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L histoire du festival de bande dessinée Viñetas con altura en Bolivie

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Academic year: 2022

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Idées d'Amériques

 

19 | 2022

BD, comics, historietas, quadrinhos: les circulations transnationales de la bande dessinée au sein de l’espace américain

L’histoire du festival de bande dessinée Viñetas con altura en Bolivie

Laura Caraballo

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/ideas/12530 DOI : 10.4000/ideas.12530

ISSN : 1950-5701 Éditeur

Institut des Amériques Référence électronique

Laura Caraballo, « L’histoire du festival de bande dessinée Viñetas con altura en Bolivie », IdeAs [En ligne], 19 | 2022, mis en ligne le 18 février 2022, consulté le 10 mars 2022. URL : http://

journals.openedition.org/ideas/12530 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ideas.12530 Ce document a été généré automatiquement le 10 mars 2022.

IdeAs – Idées d’Amériques est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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L’histoire du festival de bande

dessinée Viñetas con altura en Bolivie

Laura Caraballo

1 Raphaël Barban, aujourd’hui directeur artistique du festival de bande dessinée Formula Bula, Bande dessinée et plus si affinités, qui a lieu à Paris tous les ans depuis 2011, est aussi le créateur du Festival de bande dessinée Viñetas con altura de La Paz en Bolivie. En français, “cases avec de la hauteur”, le nom est un jeu de mots qui fait référence à la BD tout comme à la ville où la manifestation se déroule, qui, à 3600 mètres d’altitude, est la capitale la plus haute au monde.

2 Depuis sa première édition en 2002, le festival est un rendez-vous BD incontournable en Amérique du Sud. À sa naissance, il a été un lieu de rencontre et de pensée collective pour toute une génération de dessinateurs, lâchés par le marché. L’événement a catalysé la naissance d’un mouvement de création inédit en Bolivie. Après sept éditions, Raphaël Barban et Marina Corro rentrèrent en France, laissant derrière eux leur héritage : ce projet qui existe toujours.

3 Dans cette interview, Raphaël partage avec nous les détails de leur aventure, les enjeux de la création d’un tel projet dans le contexte sud-américain de l'époque et son impact dans la valorisation des auteurs et la création bolivienne.

Laura Caraballo : Monter un festival de BD dans un pays où cette forme d’art n’est pas du tout développée est une merveilleuse idée et surtout un vrai challenge ! Sur cette tabula rasa, j’imagine qu’il a fallu tout construire à partir de zéro. Peux-tu nous raconter la genèse du projet ?

Raphaël Barban : Tout commence quand nous partons pour nous installer, en famille, en Bolivie. Mon épouse Marina Corro étant d’origine bolivienne, elle souhaitait retourner dans le pays de son père. Nous nous sommes donc installés à La Paz en 2001. En France, nous travaillions déjà dans l’organisation d'événements artistiques et culturels, notamment dans la musique. Mais je suis aussi un gros lecteur de bande dessinée et c’est un art qui m’intéresse depuis toujours. Il se trouve que j’avais des amis auteurs de bande dessinée et en échangeant avec eux, nous nous

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sommes dit que monter un festival international à La Paz était une idée plus qu’intéressante.

Nous avons commencé par faire un état des lieux. Est-ce que la BD existait en Bolivie ? Quels en étaient les acteurs et les actrices ? Y avait-il des maisons d’édition, des librairies spécialisées ? Nous avons vite compris que le monde du livre en Bolivie était, pour commencer, extrêmement limité : pas de distributeur, très peu de librairies. Pour la BD, c’était encore plus compliqué : très confidentiel, pas du tout structuré, pas du tout professionnel. Il existait toutefois une tradition importante de dessin de presse et de caricature et donc un vivier de dessinateurs très talentueux.

Nous avons constaté que, la Bolivie étant un pays de tradition plutôt orale et pas du tout écrite, 65 % de la population était illettrée. C’est un pays où l'on parle de très nombreuses langues et dialectes, mais où toute une partie de la population ne parle pas espagnol. C’est une richesse immense, mais c’est un peu compliqué du point de vue de la BD.

Néanmoins, en cherchant quelles étaient les forces en présence, nous avons trouvé des amateurs de bande dessinée, des connaisseurs, tous ceux qui faisaient vivre ce petit milieu. Nous avons donc rencontré Francisco Leñero1, un franco-chileno- bolivien de La Paz qui y tenait une boutique de BD. Il importait énormément de matériel d'Argentine, beaucoup de comics américains, du manga et un tout petit peu de BD européenne. C’est avec lui que nous avons monté le projet et, grâce à lui, nous avons rencontré les aficionados2 locaux.

Je me suis aussi tourné vers la France et j’ai parlé avec Winshluss3, pour voir s’il était intéressé et heureusement ce fut le cas. Il m’a aidé à programmer les auteurs internationaux pour la première édition : des Français, des Espagnols, des Belges, des Suisses et bien évidemment des Sud-Américains.

L.C. : Vous avez donc vu un grand potentiel sur place, avec un petit univers de BD qui pouvait accompagner le projet en complément du réseau européen, et puis aussi de jeunes dessinateurs motivés. Mais, financièrement, cela s’est passé comment ?

R.B. : Pour structurer le projet, on s’est constitué en association que l'on a appelée Viñetas con altura, comme le festival. La Bolivie est un pays très pauvre ; à l’époque, il n’y avait pas de Ministère de la Culture, pas de soutien au livre ni aucun dispositif de ce type, comme cela existe en France. Pour le financement, nous avons commencé par contacter des ambassades, et en premier lieu celle de la France, puisque que nous étions français. L’attaché culturel de l’époque nous a soutenus, et nous a permis d’être écoutés par d’autres ambassades aussi. Au début, le festival international fonctionnait avec leur soutien, notamment dans la prise en charge des billets d'avion et des déplacements des auteurs invités. Plus tard, l’Oficialía mayor de la cultura de la ville de La Paz a beaucoup soutenu le festival et a commencé à aider à le financer (sans avoir les moyens des ambassades).

Il se trouve qu'on ne retirait aucun salaire de ce travail et il nous fallait parallèlement un projet professionnel pour pouvoir subvenir à nos besoins. Pendant que nous organisions la première édition du festival, j’ai rencontré des représentants de la fondation bolivienne Simón Patiño, qui est présente à La Paz, à Cochabamba et à Santa Cruz. La fondation est basée à Genève. Simón Patiño était un multimilliardaire pionnier de l’exploitation de l’étain au XIXe siècle en Bolivie. En 1958, ses descendants ont créé une fondation qui a vocation à former professionnellement les

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jeunes Boliviens. Ils reçoivent des bourses pour faire leurs études à l’étranger et doivent ensuite rentrer pour exercer dans leur pays. Le but initial, qui partait d’un très bon sentiment, était de créer une sorte d’élite culturelle, qui n’existait pas en Bolivie.

Ils ont un centre culturel à La Paz, dont la directrice de l’époque, que j’ai rencontrée pour lui demander de parrainer le festival, a mis à notre disposition un local qu’ils n’utilisaient pas. Je lui ai proposé de monter un café BD, un concept qui existait en Europe, à l’époque, et qui consistait à avoir un petit bar avec une collection de BD pour que les gens puissent venir boire un café et profiter de la bibliothèque. Avec ce projet, je suis devenu salarié de la fondation, qui a acquis plein d’ouvrages pour le café BD. C’est comme ça que j’ai fait rentrer la BD européenne en Bolivie, car c’était ma culture ; en achetant des grands classiques et des œuvres plus contemporaines, en essayant d’avoir le plus vaste catalogue possible de BD européennes. Il faut dire qu’en Bolivie, la consommation était plutôt axée sur les comics et le manga.

Le café a fonctionné pendant deux ans et, après avoir constaté que la partie café n’était pas essentielle, nous avons totalement basculé. On a pu réaménager l’espace et le dédier totalement à ce qu’il est devenu - et est toujours - le Centro del cómic y la animación : un centre de ressources et une bibliothèque totalement dédiés à la BD et au cinéma d’animation. À l’époque où je tenais ce lieu, je faisais des expositions d’auteurs boliviens tous les mois. C’est devenu un peu la locomotive, le centre où toute la jeune génération de dessinateurs boliviens venait. On organisait d’ailleurs des ateliers d'écriture, de dessin, etc.

L.C. : En plus d’un point de rassemblement pour les jeunes dessinateurs boliviens, le festival et les lieux alentour sont devenus un point de rencontre pour les jeunes auteurs sud-américains. Un tel phénomène est remarquable dans un continent avec des distances immenses et une vraie difficulté financière des jeunes pour se déplacer.

R.B. : En effet. Quand nous avons monté le festival Viñetas con altura, la scène sud- américaine de festivals de BD était assez dévastée. Il y avait des manifestations en Argentine, mais de façon générale il ne se passait pas grand-chose. Au Chili, il n'y avait rien, idem au Pérou. Les jeunes auteurs manquaient d’espaces pour développer leur activité. Face à ce vide, le festival est vite devenu un point de référence et même de "pèlerinage", en quelque sorte, en Amérique du Sud. Par exemple, les jeunes auteurs argentins venaient par leurs propres moyens (ils n’étaient pas formellement invités) et ils arrivaient avec leurs sacs à dos remplis de fanzines et du matériel pour les montrer.

Dès la deuxième édition et, notamment, suite à ma rencontre avec Thomas Dassance4, des liens forts se sont créés entre l'Argentine, la Bolivie, le Chili et le Pérou. C’était toujours marrant, car la Bolivie n’est pas du tout un pays à tradition de BD. C’est quand même l’Argentine le grand pays de la BD (le Chili un petit peu) et pourtant ça se passait à La Paz ! Et c’est devenu un point de rencontre, où chaque année on se retrouvait. Les années passant, il y avait de plus en plus d’auteurs qui venaient.

L.C. : À part l’événement en soi et les activités du Centre de comics, quels autres projets ont surgi et qui témoignent de cet aspect international et collectif ?

R.B. : Plein de choses se créaient ! À un moment avec Carlos Reyes5 de Santiago, Thomas Dassance de Buenos Aires, quelques Boliviens comme Frank Arbelo6 et Frédéric Felder7 de France, nous avons organisé une exposition collective des éditions Les Requins Marteaux. Et puis ils ont monté une sorte de micro-association qui

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s'appelait Feroces editores8 et ils ont sorti la revue América. L’idée était de partager les coûts, l’impression en Bolivie étant moins chère qu’en Argentine ou au Chili, elle s'imprimait sur place. C'était comme une coopérative qui n’a pas duré longtemps mais qui était le témoignage d’une forte dynamique qui s’était créée.

Un autre événement a été important : Frank Arbello, auteur cubain qui vit à La Paz depuis 30 ans, avait monté la revue Crash. La publication était soutenue par un particulier, un amateur de BD qui avait une presse et la finançait. Et elle a été un laboratoire semi-professionnel pour la création locale, parce c’était une "vraie" revue cartonnée qui était à la vente dans certains espaces. Cette revue a accompagné tout le mouvement.

En fait, tout le projet était une conjonction de plein de choses qui se sont mises en place !

L.C. : Vous invitiez des jeunes et des auteurs étrangers confirmés. Quel a été le rôle de Pierre Christin lors de sa venue à La Paz et de sa participation active au festival ?

R.B. : Nous avons invité Pierre Christin9 à participer au festival et à donner un séminaire d’écriture ouvert à tous. Nous avons envoyé des invitations à l’école de Beaux-Arts de La Paz et à d’autres endroits. Pendant une semaine, les élèves ont travaillé sur ce que c’est d’écrire un scénario, mais ça allait plus loin que ça. Pierre leur a expliqué comment créer un mouvement de bande dessinée, puisqu’il avait compris qu’il n’en existait pas en Bolivie. Son propos était assez simple, clair et très réaliste : si en France, aujourd'hui, la bande dessinée rencontre un tel succès, c'est parce que les enfants en lisent quand ils sont petits. En partant de ce constat-là, Pierre Christin leur disait qu’il fallait faire des revues pour enfants, des BD pour enfants, pour pouvoir les éduquer à ce langage.

Parmi ceux qui avaient participé à cet atelier, nous avons repéré une poignée d’auteurs de La Paz qui "sortaient du lot", qui savaient raconter une histoire.

Notamment, Alejandro Salazar10, le plus âgé d'entre eux, grand dessinateur de presse et artiste peintre, avec une formation académique en peinture et qui s’essayait à la historieta avec talent.

Nous avons vu assez vite les forces en présence à La Paz et puis, grâce au festival, nous faisions venir des auteurs d’autres régions, car parfois on nous parlait de bons dessinateurs ailleurs, je peux donner l’exemple de Pablo Castillo de Santa Cruz.

Pour pallier les limitations matérielles, notamment l’absence de structure éditoriale, et pour diffuser leurs travaux, ils se sont vite organisés en fanzine. De mon côté, c’était au travers de mon travail à la fondation que j'essayais de les soutenir, en les exposant, en faisant des soirées de lancement du fanzine, en les aidant financièrement. Dans ce groupe, on retrouve ceux qui sont aujourd'hui les acteurs majeurs de la bande dessinée en Bolivie. Au début, ils ont créé le fanzine El fanzineroso11. C’était un groupe d’une dizaine de personnes. Maintenant, chacun vole de ses propres ailes. Pour moi, c’est assez fascinant, je ne pensais pas un jour pouvoir assister à la naissance d’un mouvement de jeunes dessinateurs. Aujourd’hui, ils sont structurés. Même si les moyens restent très limités, ils sont passé du fanzine à la micro édition, ils publient des livres, ils sont exposés ailleurs dans le monde. J’ai l’exemple de l’auteur Marco Tóxico12, qui a été exposé à Aix-en-Provence ou d’Alejandro Salazar, publié par FLBLB. Il y a une forme de reconnaissance de leur travail, notamment en Europe, et c’est très gratifiant.

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Cette année, Serge Darpeix, directeur artistique des Rencontres du 9e Art - bande dessinée & arts associés d’Aix-en-Provence, m’a demandé d’écrire un texte sur Marco Toxico, car il le faisait publier dans son journal. Cela me rend très heureux. C’était il y a 20 ans ! Des gens que j'ai vu émerger et dont je me disais qu’ils avaient du talent, sont aujourd’hui reconnus. Je ne suis pas responsable de leur succès, mais j’étais là quand ils ont émergé. Plusieurs de ces auteurs sont aujourd’hui des professionnels, ils ont des tiendas de cómic13 ou travaillent dans l’animation, ils sont devenus des professionnels de l’image, de la narration.

L.C. : Il y avait une vraie démarche de votre part pour accompagner et soutenir les auteurs locaux...

R.B. : Oui, nous avons justement rebondi sur ce qu'avait dit Pierre Christin par rapport à l’enfance, et avec Marina Corro nous avons monté une microstructure éditoriale. Comme sources de financement nous avions les ambassades, notamment les programmes humanitaires de l'Ambassade de France. Nous avons publié une série de quatre livres que nous avons commandée à des auteurs boliviens. Ils avaient une vocation pédagogique et s'adressaient à des populations qui n'avaient pas accès à la lecture et qui avaient besoin d'être sensibilisées à des problèmes sanitaires, de sécurité, etc. Notre but n’était pas de faire un livret schématique et simplifié, avec des pictogrammes, nous voulions vraiment raconter des histoires. Cela a permis aux auteurs que nous avons sollicités, parmi les membres de ce groupe de jeunes Boliviens dont je parlais avant, de se faire la main et d’être payés. C’était fondamental qu'ils puissent en tirer des ressources, car ils étaient étudiants et/ou avec un travail alimentaire et n’avaient ni le temps ni les moyens de se consacrer au métier de dessinateur. Ce projet les a tirés vers le haut, cela leur a permis d’avoir le temps de travailler, de développer leur dessin, leur sens de la narration… Plus tard, nous avons fait un livre collectif avec eux, dans lequel ils ont repris des contes populaires boliviens de régions et de traditions culturelles diverses : aymara, de l’altiplano, de l’orient, etc. C’étaient des histoires que tout le monde connaît là-bas et ces auteurs les ont adaptées en BD.

L.C. :Suite à cette impulsion de Pierre Christin, vous créez une spirale vertueuse : l’entrée des auteurs dans la profession se fait par la création de supports destinés au grand public, notamment les enfants, pour qu'ils intègrent ce langage, et d’autre part pour nourrir cette culture de la BD bolivienne qui donnera par la suite leur place à de nouveaux auteurs et lecteurs.

Mais la question du mouvement centripète, c’est-à-dire des européens qui "ramènent de la culture" en Amérique du Sud se pose. Comment te positionnes-tu par rapport à ça ? N.B. : Nous étions dans une démarche tout à fait post-coloniale. Ces auteurs boliviens étaient invités chaque année au festival, on les a très vite inclus comme de "vrais"

auteurs. Nous n’avons pas commis cette erreur de faire venir des gens de l’extérieur pour leur "apprendre" le métier. Au contraire, nous les avons associés. Ils ont exposé tout de suite côte à côte avec des auteurs internationalement reconnus comme José Munoz ou Jacques de Loustal. Cela les valorisait. Ils se retrouvaient, je dirais, d’égal à égal avec les auteurs étrangers dans la profession depuis 30 ans. Ils n’étaient pas du tout rabaissés mais mis au même niveau.

Le public du festival, et ça, c’était passionnant, regardait par exemple des planches de José Munoz, à l’époque où, en Bolivie, il était connu seulement de quelques privilégiés, et de facto soumis à des regards dénués de tout a priori ou préjugé. C’était

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un dessin au même titre que celui accroché à côté, appartenant à un jeune auteur bolivien ou étranger complètement inconnu.

Et cela plaisait beaucoup aux artistes confirmés : ils étaient regardés de la même façon que tout le monde, il n’y avait aucune compétition. Et pour les jeunes, ça les a galvanisés et leur a donné confiance. Nous avons toujours monté les projets dans une totale horizontalité, et comme je l’ai dit, tout le monde se sentait très à l’aise dans cette manière de fonctionner.

L.C. : Vous avez inclus des auteurs nord-américains dans cette belle synergie ?

R.B. : Au début du festival, nous étions très axés bande dessinée latino-américaine et européenne. Quand nous sommes partis, c’est ce groupe d’auteurs boliviens qui a repris la structure et l’organisation du festival. Ils ont invité un auteur américain underground, Mike Diana14. Je sais qu’après ils ont ouvert un peu plus vers les États- Unis. Mais à l’époque, c’était compliqué pour des raisons politiques. C’était juste avant l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir ; après une période de grande instabilité politique et la Guerre du gaz, la Bolivie était un pays traversé par des grosses crises politique et sociales… et l’accès à l’Ambassade américaine, ne serait-ce que pour aller les voir pour discuter, même pour des Français, ce n’était pas simple. On avait beaucoup plus d’affinités avec les Latino-Américains.

L.C. : Avec la création de Viñetas con altura, tu as contribué à la création d’un mouvement d’auteurs et à la valorisation de la BD. Il y aussi l’héritage que vous avez laissé, car le festival existe toujours, sans doute avec une coloration différente aujourd’hui. Qu’est-ce que toute cette expérience t’a apporté en termes professionnels et personnels ?

R.B. : Avec cette expérience et cette vie en Bolivie, j’ai appris plusieurs choses.

Connaître un nouveau pays à travers ses artistes, ses auteurs et ses conteurs d’histoires est une très belle façon d’en faire la découverte et elle n’est pas donnée à tout le monde, finalement. Avec mon travail à la fondation Patiño, je me déplaçais à Potosi, à Santa Cruz, à Oruro, entre autres. À chaque fois, j’allais dans différentes ferias del libro15 et je rapportais à La Paz des bandes dessinées, du matériel, etc. J’ai invité au festival des auteurs de chaque ville où j’allais, pour qu’ils tiennent des stands, pour faire des ateliers, pour participer à des expos… j’avais l’impression aussi de participer à cette ola del cómic16.

Et puis, cela m’a aussi appris à structurer le professionnel que je suis aujourd'hui, parce que, à travers le festival et les sept éditions que nous avons pilotées, j'ai rencontré beaucoup de gens que j’ai invités, des artistes de France, d’Espagne, du Mexique, etc. Et ce sont, pour beaucoup, des gens avec lesquels j'ai re-travaillé par la suite. J’ai construit mon rôle d’organisateur et de directeur artistique de festival de BD. En rentrant en France, nous avons reproduit ce même schéma. En organisant Formula bula, j’ai collaboré avec plusieurs auteurs que j’avais reçus à la Paz. Cela m’a permis de rentrer dans le milieu de la bande dessinée, qui n'est pas très grand, où tout le monde se connaît, et aujourd’hui j’en profite toujours.

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NOTES

1. Francisco Leñero est dessinateur, chef de projet et actuel responsable du C+C, Centro del cómic de la Fondation Simón Patiño, La Paz, Bolivie.

2. Amateurs.

3. Vincent Paronnaud, dit Winshluss, est auteur de bandes dessinées et cinéaste français.

4. Thomas Dassance est un traducteur, éditeur, commissaire d’exposition et chef de projets BD français. Il a dirigé le festival international d’historieta, Comicópolis à Buenos Aires.

5. Carlos Reyes est scénariste, éditeur, chercheur et enseignant de bande dessinée chilien. Avec le dessinateur Rodrigo Elgueta, il est auteur de la bande dessinée Les années Allende.

6. Auteur et éditeur de bande dessinée d’origine cubaine.

7. Aussi connu sous le pseudonyme de Franky Ballony, Frédéric Felder est un auteur de bande dessinée français.

8. Éditeurs féroces.

9. Pierre Christin est un écrivain et scénariste français de bande dessinée. Il est auteur de la série Valérian, (avec dessin de Jean-Claude Mézières) et de Partie de Chasse (avec dessin d’Enki Bilal).

10. Alejandro Salazar est un architecte de formation et dessinateur bolivien.

11. Jeu de mots qui fait référence au fanzine et au mot “facineroso”, qui veut dire délinquant.

12. Marco Antonio Rolando Guzmán Rocabado, connu comme Marco Tóxico, est un graphiste et auteur de bande dessinée bolivien.

13. Boutique de bande dessinée.

14. Publié en France par Le dernier cri, Mike Diana est un auteur de comics états-unien.

15. Salons du livre.

16. Vague de la bande dessinée.

AUTEUR

LAURA CARABALLO

Laura Caraballo est commissaire d’exposition, chercheuse et enseignante d’origine argentine résidant à Paris. Actuellement postdoctorante à l’UCA, elle travaille sur un projet autour des risques naturels et la bande dessinée. Spécialiste de la bande dessinée latino-américaine, elle a soutenu sa thèse en esthétique sur l’œuvre d’Alberto Breccia en 2016. Elle intervient en tant qu’enseignante à l’Université de Bordeaux Montaigne, à l’Université Clermont Auvergne, à l’EESI Angoulême, ainsi qu’à ELISAVA Barcelona. Comme curatrice, elle a co-signé plusieurs expositions de bande dessinée, notamment, Femzine. La presse féministe de bande dessinée pour le Pulp Festival 2022 à la Ferme.

laurac.caraballo[at]gmail.com

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