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Article pp.249-265 du Vol.24 n°139 (2006)

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Technologies éducatives et dispositifs d’apprentissages : de la rhétorique aux pratiques ou l’oubli de l’institution

Sur quelques livres récents...

Par Jean-Luc METZGER

Tel un serpent de mer, réapparaît cycliquement la question de l’appropriation des technologies de l’information (logiciels spécialisés par disciplines, ordinateurs portables en classe) et/ou des technologies de la communication (forum, outils coopératifs, portails dédiés) dans l’enseignement et tout particulièrement dans la pratique des enseignants en classe. Le onzième sommet de la francophonie, tenu en septembre 2006 à Bucarest, n’avait-il pas pour thème les technologies de l’information dans l’éducation ? C’est pourquoi, il n’est pas inutile d’examiner plusieurs publications récentes qui, cherchant à faire le point sur ce sujet, insistent sur la nécessité de prendre un recul salutaire par rapport aux discours rhétoriques qui ont accompagné la volonté d’introduire les TIC, de façon massive, dans les établissements d’enseignement, du primaire et supérieur.

De quelques constats préalables

Pour planter le décor, on peut s’appuyer sur le dialogue en ligne entre deux experts reconnus de l’étude des TICE : Alain Chaptal et Serge Puts-Lajus.

Les deux auteurs résument, de façon peu jargonnante, les termes de la question. Depuis plus de dix ans, en France (rappelez-vous les promesses des

« autoroutes de l’information »), de nombreux discours (industriels, décideurs de l’Education nationale, institutions internationales) ont insisté sur la nécessité de changer le système éducatif, par l’introduction de technologies, au prétexte que : 1) tout changement est bon ; 2) tout changement de l’école doit la rapprocher de la société ; 3) les TIC

« ouvrant » l’école sur le « monde », il faut donc les mobiliser systématiquement en cours. Le caractère prophétique et optimiste de ces

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déclarations a rencontré les attentes d’une partie des pédagogues les plus soucieux d’expérimentation. Aujourd’hui, le constat est plutôt celui d’une lente appropriation de l’ordinateur par les enseignants qui, loin d’être technophobes, l’utilisent assez largement pour préparer leurs cours, mais peu pour les « dispenser ». Pour Alain Chaptal, « les enseignants utilisent les TIC dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec leurs pratiques existantes et les confortent », signe, éventuellement, que la première étape d’un processus incrémental aurait été franchi. Mais le temps long de l’appropriation sera-t-il compatible avec celui, bien plus bref, des retours sur investissement attendus par les responsables éducatifs, les industriels et les collectivités locales ?

Ces derniers ne seront-ils pas tentés, comme cela semble être la tendance aux Etats-Unis, de mettre l’accent sur « la généralisation des évaluations et l’exploitation statistique des traces numériques des apprentissages pour aider au pilotage du système et favoriser l’individualisation des diagnostics et des remédiations », préfigurant le retour de l’organisation scientifique du travail (voir ci-dessous à propos du livre de D. Noble). Alors, que penser de l’entêtement des collectivités locales qui continuent à câbler les établissements et à renouveler régulièrement les équipements, tandis que, simultanément, « le Ministère réduit drastiquement les moyens qu’il consacrait à l’accompagnement des enseignants » ? Doit-on, comme A. Chaptal, en appeler à « une véritable réforme pédagogique », impulsée et portée par un Etat ne mégottant pas sur les moyens, pour que ces techniques soient réellement utilisées par tous (c’est-à-dire au-delà d’un cercle de pionniers) ? L’auteur oublie toutefois de préciser en quoi consisterait cette réforme, qui la demanderait et quels objectifs elle viserait. Ou bien, comme le suggère S. Puts-Lajus, est-il préférable de s’appuyer sur les plus belles réussites localisées d’usage des TICE, pour mieux comprendre les raisons de ces succès et les mettre à la connaissance de tous, espérant une sorte de diffusion par capillarité ?

De ce dialogue entre experts bien informés, on peut retenir quelques axes essentiels permettant de comprendre les enjeux et les pratiques réels des différentes catégories d’acteurs : le rôle des institutions dans ces processus et tout particulièrement des politiques publiques ; leur articulation avec des demandes de régulation émanant du champ éducatif proprement dit (démographie et sociologie des élèves, stratégies et identités des professionnels impliqués, courants pédagogiques en compétition, etc.) ; leur

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articulation avec les stratégies des industriels et des institutions internationales dans une perspective de réingénierie sociale.

Les TICE dans les politiques publiques en France

Une première manière d’appréhender la dimension institutionnelle du (non)développement des usages pédagogiques des TIC est fournie par Hélène Papadoudi (2000). L’auteur nous livre un panorama des

« conceptions qui ont présidé à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques au cours de l’histoire récente des instrumentations pédagogiques » (p. 3). S’appuyant sur des sources écrites (rapports officiels de groupes d’études et d’experts) publiées par les institutions publiques françaises1, dès 1963, pour « organiser et guider l’action sur les technologies en éducation », elle identifie trois niveaux de représentation au sein de la pensée politique : au premier niveau, les « technologies de la communication » sont considérées comme des supports d’accès et de diffusion d’informations, de contenus didactiques ; à un deuxième niveau, elles sont envisagées comme supports de formes symboliques différentes, nécessitant la maîtrise d’un langage spécifique ; enfin, elles sont vues comme des objets techniques dont il faut assurer l’appropriation. Pour lier ces trois niveaux, l’auteur introduit une perspective en termes de « situation éducative » et de « processus d’enseignement et d’apprentissage ».

Dans le premier chapitre, H. Papadoudi retrace brièvement l’histoire des rapports entre éducation et technologies de communication, en notant que ces dernières ont toujours exercé une fascination sur les décideurs, étant abordées d’emblée comme « éducatives » et « porteuses d’innovations pédagogiques », comme si leurs potentialités (présumées) devaient faire passer à l’arrière-plan les questions du rapport aux savoirs et aux acteurs. Dès les années 1960, s’exprime le projet de mobiliser ces technologies pour rationaliser le système éducatif et compenser le manque d’enseignants. Dans les années 1970, les dirigeants voient les TC comme des moyens et des objets d’enseignement, avant que les années 1980 ne connaissent une valorisation sans précédent de la technologie, laquelle sert à accélérer la comparaison école/entreprise et à interroger les compétences des enseignants. Ce type de discours est tenu après que les années 1960/1970 aient par ailleurs connu un questionnement du rôle même de l’école : la recherche de rentabilité en son sein devant alors

1. Pour un panorama concernant l’éducation aux Etats-Unis, voir ci-dessous.

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constituer un moyen pour optimiser son utilité économique pour la nation (contribution à la compétitivité).

Mais au-delà de la volonté politique, rien ne change : les expérimentations sont plaquées sur un fond institutionnel inchangé d’objectifs, de structures, de critères qui les marginalisent, en réduisent la portée. Les non-usages s’expliquent aussi bien par cette persistance du contexte institutionnel, que par la crainte de déshumanisation associées aux technologies, mais également, parce que ces dernières sont porteuses de logiques non nécessairement compatibles avec celles des enseignants. En effet, les technologies éducatives, dès qu’elles sont utilisées de façon pérenne et massive, remettent en cause « les rapports sociaux, les valeurs de référence, tout autant que les techniques de travail, d’organisation et de négociation des rôles » (p. 59). Peu à peu, les chercheurs réalisent que la mise en œuvre banalisée de ces instruments, dans une visée pédagogique, requiert une cascade d’évolutions préalables : il faut non seulement parvenir à mettre au point des modalités d’enseignement adaptées (recettes didactiques), mais surtout posséder des dispositions (habitus) nouvelles ce qui, on en conviendra, demande du temps.

Plus généralement, H. Papadoudi propose une grille d’analyse du « statut didactique » des TC, grille constituée de six composantes en relation : l’enseignant, l’apprenant, le contenu didactique, les méthodes pédagogiques, les moyens didactiques et les conditions scolaires (structures institutionnelles, modes de regroupement des élèves, temps, etc.). Grâce à ce dispositif d’analyse, apparaît la complexité du système dans lequel l’utilisation des TC devrait pouvoir s’insérer : « l’attribution d’un statut didactique aux TC ne peut donc se faire sans mettre en cause les statuts des autres composantes du système, sans « ébranler » ou « réajuster » les valeurs préétablies » (p. 77). Mais l’histoire récente (trente dernières années) semble plutôt enseigner que la prise en compte d’une telle complexité n’a guère été envisagée ou en tout cas pas suffisamment longtemps, car domine « une logique de l’instant », peu compatible, précisément, avec l’émergence d’une réflexion sur le statut didactique des TC. L’auteur souligne également le ton alarmiste accompagnant ces rapports : l’introduction des TC est la seule alternative, en particulier, face à la menace d’exclusion professionnelle des jeunes à qui l’école n’aurait pas permis de maîtriser les nouveaux outils de communication. Le peu d’intérêt apporté à la question du statut didactique des TC est d’ailleurs confirmé par les fonctions associées – sans preuve - à ces technologies : véhicules d’informations (alors que, dès les années 1960,

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les observateurs mettaient en garde contre la confusion entre information et connaissances et contre le risque de déstabilisation des enseignants rabaissés au niveau de rival d’une machine), facilitant l’éveil et la participation, accélérant le processus d’autonomisation, facilitant l’acquisition de dispositions cognitives.

L’auteur souligne ensuite les zones d’ombre de ces discours, l’impensé non problématisable. D’une part, les besoins en personnels non enseignants pour assurer les tâches logistiques sont systématiquement minimisés quand ils ne sont pas occultés. Il en va de même des risques de tension entre les pédagogues et les technologues, sans parler du rôle de gestionnaire de parc informatique qui échoit au chef d’établissement. Rien non plus n’est envisagé pour aider les enseignants à acquérir de nouvelles compétences, alors que leur métier subit de plein fouets de multiples remises en cause (ne plus transmettre mais animer, ne plus être qu’un généraliste, ne plus se situer au centre de la classe mais à côté de chaque élève). Par ailleurs, l’accent mis, dans les rapports officiels, sur la nécessité de déployer une pédagogie individualisante masque les limites de l’apprentissage autonome.

Pour finir, H. Papadoudi mobilise de façon opportune la sociologie dispositionnelle de P. Bourdieu pour montrer l’enjeu et les effets des technologies éducatives : « d’après Pierre Bourdieu, la transformation des pratiques passe en partie par la transformation de l’habitus, (…) de cette grammaire génératrice de pratiques (…). L’habitus est constitué de routines, d’habitudes au sens commun du terme, mais aussi de schèmes opératoires de très haut niveau (…). Dans les situations de médiation technique, de nouveaux éléments vont jouer un rôle important dans la transformation de l’habitus. Car les TC (…) comprennent aussi des schèmes d’utilisation associés. La découverte progressive des propriétés intrinsèques de l’instrument technique par les sujets s’accompagne de l’accommodation de leurs schèmes, mais aussi de changements de signification de l’instrument résultant de l’association à de nouveaux schèmes » (p. 202).

En d’autres termes, il faut laisser du temps aux enseignants pour identifier, le cas échéant, des usages pédagogiques pertinents aux TC, usages dont il n’est pas raisonnable de chercher à circonscrire a priori le périmètre, notamment en termes de gains, de rendement, de gestion. Ce qui nécessite de s’appuyer sur une connaissance fine des conditions propres à tout enseignement, qu’il soit en mode présentiel ou à distance, médiatisé ou non.

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Créer des collectifs par et pour l’usage des TICE : entre utopie expérimentale et oubli de l’institution

C’est précisément ce qui fait l’objet de Technologies de communication et formation des enseignants, rendant compte de plusieurs programmes de recherche-action, menés dans des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, conjointement avec les l’Institut National de la Recherche Pédagogique, et centrant leurs efforts sur la production de liens sociaux en ligne. Pour dépasser le constat – déjà ancien – du faible usage des TIC par les enseignants en classe, plusieurs équipes de chercheurs en didactique et en pédagogie, ont voulu expérimenter les potentialités cognitives des outils de communications de l’internet. Plus précisément, il s’agissait de vérifier que, en utilisant les forums, dans une perspective de collaboration en ligne, les élèves-enseignants allaient développer – pendant la formation à leur futur métier – une telle maîtrise des TIC qu’ils allaient être le fer de lance de leur usage en classe. Les périodes de formation (initiales, mais aussi continues) des maîtres sont en effet particulièrement propices à ce genre d’expérimentations, puisqu’elles font se succéder des moments de regroupement en présentiel et des moments de « stage » à distance dans les établissements scolaires.

C’est tout l’intérêt de l’ouvrage collectif, co-dirigé par G.-L. Baron et E. Bruillard (2006), que de nous présenter, en 13 chapitres, les expérimentations menées depuis 2002, les résultats, les questionnements suscités par les quatre projets d’apprentissage collaboratif assisté par ordinateur (ACAO), concernant la formation de professeurs documentalistes, de professeurs d’anglais, de sciences physique, et de professeurs des écoles. Si l’accent est mis, dans la troisième partie, sur les apports de l’analyse des traces laissées sur les forums, et si la deuxième partie présente de façon détaillée les dispositifs proprement dits (en termes d’acteurs, d’action et de représentations) en soulignant les difficultés à faire émerger des collectifs, ce qui constitue, à nos yeux, l’apport distinctif de ce livre est de faire précéder les réflexions empiriques d’une mise en perspective stimulante, combinant exemples étrangers (formation des maîtres dans les universités américaines et formation professionnelle en Belgique) et prise de distance théorique globale.

Cette dernière est tout particulièrement bien venue dans le chapitre rédigé par G. Sensevy qui, présentant de façon claire, la posture didactique qu’il adopte (le lecteur peu familier avec cette discipline pourra ainsi s’en faire une première idée), prend d’abord la précaution de souligner combien

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certains auteurs considèrent a priori – et sans preuve – l’ACAO comme une bonne méthode à prescrire. Contre cette tendance non problématisée, il rappelle qu’avant d’évaluer la pertinence d’un tel dispositif, avant même d’en concevoir les principes, encore faut-il apprécier dans toutes ses conséquences ce que signifie « raisonner en termes d’apprentissage collaboratif ». Pour l’auteur cela implique de prendre au sérieux l’affirmation selon laquelle « tout apprentissage peut être conçu comme un processus de « fabrication » d’institution, au sens de (…) catégories mentales, affectives, légitimes pour l’institution considérée » (p. 90). En l’occurrence, l’institution didactique est la classe qui, dans son fonctionnement classique, en mode présentiel, permet de créer de l’implicite partagé, s’articulant autour de trois dimensions qui dressent l’arrière-plan sur lequel s’appuie l’acquisition de tout nouveau savoir. La classe « classique », par les interactions nécessairement dissymétriques qu’elle permet entre l’enseignant et les élèves participants, donne naissance à l’institution du temps didactique, des habitus d’action (partage de responsabilités) et du partage d’un « milieu » commun (repères et régulations). Concevoir un dispositif d’ACAO requiert d’être capable de donner aux enseignants les moyens de reconstituer un arrière-plan spécifique à la relation didactique. Ce qui exige de savoir « comment recréer de l’ici-et-maintenant, c’est-à-dire, en particulier, comment permettre au tuteur-professeur de réguler le fonctionnement du système ? Et comment fabriquer du déjà-là, de la mémoire, des usages, propres à l’institution didactique qui détermine un ACAO particulier, un déjà-là sans lequel la régulation ne peut s’exprimer ? » (p. 100). Ces considérations a priori sont confirmées par l’étude empirique menée par M. Harrari et J.-L. Runaudo qui, raisonnant, notamment, en termes d’identité professionnelle, retracent les raisons de la faible utilisation des forums et concluent que « l’injonction au travail collaboratif peut paraître paradoxale. La collaboration dans le travail comme dans la formation ne se décrète pas. Elle est le fruit, sans doute, d’un processus long de connaissance et de reconnaissance mutuelle et nécessite, au-delà de la présentation des possibilités de l’outil, de l’explicitation préalable des objectifs et d’une définition claire des modalités de travail, un accompagnement visant, non seulement l’adhésion des différents partenaires, mais aussi la progressive construction collective du sens » (p. 215).

Pour d’autres chapitres de l’ouvrage collectif, on regrettera l’absence de distinction entre travail coopératif et travail collaboratif, mais surtout, le faible recul critique sur la volonté de créer de toutes pièces du collectif, de la

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communauté, comme si les concepteurs de dispositifs de formation, à la manière de certains gestionnaires, tels des démiurges, se considéraient capables de produire le social, d’en contrôler le développement. On aura reconnu là l’effet du succès des travaux de E. Wenger qui, ayant montré, ce qui n’est pas vraiment un scoop, que, pour travailler, les professionnels se constituent en véritables communautés de pratiques (par lesquelles ils transmettent et élaborent des savoirs et savoir-faire), a cherché à instrumentaliser cette connaissance, en conseillant les managers afin qu’ils facilitent la constitution et le contrôle de regroupements de salariés ad hoc, le temps d’un projet, d’une mission.

Cette dimension prescriptive nous semble particulièrement explicite dans le chapitre rédigé par C. D’Halluin qui, après avoir « constaté une dérive de la coopération à distance vers la coopération présentielle » (comme si celle-ci devait être restreinte), conseille de configurer les activités en présence et à distance de manière à « rendre incontournables les deux volets » et de « ne pas trop négocier le fonctionnement dans les sessions présentielles ». Ce que l’on ne peut s’empêcher d’interpréter comme une dévalorisation instituée des relations non-médiatisées. Dans le même sens, le chapitre présentant un dispositif récent de formation des enseignants américains, permet d’apprécier combien l’usage des TIC peut être préconisé uniquement parce qu’il facilite l’automatisation des procédures d’évaluation. En effet, R. F. McNergney et L.

W. Kessler, après avoir rappelé que les pouvoirs publics des Etats-Unis sont confrontés à l’exigence d’accroître la qualification de leurs enseignants, analysent les apports d’un dispositif de formation en ligne par étude de cas (simulation de situations de classe, traitée à distance). Certes, soulignent les auteurs, un tel dispositif semble faciliter la prise de recul sur sa propre pratique et ainsi progresser plus vite (sorte d’auto-confrontation via les réponses enregistrées). Mais il nous semble que ce sont les autres apports que les dirigeants des formations vont apprécier. En particulier, du fait que toutes les évaluations sont enregistrées, depuis l’entrée des apprentis-enseignants dans le processus de leur professionnalisation jusqu’aux résultats scolaires de leurs élèves, on peut très bien imaginer deux usages de l’analyse de telles données : une amélioration des méthodes pédagogiques enseignées aux futurs maîtres (mais une telle amélioration ne consiste-t-elle pas à sélectionner les méthodes les moins coûteuses en « ressources humaines » ?) ; ou une évaluation/sanction des enseignants eux-mêmes (avec ce que cela implique comme effets pervers sur les pratiques des enseignants se sachant soumis à un processus continu de surveillance).

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L’éducation en ligne aux Etats-Unis : de la rhétorique individualisante à la recherche de profit

Ce type d’usage proprement gestionnaire des dispositifs d’ACAO, et plus généralement de formation en ligne est mis en perspective, pour le cas de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis, par D. Noble (2002). Dans ce bref recueil d’articles, l’auteur, historien, retrace les étapes par lesquelles l’enseignement à distance, d’abord par courrier postal, puis dans sa version contemporaine, constitue essentiellement un projet marchand. Loin de répondre à des objectifs pédagogiques ou d’être mécaniquement tirés par le progrès technique, les promoteurs de cette modalité d’enseignement ne cherchent qu’à réaliser des profits, essentiellement financiers, mais aussi de carrière (accès à des positions éminentes dans les universités). Mais les

« pionniers », universitaires et entrepreneurs privés, bien souvent sans scrupule, faute d’avoir tenu compte des leçons du passé récent, découvrent, avec beaucoup de naïveté, mais aussi de cynisme, que l’aventure a un coût (financier, humain, organisationnel) bien supérieur à ce qu’ils ont imaginé, coût que l’Etat américain supporte via des projets pharaoniques officiellement lancés par le Ministère de la Défense.

Plus précisément, pour aborder les différentes facettes de cette question, l’auteur doit commencer par rappeler que le fait d’adopter une posture critique vis-à-vis des TIC n’est pas honteux en soi et que, de même que les critiques de cinéma ne sont pas pour l’interdiction de la projection des films, de même, les critiques des TIC n’ont rien contre ces technologies en elles- mêmes. Notons au passage que le fait d’être obligé de rappeler ce simple droit en dit long sur le climat d’autocensure qui règne dans le champ académique, tout au moins sur certains sujets.

Cette mise au point faite, l’auteur souligne que, si l’on se reporte un siècle en arrière (fin des années 1880), les entreprises d’enseignement par correspondance mettaient en avant les mêmes mérites que leurs successeurs à propos du e-learning : possibilité d’apprendre quand on veut, où on veut, à son rythme, avec un corrigé et des commentaires personnalisés, sans se déplacer. Elles se sont surtout caractérisées par l’agressivité de leurs campagnes de publicité et l’importance de leur « force de vente », la pression mise sur les enseignants payés à la tâche, le fort taux d’abandon des étudiants qui ne pouvaient se faire rembourser leurs frais. Face à cette offre de formation commerciale, surtout pour les salariés cherchant à accéder à des emplois plus qualifiés, les universités ont contrattaqué, en vendant à leur

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tour des « produits » semblables. Dans les années, 1910-1920, une fièvre s’empare de ces établissements qui mettent en avant, aussi bien la démocratisation que les rentrées financières permises par l’enseignement par correspondance. Mais les administrateurs des 73 universités concernées découvrent peu à peu les surcoûts engendrés par cette modalité et réagissent de la même manière que leurs concurrents commerciaux : publicité agressive et mensongère, hausse des frais d’inscription, intensification du travail des enseignants, non remboursement des frais pour les abandonnistes.

Peu à peu, cependant, des critiques émergent puis se font de plus en plus acerbes, provenant notamment des organismes de supervision de l’enseignement supérieur, mettent notamment en exergue les plaintes des étudiants (faiblesse des contacts personnalisés, isolement, faible encadrement et soutien) en sorte que, dans les années 1930, la crise aidant, les universités ferment leur département d’enseignement par correspondance. Il faudra attendre ce qu’il est convenu d’appeler les deux chocs pétroliers (1973-1975) pour que les élites dirigeantes économiques envisagent d’investiguer le champ de la connaissance afin d’y exercer leur monopole. Ce fut d’abord le secteur recherche des universités qui fut concerné. Et c’est, semble-t-il, avec une volonté d’ignorer ce précédent que les promoteurs contemporains du e-learning prolongent l’œuvre de leurs ancêtres, à cette précision près que les universités ne se lancent pas dans cette modalité d’enseignement à distance pour contrer la concurrence des organismes privés, mais en partenariat avec ces derniers (l’université du Wisconsin s’allie avec Lotus et IBM, l’université de Chicago avec un consortium bancaire, Columbia avec UNEXT, UCLA avec THEN) et, qui plus est, dans une ambition commerciale résolument mondiale. Le point d’orgue de ces initiatives semble résider dans la volonté de câbler toutes les universités nord-américaines et de les fédérer en une immense université virtuelle : le Virtual U.

Parmi les différents aspects du passage à la formation en ligne qu’aborde l’auteur, retenons l’un des moins souvent discutés, à savoir, la décomposition du processus d’enseignement en unités discrètes, sécables et réifiées, donnant une impression d’ordre d’autant plus prévisible qu’il semble exister indépendamment de l’échange entre enseignant (réduit à un rôle d’exécutant d’une procédure conçue par quelqu’un d’autre) et étudiant (consommant les marchandises dans une épicerie). Ce qui ne peut être qu’un processus long et discursif, nécessitant la présence de chacun, ne se prête à sa conversion en denrée qu’à condition d’être ainsi décomposé en fragments

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standardisés, dont l’assemblage et le contenu peuvent être contrôlés par le propriétaire et ses ingénieurs (pédagogiques). De plus, une fois les cours mis en catalogue numérique, les professeurs, « concepteurs des contenus », ne sont plus indispensables et peuvent être remplacés par des tuteurs gérant des centaines d’étudiants et joignables jour et nuit. « Comme les autres travailleurs qualifiés, leur activité est restructurée via la technologie, afin de réduire leur autonomie et contrôler leur travail, l’administration des universités concentrant le pouvoir de surveillance. Comme dans d’autres industries, la technologie est en train d’être déployée par le management pour discipliner, déqualifier et déplacer le travail » (p. 32). Toutefois, pointe l’auteur, n’est-il pas contradictoire de prolétariser les travailleurs intellectuels tout en prétendant assurer un enseignement de qualité pour le plus grand nombre, centré sur une relation individualisée, loin de la promiscuité des salles de cours combles (car, le fin du fin réside dans l’accompagnement moralisateur du e-learning, promettant l’accès tant attendu à la démocratie) ?

Et s’il est si important de replacer l’enseignement en ligne dans la perspective historique de l’enseignement par correspondance, c’est, d’une part, pour pointer l’illusion des discours promettant la rupture totale, mais, d’autre part, surtout pour dégager ce qu’il y a de proprement spécifique à la période actuelle, à savoir la marchandisation du cœur de l’université, seconde phase du processus qui a d’abord concerné sa dimension recherche.

En résumé, les principaux impacts de l’engagement massif dans l’enseignement supérieur à distance concernent aussi bien les enseignants que les étudiants. Les premiers voient leurs cours mis en boîte et appropriés par leur employeur (l’université qui revend la licence à un consortium d’entreprises privées), connaissent un blocage de leurs salaires et une dégradation de leurs conditions de travail (pour faire baisser les coûts de production), tandis que les établissements d’enseignement se transforment en usines à diplômes électroniques (titre du livre) et mettent en œuvre les méthodes éprouvées de rationalisation gestionnaire. Quant aux étudiants, ils sont mis à contribution par une augmentation substantielle des frais d’inscription, non remboursables malgré la très forte probabilité d’abandon (apprendre à distance requiert des qualités d’enseignement et des dispositions d’apprentissage qui ne sont que très rarement réunies). Le marché n’étant tout compte fait pas au rendez-vous, le gouvernement américain n’a pas hésité à budgéter plusieurs milliards de dollars pour créer une demande publique via son ministère de la Défense qui s’engage à utiliser

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la formation en ligne pour ses personnels et leurs familles (ce n’est au demeurant pas la première fois que l’armée est ainsi mise à contribution pour sauver le marché).

Malgré la mauvaise qualité des enseignements, le fort taux d’abandon, la faible profitabilité du secteur, les TICE sont massivement déployées pour restructurer les universités, au bénéfice des administrateurs. Contre le rouleau compresseur exercé par l’alliance entre direction des universités et multinationales de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel, certains campus connaissent des grèves longues (deux mois à Toronto) pour s’opposer aux projets de formation commerciale en ligne.

On le voit, au fond, la plus grave conséquence du déploiement inconsidéré de l’enseignement en ligne, tout au moins tel qu’il est envisagé aux Etats- Unis, réside dans la transformation des finalités mêmes de l’université et ce, sans débat argumenté. Une usine à produire des succédanés de connaissances et un marché consommant ces marchandises tendent – de façon délibérée – à se substituer à ce que l’université a pour mission d’incarner, à savoir un lieu d’expression libre et critique, dédié à la vie de l’esprit, faite de riches relations interpersonnelles tournées vers la connaissance.

Les technologies éducatives : mais, pourquoi faire ?

En somme, pour D. Noble, les TICE constituent le cheval de Troyes conduisant à la marchandisation complète de l’université américaine. Si cette thèse paraît manquer de nuance, elle semble bien confirmée par l’examen des politiques publiques en matière de technologies éducatives aux Etats- Unis. Tout comme sur le vieux continent, les responsables politiques d’outre-Atlantique pratiquent l’injonction répétée à développer les usages éducatifs des TIC. Or, même ceux qui pourraient adopter une posture distanciée vis-à-vis de ce type d’injonction (les chercheurs) peinent à en problématiser la pertinence.

Prenons l’exemple de l’étude réalisée par K. McMillan Culp, M. Honey et E. Mandinach (2003) sur les 28 rapports officiels qui ont marqué ces vingt dernières années en matière de technologies éducatives. Les auteurs commencent par rappeler que, si la loi No Child Left Behind (2001) institue un brevet en technologie pour les collégiens, cette initiative ne fait qu’actualiser les recommandations de la National Commission on Excellence

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in Education (1983) qui, sous un titre inquiétant (A Nation at Risk)2, incluait l’informatique parmi les cinq savoirs de base que tout lycéen devait posséder. Fort de ce constat, les chercheurs auraient pu se demander d’où vient l’insistance des pouvoirs publics à vouloir faire des TIC un moyen d’enseignement et d’apprentissage tout au long du cursus scolaire.

L’obligation de répéter sans cesse le même message ne traduit-elle pas son inadéquation sociale ? Si les enseignants ne parviennent pas, après vingt ans d’insistance, à inventer des usages pédagogiques pérennes, ne vaudrait-il pas mieux explorer d’autres voies ? Telle n’est pas la posture adoptée par K. McMillan Culp et ses collègues qui se contentent de classer les contenus des 28 rapports officiels précédemment évoqués, selon les réponses qu’ils apportent aux trois grandes questions suivantes : quels arguments ont justifié l’investissement dans ce domaine ; comment a-t-on prévu d’évaluer l’utilisation réelle des technologies ; quelles hypothèses sous-tendent l’articulation entre technologies et enseignement/apprentissage ?

Ils identifient trois grands arguments avancés pour justifier que les pouvoirs publics investissent dans les technologies éducatives : ce sont des outils pour relever les défis de l’éducation (public dispersé sur un vaste territoire, élargir l’éventail des informations disponibles en classe, etc.) ; ce sont des agents de changement (vers une pédagogie constructiviste, des processus d’enseignement plus souples et plus motivant pour les élèves) ; et enfin, elles constituent un enjeu central dans la compétition internationale (employabilité future de la main d’œuvre, capacité collective d’innovation).

L’insistance sur ces trois ensembles de justifications largement interconnectées montre que l’intégration des technologies dans la structure éducative d’enseignement et d’apprentissage de nos sociétés nécessite une volonté d’engagement, un effort de centration et des moyens financiers de la part des multiples acteurs concernés. C’est, semble-t-il, le rôle des rapports publics que de maintenir la pression sur ces objectifs. Alors qu’en 20 ans, 40 milliards de dollars ont été consacrés à la création et à l’entretien des infrastructures techniques des écoles publiques, ainsi qu’à la formation des enseignants, tous les documents officiels soulignent que l’on ne sait toujours pas en quoi les technologies peuvent améliorer les activités d’enseignement et d’apprentissage. D’ailleurs, personne ne sait très bien ce qu’est un « usage de grande qualité des technologies éducatives ».

2. L’insistance sur le risque qu’il y a à ne pas prendre le virage du numérique était également mis en exergue par H. Papadoudi, voir plus haut.

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Ainsi, aux Etats-Unis comme en France (et plus généralement en Europe), les véritables questions devraient être les suivantes : pourquoi, au-delà des discours publiés, les pouvoirs publics voient dans les technologies éducatives un enjeu considérable ; et pourquoi, par la répétition incessante des mêmes injonctions, cherchent-ils à créer de toutes pièces des usages qui ne correspondent pratiquement à aucun besoin social ou professionnel ? C’est précisément à ces questions que D. Noble a fourni des réponses argumentées pour l’enseignement supérieur.

Les stratégies des acteurs économiques : le cas de la formation professionnelle

On pourra trouver d’autres réponses pour ce qui concerne la formation continue dans l’ouvrage collectif dirigé par Pierre Doray et Christian Maroy, consacré aux « nouveaux modes de régulation de la formation professionnelle », dans plusieurs pays européens et au Québec. Le premier intérêt de cet ouvrage est d’être introduit par un chapitre de clarification méthodologique et épistémologique. Examinant les différents sens possibles de la notion de régulation, ils la définissent « comme combinaison plus ou moins intégrée de diverses formes de coordination » (p. 14), ces dernières pouvant être classées en cinq types d’arrangements institutionnels : le marché, la hiérarchie ou l’organisation, la communauté, l’Etat, les réseaux et les associations. C’est au moyen de cette grille d’analyse qu’ils entendent

« penser et comparer les différentes modalités de régulation de la formation professionnelle des différents contextes sociaux ou régionaux » (p. 16).

Ils proposent, de plus, plusieurs hypothèses sur cette régulation, dont la plus originale est sans doute celle portant sur les conceptions politiques de l’articulation entre formation et marché de l’emploi. Dans cette perspective, ils distinguent trois « référentiels d’action politique » : le social-démocrate, pour lequel la formation doit être dissociée du fonctionnement du marché du travail ; le libéral ou néo-libéral, pour lequel la formation est essentiellement une question de marché ; enfin, le référentiel social-libéral qui « consiste à édicter des règles pour inciter les individus et les organisations à se mobiliser autour des objectifs économiques (…) par une politique visant à garantir en permanence « l’employabilité » » (p. 21).

Pour identifier le ou les modèles de régulation à l’oeuvre, quatorze études de cas sont proposées, offrant ainsi un panorama sur la formation continue,

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professionnelle et technique, l’apprentissage (tout particulièrement par alternance), les relations formation-emploi, la promotion, les stratégies des entreprises en matière de GRH par rapport aux titres scolaires, ainsi que les formes d’insertion professionnelle. Et c’est le référentiel social-libéral que P.

Doray et C. Maroy voient se déployer dans la plupart des nations, la formation constituant alors une pièce maîtresse de l’économie libérale. Cela se traduit concrètement par une action publique cherchant à faire acquérir de nouvelles qualifications, par « l’incitation et la contrainte à l’autonomie et au projet (…), autonomie qui est le sous-bassement d’une mobilisation permanente des individus » (p. 23). De même que la formation est un instrument de fluidification du marché de l’emploi (et au-delà, de l’économie), de même l’autonomie est un outil au service d’une veille permanente pour conserver une valeur marchande.

En effet, dans les différentes sociétés considérées, « l’Etat agit pour construire ou rendre plus intégrée un « système » (…) de la formation professionnelle initiale et continue » (p. 294), même si, bien entendu, la forme de la régulation, diffère selon les pays. Plus précisément, l’unification du système global de formation, tout tendu vers un rapprochement entre les instances éducatives et les entreprises, consiste bien souvent à essayer d’adapter l’appareil de formation aux besoins des employeurs (logique dite

« adéquationniste »). Mais une telle tendance se masque à elle-même aussi bien la complexité du fonctionnement du marché du travail, que l’incertitude dans laquelle se trouvent les dirigeants d’entreprises, qui ne forment pas un groupe aux attentes homogènes, qui ne possèdent pas tous les mêmes capacités à faire valoir leurs vues, pour spécifier les compétences dont ils ont besoin à un horizon de quelques années. Et puis, elle passe à la trappe d’autres finalités, moins utilitaristes, de l’éducation, comme la formation d’un esprit critique pour développer la citoyenneté ou encore, la capacité à construire un projet de vie susceptible de tirer profit des changements technologiques (nous retrouvons les constats de D. Noble à propos de l’université américaine). Il est encore intéressant de retenir que pour

« produire » des porteurs de compétences adéquates aux employeurs, l’intervention des pouvoirs publics (régionaux, nationaux, supranationaux) est toujours plus requise.

Les politiques publiques semblent connaître des orientations convergentes : l’Etat fixe les grandes orientations stratégiques ; les entités locales s’ajustent à ces cadres en identifiant les meilleurs moyens pour atteindre des objectifs partiellement imposés d’en haut (ici, une activité de négociation pour

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l’adéquation fine de la formation aux besoins de l’économie fait intervenir, selon des proportions forcément variables, le marché, les organisations, les réseaux et associations) ; et l’Etat évalue les résultats au regard des objectifs.

En Europe, cette forme d’intervention est largement portée par la Commission européenne (notamment, depuis le sommet de Luxembourg de 1997).

Un exemple illustrant particulièrement le rôle de l’Etat dans l’inflexion des régulations du champ est fourni par les différentes études portant sur l’apprentissage en alternance. Selon des modalités variables d’un pays à l’autre, la dichotomie entre formation professionnelle dans un cadre scolaire et apprentissage pratique en entreprise est remise en cause, semblant donner naissance à une « nouvelle forme éducative » : l’appellation « apprentissage en alternance » recouvrirait ainsi différentes articulations entre école et entreprises. Mais au-delà des modalités spécifiques, les auteurs soulignent que le rôle des institutions publiques consiste à mettre la formation professionnelle au service de la « construction sociale d’un marché du travail plus libéral et flexible, non seulement par des ajustements rapides aux changements technologiques et organisationnels, mais aussi par la production/valorisation d’une identité salariale », consistant à s’assumer comme « travailleur flexible, disponible, capable de se changer/s’adapter en permanence » (p. 299-300). Ce que les entreprises semblent donc attendre des travailleurs, c’est, avant tout, une certaine disposition morale à l’obéissance, phénomène qu’en son temps, C. Grignon (1971) avait parfaitement mis en évidence à propos des lycées professionnels en France.

Et finalement, Doray et Maroy, au travers des nombreuses études empiriques, constatent que les évolutions du mode de régulation de la formation professionnelle, s’expliquent moins par d’éventuelles contraintes

« technico-économiques » que par l’émergence d’un modèle libéral social, les gouvernants des niveaux régionaux, nationaux et supranationaux cherchant à produire une nouvelle identité salariale. N’est-ce pas précisément là la mission plus ou moins explicite, plus ou moins partagée, qu’assignent aux systèmes d’éducation-formation les équipes dirigeantes des pays développés, mission par rapport à laquelle l’introduction des TIC prend alors le sens d’un simple levier de changement ?

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LISTE DES OUVRAGES CITÉS

BARON G.-L., BRUILLARD E. (dir.) (2006), Technologies de la communication et formation des enseignants, Institut National de Recherche Pédagogique.

CHAPTAL A., PUTS-LAJUS S. (2006), Dialogue autour des TICE, Les dossiers de l’ingénierie éducative, CNDP, http://www.cndp.fr/dossiersie/55/ptidos55.asp.

DORAY P., MAROY C. (2003), Les relations entre économie et éducation. Vers de nouvelles régulations ?, L’Harmattan.

GRIGNON C. (1971), L’ordre des choses. Les fonctions sociales de l’enseignement technique, Minuit.

MCMILLAN Culp K., HONEY M., MANDINACH E. (2003), “A Retrospective on Twenty Years of Education Technology Policy”, U.S Department of Education.

NOBLE D. (2002), Digital Diploma Mills. The automation of higher education, New York, Monthly Review Press.

PAPADOUDI H. (2000), Technologies et éducation. Contribution à l’analyse des politiques publiques, PUF.

Références

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