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Les principales étapes du programme du voyage apostolique du pape François en Irak

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Les principales étapes du programme

du voyage apostolique du pape François en Irak

Le voyage du pape durera trois jours, du vendredi 5 au lundi 8 mars 2021.

À son arrivée à Bagdad, et après avoir rencontré les autorités politiques du pays, le pape François se rendra dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, où 48 chrétiens avaient été assassinés par des terroristes en octobre 2010.

Samedi, François rencontrera le grand ayatollah Ali al-Sistani, figure spirituelle du chiisme puis participera à une rencontre interreligieuse près des ruines de l’ancienne ville d’Ur.

Dimanche, il présidera une prière pour les victimes de la guerre à Mossoul et célébrera l’angélus dans la ville de Karakoch. L’après-midi, il célébrera une messe dans le stade d’Erbil.

La volonté inébranlable du pape François de partir en Irak

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Enquête

Depuis plusieurs semaines, le pape François redit régulièrement sa volonté de maintenir son voyage en Irak sur les pas d’Abraham, malgré les contraintes sanitaires et sécuritaires. Il l’a réaffirmé, mercredi 3 mars, alors que des roquettes s’abattaient sur une base militaire à 250 km à l’ouest de Bagdad.

Loup Besmond de Senneville (à Rome), La Croix, le 03/03/2021

Un membre des forces irakiennes se tient à côté d'une affiche représentant une image du pape François, à Bagdad, le 1er mars 2021.SABAH ARAR/AFP

Ces dernières semaines, il n’a jamais manqué une occasion de le répéter. Le 3 mars, alors que des roquettes s’abattaient sur une base militaire à 250 km à l’ouest de Bagdad, à quelques heures de son départ pour l’Irak, du 5 au 8 mars, le pape François a donné une nouvelle preuve de sa détermination : « Je vous demande d’accompagner par la prière ce voyage (…). Le peuple irakien nous attend, il attendait saint Jean-Paul II auquel il a été

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interdit d’y aller. On ne peut pas décevoir un peuple une seconde fois », a affirmé François lors de l’audience.

Une chose est sûre : le voyage de François dans le pays a été marqué par une forte volonté du pape de se rendre à Bagdad, Erbil, Mossoul, Qaraqosh et Nadjaf envers et contre tout, et malgré les risques sanitaires et sécuritaires.

Un voyage évoqué depuis février 2018

À vrai dire, si François évoque régulièrement la situation de l’Irak – la première fois à Pâques 2013, quelques semaines après son élection —, il parle explicitement de ce voyage depuis février 2018. À cette période, il saisit l’occasion d’une visite au Vatican des évêques de l’Église chaldéenne et de leur patriarche Louis Raphaël Ier Sako pour leur en parler. Le patriarche présente d’ailleurs à l’époque un programme pour la visite d’un seul jour du pape en Irak, comprenant une visite célébration œcuménique à Ur, un discours aux autorités religieuses et politiques à Bagdad et une grande messe à Erbil.

Depuis, François n’a cessé de redire, en privé et en public, qu’il avait bien l’intention de s’y rendre, comme il l’avait fait avec la Centrafrique en novembre 2015, où il avait dit être prêt à sauter en parachute sur Bangui si le pilote de l’avion refusait de s’y poser…

« Ils verront que le pape est là, dans leur pays »

Seuls doutes exprimés publiquement : ceux formulés au cours d’une interview télévisée à la chaîne italienne TG5, le 10 janvier. « Je ne sais pas si le prochain voyage en Irak aura lieu », dit-il alors au journaliste, affirmant craindre de mettre en danger les foules venues assister à sa visite.

Des hésitations qui semblent évanouies trois semaines plus tard. « Je suis le pasteur des personnes qui souffrent », a justifié, le 1er février, François devant les journalistes américains du Catholic News Service.

Et même si les contraintes sanitaires empêchent la majorité des Irakiens de participer à la visite ou de saluer François au bord des routes, « ils verront que le pape est là, dans leur pays », a-t-il poursuivi.

Allant même jusqu’à affirmer que s’il le fallait, il était prêt à prendre un vol commercial régulier pour se rendre à Bagdad.

Pourtant, depuis des semaines, la situation n’a cessé d’empirer en Irak, nourrissant les doutes sur la faisabilité du voyage, y compris parmi les organisateurs les plus engagés. Une succession d’événements aurait ainsi pu entraîner l’annulation : l’attentat du marché de Bagdad faisant plus de 30 morts et 110 blessés (en janvier), des tirs de roquettes sur l’aéroport d’Erbil (16 février) et sur l’ambassade des États- Unis (22 février), ainsi que des combats meurtriers entre djihadistes et forces de l’ordre au nord de Bagdad (20 février).

Décision personnelle de maintenir le voyage

Sur le plan sanitaire, la recrudescence des cas de Covid n’a pas non plus entamé la volonté du pape. La montée, ces dernières semaines, d’une deuxième vague de l’épidémie dans le pays, jusqu’alors relativement épargné, a même forcé le gouvernement à décréter un confinement jusqu’au 8 mars, dernier jour du voyage papal. Enfin, l’annonce, samedi 27 février, de la mise en quarantaine du nonce en Irak, après avoir été détecté positif au Covid, a laissé planer pendant quelques heures la crainte d’une contagion en chaîne parmi tous les organisateurs.

À Rome comme à Bagdad, certains n’ont pas manqué de souligner que le voyage pouvait être reporté, d’autant plus que les élections législatives irakiennes, prévues initialement en juin, ont été reportées en octobre. Mais rien n’y fait. Et lorsque le 16 février, des articles de la presse arabe annoncent l’annulation du voyage, les démentis ne tardent pas. Ce soir-là, à la résidence Sainte-Marthe, selon les informations de La Croix, le pape lui-même a affirmé à son entourage qu’il n’était pas question d’annuler le voyage.

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« Lorsque le pape veut aller quelque part, il y va, affirme un prélat de la Curie, qui rencontre régulièrement François. Personne ne peut le faire changer d’avis. La seule chose qui pourrait le faire reculer, ce serait de faire prendre des risques aux gens. »

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Cardinal Sako : « Je veux croire que le voyage du pape sera une nouvelle étape dans l’histoire de l’Irak »

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Entretien

Le patriarche de l’Église catholique chaldéenne, le cardinal Louis Raphaël Ier Sako, a largement contribué à l’organisation du voyage du pape en Irak, du 5 au 8 mars prochain. Plus qu’un simple événement, il voit cette visite comme un « avènement », un signe encourageant pour l’avenir après deux décennies de guerre et de destructions.

Recueilli par Mélinée Le Priol, La Croix, 23/02/2021

Le cardinal Louis Sako en décembre 2017 à Bagdad.

La Croix : Qu’attendent les Irakiens de ce voyage ?

Cardinal Louis Sako : Ce voyage ne suscite pas seulement l’attente et l’intérêt des Églises locales : le gouvernement fédéral, ainsi que les Irakiens musulmans, font aussi preuve d’un enthousiasme extraordinaire ! Je m’en rends compte lorsque je reçois des chefs religieux ou des responsables du gouvernement, mais aussi quand je vois la manière dont les médias irakiens semblent déjà curieux de couvrir cette visite. Tout le peuple irakien attend le message que le pape François va lui adresser.

Le pape vient pour être parmi nous et nous encourager à espérer, alors que nous avons tant entendu le bruit des armes et des explosions depuis 2003 (année de l’invasion américaine et de la chute de Saddam Hussein, NDLR.). Avec impatience, nous attendons de lui un message sur la paix, la réconciliation et la reconstruction de notre pays.

Pour moi, cette visite n’est pas seulement un événement, c’est un avènement. Je veux croire qu’elle constituera une nouvelle étape dans l’histoire de l’Irak, mais aussi de la Syrie, la Libye, le Yémen - ces pays du Moyen-Orient qui ont connu la guerre et la destruction ces dernières années. Il nous faut sortir de tout le malheur que nous avons vécu.

À cet égard, le passage par Mossoul, dont Daech avait fait la capitale irakienne de son « califat » en 2014, constitue un moment clé du voyage…

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Card. L. S. : Bien sûr. La ville est ravagée, comme a pu l’être Hiroshima. Ici, les destructions sont le résultat des fondamentalismes et du terrorisme. À Mossoul, dimanche 7 mars au matin, le pape devrait prononcer un message pour condamner cette idéologie.

Les chrétiens d’Irak ont payé le prix cher pour rester fidèles à leur foi, parfois de leur propre vie. Le pape va les encourager à persévérer, à espérer, mais aussi à reconstruire la confiance avec leurs voisins, notamment musulmans, pour préparer un avenir meilleur.

Le dialogue interreligieux sera justement un des grands enjeux de ce voyage. Attendez-vous des avancées concrètes sur ce plan ?

Card. L. S. : Pour préparer ce voyage, une délégation vaticane est venue trois fois en Irak au cours des derniers mois. Or, la ville de Nadjaf (haut lieu de pèlerinage chiite à 200 km au sud de Bagdad, NDLR.) n’était initialement pas inscrite au programme. Mais j’ai insisté pour l’ajouter.

Le pape a en effet vécu, en février 2019, à Abu Dhabi, un moment très fort de dialogue avec le monde sunnite, par l’intermédiaire du grand imam d’Al Azhar. Pour que tout l’islam soit engagé dans ce dialogue, le monde chiite doit aussi y prendre part. C’est capital, car l’islam vit aujourd’hui une crise, avec la présence de l’idéologie fondamentaliste partout dans le monde.

Cela dit, et contrairement à ce qui s’est passé à Abu Dhabi il y a deux ans, il n’est pour l’heure pas question d’un document ou d’une déclaration que le pape signerait avec l’ayatollah Al Sistani ; seulement d’une rencontre en tête-à-tête. Mais nous savons que François est un pape des surprises ! D’une manière ou d’une autre, je m’attends donc à être surpris.

Irak : Bagdad, ville violentée, se prépare à accueillir le pape François

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Reportage

En arrivant à Bagdad vendredi 5 mars, François deviendra le premier pape à se rendre en Irak. Entre mesures anti-Covid et sécurité accrue, la capitale irakienne se prépare à recevoir cette visite historique.

Sofia Nitti (à Bagdad), La Croix, le 28/02/2021

Un policier monte la garde, le 27 février, dans le quartier de l’église chaldéenne de Saint-Jospeh, à Bagdad, où le pape célèbrera la messe. AHMAD AL-RUBAYE/AFP

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Dans le quartier de Karrada dans le centre de Bagdad, graffitis et pancartes masquent comme ils le peuvent les massives barricades en béton armé qui protègent la plupart des églises. « Benvenuto a Francesco » lance une affiche près de Saint-Joseph, l’église chaldéenne où François dira la messe samedi 6 mars.

Malgré les inquiétudes sur la situation sécuritaire et la pandémie de Covid-19, la capitale irakienne se prépare à la visite papale, pour la première fois de son histoire. Depuis deux semaines, des mesures draconiennes sont en place dans tout le pays pour endiguer une nouvelle vague de coronavirus : confinement total du vendredi au dimanche compris et couvre-feu de 20 heures à 5 heures pour le reste de la semaine.

Confrontée à une urbanisation sauvage pour essayer d’héberger ses 7 millions d’habitants, Bagdad porte toujours les stigmates d’un passé de guerres, violences sectaires et terrorisme. Des bâtiments délabrés font face aux nouveaux chantiers, dans le bruit d’une circulation ultra-congestionnée que le couvre-feu arrive à peine à mitiger. Et pourtant, par rapport à son statut de ville la plus dangereuse au monde en 2015, à Bagdad « la situation est plutôt stable et n’a pas beaucoup changé pendant les derniers mois », rassure Hamdi Malik, analyste expert de l’Irak et chercheur au Washington Institute.

L’exode des chrétiens

Mais des éléments de tension noircissent ce tableau relativement amélioré. Depuis fin 2019, la capitale est frappée par des tirs de missiles qui visent l’ambassade américaine située dans la zone verte, quartier ultra- sécurisé des institutions politiques. Des responsables américains et irakiens accusent des milices armées pro-Iran. À ces incidents s’ajoutent des menaces sporadiques liées à la présence larvée de Daech à travers le pays. Le 21 janvier, un double attentat-suicide dans l’un des marchés les plus fréquentés de la capitale a fait 32 morts, le pire bilan depuis trois ans.

Toutefois, rassure Hamdi Malik, « le risque que Daech vise des cibles de haut niveau est très bas. Des combattants n’arriveraient pas à frapper des forces de sécurité, sans parler du pape. Et il est invraisemblable que les milices pro-iraniennes s’en prennent à lui. » De même, un retour des violences sectaires est peu probable, est convaincu William Warda, président de l’association Hammurabi pour la défense des minorités religieuses. « Il n’y a plus d’attaques liées à l’identité religieuse », soutient-il, avant de rappeler les « milliers de chrétiens tués à cause de leur foi entre 2006 et 2008 ».

À majorité musulmane chiite (55 %) et sunnite (40 %), la capitale irakienne compte ensuite une myriade de minorités religieuses. Selon William Warda, il reste un millier de Yazidis et environ 2 000 Sabéens- Mandéens, un culte baptiste, monothéiste et gnostique qui survit dans la région. Quant aux chrétiens, ils ne seraient plus que 75 000 à Bagdad aujourd’hui. « Ils étaient au moins 750 000 en 2003, se désole William Warda. Dans tout l’Irak, Bagdad est la ville dans laquelle le nombre de chrétiens a le plus chuté, tout comme Mossoul. »

Un calme précaire

Siège des institutions gouvernementales d’un pays qui tire 90 % de ses profits du pétrole et qui repose sur les emplois publics, Bagdad se porte relativement bien du point de vue économique. Cependant, l’inflation montante et les fréquents retards dans le paiement des salaires pourraient remettre le feu aux poudres.

Entre octobre 2019 et 2020, une année de manifestations antigouvernementales avait fait au moins 600 morts dans tout le pays. 70 % de la population a moins de 30 ans et « de plus en plus de jeunes atteignent l’âge de travailler et ne trouvent pas d’emploi », alerte Renad Mansour, chercheur à l’institut londonien

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Chatham House. « L’économie souffre et le confinement affecte davantage un système déjà compromis par la corruption et l’inefficience. » Si la situation de Bagdad semble suffisamment apaisée pour un bon déroulement de la visite papale, rien ne garantit que le calme perdure sur le long terme.

Combien de chrétiens reste-t-il en Irak ?

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Explication

Alors que le pape se rend en Irak du 5 au 8 mars, « La Croix » dresse un aperçu de la présence chrétienne dans ce pays, très ancienne mais éprouvée depuis une vingtaine d’années.

Mélinée Le Priol, La Croix le 24/02/2021

Les chrétiens irakiens placent une croix sur une église à Qaraqosh, en Irak, le lundi 22 février 2021.HADI

MIZBAN/AP

En ce qui concerne les chrétiens d’Orient, la question des chiffres est souvent délicate, voire « piégée », ceux-ci pouvant faire l’objet de récupérations ou d’exagération de la part de gouvernements, de médias ou d’ONG. L’Irak, où le pape François effectuera un voyage très attendu du 5 au 8 mars, son premier depuis le début de la crise sanitaire, ne fait pas exception.

À défaut de statistiques précises, on estime à environ 400 000 le nombre de chrétiens dans ce pays du Moyen-Orient correspondant à l’ancienne Mésopotamie, berceau historique du christianisme. Les chrétiens constitueraient donc, aujourd’hui, environ 1 % des 40 millions d’Irakiens.

Grosso modo, les deux tiers d’entre eux sont catholiques (principalement chaldéens et syriaques, et dans une moindre mesure latins et arméniens) et le tiers restant, orthodoxes. Toutes ces Églises sont surtout implantées dans le nord du pays (plaine de Ninive et Kurdistan irakien), mais aussi à Bagdad, la capitale, ou encore à Bassorah, dans le sud du pays.

Après 2003, une population stigmatisée

« Rien qu’à Bagdad, il y avait près d’un million de chrétiens avant la chute du régime de Saddam Hussein en 2003 », assure le cardinal Louis Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens. « Soit un quart des habitants de Bagdad, à l’époque ! » En tout, le pays comptait alors vraisemblablement entre 1,2 et 1,5 millions de chrétiens, c’est-à-dire 4 à 6 % de la population. Certains estiment qu’ils étaient plutôt 600 000 à Bagdad.

Quoi qu’il en soit, si les chrétiens étaient, jusqu’en 2003, des citoyens presque comme les autres, l’intervention américaine a largement contribué à exacerber leur singularité - et donc leur vulnérabilité - au sein de la société irakienne : ils furent en effet soupçonnés par les musulmans de « collaborer » avec l’occupant occidental.

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40 % sont revenus depuis 2017

S’ensuivit d’importantes vagues d’émigration, comme à Mossoul en 2008, après l’assassinat de l’évêque chaldéen de la ville, Mgr Paulos Faraj Rahho. « Les chrétiens n’ont pas attendu Daech pour quitter Mossoul », précise Pascal Maguesyan, de l’association Mesopotamia. « En 2014, ils n’étaient déjà plus que 5 000, contre 50 000 avant la guerre du Golfe en 1991. »

La conquête de la plaine de Ninive par Daech, à l’été 2014, provoqua l’exil quasi généralisé de ses 150 000 chrétiens. Ainsi, Karakoch (50 000 habitants presque tous chrétiens) se vida de sa population en une nuit, le 6 août 2014. Direction le Kurdistan voisin, mais aussi d’autres régions du Moyen-Orient, ainsi que des pays occidentaux.

On estime que 40 % des chrétiens ayant fui les localités de la plaine de Ninive en 2014 sont revenus depuis le départ de Daech en 2017. 26 000 chrétiens vivraient aujourd’hui à Karakoch ; Mossoul, elle, n’a pour l’heure vu revenir que 70 familles chrétiennes.

« Les chrétiens ne sont pas une bulle »

Différents responsables religieux et associatifs invitent à manier ces chiffres avec prudence, estimant que ces chrétiens d’Orient sont trop souvent considérés comme un tout homogène et « menacé ».

« Les chrétiens ne sont pas une bulle au sein de la société irakienne : ils veulent quitter le pays, bien sûr, mais comme tous les Irakiens, parce que l’Irak va mal », insiste ainsi Mgr Pascal Gollnisch, directeur de L’Œuvre d’Orient. Rappelant volontiers que « les premières victimes de Daech ont été des musulmans », il refuse tout manichéisme dans l’analyse de la situation.

Pour Mgr Gollnisch, c’est l’ensemble du peuple irakien que le pape François tient à rencontrer début mars, pour « reconnaître les souffrances » endurées collectivement au cours de quatre décennies de guerre et de violence.

Voyage du pape en Irak : Qaraqosh, à la recherche de la légèreté perdue

Analyse - Mélinée Le Priol (envoyée spéciale à Qaraqosh), La Croix, le 02/03/2021

Dimanche 7 mars, à midi, le pape François priera l’angélus à Qaraqosh, qui fut la première ville chrétienne d’Irak. Après s’être vidée de la population une nuit d’août 2014, face à l’arrivée de Daech, la ville a été reprise par l’armée irakienne en octobre 2016. Depuis, près de la moitié de ses habitants s’y est réinstallée, sans retrouver pour autant l’insouciance de leur « vie d’avant ».

Devant la cathédrale al-Tahira (de l’Immaculée Conception), à Qaraqosh, le 24 février 2021.ZAID AL-OBEIDI/AFP

Dans un nuage de poussière et un bruit du tonnerre, la chaussée de Qaraqosh se refait une beauté. Marteaux-piqueurs sont de sortie, ce matin de début mars, pour d’ambitieux travaux de voirie aux

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alentours de la cathédrale al-Tahira (de l’Immaculée Conception). C’est dans cet édifice emblématique de la plaine de Ninive, qui servit d’école de tir aux djihadistes de Daech, que le pape François priera l’angélus dimanche 7 mars à midi, avant de clore son périple irakien dans la métropole kurde d’Erbil.

Les dizaines d’hommes qui s’affairent aux alentours de la cathédrale de Qaraqosh avec leurs outils de chantier ne sont autres que des « retournés ». Entendez des chrétiens qui, après le retrait de Daech à l’automne 2016, sont peu à peu revenus vivre dans cette bourgade du sud-est de Mossoul, dans un paysage de désolation fait de maisons incendiées et d’églises vandalisées - depuis en grande partie reconstruites grâce aux dons d’Églises et d’organisations humanitaires. Les « retournés » seraient environ 25 000, soit la moitié des 50 000 habitants d’avant Daech.

Alors peuplée à 90 % de chrétiens (pour la plupart des syriaques catholiques), Qaraqosh fut la première ville chrétienne d’Irak. Aux dires de ses habitants, un vent de légèreté flottait sur ce « petit Paris » où les rues ne désemplissaient souvent que tard dans la soirée. Jusqu’à cette nuit terrible du 6 août 2014, où la population épouvantée prit la fuite face à l’avancée de l’État islamique, qui avait déjà fait de Mossoul sa capitale irakienne moins de deux mois plus tôt.

Rêves d’autodétermination

Beaucoup d’habitants chrétiens, partis le plus souvent pour le Kurdistan voisin, mais aussi pour des pays étrangers dont la France, n’ont pas pardonné aux peshmergas kurdes d’avoir « lâché » Qaraqosh, qu’ils étaient pourtant « censés protéger »… D’autres observateurs nuancent ce discours en précisant que les milices chrétiennes locales ont également participé à la débandade.

Quoi qu’il en soit, quand l’armée irakienne (majoritairement chiite) a repris la ville le 22 octobre 2016, le groupe armé chrétien UPPN (Unités de protection de la plaine de Ninive) a pris part à sa libération.

Fondées fin 2014 pour doter les chrétiens d’une force militaire propre, les UPPN sont composées en majorité de natifs de Qaraqosh. Rêvant d’une autodétermination de la plaine de Ninive, une partie de ces hommes auraient aimé voir les UPPN devenir, à terme, l’armée régulière d’une région chrétienne autonome.

Cinq ans plus tard, force est de constater qu’il n’en est rien : la plaine de Ninive, grouillant de militaires et jalonnée de check-points, est aujourd’hui occupée à la fois par l’armée kurde et l’armée fédérale irakienne, qui se vouent depuis des décennies une lutte sans merci pour ces « territoires disputés ». Ce sont les forces fédérales qui contrôlent Qaraqosh, du reste entourée de milices chiites pro-iraniennes qui prolifèrent dans la région, suscitant l’inquiétude des chrétiens.

« Nos voisins ont pillé nos maisons »

Bien que largement majoritaires, ceux-ci ne sont pas seuls à Qaraqosh. Outre quelques chabaks (minorité musulmane aux références principalement chiites), la ville abriterait environ 200 familles sunnites, gravitant autour de l’unique mosquée de la ville – contre une douzaine d’églises. Mais les relations entre communautés, déjà distantes avant l’État islamique, semblent désormais réduites au strict minimum : de nombreux chrétiens ne cachent pas leur méfiance vis-à-vis de leurs voisins sunnites dont certains ont pris le parti de Daech et « pillé nos maisons en notre absence ».

Cela ne fait guère de doute : même si Qaraqosh est bien moins délabrée que Mossoul, pilonnée par les frappes aériennes de la coalition internationales et les combats entre Daech et l’armée irakienne, l’insouciance d’autrefois n’est plus. L’imminence de la visite papale semble toutefois conférer à la bourgade, d’ores et déjà ornée d’affiches à l’effigie de François, un regain d’animation.

C’est ce qu’espèrent deux voisines croisées devant leurs maisons du centre-ville, retapées avec les moyens du bord après leur retour en 2017. « Avant, dans cette rue, il y avait toujours des enfants qui jouaient, mais tout le monde est parti », soupire Majoda. « Ce week-end, quand le pape sera là, nous serons à nouveau dehors ! » la coupe Elisabeth, de quelques années sa cadette. Comme de nombreux

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Irakiens, cette mère de famille espère que la visite du pape se déroulera sans encombres, pour envoyer à ses compatriotes « un message de sécurité » : autrement dit, les inciter à rentrer au pays.

Cardinal Sako : « Cette visite du pape va encourager les chrétiens à revenir en Irak »

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Entretien

À la suite de l’annonce du voyage du pape en Irak en mars 2021, le cardinal Louis Raphaël Ier Sako, patriarche de l’Église catholique chaldéenne en Irak, se réjouit de cette visite qui va « redonner de l’espoir au peuple irakien qui a tant souffert ».

Recueilli par Claire Lesegretain, La Croix, le 07/12/2020 à 12:51

Le cardinal Sako en visite au Vatican, le 28 juin 2018. TIZIANA FABI/AFP

La Croix : Quand avez- vous été informé de la visite du pape François en Irak prévue en mars 2021 ?

Cardinal Louis Raphaël Ier Sako : Je suis au courant depuis six semaines déjà. Une équipe est venue ici pour contrôler les lieux où le pape se rendra et tout s’est très bien passé avec le gouvernement.

La publication de cette nouvelle ce lundi a créé une immense joie chez tous les Irakiens, les chrétiens et les autres. Cette visite arrive à un moment où les chrétiens d’Irak, mais aussi du Liban et de Syrie, vivent dans l’inquiétude, la précarité et l’angoisse, du fait du terrorisme et de la pandémie. Une telle annonce leur apporte un grand soutien moral et spirituel, d’autant que ce sera la première visite du pape après plus d’un an sans voyage.

Pouvez-vous en dire plus sur les étapes de cette visite pontificale ?

Card. L. S. : Cette visite va durer trois jours, du 5 au 8 mars. François va arriver à Bagdad, puis se rendre dans la plaine d’Ur, la terre d’Abraham, où il est prévu qu’il préside une célébration interreligieuse et divulgue un message sur la figure d’Abraham, le père des trois religions monothéistes.

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Sans doute évoquera-t-il la fraternité, le vivre ensemble, le respect, ces valeurs spirituelles et morales qui lui tiennent tant à cœur. Puis à Mossoul, là d’où des milliers de chrétiens ont été chassés par Daech en août 2014, le pape devrait prononcer un message pour condamner cette idéologie islamiste qui tue et qui dénie le droit d’exister.

François devrait se rendre ensuite à Erbil, dans le Kurdistan irakien, où il rencontrera les autorités et célébrera sans doute l’eucharistie. De là, il ira à Karakoch où il s’adressera aux chrétiens des villages de la plaine de Ninive qui sont revenus après avoir été chassés de chez eux. Partout, son message sera pour affirmer que le mal n’a pas d’avenir, pour appeler à la paix et à la liberté, et pour encourager les chrétiens à rester et à faire confiance. Je pense que sa simple présence va être un signe pour ceux qui ont tant souffert et qui, pour beaucoup, se demandent s’ils peuvent vraiment revenir chez eux.

Aujourd’hui, environ 60 % des chrétiens qui ont fui Mossoul et la plaine de Ninive en 2014 sont revenus.

Les 40 % restants sont partis en Occident ou se sont définitivement installés au Kurdistan où ils ont trouvé du travail et acheté une maison. Nous n’avons pas de statistiques exactes, mais nous estimons le nombre de chrétiens en Irak aujourd’hui à 500 000 fidèles, dont la majorité est chaldéenne.

Comment va se préparer cette visite du pape ?

Card. L. S. : Nous avons formé un comité pour cela. Vendredi 4 novembre, nous nous sommes retrouvés en assemblée au Patriarcat : tous, nous sommes résolus à tout faire pour que cette visite soit une réussite pour le bien de tous les Irakiens. Le principal problème aujourd’hui, c’est notre difficulté à nous déplacer, du fait des contraintes sanitaires. Nos églises sont désormais ouvertes, mais elles étaient restées fermées jusqu’en octobre en raison de la pandémie.

Peut-on être certain que la sécurité du pape sera assurée pendant ses trois jours en Irak ?

Card. L. S. : Nous avons la certitude que le gouvernement fera tout pour garantir la vie du pape. Ici, personne n’est contre lui. Il est un homme de paix qui aime tout le monde. Pendant ce voyage, Dieu le protégera.

Quelle est la situation actuellement pour les chrétiens irakiens ?

Card. L. S. : Nous nous préparons à célébrer Noël. Il y aura certainement beaucoup de monde dans les églises, comme d’habitude, et nous veillerons aussi à transmettre nos célébrations à la télévision. En cette période, la perspective de la venue du pape va être une consolation pour beaucoup.

Références

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