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Article pp.15-35 du Vol.38 n°226 (2012)

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Le manager ayant une pensée globale (par définition différente et pro-mondialisation) contribue au succès de son entreprise à l’international. L’analyse factorielle discriminante des représentations de 79 jeunes managers montre que les managers ayant un mode de pensée global accordent une importance supérieure dans leur représentation de la mondialisation aux domaines du business (entreprise et commerce), du social (relations intergroupe et intragroupe) et de l’économique (macro-économique). Ces résultats sont à pondérer par des variables mesurant son insertion sociale.

ANTONIN RICARD EMMANUELLE REYNAUD CERGAM – IAE Aix-en-Provence C. GOPINATH

Suffolk University, États-Unis

Gros plan sur les jeunes managers français

pro-mondialisation

DOI:10.3166/RFG.226.15-35 © 2012 Lavoisier

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E

ntre 1804 et 2011, la population mondiale est passée d’un milliard à sept milliards. Cette augmentation de la population mondiale s’est accompa- gnée d’un accroissement des échanges : en 2005, le commerce international représen- tait 23 % de la production mondiale contre seulement 13 % en 1973. Avec l’augmenta- tion de la concurrence et des stratégies inter- nationales, le concept de « global mindset » que nous traduisons par mode de pensée global s’est imposé comme facteur clé de succès sur le marché international. (Levy et al., 2007). Ce mode de pensée global offre différents avantages aboutissant au succès des missions internationales (Nummela et al., 2004). Certains auteurs pensent qu’il permet de développer un avantage concur- rentiel basé sur la diversité culturelle (Estienne, 1997), d’autres que ce mode de pensée rend le manager capable de prendre les bonnes décisions dans un contexte inter- national (Maznevski et Lane, 2004), d’autres encore qu’il concède une supréma- tie dans l’exploitation des opportunités émergentes (Gupta et al., 2001). Grâce à ce mode de pensée, le manager est apte à saisir la complexité (Kedia et Mukherji, 1999) et à maintenir la performance à long terme de son entreprise à l’international (Bartlett et al., 1989 ; Bartlett et al., 1991).

Si de nombreux auteurs ont formulé (Novicevic et Harvey, 2001) ou vérifié (Beechler et al., 2004) des propositions concernant l’impact du mode de pensée glo- bal sur le management à l’international, peu ont tenté de connaître ses composantes. Le

seul consensus concerne l’attitude pro-mon- dialisation des managers « global mindset ».

Dans la mesure où nous savons que le manager ayant une pensée globale est favo- rable à la mondialisation et que ce mode de pensée se caractérise par une façon dif- férente d’apprécier la réalité mondiale, il devient intéressant d’explorer la représenta- tion de la mondialisation des managers qui y sont favorables.

Historiquement, le terme mondialisation apparaît en 1953 pour désigner le fait qu’un événement se répande dans le monde entier.

Dans les années 1990, son sens s’étoffe pour incorporer les phénomènes écono- miques, politiques, culturels et technolo- giques qui relient les hommes entre eux (Allemand et Ruano-borbalan, 20081).

Naturellement, de nombreux individus se sont intéressés au sujet, ainsi, experts, scientifiques, journalistes, hommes poli- tiques, militants associatifs… ont diffusé leur représentation de la mondialisation. La multitude des médias et la divergence des informations véhiculées concernant les ten- dances et phénomènes mondiaux ont conduit à la multiplicité de ses significa- tions. Sur la dimension purement écono- mique, les conséquences de la mondialisa- tion divergent entre deux instances : l’Organisation mondiale des entreprises soutient que les inégalités entre les riches et les pauvres ont diminué et que la mondiali- sation a contribué à ce changement (CCI2, 2003), alors que le Programme des Nations unies pour le développement a publié un Rapport mondial sur le développement

1. Les deux notions, mondialisation et globalisation seront donc employées indifféremment dans ce document.

2. Nouvelles données sur la mondialisation, la pauvreté et la répartition des revenus, Chambre de commerce inter- nationale, 2003.

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humain en 1999 stipulant que le nombre de personnes ayant un revenu inférieur ou égal à 1 dollar n’avait pas changé depuis les dix dernières années.

Face à de telles disparités de représentation de la mondialisation parmi les experts ou les médias, les représentations des managers seront probablement elles aussi très hétéro- clites. Ces disparités devraient pouvoir per- mettre de distinguer les sympathisants de la mondialisation des opposants et donc d’ap- préhender les composantes d’un mode de pensée global. Ce sera l’objet de cet article.

Pour connaître les composantes du mode de pensée global grâce à la représentation des managers ayant une attitude favorable vis- à-vis de la mondialisation, cet article suivra une facture classique avec la revue de litté- rature clarifiant les concepts de mode de pensée global, de représentations et d’atti- tude dans le domaine de la mondialisation puis l’étude empirique appréciant les com- posantes de la représentation des managers favorable à la mondialisation.

I – REVUE DE LITTÉRATURE 1. Un mode de pensée global des managers garant du succès des missions internationales

Une part importante des publications sur le thème de la globalisation est consacrée à l’analyse de la transposition de la mondiali- sation au sein des entreprises. Ces recherches traduisent principalement le phénomène d’adaptation du manager (ou de l’organisation) à la mondialisation par un mode de pensée qui le conditionne aux nou- velles contraintes d’un monde global. Ainsi, ces nombreux travaux ont donné lieu à diverses définitions du mode de pensée glo- bal (Tichy et al., 1992 ; Bartlett et Ghoshal,

1992 ; Rhinesmith, 1992, Kefalas, A. G., 1998 ; Bouquet, 2005). Nous choisissons l’approche pragmatique de Gupta et Govindarajan (2002), qui le définissent comme un mode de pensée combinant une ouverture et une conscience de la diversité des cultures et des marchés.

L’opérationnalité de ce concept est inhé- rente à sa définition puisque Gupta et Govindarajan (2002) précisent que le mana- ger doté d’un mode de pensée global pos- sède une propension et une capacité à syn- thétiser les informations issues de la diversité des cultures et des marchés. Cette compétence semble être un atout majeur pour l’entreprise possédant ce type de managers. Nummelaet al.(2004) ont étudié les facteurs de succès de l’internationalisa- tion des entreprises en Finlande : les auteurs valident, dans un premier temps, l’impact positif de déterminants (l’expé- rience du manager et le secteur d’activité de son entreprise) sur la mentalité globale des membres d’une entreprise. Puis, ils démon- trent que les entreprises dont les salariés développent une mentalité globale ont éga- lement les meilleures performances à l’in- ternational. Par ailleurs, Arora et al. (2004) démontrent l’importance que l’organisation développe une mentalité globale, et que les entreprises consacrent davantage d’énergie à la formation des managers en passe d’être affectés à des tâches internationales. Le manager doté d’un mode de pensée global a une attitude très positive vis-à-vis de la mondialisation (Arora, et al., 2004).

En outre, Bartlett et Ghoshal (1992) présen- tent les différents types de managers (busi- ness, pays et fonctionnel) qu’on retrouve dans une organisation internationale, et détaillent les rôles que ceux-ci jouent dans un contexte global. Cette décomposition sur

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trois niveaux met en exergue l’envergure du manager global, gérant l’efficacité de l’en- treprise à l’échelle mondiale, en comparai- son du manager fonctionnel, simple spécia- liste de son activité spécifique. Précisant la définition du mode de pensée des mana- gers, Kedia et Mukherji (1999) en exposent les diverses typologies, et avancent que le manager global doit intégrer les aspects du business en général, les pressions régio- nales/nationales, et les fonctions mondiales.

En d’autres termes, le manager global doit intégrer une vision multidimensionnelle de son activité au sein du contexte de la mon- dialisation. Pour mesurer ces facettes du mode de pensée global et approfondir le concept de manager global, il faudrait iden- tifier les éléments constitutifs de la mondia- lisation des managers qui y sont favorables, en d’autres termes la représentation qu’ils se font de cet objet social.

2. Les représentations sociales de la mondialisation

Les représentations sociales sont définies comme une « organisation d’opinions socialement construites relativement à un objet donné, résultant d’un ensemble de communications sociales, permettant de maîtriser l’environnement et de se l’appro- prier en fonction d’éléments symboliques propres à son ou ses groupes d’apparte- nance » (Roussiau et Bonardi, 2001, p. 19).

En d’autres termes, elles permettent d’iden- tifier la signification de la mondialisation pour nos répondants.

Quelles sont les représentations sociales de la mondialisation évoquées dans la littéra- ture ? Tout d’abord, les recherches portant sur ce sujet identifient un nombre limité de domaines associés à la mondialisation.

Humberto et Campos (2008) emploient un

outil qui leur permet de classer les termes les plus évoqués par les étudiants. On y apprend qu’à Brest, les étudiants associent avec le plus de force l’économie, le com- merce et la politique à la mondialisation. À Goiás ce sont davantage l’économie, la politique et la chute des barrières phy- siques. Les étudiants de Mexico relatent également le domaine économique comme très fortement associé à la mondialisation.

Ensuite, Viaud (2008) identifie neuf thèmes : la psychologie, la politique, les valeurs et idées, l’économie et le social, le progrès et la technique, l’information et la communica- tion, l’environnement et la santé, la culture, et une catégorie divers et incodables. Cer- tains domaines relevés par cette recherche sont inadaptés au contexte de l’entreprise, à savoir : la psychologie, étymologiquement l’étude de l’âme, ne peut pas être reliée à notre domaine d’étude puisque trop éloignée du monde de l’entreprise ; la catégorie divers et incodables qui contient des composants trop spécifiques pour être intégrés à notre objet d’étude ; enfin, les valeurs et les idées reflètent une position, donc une attitude envers l’objet social, et doivent être distin- guées des domaines composant les représen- tations des individus. Les domaines restants sont donc au nombre de six : l’économie et le social, la culture, la politique, le progrès et la technique, l’information et la communica- tion, l’environnement et la santé.

Afin de synthétiser pertinemment l’en- semble des concepts identifiés par ces articles, il est nécessaire d’employer une décomposition de la mondialisation plus adaptée à l’environnement de l’entreprise.

Gopinath (2008) propose une décomposi- tion de la mondialisation suivant cinq domaines : économique (aspects macroéco- nomiques), business (entreprises, com-

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merce), politique (gouvernements et légis- latifs), physique (environnement naturel et technologique) et social (relations inter- groupes et intragroupes). Cette segmenta- tion reflète bien l’environnement de l’entre- prise, et synthétise les résultats issus des recherches précédentes. C’est pourquoi nous adoptons dans notre recherche la dé - com position proposée par Gopinath (2008).

Le tableau 1 ci-dessous synthétise les résul- tats issus des études empiriques et théoriques.

3. L’impact des attitudes sur les

représentations envers la mondialisation Thomas et Znaniecki (1918), sont les pre- miers à parler d’attitude en psychologie sociale (Doise, 2003). Rapidement, de nombreux écrits enrichissent ses travaux, au point qu’Allport (1935), en décompte 16 définitions. De multiples interprétations perdurent, ce qui conduit à une ambigüité conceptuelle (Abelson, 1972).

Pour répondre aux besoins pragmatiques de notre recherche, nous utilisons une défini- tion opérationnelle de l’attitude. C’est pour- quoi nous choisissons l’approche de Doise (2003), qui définit l’attitude comme « Une

position spécifique que l’individu occupe sur une dimension ou plusieurs dimensions pertinentes pour l’évaluation d’une entité sociale donnée ».

Dans la littérature sur les représentations sociales, lorsqu’Abric définit une représen- tation comme « le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un indi- vidu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une significa- tion spécifique » on voit poindre le rôle des attitudes dans l’attribution « d’une signifi- cation spécifique » (Abric, 1988 p. 64).

Le lien entre les représentations et les atti- tudes a été observé sur le thème de la mon- dialisation par Viaud et al. (2007), sur un terrain composé d’étudiants. Ils ont démon- tré que les sympathisants faisaient référence dans leur discours aux avancées technolo- giques, à l’unification et à la communica- tion. Les opposants évoquaient davantage le fossé entre les riches et les pauvres, la perte de spécificité culturelle et le capitalisme.

Utilisant une méthode similaire sur un ter- rain international, Viaud (2008) trouve que les sympathisants les plus férus évoquent le progrès et un monde nouveau (Goiás). Les

Tableau 1 –Synthèse des études des représentations envers la mondialisation

Méthodes Résultats Auteurs

Les représentations sociales de la mondialisation sont composées Humberto Empirique de 4 domaines : l’économie, la politique, le commerce/business, et Campos

et les barrières physiques (2008)

Les représentations sociales de la mondialisation sont composées de 9 domaines : la psychologie, la politique, les valeurs et idées,

Empirique l’économique et le social, le progrès et la technique, l’information Viaud et la communication, l’environnement et la santé, la culture, (2008) et une catégorie divers et incodables

Proposition de décomposition de la mondialisation Gopinath Théorique

en 5 domaines : économie, business, physique, politique, social (2008)

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3. Nous notons que Viaud intègre dans sa définition du domaine économique des éléments du business.

sympathisants modérés évoquent un monde meilleur (Porto et Tunis). Les opposants sont de deux sortes : ceux qui assimilent la mon- dialisation à « l’économie de la misère » (p. 130) (Aix-en-Provence et Mexico) et ceux qui l’assimilent à « la perte de soi dans sa totalité » (p. 130) (Brest). Enfin, les indif- férents et les résignés font référence « au monde de la domination » (p. 130). De même, une étude menée par Viaud et al.

(2007) montre que les pro-mondialisations placent au centre de leurs représentations l’économie, la technologie et l’union. Les opposants identifient comme éléments cen- traux les États-Unis, la pauvreté, la domina- tion, le capitalisme, la perte d’identité, les inégalités et l’uniformisation.

Ces résultats nous permettent d’anticiper les positions des répondants par rapport à la mondialisation, en reprenant les compo- santes de la mondialisation identifiées précé- demment. Ainsi, on peut anticiper que les sympathisants sont attachés aux aspects positifs des domaines physique, écono- mique, business3 et social. L’utilisation du questionnaire proposé dans notre recherche permettra d’analyser si ces suggestions sont transposables au niveau des managers.

Il en découle les hypothèses suivantes : – H1.Les jeunes managers qui sont favo- rables à la mondialisation (donc ayant un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects physiques de la mondialisation.

H2.Les jeunes managers qui sont favo- rables à la mondialisation (donc ayant un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects économiques de la mondialisation.

H3.Les jeunes managers qui sont favo- rables à la mondialisation (donc ayant un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects business de la mondialisation.

H4.Les jeunes managers qui sont favo- rables à la mondialisation (donc ayant un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects sociaux de la mon- dialisation.

La littérature actuelle ne nous permet pas de dresser d’hypothèse sur les aspects poli- tiques de la mondialisation.

À présent, il convient de différencier avec précision les caractéristiques sociodémo- graphiques de notre échantillon, source de différenciations des représentations des individus (Doise, 1992).

Tout d’abord, Dorra (2008) montre que les conditions objectives de vie (autrement dit le milieu social) et le degré d’accès à un type de culture (lié à l’ouverture internatio- naledes répondants dans le cas des repré- sentations de la mondialisation) caractéri- sent l’accès à l’information, et donc affectent les représentations.

Par ailleurs, Doise (1982) annonce que les représentations sociales des individus sont influencées par leurs groupes d’apparte- nance professionnelle.

Troisièmement, la formation, particulière- ment influente dans la conception des représentations, de par son rôle dans l’ac- cession à l’information des sujets, a néces- sairement un impact dans l’établissement des attitudes envers la mondialisation (Hainmueller et Hiscox, 2006).

Les quatre groupes de variables précédem- ment évoqués modifient les représentations

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de la mondialisation, et jouent probablement un rôle sur le lien attitude favorable / repré- sentation, d’où l’hypothèse ci-dessous : – H5.L’ouverture internationale, le milieu social, les groupes d’appartenance profes- sionnelle et la formation ont un impact sur la relation attitude favorable / représentation.

Évidemment, les variables latentes identi- fiées ci-dessus n’impactent pas nécessaire- ment les représentations de la même manière. Aussi, lors de l’analyse des résul- tats, l’impact de la variation des variables démographiques sur le couple attitude favo- rable / représentation pourra être détaillé.

DESIGN DE LA RECHERCHE

Afin d’avoir accès à un grand échantillon, nous avons opté pour une collecte des données par questionnaire4.

Le questionnaire

Dans le questionnaire, la mesure des représentations sociales de la mondialisation se base, comme précisé dans la revue de littérature sur le modèle de Gopinath (2008). Les items mesurant les représentations couvrent les thèmes abordés dans la littérature concernant les cinq domaines précédemment identifiés. Les items mesurant l’attitude ont pour objectif de définir des questions impliquant la position du sujet en le forçant à se positionner par rapport à des composantes tangibles de la mondialisation. Les items sont codés sur une échelle de Likert allant de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord).

Les variables de contrôle reprennent, pour leur part, les quatre groupes de variables identi- fiées (l’ouverture internationale, le milieu social, les groupes d’appartenance professionnelle et la formation) auxquels nous avons rajouté l’âge et le genre.

En vue de suivre le paradigme de Churchill (1979), le questionnaire a été purifié sur un pre- mier échantillon. Les résultats du second questionnaire constituent le cœur de notre recherche.

Une analyse factorielle exploratoire a été exécutée afin de valider la dimensionnalité du questionnaire. Celle-ci montre que les dimensions du questionnaire respectent le construit.

La fiabilité du questionnaire, c’est-à-dire la capacité de ses items à converger vers un même construit, a également été calculée. Les alphas de Cronbach standardisés sont de 0,533 pour l’attitude, 0,589 pour le business, 0,623 pour l’économique, 0,633 pour le politique, 0,402 pour le physique et 0,433 pour le social.

Ces résultats respectent les préconisations de Nunnally (1967), qui suggère de différencier les critères à valider suivant les divers stades de la recherche. Ainsi, pour les premières étapes de construction d’une échelle de mesure, un score de 0,5 à 0,6 suffit.

4. Le questionnaire est disponible sur simple demande auprès des auteurs.

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Caractéristiques de l’échantillon

L’échantillon de 79 personnes utilisé dans cette recherche a été réalisé en boule de neige à partir d’un groupe de jeunes managers qui ont été invités à le diffuser à leurs collègues. Cette méthode de collecte de données présente l’intérêt d’être efficace pour contacter des répon- dants difficilement atteignables (Royer et Zarlowski, 2007 ; Jolibert et Jourdan, 2006).

Globalement, un bon niveau de normalité est observé. Ceci est dû au mode de collecte qui a permis de toucher un public varié.

L’environnement professionnel est néanmoins principalement celui de jeunes managers (86 % ont moins de 40 ans, et 69 % ont moins de 10 ans d’expérience) dans l’industrie et dans les nouvelles technologies.

La formation témoigne d’une faible variance entre les sujets : le niveau d’étude est élevé (72 % ont au moins un bac + 5), ce qui est une des caractéristiques de l’accès à la fonction d’encadrement des Français (selon l’Insee, 2008) dans la génération 1966-1967, la dernière observée, deux tiers des cadres du privé ont bac + 3 ou plus). Le champ d’études est égale- ment peu varié, puisque la majeure partie des interrogés (86 %) ont suivi des cursus en ges- tion ou dans l’ingénierie. Ce résultat n’est pas surprenant, puisque les principales formations donnant accès à des postes d’encadrement rapidement sont dans ces deux domaines.

L’ouverture internationale est assez importante (parmi les répondants, 60 % ont visité entre 4 et 10 pays, 87 % peuvent s’exprimer dans plus d’une langue, 33 % ont au moins un parent immigré). 50 % des interrogés ont vécu à l’étranger pendant plus de 2 ans, chiffre qui aug- menterait si on incluait les étudiants partant un semestre à l’étranger.

Le milieu social est élevé (77 % des revenus entre 30 et 60 k€, 74 % ont des parents qui ont fait des études).

En conclusion, les résultats sont cohérents avec le paysage des jeunes managers en France.

Traitements des données

Deux types de traitements ont été conduits sur nos données : tout d’abord, une analyse dis- criminante a permis d’identifier les représentations des répondants favorables à la mondiali- sation. Cette analyse a été utilisée dans un but descriptif. À partir de groupes connus a priori nous avons déterminé les principales différences de représentation de la mondialisation.

Trois groupes ont été constitués suivant leur niveau d’attitude. Le premier groupe est consti- tué des répondants défavorables à la mondialisation (score d’attitude inférieur à 2,5 sur une échelle de 1 à 5). Le second groupe inclut les personnes neutres (score d’attitude compris entre 2,5 et 3,5). Les individus restant sont les pro-mondialisations (score d’attitude supé- rieur à 3,5). Dans ce dernier groupe se situe la majorité de nos répondants et c’est ce groupe qui retient notre attention pour connaître les managers ayant un mode de pensée global.

Ensuite, des tableaux croisés ont été utilisés pour déterminer l’influence des variables socio- démographiques sur les représentations des individus favorables. La significativité de la rela- tion a été vérifiée à l’aide du test du Chi² de Pearson connu pour sa robustesse.

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Figure 1 –Relation entre les axes de l’analyse discriminante et les domaines des représentations

II – RÉSULTATS ET DISCUSSION 1. Résultats

Afin de connaître les composantes du mode de pensée global, nous allons identifier les représentations des répondants favorables à la mondialisation.

La moyenne du score d’attitude, sur l’en- semble de l’échantillon, est de 3,6 sur une échelle de 1 à 5. Ce score, supérieur à la moyenne arithmétique, traduit un échantillon favorable à la mondialisation. 68 % de notre échantillon appartient d’ailleurs au groupe des individus favorables à la mondialisation.

C’est la représentation de ce groupe pro- mondialisation qui doit être étudiée pour comprendre leur mode de pensée global.

L’analyse discriminante permet de différen- cier des groupes d’individus au vu des domaines des représentations de la mondia- lisation. Rappelons que les trois groupes ont été érigés en fonction de leur niveau

d’attitude vis-à-vis de la mondialisation.

Seul le groupe favorable à la mondialisation est utile à notre objet.

Avant de procéder à l’analyse discrimi- nante, une série de vérifications doit être conduite afin de garantir que les données sont conformes aux conditions requises.

Ainsi, nous avons vérifié la non-colinéarité des variables, la proximité des variances des différents groupes et la normalité des variables. Par souci de non-dispersion du lecteur, nous avons volontairement omis les tableaux, qui sont disponibles sur simple demande aux auteurs.

La carte de la figure ci-dessous positionne les domaines des représentations des jeunes managers sur les axes identifiés par l’analyse discriminante.

L’axe 1 traduit 92,2 % de la variance expli- quée, il est donc très pertinent pour la dis- crimination des groupes. L’axe 2, avec uni-

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quement 7,8 % de variance expliquée apporte peu de compléments d’information.

C’est donc l’axe 1 qui doit être privilégié pour l’interprétation des résultats. Ce pre- mier axe est formé par les domaines du business, du social et de l’économie, comme nous le montre le tableau des corré- lations globales entre les axes et les variables initiales ci-dessous.

Le schéma de la figure 2 ci-après présente les barycentres des trois groupes d’attitude sur ces axes discriminants.

Nous constatons grâce à l’analyse des bary- centres que le premier axe permet convena- blement d’isoler les individus ayant une atti- tude pro-mondialisation (groupe 3) des autres individus (groupe 1 et 2). Nous retrou- vons dans ce schéma ce que nous pressen- tions lors de l’analyse de la proportion de la variance expliquée. Le premier axe suffit pour discriminer le groupe des pro-mondia- lisations qui nous intéresse. Le second axe n’amène que très peu de compléments d’in- formations pour notre objet d’étude.

Tableau 2 –Corrélations variables/facteurs

F1 F2

Score business 0,823 –0,014

Score économique 0,466 –0,253

Score politique 0,440 0,567

Score physique –0,028 0,575

Score social 0,578 –0,147

Figure 2 –Barycentres des groupes d’individus positionnés sur les axes de l’analyse discriminante

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Le barycentre du groupe des pro-mondiali- sations est situé sur l’axe 1. Les membres de ce groupe évaluent plus fortement les domaines qui constituent cet axe, à savoir le business, le social et l’économie, comme le montre le tableau 3.

Les résultats de l’analyse discriminante montrent que l’attitude favorable envers la mondialisation est expliquée par un fort score du business du social et de l’écono- mique (hypothèse 1 rejetée, hypothèses 2, 3 et 4 acceptées) essentiellement. Les diffé- rences entre les deux axes sont significa- tives. Ce point est validé par le test du lambda de Wilks mesurant les différences

de vecteurs moyens (caractéristiques des groupes), comme le montre le tableau 4.

On peut ensuite affiner ces résultats en jouant sur les diverses variables démogra- phiques qui différencient les répondants. La répartition des individus au sein des trois groupes ne permet pas de mener nos cal- culs : le groupe des opposants étant trop petit pour les tableaux croisés. C’est pour- quoi nous revenons à un codage de l’atti- tude en binaire, distinguant les individus pro-mondialisation des autres. Les variables démographiques sont également codées en binaires (seules les variables dont la distri- bution permet un tel découpage seront

Tableau 3 –Moyennes par classe

Classe\Variable Score business Score économique Score politique Score physique Score social

1 3,524 2,690 3,621 2,286 3,429

2 3,549 2,824 3,426 2,037 3,490

3 3,975 3,145 3,754 2,090 3,784

Tableau 4 –Test du lambda de Wilks (approximation de Rao)

Interprétation du test :

H0 : les vecteurs moyens des 3 classes sont égaux. Ha : au moins l’un des vecteurs moyens est différent d’un autre.

Étant donné que la p-value calculée est inférieure au niveau de signification alpha=0,05, on doit rejeter l’hypothèse nulle H0, et retenir l’hypothèse alternative Ha. Le risque de rejeter l’hypothèse nulle H0 alors qu’elle est vraie est inférieur à 4,15 %.

Lambda 0,774

F (Valeur observée) 1,963 F (Valeur critique) 1,897

DDL1 10

DDL2 144

p-value 0,041

alpha 0,05

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observées). La relation entre les scores d’at- titudes et les scores de représentations est alors examinée pour chaque catégorie. Pour mieux comprendre les résultats, le cas du rôle de l’expérience est détaillé ci-dessous.

Les autres variables démographiques seront regroupées dans le tableau récapitulatif à la fin de cette partie.

Impact de l’expérience sur la relation représentation / attitude

Le tableau 5 est obtenu en ne sélectionnant que les sujets ayant une expérience impor- tante. Dans ce cas, ce sont le business, l’économie et le social qui expliquent les positions envers la mondialisation. Notons que le business croît avec l’attitude. Pour le social, seul un faible score dans ce domaine explique une opinion défavorable envers la mondialisation.

Lorsque l’expérience est plus faible, aucune relation n’est observée, ce qui suggère que

les représentations de la mondialisation sont principalement construites dans un contexte professionnel. En outre, une des raisons prin- cipales pourrait venir du fait que les jeunes managers mesurent l’impact de la mondiali- sation lors de leurs expériences interna- tionales en entreprise. Ce point est d’ailleurs vérifié lorsqu’on sépare l’échantillon entre les personnes ayant beaucoup voyagé à l’in- ternational et les autres, puisqu’on trouve, pour les premiers une attitude plus fortement liée au business (χ² = 12 au seuil de 0,05), au politique (χ² = 7 au seuil de 0,05) et au social χ² = 3 au seuil de 0,06) et pour les seconds, leur attitude est liée au business (χ² = 6 au seuil de 0,05) au politique uniquement (χ² = 6 au seuil de 0,05).

Impact des variables démographiques sur la relation représentation / attitude Le tableau 6 permet de conclure qu’il existe bien un lien entre les variables démogra-

Tableau 5 –Lien représentation / attitude ; expérience élevée

Attitude

0 1 Valeur du χ²

0 7 19

Économie

1 14 10

χ² = 5 au seuil de 0,05

0 16 5

Business

1 5 24

χ² = 17 au seuil de 0,05

0 15 12

Politique

1 6 17

χ² = 4 au seuil de 0,05

0 12 16

Physique

1 9 13 Non significatif

0 17 15

Social

1 4 14

χ² = 4 au seuil de 0,05

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phiques et la relation représentation / atti- tude (validation de H5).

Il permet également de constater que lorsque les niveaux d’une variable démographique

sont faibles, l’attitude envers la mondialisa- tion est faiblement liée aux représentations, ce qui signifie qu’un profil ayant un bon niveau dans les quatre variables latentes Tableau 6 –Lien représentation / attitude en fonction des variables démographiques

Économie Business Politique Physique Social Âge faible

Âge élevé χ² = 13 χ² = 5

Position

hiérarchique faible χ² = 4

Position χ² = 3 au seuil

hiérarchique élevée χ² = 10

de 0,058 Taille de

l’entreprise faible

Taille de χ² = 3 au seuil

l’entreprise élevée χ² = 8

de 0,051 χ² = 3 au seuil

Niveau d’étude faible χ² = 7

de 0,056

Niveau d’étude élevé χ² = 4 χ² = 4

Champ d’études

ingénieur χ² = 4

Champ d’étude

business/gestion χ² = 4 χ² = 7 χ² = 9

Nombre de pays

visité faible χ² = 6 χ² = 6

Nombre de pays χ² = 3 au seuil

visité élevé χ² = 12 χ² = 7

de 0,06 Nombre de langues

parlées faible χ² = 4

Nombre de langues

parlées élevé χ² = 7 χ² = 4 χ² = 5

Formation des

parents faible χ² = 11 Formation des

parents élevée χ² = 11 χ² = 5 χ² = 7

Note : les valeurs deχ² sont notées lorsqu’elles sont significatives au seuil de 5 %.

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(l’ouverture internationale, le milieu social, les groupes d’appartenance professionnelle et la formation) se représente la mondialisa- tion par davantage de domaines, et donc appréhende mieux sa constitution. L’ana- lyse de la relation variable démographique/

attitude est à noter pour évaluer l’adéqua- tion d’un profil à des missions interna- tionales. En effet, un manager présentant les caractéristiques requises par les variables démographiques sera favorable à la mondialisation, aura donc un mode de pensée global ce qui influencera son com- portement (Kraus, 1995).

Le tableau ci-dessous récapitule l’état des hypothèses.

2. Discussion

En amont des hypothèses testées, le premier résultat concerne la différence de représen- tation des individus pro-mondialisations.

Ceci valide implicitement l’existence d’un mode de pensée global. En effet, les indivi-

dus qui ont une attitude favorable à la mon- dialisation se représentent différemment celle-ci. Ces différences sont d’autant plus marquantes qu’elles n’existent pas entre les opposants à la mondialisation et les neutres.

Comme Tafani (1997) et Doise et Palmonari (1986) l’ont montré sur d’autres populations, nous trouvons que les indi- vidus ayant des attitudes favorables face à un objet ont des représentations différentes.

Plus précisément, dans notre échantillon, le mode de pensée global est constitué par un fort score dans les domaines du business, du social et de l’économique.

En ce qui concerne le business, ce sont donc les bénéfices en termes d’opportunités d’affaires qui sont espérés par les managers

« gobal mindset ». Ceci est cohérent avec la vision du manager global de Perlmutter (1969) pour lequel les bonnes idées vien- nent de partout dans le monde. Le manager global est capable de percevoir les opportu- nités au niveau mondial comme le souli-

Tableau 7 –Validation des hypothèses

Les jeunes managers qui sont favorables à la mondialisation (donc ayant

H1 un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects Non validée physiques de la mondialisation.

Les jeunes managers qui sont favorables à la mondialisation (donc ayant

H2 un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects Validée économiques de la mondialisation.

Les jeunes managers qui sont favorables à la mondialisation (donc ayant

H3 un mode de pensée global) ont une opinion favorablesur les aspects Validée business de la mondialisation.

Les jeunes managers qui sont favorables à la mondialisation (donc ayant

H4 un mode de pensée global) ont une opinion favorable sur les aspects Validée sociaux de la mondialisation.

L’ouverture internationale, le milieu social, les groupes d’appartenance

H5 professionnelle et la formation ont un impact sur la relation attitude Validée favorable / représentation

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gnait dès 2000 Jeannet (Jeannet, 2000).

Cette dimension est la plus significative dans notre recherche et c’est aussi celle qui, au niveau théorique, a été la plus souvent mentionnée.

Le deuxième domaine fortement pondéré par les individus pro-mondialisation concerne le domaine social. Celui-ci a aussi été observé dans la littérature sur la pensée globale en ce qui concerne sa dimension diversité cul- turelle (Gupta et Govindarajan, 2002).

Son acceptation semblant être une des caractéristiques du manager global (Srinivas, 1995). En revanche, l’aspect social a aussi une dimension constitution d’un réseau de contacts très présente parmi nos managers pro-mondialisation et qui est moins explorée dans la littérature. Pourtant cette aptitude du manager global de notre échantillon mérite d’être soulignée car elle porte en elle de nombreuses opportunités de développement.

Le troisième domaine prégnant pour le manager pro-mondialisation de notre échantillon est l’économique. Si le mode de pensée global offre une nouvelle vision des affaires, elle offre également une vision plus englobante au niveau macro-écono- mique. Si cette dimension ne se traduit pas directement par des contacts ou des oppor- tunités sources de développement, elle per- met néanmoins au manager de comprendre le monde dans lequel il évolue et donc de percevoir les avantages ou les risques éven- tuels de telle ou telle économie.

Ensuite, il est intéressant de noter que le lien entre l’attitude favorable et les représenta- tions varie suivant les différents détermi- nants qui évaluent l’insertion sociale (posi- tion hiérarchique, niveau d’étude des parents). Par exemple, lorsque la position hiérarchique est faible, une perception forte

du politique est associée avec un niveau d’attitude élevé. A contrario, lorsque la position hiérarchique est élevée, une percep- tion forte du business est associée avec un niveau d’attitude élevé. Ces résultats vont dans le sens de la publication de Dorra (2008) qui identifie des différences de représentations suivant l’insertion sociale, ou de ceux de Scheve et Slaughter (2001), qui ont également remarqué des différences d’attitudes selon les classes sociales, en comparant deux échantillons de travailleurs à faible et haut niveau de formation. Les résultats exposés sont également cohérents avec ceux de Peng et Shin (2008) qui met- tent en évidence une forte influence du champ de formation des futurs managers sur leur attitude vis-à-vis de la mondialisation.

En l’occurrence, dans notre étude, les anciens étudiants en business associent plus de domaines composant la mondialisation (business économie et social) que ceux en ingénierie (business et politique). Il est inté- ressant de constater que le champ de forma- tion continue à avoir un impact sur les repré- sentations des managers en activité, au moins pour les premières années d’exercice.

Certains résultats sont en désaccord avec la littérature existante : étant donné le con- texte de crise actuel, nous nous attendions à ce que l’attitude des travailleurs envers la mondialisation soit défavorable comme l’auraient prédit Scheve et Slaughter (2001). Les auteurs ont trouvé que l’attitude était intimement connectée à la mauvaise santé du marché du travail, mais nos résul- tats montrent une attitude globalement favorable (score moyen de l’attitude supérieur à la moyenne arithmétique), donc ne corroborent pas cette thèse. Les carac- téristiques du terrain exploité par Scheve et Slaughter sont sensiblement différentes de

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celles de notre étude : les auteurs se concentrent sur le peuple américain, et sur l’ensemble des travailleurs. Premièrement, la différence de pays d’origine traduit nécessairement une différence d’attitude.

La crise actuelle a débuté aux États-Unis, pays bien plus touché par les conséquences de la crise que la France, ce qui explique partiellement le niveau d’attitude relative- ment élevé. Ensuite, l’étude de Scheve et Slaughter touche l’ensemble des tra- vailleurs, y compris les petits emplois, qui sont, bien entendu, les premières victimes de la crise. Enfin, la variation de niveau d’attitude avant - après la crise n’a pas pu être vérifiée dans cette recherche, car il s’agit d’une coupe instantanée. Les résul- tats sont donc naturellement différents entre les travailleurs américains et les jeunes managers français.

Un des éléments fondateurs de notre recherche est de proposer une décomposi- tion de la mondialisation suivant les domaines du business, de l’économie, de la politique, du physique et du social. Cette décomposition est présentée comme très intéressante pour diagnostiquer les pro- blèmes liés à la mondialisation. Dans notre étude sur le groupe social des managers pro-mondialisation, nous nous serions attendus à ce que l’ensemble des domaines joue un rôle. D’autant plus que Viaud (2008), enquêtant sur des répondants actifs exerçant à l’international, avait trouvé que leurs positions étaient liées à neuf thèmes, dont les cinq plus pertinents au regard de notre recherche étaient utilisés pour notre étude. Or, notre échantillon ne pondère fortement que certains thèmes. Les jeunes managers pro-mondialisation interrogés ont surpondéré les domaines qui les touchent en premier chef, à savoir, le domaine du

business, du social et de l’économique.

Ceci laisse suggérer que les représentations de la mondialisation sont essentiellement construites dans un contexte professionnel (ce qui expliquerait que pour des managers ayant le moins d’expérience, aucun lien sig- nificatif ne soit trouvé). De fait, ce sont les domaines affectant directement le business qui sont mis en avant.

L’analyse des résultats confirme le lien entre les attitudes et les représentations des jeunes managers envers la mondialisation.

Cette démonstration, bien que déjà prouvée dans la littérature sur un terrain composé d’étudiants (Tafani, 1997 ; Doise et Palmonari, 1986), n’avait encore jamais été démontrée sur le terrain des jeunes man- agers. Résultat d’autant plus notable que les perceptions des sujets de l’importance de certains domaines sont maintenant asso- ciées à leurs opinions. Nous savons à présent que les domaines qui déterminent le plus les positions favorables des jeunes managers français envers la mondialisation sont le business, le social et l’économique.

Comme l’a démontré Flament (2003), une dépêche contraire aux représentations des individus contribue à la transformation de cette dernière, et donc influe sur leurs atti- tudes. Ainsi, la diffusion, auprès de mana- gers, d’informations positives sur le busi- ness, le social et l’économique, conduira à rendre leur attitude vis-à-vis de la mondial- isation plus favorable.

En outre, nous pouvons prolonger les résul- tats d’Hainmueller et Hiscox (2006) qui analysent l’impact de l’éducation sur les atti- tudes envers la mondialisation. Ils notent que les personnes ayant suivi une formation en économie pendant leurs études perçoivent favorablement la mondialisation. Nos résul- tats ne traduisent pas une différence du

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niveau de l’attitude dans l’absolu, mais une différence dans les déterminants de l’atti- tude. Ainsi, nous notons des différences dans le contenu des domaines associés aux niveaux de l’attitude : pour un individu ayant suivi un cursus dans le domaine du business, une attitude favorable est associée avec une notation élevée du business, de l’économie et du social, alors que pour un individu formé à l’ingénierie, il s’agit du business et du politique. Il n’est pas surprenant de retrouver le lien attitude favorable / score business élevé sur une population constituée de managers sensibles aux problématiques de la place de l’entreprise au sein de la mon- dialisation. Un étudiant ayant suivi un cursus dans le business est plus sensibilisé à la mon- dialisation, donc en a une vision plus com- plète, a contrarioun étudiant ingénieur a une vision formée par les médias.

Au niveau des apports managériaux, cette recherche vient enrichir la littérature sur le mode de pensée global des managers. En décrivant précisément son mode de pensée, elle permettra d’améliorer le recrutement des managers en passe de prendre des res- ponsabilités internationales : seuls les managers décrivant la mondialisation comme le font les managers globaux seront sélectionnés. Ces résultats sont d’autant plus intéressants que la mentalité globale est directement liée au succès des missions d’internationalisation (Arora et al., 2004 ; Nummelaet al., 2004).

Un autre résultat notable est qu’un profil ayant un niveau élevé dans les quatre vari- ables latentes (l’ouverture internationale, le milieu social, les groupes d’appartenance professionnelle et la formation), identifie mieux les domaines qui composent la mon- dialisation. En effet, un tel profil associe un niveau élevé d’attitude à un score élevé

dans les domaines du business, de l’é- conomie, du politique et du social. Ainsi, le choix de sélectionner un manager (pour des missions internationales) présentant les caractéristiques requises par les variables démographiques paraît judicieux.

Ces conclusions peuvent également être intéressantes pour les institutions telles que les CCI qui souhaitent promouvoir la crois- sance des entreprises à l’international. En effet, en préambule à cette promotion, un travail de sensibilisation à la mondialisation semble nécessaire au regard des éléments soulevés par cette recherche. Comme nous l’avons vu précédemment, certaines dimen- sions expliquent plus fortement l’attitude favorable vis-à-vis de la mondialisation.

Ainsi, une campagne visant un tel objet doit être menée prioritairement suivant les dimensions business, social et économique.

CONCLUSION

En premier lieu, un soin particulier a été apporté à expliciter le cadre conceptuel de cette recherche, étape nécessaire pour com- prendre les mécanismes de formation des représentations et des attitudes vis-à-vis de la mondialisation. Ce savoir fournit également les bases des thèmes à aborder dans la partie empirique, ainsi que les déterminants à étu- dier pour distinguer les groupes d’individus.

Un des apports majeurs de cette recherche réside dans la réalisation d’un questionnaire sur les attitudes et les représentations des managers envers la mondialisation. Celui-ci permet d’apprécier le mode de pensée global et donc les fondements des décisions prises à l’international (Michit, 1995 ; Abric, 1994 ; Moliner, 2002, etc.) pour comprendre le suc- cès des missions d’internationalisation (Nummelaet al., 2004).

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Le choix de se focaliser sur les jeunes managers est justifié par leur forte présence à l’international. En effet, ces derniers, non encore établis dans une vie privée leur inter- disant de trop nombreux déplacements, sont des éléments clés de l’activité internatio- nale des entreprises.

L’exploitation des résultats issus de ce ques- tionnaire sur un échantillon de jeunes mana- gers a permis d’identifier que les représen- tations des pro-mondialisation étaient liées aux domaines économie, business et social.

En outre, l’impact de certaines variables démographiques (l’ouverture internationale, le milieu social, les groupes d’appartenance professionnelle et la formation) sur ce lien a également été présenté.

Étudier les prises de position vis-à-vis de la globalisation en contexte de crise semble judicieux. En effet, les études sur la mon- dialisation montrent une faible évolution

des tendances en période de croissance positive (Dorra, 2008 ; Poeschl, 2008), mais, en contexte de crise, Scheve et Slaughter (2001) ont montré que les repré- sentations évoluent. En outre, jusqu’ici, il a été observé que l’image de la mondialisa- tion s’améliore avec les années (Ribeiro et Poeschl, 2008), cependant, la période actuelle induit de multiples échos négatifs envers les conséquences malheureuses de la mondialisation. Les médias, relayant ces informations, altèrent les opinions sur notre objet (Ribeiro et Poeschl, 2008).

Sous peine de voir ses managers dénigrer de plus en plus la mondialisation et le mode de pensée global et donc les missions d’internationalisation, les entreprises ont intérêt à diffuser des formations positives sur l’expansion internationale visant à contrebalancer l’impact des médias sur leurs managers.

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