, afin donner du sens à l’enseignement.

11 Dans le même temps, les enseignants sont toujours attachés à d’anciennes habitudes datant de la période précédant la réforme et ils continuent de suivre les directives détaillées « nouvelles » provenant des hautes instances. Les principaux documents de référence qui ont servi de guide aux enseignants interrogés sont les programmes scolaires, les manuels, les guides de l’enseignant et les modèles d’évaluation, plutôt que les textes cadres de politique éducative et les décrets du ministère. Ces documents de référence continuent de déterminer tant la façon dont les enseignants enseignent que le contenu de leur enseignement. Même si les textes officiels mettent l’accent sur le vécu et la culture des élèves, les modèles d’évaluation portent essentiellement sur les contenus à évaluer, si bien que les enseignants privilégient le travail sur les manuels scolaires. La possibilité, inscrite dans la réforme, de consacrer 20 % du programme à des initiatives locales est rarement saisie par les enseignants, qui manquent de confiance pour briser les habitudes et construire eux-mêmes leurs projets éducatifs.

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12 En pratique, donc, la pédagogie centrée sur l’élève a créé des situations hybrides, incluant quelques activités individuelles ou en groupe, mais où les enseignants n’ont pas délégué aux élèves le contrôle du choix des activités. Les enseignants demeurent des figures d’autorité et finissent leurs cours en faisant un rappel des bonnes réponses attendues.

Questions liées à l’égalité des sexes et à l’appartenance ethnique

13 L’accès à l’éducation est déterminé par la situation géographique, le sexe et l’appartenance ethnique des élèves. Même si des efforts ont été réalisés pour améliorer l’accès à l’éducation des filles et des minorités ethniques, les nouveaux programmes et manuels scolaires ne donnent guère de visibilité aux minorités ethniques ni aux femmes ou aux filles.

14 L’appartenance ethnique est un marqueur social important dans la société laotienne. Le laotien, l’une des 82 langues parlées au Laos, est la langue maternelle du groupe majoritaire (les Lao Loum). C’est aussi la langue officielle et l’unique langue d’enseignement dans le système éducatif, bien qu’environ la moitié de la population du Laos s’exprime dans d’autres langues maternelles. Les jeunes issus de familles pauvres et nombreuses, appartenant à une minorité ethnique et vivant dans des zones rurales et isolées, n’ont aucune possibilité de poursuivre leurs études dans l’enseignement secondaire. C’est, en particulier, le cas des filles qui vivent loin de l’école et abandonnent leurs études pour aider leurs parents à travailler dans les rizières ou s’occuper de la maison. L’introduction progressive de la question du genre dans le domaine de l’éducation est étroitement liée à l’importation des modèles occidentaux intégrant cette dimension et diffusés via des projets financés par des bailleurs de fonds. Mais la question du genre est une notion difficile à appréhender pour les décisionnaires et les praticiens de l’éducation à l’échelle locale et, de ce fait, il se peut que les objectifs recherchés (à court terme, une augmentation des taux d’inscription à l’école, à long terme, une société fondée sur l’égalité) ne soient pas atteints (Silfver, 2010).

15 À qui la pédagogie centrée sur l’élève peut-elle bénéficier ? Les enseignants comme les élèves prétendent que, dans l’ensemble, les élèves retirent des bénéfices lorsqu’ils ont la possibilité d’être plus actifs dans le processus d’apprentissage. Il leur semble que les rapports de force entre les élèves en relation avec le genre et l’appartenance ethnique ont tendance à diminuer dans des groupes de plus petite taille. Les filles sont encouragées à prendre davantage la parole dans des petits groupes et les problèmes linguistiques de certains élèves sont moins flagrants lorsque tout un groupe d’élèves coopère. Il convient toutefois de noter que la façon dont les personnes interrogées abordent les questions liées au genre et à l’appartenance ethnique est révélatrice d’un discours établi qui caractérise les femmes comme timides et réservées, tandis que les élèves issus de certaines minorités ethniques sont considérés comme paresseux ou travailleurs selon leur origine. Les enseignants semblent également attendre moins des filles, des élèves issus de minorités ethniques et des élèves handicapés. En conséquence, les enseignants, plus ou moins consciemment, établissent des hiérarchies qui placent les élèves garçons d’origine Lao Loum au sommet.

16 Mais, par ailleurs, l’appartenance ethnique peut susciter des réticences vis-à-vis du développement de stratégies centrées sur l’élève : pour les élèves dont le laotien n’est pas

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la langue maternelle, il est peut-être plus facile de s’appuyer sur les anciennes pratiques où les élèves copient ce que leur dicte le maître et apprennent par cœur, plutôt que de devoir trouver la réponse par eux-mêmes dans des manuels rédigés en laotien. Les élèves peuvent donc eux-mêmes s’opposer à certains aspects de la réforme puisque leurs résultats sont en jeu.

17 La réforme de l’éducation au Laos illustre la façon dont les forces locales répondent aux forces mondiales. Dans le cas qui nous concerne, nous nous intéressons à la façon dont les enseignants et les élèves, à l’échelle locale, prennent en compte et aménagent les politiques éducatives mises en place sous l’influence des évolutions mondiales dans le domaine de l’éducation. Selon Steinber-Khamsi (2000), ces réponses peuvent s’entendre comme autant de situations hybrides créées dans des contextes locaux reposant sur d’anciennes traditions dans les domaines politique et religieux, mais aussi sur des traditions en termes d’appartenance à un sexe ou un groupe ethnique. Dans la droite ligne de cette approche, Bhavnani, Foran et Kurian (2003) soulignent combien il est important d’analyser le contexte local afin de comprendre comment des influences mondiales sont mises en œuvre à l’échelle locale, car la culture dans chaque contexte local est constituée d’un ensemble complexe d’expériences vécues. Dans le cas du Laos, il s’agit également d’appréhender la façon dont les idéologies occidentales s’intègrent aux idéologies et aux traditions laotiennes, marquées par le socialisme, le bouddhisme et les conceptions locales des relations garçons-filles et interethniques.

BIBLIOGRAPHIE

Bhavani, K-K., Foran, J. & Kurian, P. (eds) (2003) Feminist Futures: Reimagining women, culture and development. London/New York: Zed Books.

Chounlamany, K., Kounphilaphanh, B (2011). New Methods of Teaching? Reforming education in Lao PDR (doctoral dissertation). Department of Education, Umea University.

Ministère de l’Éducation (2009) Education Sector Development Framework 2009-2015, Vientiane : MOE.

Ministère de l’Éducation & Centre de développement professionnel des enseignants (1994) Concept Paper : Primary and Lower secondary Teacher Education. Vientiane: Teacher Development Centre, National University of Laos.

Silfver, A-L. (2010) Emancipation or neo-colonisation? Global gender mainstreaming policies, Swedish gender equality politics and local negotiation about putting gender into education reforms in Lao PDR. Compare, vol. 40. (4 :) 479-495.

Steiner-Khamsi, G. (2000) Transferring Education, Displacing Reforms. In J.Schriewer (ed).

Discourse Formation in Comparative Education. Frankfurt am Main: Peter Lang, 155-187

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INDEX

Index géographique : Laos

Keywords : ethnic minority, educational policy, cultural tradition, social change Palabras claves : minoría étnica, política educacional, tradición cultural, cambio social Mots-clés : politique éducative, tradition culturelle, minorité ethnique, changement social

AUTEURS

KONGSY CHOUNLAMANY

Directrice du département de psychologie de l’orientation à l’Université nationale du Laos, Kongsy Chounlamany a étudié à l’école de formation des enseignants de la province rurale d’Attapeu, au sud du Laos. Professeure diplômée de l’école primaire, elle a enseigné les

mathématiques et la langue lao au Centre de formation du personnel du gouvernement, tout en poursuivant ses études au Collège de formation des enseignants de la province de Champasak ainsi qu’au département de psychologie et d’éducation de l’Université de Vientiane. Ensuite enseignante dans ce département, elle a entamé une maîtrise en psychologie de l’orientation en Thaïlande, puis a intégré le programme de doctorat du département d’éducation de l’Université d’Umeå (Suède) et soutenu une thèse intitulée « De nouvelles méthodes d’enseignement ? Réformer l’éducation au Laos ». Elle dirige actuellement l’unité d’orientation et conseil du département de psychologie de l’éducation à l’Université nationale du Laos. Elle est également responsable de l’Association pour le développement des jeunes vulnérables, une organisation à but non lucratif qui vise à autonomiser les filles des minorités ethniques en particulier, à travers l’enseignement artistique et le développement communautaire.

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