• Aucun résultat trouvé

Les retraites en Europe : questions actuelles relatives aux fondements juridiques. Ceux-ci sont-ils adéquats et solides?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les retraites en Europe : questions actuelles relatives aux fondements juridiques. Ceux-ci sont-ils adéquats et solides?"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Les retraites en Europe : questions actuelles relatives aux fondements juridiques. Ceux-ci sont-ils adéquats et solides?

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Les retraites en Europe : questions actuelles relatives aux fondements juridiques. Ceux-ci sont-ils adéquats et solides? Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2003, no. 31, p. 39-53

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43749

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE W 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

39 P.-Y. GREBER

1.

2.

3.

4.

5.

6.

7.

8.

9.

*

LES RETRAITES EN EUROPE : QUESTIONS ACTUELLES RELATIVES AUX FONDEMENTS JURIDIQUES.

CEUX-CI SONT-ILS ADÉQUATS ET SOLIDES?*

Pierre-Yves GREBER Université de Genève

INTRODUCTION ... 1 LES CHANGEMENTS DE L'ENVIRONNEMENT DES SYSTÈMES DE

SÉCURITÉ SOCIALE, PLUS PARTICULIÈREMENT DES RÉGIMES

DE RETRAITES ... 5 LA« RELATIVITÉ» DES RÈGLES JURIDIQUES ... 8 LES GRANDS TEXTES DE PRINCIPES SONT-ILS UTILES? ... 10 COMMENT ÉVALUER LE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN

Qill A POUR AMBITION D'INFLUENCER LES SYSTÈMES? ... 16 QUID DU DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN Qill COORDONNE LES SYSTÈMES ? ... 19 SUR LE PLAN NATIONAL, EST-IL UTILE D'AVOIR DANS LA CONSTI- TUTION DES RÈGLES CONCERNANT LA SÉCURITÉ SOCIALE ? ... 25 TOUJOURS SUR LE PLAN NATIONAL, COMMENT CONCEVOIR

LES LOIS ? ... 34 CONCLUSION ... 39

Rapport présenté dans le cadre du 7e Colloque de droit européen de la sécurité sociale, GENÈVE, 19 septembre 2003.

(3)

40

P.-Y. GREBER COLLOQUE DE GENÈVE

1. INTRODUCTION

1. Les systèmes de retraites reposent sur de nombreuses règles juridiques. Cel- les-ci doivent définir les populations protégées, l'éventualité même de la retraite, les prestations et leurs conditions d'octroi et de service, l'organisation administrative, fi- nancière et contentieuse.

2. Compte tenu de la complexité des questions à résoudre, de la protection à ga- rantir, des implications financières, il est inconcevable de faire fonctionner un régime de retraites sans règles et sans institutions. Et comme les situations de fait deviennent de plus en plus internationales, le droit et les institutions doivent pouvoir « sauter » par-dessus les frontières ! 1

3. A ces éléments s'ajoutent les modifications profondes de l'environnement des systèmes de retraites. Ceux-ci doivent s'adapter aux changements sociaux, écono- miques, démographiques et politiques2.

4. Le but de ce rapport est ainsi :

2

de synthétiser très rapidement les changements de l'environnement des ré- gimes de retraites ;

de rappeler la « relativité » des règles juridiques ;

de s'interroger sur l'utilité et sur la solidité, d'une part du droit international et européen, d'autre part du droit national.

Voir p. ex. : Assurances sociales et frontières nationales. Perspectives suisses et euro- péennes. J.-L. Duc/B. Kahil-Wolff (éditeurs). IRAL. Lausanne 1998.

Jean-Jacques DUP~YROUX/Michel BORGETTO/Robert LAFORE/Rolande RUEL- LAN: Droit de la sécurité sociale. 14° éd." Dalloz. Paris 2001, pp. 85 sv. - Pierre ROSANV ALLON: La nouvelle question sociale. Repenser l'Etat-Providence. Seuil.

Paris 1995.- La sécurité sociale en Europe à l'aube du

:xxr

siècle. Mutations, nouvel- les voies, réformes du financement. P.-Y. Greber (éditeur). Helbing & Lichtenhahn.

Basel/Frankfurt am Main 1996. - Social Security at the Dawn of the 21st Century.

D. Hoskins/D. Dobbemack/C. Kuptsch (editors). Transaction Publishers. New Bruns- wick/London 2001.

Les changements politiques marquant les systèmes de sécurité sociale surviennent dans tous les pays. Mais ils ont été particulièrement importants en Europe centrale et de l'est.

Voir p. ex. : Vladimir RYS : La sécurité sociale dans une société en transition: l'expé- rience tchèque. Quels enseignements pour 1 'Europe ? Réalités sociales. Lausanne 1999.

-Vladimir RYS :Une décennie de réformes en Europe centrale :les facteurs qui déter- minent l'évolution de la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité socia- le, No 28-2002, pp. 9 sv.- Vera STANGOVA: L'évolution historique de la protection sociale en République tchèque. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 30- 2003, pp. 11 sv.

(4)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

41 P.-Y. GREBER

2. LES CHANGEMENTS DE L'ENVIRONNEMENT DES SYSTÈMES DE SÉCURITÉ SOCIALE, PLUS PARTICULIÈREMENT DES RÉGIMES DE RETRAITES

5. Ces changements sont bien connus, leurs implications sont souvent très discu- tées, le consensus n'est pas facile à atteindre quant aux mesures à adopter.

6.

1.

2.

3.

4.

5.

3

4

6

7

La synthèse rapide suivante est proposée :

La sécurité sociale en général, les régimes de retraites en particulier, ont tou- jours dû s'adapter, mais depuis au moins une dizaine d'années, cetfe adapta- tion semble être nettement plus problématique3 ;

En Europe, les régimes de retraites publics et leurs compléments privés ont rendu les personnes âgées indépendantes et ont souvent écarté le risque de pauvreté. La Commission européenne parle ici d'un «succès remarquable»

dans une communication de 20004 ;

L'espérance de vie s'allonge. En moyenne, dans la zone OCDE, elle était de 66 ans, à la naissance, en 1950 et elle a passé à 76 ans en 19955;

L'âge normal ouvrant droit à une pension de retraite non réduite tourne aux alentours de 65 ans en Europe ;

Dans un certain nombre de pays - singulièrement en France - l'âge effectif, réel de la retraite ne correspond pas à l'âge dit normal. L'activité rémunérée tend à reculer dès 55 ans6. La Commission européenne a souligné qu'il ne se- rait pas possible de continuer dans une telle voie 7 ;

Sheila KAMERMAN : La sécurité sociale a démontré sa valeur, maintenant elle doit s'adapter. In: ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE:

La sécurité sociale demain- permanence et changements. Etudes et recherches, N° 36.

AISS. Genève 1995, pp. 9 sv.

COMMISSION EUROPÉENNE: L'évolution à venir de la protection sociale dans une perspective à long terme: des pensions sûres et viables. COM (2000) 622 final.

Colin GILLION/John TURNER/Clive BAILEY/Denis LATULIPPE (editors) : Social security pensions. Development and reform. International Labour Office. Geneva 2000, p. 641.

DUPEYROUX/BORGETTO/LAFORE/RUELLAN : Droit de la sécurité sociale, cité à la note 2, p. 167.

COMMISSION EUROPÉENNE : Moderniser et améliorer la protection sociale dans l'Union européenne. Bruxelles, 12 mars 1997. COM (97) 102, p.10.

(5)

P.-Y. GREBER 7• COLLOQUE DE GENÈVE

6. Le risque de dépendance des personnes très âgées s'accroît: en nombre et en nature (le soutien familial devient plus difficile à assumer)8 ;

7. Les structures familiales sont en pleine évolution pour ne pas dire bouleverse- menë;

8. La montée des travaux dits atypiques fragilise une partie de nos populations pendant la carrière rémunérée et, par ricochet, pendant la retraite. Le chômage a une effet analogue10;

9. Les valeurs de solidarité, d'égalité entre femmes et hommes, d'égalité entre na- tionaux et étrangers, dans certains pays entre catégories professionnelles sont discutées et disputées 11 ;

10. Sur le plan économico-politique, l'État a tendance à reculer, l'économie privée à avancer : cela change actuellement nos sociétés 12 ;

11. Les critiques à l'égard de la sécurité sociale sont vives, fréquentes et vont jus- qu'à l'hostilité13 ;

12. Deux grands mouvements de populations coexistent:

9

10

Il 12

13

14

la libre circulation des personnes voulue dans le cadre de 1 'Union européenne/

EEE/Suisse14 ;

Patrick HENNESSY : Le risque croissant de dépendance des personnes âgées : rôle des familles et de la sécurité sociale. Revue internationale de sécurité sociale, 111997, pp. 25 sv.- Xenia SCHEIL-ADLUNG: La sécurité sociale et la dépendance en Allemagne et dans d'autres pays : entre tradition et innovation. Revue internationale de sécurité socia- le, 1/1995, pp. 19 sv.

Bea CANTILLON : Les transformations des modèles du travail et de la famille et leurs implications sur la sécurité sociale. In : Repenser la sécurité sociale. J.-P. Fragnière (éditeur). Réalités sociales. Lausanne 1995, pp. 115 sv.

Mutations du marché du travail et protection sociale dans une perspective internationa- le. H. Sarfati/G. Bonoli (éditeurs. AISS. Peter Lang. Bern 2002. - Hedva SARFATI : Politiques du marché du travail et politiques de protection sociale : quels défis posés par leurs interactions? CGSS N° 31-2003.- ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : Sécurité sociale et mutations du monde du travail. Série européenne, N° 28. AISS. Genève 2002.

La sécurité sociale en Europe à l'aube du XXI" siècle, cité à la note 2.

ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL- CONFÉRENCE INTERNA- TIONALE DU TRAVAIL (81 • session-1994) : Des valeurs à défendre, des change- ments à entreprendre. La justice sociale dans une économie qui se mondialise. Bureau international du Travail. Genève 1994.

Dalmer HOSKINS : The Redesign of Social Security. fu : Social Security at the Dawn of the 21 st Century, cité à la note 2, pp. 3 sv. (p. 3 in fine).

Bettina KAHIL-WOLFF : L'accord sur la libre circulation des personnes Suisse-CE et le droit des assurances sociales. Semaine judiciaire, 2001, II, N° 4, pp. 81 sv.- Pierre-

(6)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 31-2003 7° COLLOQUE DE GENÈVE

43 P.-Y. GREBER

les migrations provoquées par les immenses disparités qui marquent le mon- dels.

7. Premières conclusions :

il n'est vraiment pas facile pour la sécurité sociale en général, les régimes de retraites en particulier, de fonctionner dans un pareil environnement ;

il n'est pas étonnant que la question des retraites soit à l'agenda de tous les pays européens. C'est un phénomène, important, qui va durer !16

3. LA« RELATIVITÉ» DES RÈGLES JURIDIQUES

8. Deux points me semblent devoir être évoqués ici :

15

16

17

Tout d'abord l'enracinement des règles juridiques dans une société, dans une économie. Il faut à la fois vouloir un système de sécurité sociale, des régi- mes de retraites, et pouvoir instituer, financer ce système, ces régimes. Il y a un élément culturel et un élément de capacité. Comme l'a relevé notamment Yves CHASSARD, la sécurité sociale repose sur des solidarités nationales et pro- fessionnelles ; elle organise des transferts de revenus entre des personnes exer- çant une activité rémunérée vers des personnes malades, au chômage, invalides ou retraitées, de plus elle permet l'accès aux soins de santé ainsi que la protec- tion familiale. Une population doit vouloir, soutenir dans la durée, la sécurité so- ciale, les retraites17. Les règles juridiques en dépendent;

Ensuite le droit de la sécurité sociale en général, des retraites en particulier, doit assumer un double rôle délicat :

d'une part, ce droit doit protéger des populations et en matière de retrai- tes, c'est sur le long terme. Bemd SCHULTE souligne que c'est une pro-

Yves GREBER/Bettina KAHIL-WOLFF : Introduction au droit suisse de la sécurité so- ciale. 2e éd. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, Hors série N° 4 (2003), pp.

243 sv.- Pierre RODIÈRE : Droit social de l'Union européenne. 2e éd. L.G.D.J. Paris 2002, pp. 167 sv., 561 sv.- Frans PENNINGS: Introduction to European Social Securi- ty Law. 3° éd. Kluwer Law International. Den Haag/London/Boston 2001, pp. 1 sv.

ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :Migration et sécurité sociale : un défi à l'échelle mondiale. Etudes et recherches, N° 35. AISS.

Genève 1994.

Patrick BOLLÉ : Réforme des retraites : les termes du débat. Revue internationale du Travail, vol. 139, 2000, pp. 221 sv.

Yves CHASSARD : La convergence des objectifs et politiques de protection sociale : une nouvelle approche. In : Europe sociale, supplément 5/92, pp. 13 sv. (p. 17).

(7)

44

P.-Y. GREBER

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE W 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

tection de l'existant, c'est le devoir de garantir aux personnes concernées les prestations promises, même dans des conditions modifiées18 ;

d'autre part, ce droit doit s'adapter aux changements sociaux, économi- ques et politiques :ce n'est pas une mince affaire et le droit ne peut pas faire autrement!

Comme le relève Eberhard EICHENHOFER, tous les systèmes de protection reposent sur du droit, et ce droit doit soutenir les changements tout en sauvegardant les valeurs sociales, la confiance19.

9. D'où de nouvelles conclusions :

le droit est indispensable à tout système de protection, mais il dépend d'un cadre;

le droit vit une tension entre la protection garantie et les changements.

4. LES GRANDS TEXTES DE PRINCIPES SONT -ILS UTILES ?

1 O. Le concept de « textes de principes » a été formulé par Guy PERRIN comme suit : c'est une appellation sous laquelle « sont réunis les chartes, déclarations, procla- mations et pactes internationaux qui ont promu la sécurité sociale au rang d'un droit fondamental »20. Ces textes ne sont pas indispensables sur le plan juridique; pour agir, une Organisation internationale, la Communauté européenne, doivent bénéficier de compétences qui leur sont attribuées par leur texte constitutif 1.

11. Les Nations Unies ont adopté des textes de principes bien connus: Déclara- tion universelle des droits de l'homme, Pacte international relatif aux droits économi- ques, sociaux et culturels, Convention internationale sur les droits de l'enfant, Conven-

18

19

20

21

Bernd SCHULTE : Which guarantees can the systems of social security offer ? In : Ins- titut européen de sécurité sociale/European Institute of Social Security : Structural Pro- blems of Social Security Today and Tomorrow/Les problèmes structurels de la sécurité sociale aujourd'hui et demain. EISS Yearbook/Annuaire EISS 1987. Acco. Leuven/

Amersfoort 1988, pp. 175 sv. (p. 180).

Eberhard EICHENHOFER: Social Security Reform and the Law. In: Confidence and Changes : Managing Social Protection in the New Millennium. D. Pieters (ed.). EISS Yearbook 2000. Kluwer Law International. London/Den Haag/New York 2001, pp. 237 sv. (pp. 237, 249).

Guy PERRIN : Les fondements du droit international de la sécurité sociale. Droit social 1974, pp. 479 sv. (p. 479).

Pierre-Yves GREBER : Le droit international de la sécurité sociale adopté pendant la période 1990-2000. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 25-2000, pp.

59 SV.

(8)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE Na 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

45 P.-Y. GREBER

ti ons internationales sur 1' élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à l'égard des femmes. L'Organisation internationale du Travail a adopté une Déclara- tion de Philadelphie, le Conseil de l'Europe deux Chartes sociales accompagnées de protocoles, l'Union européenne également deux Chartes.

12. Ces textes de principes ont pour vocation d'inspirer, de guider les États et l'or- ganisation qui les a élaborés. Il est rare qu'un individu puisse en tirer directement des droits à faire valoir devant une caisse ou un tribunal.

13. Les instruments adoptés dans le cadre des Nations Unies, de l'OIT et du Conseil de l'Europe relèvent du droit international classique: la forme juridique la plus dévelop- pée est celle de la convention internationale ouverte à la ratification par les Ètats. Les deux Chartes de l'Union européenne n'ont pas de caractère obligatoire.

14. Pourrait-on en conclure que ces textes sont inutiles et vraiment peu solides?

Peut-on être déçus par leur contenu ?Le lecteur trouvera par exemple la mention de la protection retraite dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 mais il ne la retrouvera plus dans le Pacte de 1966, censé pourtant aller plus loin. L'observateur pourra être déçu, par exemple, par le peu de cas que fait la jurisprudence de son pays du Pacte22 ou par une ratification de la Charte sociale que ne vient pas faire suite à une si- gnature. Deux situations relatives à la Suisse !

15. Certes, mais il faudrait se garder de conclusions hâtives :

22

23

24

les textes de principes mettent en évidence notre domaine d'étude23, ils re- connaissent à chaque être humain le droit à la sécurité sociale, sans discrimi- nations, sur un plan symbolique ;

ils sont éclairés, pour certains, par la jurisprudence de leurs organes de con- trôle : celle-ci peut influencer les États liés ;

ils ont le grand mérite de montrer certaines situations choquantes : d'une part, la reconnaissance théorique d'un droit à la sécurité sociale pour chacun, d'autre part, la présence des exclus de la protection sociale - minoritaires en Eu- rope, majoritaires dans le reste du Monde24 ;

Michel HOTTELIER : La Constitution fédérale suisse et les droits sociaux. Cahiers ge- nevois et romands de sécurité sociale, N° 27-2001, pp. 9 sv. (pp. 19-21).

Alexandre BERENSTEIN : Le développement et la portée des droits économiques et sociaux. Travail et Société, vol. 7, n° 3, juillet-septembre 1982, pp. 311 sv., 419 sv.

Sécurité sociale pour la majorité exclue. Etudes de cas dans les pays en développement.

W. van Ginneken (éditeur). Bureau international du Travail. Genève 2000.- La sécurité sociale en Afrique. Numéro double spécial. T. Butare/E. Kaseke (éditeurs). Revue inter- nationale de sécurité sociale, 3-4/2003. -La sécurité sociale dans la région Asie et Pa- cifique. M. Asher/N. Pathmarajah-Banna (éditeurs). Revue internationale de sécurité so- ciale, 4/2002.

(9)

46

P.-Y. GREBER

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE W 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

leur caractère solennel, leur notoriété devraient les mettre à l'abri de révisions réductrices, d'où une certaine solidité. Ce sera une nouvelle conclusion par- tielle.

5. COMMENT ÉVALUER LE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN QUI A POUR AMBITION D'INFLUENCER LES SYSTÈMES ?

16. Une telle ambition générale est déjà présente dans les textes de principes, mais le droit international et européen contient aussi des instruments plus précis, plus techniques. Ici, ce sont l'OIT et le Conseil de l'Europe qui se profilent25. La célè- bre Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale con- tient des règles sur:

25

les populations à protéger, avec des pourcentages ; la définition des éventualités, dont celle de la vieillesse ; les sortes de prestations, durée et service d'octroi ;

le niveau des prestations, dont les pensions de vieillesse, avec des pourcentages fixés par l'instrument ;

la responsabilité générale de l'État, y compris en matière de financement. Sin- gulièrement, l'art. 71, § 3 dispose que l'État lié« doit, s'il y a lieu, s'assurer que les études et calculs actuariels nécessaires concernant l'équilibre financier sont établis périodiquement et en tout cas préalablement à toute modification des prestations, du taux des cotisations d'assurance ou des impôts affectés à la cou- verture des éventualités en question. ». Une règle évidemment importante en ma- tière de retraites.

Hector BARTOLOMEI DE LA CRUZ/Alain EUZÉBY: L'Organisation internationale du Travail. Presses universitaires de France. Paris 1997. -Alexandre BERENSTEIN : Le droit international de la sécurité sociale. Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, 1989, pp. 121 sv.- Jean-Michel BONVIN: L'Organisation internationale du Travail. Presses universitaires de France. Paris 1998. - Jean-Louis BURBAN: Le Conseil de l'Europe. 3e éd. Presses universitaires de France. Paris 1996.

-Pierre-Yves GREBER: Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale. Réalités sociales. Lausanne 1984. - S. Günter NAGEL : Social Security Law. Council of Europe. In : International Encyclopedia of Laws. Klu- wer Law and Taxation Publishers. Deventer/Boston 1994.- S.Günter NAGEL/Christian THALAMY : Le droit international de la sécurité sociale. Presses universitaires de France. Paris 1994.- Guy PERRIN: Histoire du droit international de la sécurité socia- le. Tome V de La sécurité sociale. Son histoire à travers les siècles. Association pour 1 'étude de 1 'histoire de la sécurité sociale. Paris 1993. - Jef van LANGENDONCK : Le rôle des organisations internationales dans le développement de la sécurité sociale. In : Repenser la sécurité sociale. J.-P. Fragnière (éditeur). Réalités sociales. Lausanne 1995, pp. 97 sv.- Michel VOIRIN: Les normes internationales de sécurité sociale à l'épreuve du temps. In : Repenser la sécurité sociale, pp. 85 sv.

(10)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE N° 31-2003

7" COLLOQUE DE GENÈVE

47 P.-Y. GREBER

17. Le modèle posé par la Convention OIT N° 102 est amélioré par la Conven- tion OIT N° 128 et la Recommandation OIT N° 131 concernant les prestations d'invali- dité, de vieillesse et de survivants -ratifiées par la Suisse26- ; il est repris par le Code européen de sécurité sociale27 et son Protocole, ainsi que par le Code révisé28, les trois du Conseil de l'Europe. Ce modèle n'a pas d'équivalent en droit communautaire;

mais ce dernier pose des normes exigeantes au regard de l'égalité de traitement en- tre femmes et hommes29 - les arrêts Barber et Moroni, adoptés par la Cour de Justice dans les années 1990 avaient d'ailleurs secoué l'Europe, plus particulièrement les régi- mes complémentaires de retraites !30 Tous ces instruments font l'objet de contrôles pour les Etats liés, ce qui renforce leur impact31

18. L'on peut également conclure ici à la présence de normes utiles, cohérentes, présentant une certaine solidité. Michel VOIRIN les évalue de la manière suivante :

«Mises en chantier à une époque de reconstruction32, complétées dans les années de prospérité, puis de crise, les normes internationales de sécurité sociale n'ont rien perdu de leur actualité, bien au contraire, dans la période présente de remise en question. Face aux séductions mais aussi devant les dégâts d'un néo-libéralisme économique, elles sont un gage indispensable de maintien d'une solidarité à laquelle l'OIT, de par sa mission spécifique, doit se faire une obligation de veiller. »33. Mais la concrétisation effective incombe aux États liés.

26

27

28

29

30

31

32 33

La Suisse a ratifié la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécu- rité sociale notamment pour la retraite (vieillesse) : RO 1978 1491, 1626. Elle a ratifié la Convention OIT N° 128 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants: RO 1978 1491, 1493.

Egalement ratifié par la Suisse notamment pour la retraite (vieillesse) : RO 1978 1491, 1518.

Alexandre BERENSTEIN : La révision du Code européen de sécurité sociale. Aspects de la sécurité sociale, bulletin de la Fédération des employés d'assurances sociales, 2/

1991, pp. 36 sv.

Bettina KAHIL : L'égalité entre hommes et femmes. In : L'espace social européen.

J.-L. Duc (éditeur). IRAL. Lausanne 1993, pp. 119 sv.- Frans PENNINGS : Introduc- tion to European Social Security Law, cité à la note 14, pp. 281 sv., 309 sv. - Pierre RODIÈRE: Droit social de l'Union européenne, cité à la note 14, pp. 261 sv., 296 sv.

Jacques-André SCHNEIDER : Les régimes complémentaires de retraite en Europe : libre circulation et participation. Faculté de Droit de Genève. Helbing & Lchtenhahn.

Basel/Frankfurt am Main 1994, pp. 127 sv.- Jacques-André SCHNEIDER : L'égalité des rémunérations entre hommes et femmes et les régimes complémentaires de retraite.

CGSS N° 8-1992, pp. 7 sv.

Didier ROUGET : Le guide de la protection internationale des droits de l'homme. Edi- tions La Pensée sauvage. France 2000. -Nicolas V AL TICOS : Normes internationales du travail et droits de l'homme. Où en est-on à l'approche de l'an 2000? Revue interna- tionale du Travail, 1998, N° 2, pp. 151 sv.

La reconstruction qui a suivi la Seconde guerre mondiale (1939-1945).

Michel VOIRIN : Les normes internationales de sécurité sociale à l'épreuve du temps, cité à la note 25, p. 91.

(11)

P.-Y. GREBER 7" COLLOQUE DE GENÈVE

6. QUID DU DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN QUI COORDON- NE LES SYSTÈMES ?

19. Les instruments de coordination ont pour but de répondre à deux types de pro- blèmes:

l'existence possible de discriminations à l'égard des étrangers, lesquelles peu- vent être directes ou indirectes ;

les situations qui excèdent le territoire d'un État et par là d'un système de sé- curité sociale (p. ex. un assuré social réside en France, travaille en Suisse et part ensuite à la retraite en Espagne )34.

20. Le problème des discriminations directes (formelles) peut être résolu par un droit nationae5. Au-delà, des solutions internationales sont nécessaires.

21. La coordination des systèmes de sécurité sociale en général, des régimes de re- traites en particulier, est réalisée en Europe essentiellement par deux sortes d'instru- ments juridiques :

34 35

36 37

les Règlements communautaires 1408/71 et 574/72, éclairés par la jurispru- dence de la Cour. Ils s'appliquent aux États membres, aux États ayant adhéré à l'EEE et à la Suisse36. Il s'agit d'une coordination développée et très techni- que37;

les conventions bilatérales de sécurité sociale : c'est la solution la plus ancien- ne ; deux États négocient et décident du contenu d'une coordination qui généra- lement ne les concernera qu'eux seuls. Ce deuxième mode recule au fur et à me- sure de l'avancement du premier, ceci dans le cadre européen.

Voir les références indiquées à la note 14.

Par exemple en Suisse, la 1

oe

révision A VS a fait un pas important en direction de l'égalité de traitement entre Suisses et étrangers. Pierre-Yves GREBER/Bettina KAHIL -WOLFF : futroduction au droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 14, p. 248 (N° 626).

RO 2004 121.

Voir les références indiquées à la note 14, de même que : Kommentar zum Europai- schen Sozialrecht. M. Fuchs (Herausgeber). 3e éd. Nomos Verlagsgesellschaft. Baden- Baden 2002. -Pierre GUffiENTIF : La pratique du droit international et communautai- re de la sécurité sociale. Faculté de Droit de Genève. Helbing & Lichtenhahn. Basel/

Frankfurt am Main 1997. - Bettina KAHIL : Sécurité sociale et libre circulation des personnes en droit communautaire. IRAL/Centre patronal. Lausanne 1992. - Coordina- tion of social security schemes in connection with the accession of Central and Eastern European States. Y. Jorens/B. Schulte (editors). Die Keure/La Charte. Bruxelles 1999.

(12)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 31-2003 7" COLLOQUE DE GENÈVE

49 P.-Y. GREBER

22. A cela s'ajoutent des conventions de coordination du Conseil de l'Europe et de l'Organisation internationale du Travail, mais dont l'importance est moindre.

23. Les instruments de coordination, quelle que soit leur forme, ont pour but et ef- fet de régler des situations aussi concrètes que quotidiennes. Ils sont donc invoca- bles par les intéressés, ils sont appliqués d'office par les caisses de sécurité sociale comme par les tribunaux, chaque fois qu'une situation n'est pas purement nationale.

24. Il s'agit, en conclusion, d'instruments juridiques concrets tout à fait solides, même s'ils sont régulièrement modifiés pour tenir compte de l'évolution des législa- tions nationales faisant l'objet de la coordination. Sur le plan communautaire, une so- lidité toute particulière réside dans le fait que la coordination des systèmes de sécuri- té sociale représente l'accompagnement indispensable de la libre circulation des per- sonnes. Et, dans cette dernière, les préoccupations économiques et sociales se rejoi- gnent.

7. SUR LE PLAN NATIONAL, EST-IL UTILE D'AVOIR DANS LA CONS- TITUTION DES RÈGLES CONCERNANT LA SÉCURITÉ SOCIALE ?

25. D'une manière générale, la réponse est affirmative. En effet, l'État est l'un des acteurs principaux de tout système de sécurité sociale38. Sa présence est certaine- ment particulièrement utile dans une protection à long terme comme celle de la retrai- te. L'État exerce des fonctions législatives, réglementaires, judiciaires, de surveillan- ce. Il peut gérer lui-même certains régimes. Il apparaît donc normal de trouver dans une constitution nationale moderne des dispositions relatives à la sécurité sociale.

26. Admettons donc que l'on trouve dans une constitution nationale des règles sur le but de la sécurité sociale, les personnes qu'elle protège, sur les grands principes.

Compte tenu du caractère technique de la sécurité sociale, des réalisations qu'elle impli- que, il est peu fréquent de trouver des règles directement invoquables par les individus.

A cet égard, 1' art. 41 al. 4 de la Constitution suisse39 du 18 avril 1999 (en vigueur de- puis le 1er janvier 2000) énonce clairement qu'aucun droit subjectif ne peut être déduit directement des buts sociaux énoncés par cette disposition.40

38

39 40

Michel VOIRIN : L'organisation administrative de la sécurité sociale. Un enjeu social et politique. Bureau international du Travail. Genève 1991.

RO 1999 1556, 2555.

Jean-François AUBERT/Pascal MAHON : Petit commentaire de la Constitution fédé- rale de la Confédération suisse du 18 avril1999. Schulthess. Zürich!Basel/Genève 2003, pp. 371 sv. (not. N° 9-10).- Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTE- LIER : Droit constitutionnel suisse. Stampfli. Bem 2000. Volume I, N° 1494, 1497,

1498.- Michel HOTTELIER: La Constitution fédérale suisse et les droits sociaux, cité à la note 22.

(13)

50

P.-Y. GREBER 7e COLLOQUE DE GENÈVE

27. Restons à des règles constitutionnelles qui fixent un cadre au législateur, lui donnent un mandat de légiférer, lui enjoignent de respecter des principes. Quelle est l'utilité et la solidité de telles normes? Sur le plan juridique, la réponse dépend de l'existence ou non d'une Cour constitutionnelle habilitée à sanctionner l'action ou l'in- action du législateur.

28. En Suisse, il n'y a pas de contrôle de la constitutionnalité des lois fédérales : l'art. 190 Cst. dispose que : «Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'ap- pliquer les lois fédérales et le droit international. ». Pascal MAHON en rappelle le sens :

«Elle (la disposition) signifie que le Tribunal fédéral et ces autres autorités n'ont pas le pouvoir de refuser 1' application des lois fédérales ou du droit international, cela même s'ils les jugent contraires à la Constitution fédérale: les lois adoptées par l'Assemblée fédérale et ayant trouvé l'aval- explicite ou tacite- du peuple suisse, ainsi que le droit international doivent être appliqués même dans le cas où ils seraient contraires à la Constitution fédérale. L'Assemblée doit bien, en adoptant les lois, respecter la Consti- tution fédérale. Mais, si elle ne le fait pas, il n'y a pas de sanction judiciaire. »41Com- ment évaluer cette situation au regard de la sécurité sociale? En cas de refus de concré- tiser un mandat constitutionnel, les citoyens ne peuvent agir que par la voie d'initiatives populaires. Si le Parlement entendait démanteler une protection contrairement aux nor- mes constitutionnelles, la loi qu'il adopterait serait exposée au référendum facultatif lé- gislatif, ce qui donnerait le dernier mot (acceptation ou refus de cette loi) au peuple.

29. A côté de l'art. 41 Cst., la Constitution fédérale suisse contient sept articles con- sacrés à la sécurité sociale: art. 111 Cst. (architecture relative aux pensions, 112 (régi- me de base de pensions), 113 (régimes complémentaires de pensions), 114 (assurance- chômage), 115 (assistance), 116 (allocations familiales et assurance-maternité), 117 (as- surance-maladie et accidents). Ces dispositions donnent des compétences de légiférer à la Confédération. La base relative à l'assurance-maladie et accident est succincte, celle relative aux allocations familiales et à la maternité est légèrement plus développée. Les articles relatifs aux pensions et à 1' assurance-chômage sont détaillés : ils donnent des in- dications au législateur fédéral. Celui-ci doit poursuivre certains buts (couverture des besoins vitaux à l'art. 112 Cst. ; maintien de manière appropriée du niveau de vie à l'art.

113 Cst. ; prévention, compensation de la perte de revenu, lutte contre le chômage à l'art. 114 Cst.). Le législateur doit observer certains principes (affiliation obligatoire aux art. 112, 113, 114, 116 § 3 Cst.- il est laissé libre aux art. 116 § 2 et 117 Cst. ; insertion ou réinsertion des personnes handicapées à l'art. 112 Cst.), des règles financières ou d'exemptions fiscales (art. 111,112, 113, 114, 115, 116 Cst.), des règles sur le calcul des prestations (art. 112 Cst.)42. Ces précisions sont dues à deux spécificités : d'une part, la

41

42

Pascal MAHON: Art. 190. In: AUBERT/MAHON: Petit commentaire de la Constitu- tion fédérale, cité à la note 40, pp. 1453-1454 (N° 3).

Pierre-Yves GREBER/Bettina KAHIL-WOLFF: Introduction au droit suisse de la sé- curité sociale, cité à la note 14, pp. 39 sv. (N° 77-86). -Pascal MAHON : Art. 111 à 117. In : AUBERT/MAHON : Petit commentaire de la Constitution fédérale, cité à la note 40, pp. 863-924. -Hans Peter TSCHUDI : Die neue Bundesverfassung als Grund- lage des Sozialversicherungsrechts. Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, 2001, pp. 63 sv.

(14)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE W 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

51 P.-Y. GREBER

Suisse est un État fédéral et sa Constitution doit clairement exposer les compétences (ce qui n'est pas attribué à la Confédération demeure de la compétence des Cantons); d'au- tre part, ces dispositions, reprises avec des modifications restreintes de l'ancienne Cons- titution de 1874, sont le résultat de la démocratie directe : des initiatives populaires peu- vent demander des modifications constitutionnelles - depuis 2003, législatives égale- ment; aucune n'a été acceptés, mais plusieurs ont entraîné des contre-projets des auto- rités fédérales qui, eux, ont été accepté. Or, ceux qui ont lancé des initiatives poursui- vaient des objectifs précis, ce qui s'est reflété dans la Constitution. A noter enfin que celle-ci, pour être adoptée, a dû réunir la majorité des votes, d'une part des électrices et électeurs, d'autre part, des Cantons. Les dispositions évoquées sont donc le fruit d'une riche histoire sociale.

30. En Allemagne, le Bundesverfassungsgericht étend la garantie constitutionnelle de la propriété (art. 14 GG) aux rentes et aux expectatives des assurés sociaux de l'assu- rance pension légale. La Cour considère que les droits à la sécurité sociale sont protégés par la Constitution comme des droits de propriété pour autant qu'ils soient fondés sur des cotisations payées par ou pour le bénéficiaire. Cela n'empêche cependant pas le lé- gislateur de réviser la législation, y compris en réduisant les rentes existantes ou futures pour autant qu'il y ait des motifs légitimes au regard du droit constitutionnel; tel est le cas si les mesures prises sont nécessaires pour conserver 1' équilibre financier du systè- me d'assurance sociale, même si cela entraîne des réductions des prestations. La Cour allemande est partie de la constatation que les assurances sociales contribuent au stan- dard de vie des bénéficiaires des prestations comme le fait la propriété «classique »43. 31. En Hongrie, la Constitution contient également des dispositions sociales, avec une reconnaissance d'un droit à la sécurité sociale pour les citoyens. La Cour constitu- tionnelle hongroise a parfois invalidé des dispositions légales, jugeant qu'elles étaient contraires à la protection des droits acquis et à la protection de la propriété. Selon la Cour, l'on ne peut pas changer fondamentalement des prestations d'un jour à l'autre:

1' assuré social peut s'attendre à une stabilité du système social ; les situations les plus proches de la réalisation d'une éventualité méritent une protection d'autant plus éle- vée.44

32. L'existence de dispositions constitutionnelles relatives à la sécurité sociale peut aussi jouer un rôle sur le plan politique. Un cas marquant en Suisse concerne l'élabo- ration de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle. L'art. 34quater aCst. donnait mandat au législateur fédéral de prendre des mesures dans ce domaine (régime complé- mentaire de pensions). La conjoncture économique s'étant détériorée («premier choc pétrolier» de 1973), l'Assemblée fédérale (le Conseil des États) hésitait très fortement à légiférer. Sur le plan politique, les parlementaires savaient qu'une inaction de leur part aurait pour conséquence, de fait, une série de pressions pour développer le régime de

43

44

Eberhard EICHENHOFER : Social Security Reform and the Law, cité à la note 19, p.

246.

Otto CZUCZ : Le développement de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle hon- groise concernant le droit social. Les dix premières années. Cahiers genevois et ro- mands de sécurité sociale, N° 27-2001, pp. 31 sv. (pp. 33-36).

(15)

52

P.-Y. GREBER 7• COLLOQUE DE GENÈVE

base (l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité), ce qu'ils ne voulaient pas (exten- sion de l'intervention de l'État, de la technique financière de la répartition, diminution de l'autonomie des partenaires sociaux). Alors que le Parlement aurait pu enterrer le projet de loi fédérale présenté par le Conseil fédéral, sans sanction juridique possible45,

il a préféré consulter deux constitutionnalistes afin de déterminer dans quelle mesure il était « obligé » de légiférer. Les deux éminents professeurs - Thomas FLEINER et Rie- cardo JAGMETTI- ayant répondu clairement par la nécessité d'adopter des mesures, l'Assemblée fédérale reprit ses travaux lesquels aboutirent à la loi fédérale sur la pré- voyance professionnelle du 25 juin 1982 (RS 831.40)46. La présence d'une disposition constitutionnelle a ici joué un rôle déterminant. On peut imaginer que les collègues alle- mands et hongrois47 pourraient apporter des exemples analogues.

33. La solidité des règles constitutionnelles en matière de sécurité sociale mérite ainsi d'être évaluée tant sur le plan juridique que politique. Cela n'est pas étonnant: il y a rencontre entre le «vaisseau amiral» d'une législation, la Constitution d'un État, et 1 'une des tâches prioritaires des États modernes, la sécurité sociale.

8. TOUJOURS SUR LE PLAN NATIONAL, COMMENT CONCEVOIR LES

LOIS?

34. L'on peut s'attendre à ce que les lois votées par les Parlements contiennent des règles substantielles sur les grandes composantes de tous systèmes de sécurité sociale en général, régimes de retraites en particulier. A savoir : le but et les principes, les person- nes et les éventualités couvertes, les conditions d'octroi, les sortes de prestations, leur calcul et leur service, l'indexation, les institutions, le financement, la procédure et les recours. En Suisse, le principe de la légalité est développé et le Tribunal fédéral veille à son observation. En France, le législateur est limité dans son action normative par la Constitution de 1958 au profit du gouvernement.

35. Une loi de sécurité sociale, par exemple sur les pensions de retraite, peut avoir la prétention de tout régler : elle contient alors du droit impératif et exhaustif. Les organes d'application n'ont pas d'autonomie. La légalité et l'égalité de traitement seront fortes, au prix d'une rigidité certaine. C'est en Suisse le cas de la loi fédérale sur l'assurance- vieillesse et survivants48.

45

46

47 48

Voir ci-dessus le N° 28. Voir aussi l'approche européenne, puis tchèque de Petr TROSTER: Soziale Grundrechte in Europa und ihre Rechtsregelung in der Tschechi- schen Republik. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 26-2001, pp. 9 sv.

Pierre-Yves GREBER!Bettina KAHIL-WOLFF: Introduction au droit suisse de la sé- curité sociale, cité à la note 14, pp. 214-215 et les références indiquées.

Voir ci-dessus les N° 30 et 31.

Pierre-Yves GREBER!Bettina KAHIL-WOLFF: Introduction au droit suisse de la sé- curité sociale, cité à la note 14, pp. 153 sv.

(16)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE W 31-2003 7e COLLOQUE DE GENÈVE

53 P.-Y. GREBER

36. Une loi de sécurité sociale peut avoir pour objet de régler l'essentiel de la matiè- re : les organes d'application doivent observer la loi, mais ils bénéficient dans certains secteurs d'une autonomie plus ou moins large. La légalité et l'égalité de traitement sont toujours présentes, mais moins fortement. C'est en Suisse le cas de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP).49

37. Une loi de sécurité sociale peut être conçue comme une simple loi-cadre, avec des principes, des règles impératives et une large marge de manœuvre pour les institu- tions compétentes. C'était le cas en Suisse dans l'ancienne loi sur l'assurance-maladie (LAMA de 1911), en tout cas avant sa révision de 1965.50

38. Une combinaison de ces types de lois peut représenter une solution adéquate et

.

solide. L'analyse devrait continuer et aborder les conventions collectives.

9. CONCLUSION

39. La très grande diversité des fondements juridiques en droit international comme dans le droit national ne donne logiquement pas une réponse uniforme: l'adéquation et la solidité varient selon les textes. Il faut également considérer les contraintes apportées par l'environnement des systèmes et le caractère relatif des règles juridiques. Rien ne remplacera les capacités économiques et le soutien des populations concernées.

49 50

Idem, pp. 211 sv.

Idem, pp. 77 sv.

* * * * *

Références

Documents relatifs

La Communauté de communes a reçu une demande spontanée de la société BEFUN pour l’installation d’une tour avec des toboggans gonflable en complément du parc aquatique BE FUN et

La présente convention a pour objet de définir les modalités d’octroi d’une subvention accordée par le Département au Centre Communal d’Action Sociale de

La présente convention a pour objet de définir les modalités d’octroi d’une subvention accordée par le Département au Centre Communal d’Action Sociale de

Il s’agit d’un contrat conclu directement ou par personne interposée entre la SARL et l’un de ses gérants ou associés, ou entre la SARL et une autre société si le gérant ou

Par délibération du 14 mars 2022, et conformément à ses engagements pris en application du plan d’action pour les mobilités actives, du plan métropolitain santé environnement et

les travailleurs et leurs représentations syndicales sont sensibles justement à la précarisation qui marque tant d'emplois. Ils se prononcent en faveur de mesures

38 A noter que cette recommandation invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à reconnaître aux personnes concernées un droit invocable directement devant

L’événement « manger une salade verte et une pizza aux quatre fromages » a une probabilité de 1/6. L’événement «manger une salade verte, une pizza végétarienne et une