M ARC B ARBUT
Médianes, Condorcet et Kendall
Mathématiques et sciences humaines, tome 69 (1980), p. 5-13
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MEDIANES,
CONDORCET ET KENDALLMarc
BARBUT*
Au début des années
60, je rédigeai
deux notesinternes ; l’une, très brève,
intitulée
"Médianes,
Condorcet etKendall" ; l’autre, plus volumineuse, intitulée "Médiane, distributivité, éloignements".
Ces deux notes furent
fréquemment utilisées
etcitées dçpuis,de
sorte que leurpublication
semblasouhaitable ; la première paraît
doncaujourd’hui ;
laseconde, allégée
parrapport
à sa versionprimitive,
sera incluse dans unprochain
numéro de"Mathématiques
et Scienceshumaines".
La
présente
note a sonorigine
dans lesproblèmes d’agrégation de préférences (exprimées
dans des votes, ou résultant dechoix
àcritères
multiples).
Ils’agissait
de mettre enévidence quelques propriétés remarquables
de la
procédure
dite de Condorcet pour cetteagrégation. C’est pourquoi on
ytraite
depréordres (partiels
outotaux) :
ceux -ci sont sensésreprésenter
lespréférences.
En
fait,
ils’agit
depropriétés
dutreillis
desparties d’un
ensemblefini,
muni de lamétrique
de la différencesymétrique (entre parties) ;
lefait qu’on
lesapplique
à despréordres (i.e.,
desrelations binaires transitives) n’a
aucuneconséquence
sur lesrésultats ;
de sorte quel’on peut partout,
dansce
qui suit, remplacer
le mot"préordre"
par le mot"relation binaire",
ou lemot
"partie
d’un ensembledonné".
Etc’est d’ailleurs
à lagénéralisation
de cespropriétés (du
treillis desparties
d’unensemble)
à la classe destreillis distributifs qu’est
consacrée la seconde note.*Centre de
Mathématique Sociale,
Ecole des Hautes Etudes enSciences Sociales,
Paris.
1. DISTANCE-K ENTRE PREORDRES COMPLETS - DISTANCE DE DEUX GRAPHES.
Si X
et Y sont deuxparties d’un
ensemble Efini,
on pose :d(X,Y) = IXAYI I
= Cardinal de la différencesymétrique.
Si E = A x
A,
X et Y sont deux relations(graphes)
surA, d(X,Y)
est le nombre descouples (u,v)
E E tels que :(u
X v et non-u Yv)
ou(non-u
X v et u Yv).
Si X et Y sont deux
préordres complets
surA, d(X,Y)
est le nombre de désaccords(discordances)
entre ces deuxpréordres : c’est leur distance-K (de
M.G.Kendall).
Chaque paire {u,v}
telle que :compte
pour 2 dans le calcul de d.Chaque paire fu,vl
telle que :ou compte pour 1.
2. RELATION
(GRAPHE
A DISTANCE-K MINIMUM DE n PREORDRES COMPLETS DISTINCTS :C’EST
LA RELATION DE CONDORCET DE CES PREORDRES.a) Soient
npréordres
sur un ensemble Afini
donnés par leursgraphes
XI,X2,...,Xn dans
E = A x A.J’appelle relation
de Condorcet de cespréordres
larelation C (Xilex 2 9 " *’» "xn)
sur A définie par :
i.e. : u est avant v pour une
majorité
de ces npréordres.
On a évidemment
si n - 2p+1
oun = 2p
C’est, lorsque
n estimpair, l’ensemble médian
deX1,X2,...,Xn ; lorsque
n estpair, c’est
la borne inférieure del’intervalle médian
deXI,X2,...,Xn .
Exemples :
(intervalle
médian :b)
Posonsd’une façon générale :
Yk
est la relation : au moins k despréordres Xi
mettent u avant v.Selon le contexte, ce
peut être la"majorité
desk~n",
ou lepremier quantile
k~n,
parexemple.
c)
Soit T unepartie quelconque
de E. On a :Montrons le par récurrence.
La
propriété
est évidente pour n = 2 :Pour tout
Soit
parsommation :
d)
D’où résulteimmédiatement :
n
La somme
1. ,d(T,X.)
est rendue minimumlorsque
T estégale
à la relation dei=1 1
Condorcet
C
associée aux X .(Parmi
les T rendant cette sommeminimum,
il y aC.)
n
En
effet,
il faut et il suffit de rendre minimumd(T,Y.)
et les Y. forment.11
1une
chaîne d’inclusions. Y d(T,Y.)
estnécessairement
diminué en rendant vides les1
deux
parties hachurées,sur
lafiguré (1) ci-contre, c’est-à-dire
en choisissant T telle que :Figure
1Puis on recommence sur
Y2
etY n-1 ,,
etc.On obtient bien la médiance
(ou
l’intervallemédian)
desY.,
ii.e.,
desXi.
1N.B. On notera
l’analogie
de la dernièrepartie
de ce
raisonnement
avec celuiqui
montre que lamédiane
(ou l’intervalle médian) d’une suite
depoints x1,x2,...,xn sur
une droite rend minimumla somme
n
3. CAS DE PREORDRES ADMETTANT DES ORDRES DE MULTIPLICITE Soient encore
X1,X2,...,Xn,
npréordres complets ayant
pour ordres demultiplicité
ou"poids" respectivement.
Selon les
contextes,
il pourras’agir
du nombre de voix(parmi
p =P1+P2+...+Pn
votants) qui
se serontportées
surchaque préordre ;
oud’une
valuationpositive
attribuée
à chacun despréordres ;
oud’une distribution
defréquences
sur cespréordres ;
etc.Ce
qui
suit ne suppose que lapositivité
desp..
1J’appelle
relation de CondorcetC
de cespréordres "pondérés"
la relationdéfinie par :
i.e.,
u est avant v pour unemajorité simple
depréordres,
chacun étantcompté
avec son ordre de
multiplicité.
On a alors le
même
résultat que supra en2,
à savoir :d(T,X.)
1 atteint son minimumlorsque
T =C.
Nous allons le montrer par un raisonnement différent de celui du
paragraphe précédent, qui
utilisait leschaines d’inclusions.
Ce raisonnement estplus général
car il estapplicable
au casparticulier
où :qui
est celui duparagraphe
2 supra.XI,X2,...,Xn déterminent
dans lesparties
de E unsimplexe
-n dont les élémentssont les
2n
classesX 1 :
·où l’on a
posé :
Chaque
classeXI
est divisée par T en deuxparties complémentaires
dansDans le calcul de :
f(T) = p. d(T,X.), chaque couple (u,v)
appartenant ài 1
CI intervient
avec lepoids :
poids parties C~,
pourqui PI
et
Ci
pour cequi
est dePI"
avecOn
minimise
doncf(T)
enchoisissant
T defaçon
quechaque
classe X seréduise
à la
partie CI9 si pI> p,,
et à lapartie C’
dans le cas contraire. En cas.
d’égalité,
la coupure est arbitraire.Remarque :
La
propriété
énoncée pour desparties d’ensembles pondérées
:leur relation deCondorcet minimise la somme des distances
pondérées,
ne fait quegénéraliser
la
propriété
connue de la médianed’une distribution
de nombresx,,x 29 ... e xn
pondérés
par despoids P1,P2,...,Pn.
Dans ce calcul
de
lamédiane, chaque
nombrexi
doitêtre compté
commepi
ex-aequo avec la note
x. ;
111 la médiane ainsi calculéeminimise 2 p. lxi-ti -
i ’ .4. PREORDRES PONDERES ET RELATION PONDEREE LA PLUS PROCW
La relation de Condorcet définie supra est, pour un ensemble de n
préordres pondérés
parpl,p2’ " .,pn,
la relationqui
minimise la somme des distances auxpréordres (pondérés) correspondant
à cespréordres.
On
peut
vouloir rechercher une relationT, elle-même pondérée
par uncoefficient
t, qui
soit à distance minimum des npréordres.
Onprendra
alors naturellementcomme définition de la distance entre T et un
préordre Xi (avec
lesmêmes notations
que
précédemment) :
Et on minimise
Intuitivement,
tpeut être interprété
comme unpoids
moyen(un
nombre devoix
moyen)
attribué à la relation Tqui
estsupposée
résumerl’ensemble
des npréordres pondérés ;
t devra doncêtre pris
du même ordre degrandeur
que cespoids.
Traitons deux cas
particuliers intéressants :
On a :
Dans
chaque
classeXI9
définie comme supra auparagraphe 3,
lescouples (u,v)
appartenant
àCI
interviennent dans le calcul deF(T)
avec lepoids :
désignent respectivement
le nombre d’élémentsCeux de
CÎ
avec lepoids pI.
F(T)
est doncminimisée
en réduisantCI à 0
si11’1
>III
et à I siIII
>II’ 1
; en casd’égalité,
la coupure est arbitraire.La relation T ainsi obtenue est donc la
relation
de Condorcet depondérés :
la médiane de2)
t > maxp.
. 1
i
Les éléments de
Xin
Tcomptent
alors pour lepoids
nt -pili
ceux deX n T’
pour le
poids pI*
on
prend
on
prend
Autrement
dit,
T est la relation obtenue engardant
tous lescouples (u,v)
tels que u est
préféré
à v par unemajorité nt
au moins des votants ;comme max
p.
i> p ,
n , cettemajorité
estsupérieure
à lamajorité simple E2 .
21
5. UNANIMITES
EQUIVALENTES
A n PREORDRES PONDERESOn considère maintenant la relation X valuée suivante déduite des n
préordres
par
pl,p2’...’pn :
X estvaluée, chaque
arc(u,v)
étantvalué par la somme des
p.
i tels que(u,v)
E X..1Autrement
dit,
la valuation est constante dans chacune des2n
classesX I
définiesen
3,
et vautpI
dans cette classeXI.
Soit T une relation valuée par t
(tous
les arcs sont valués par t ou0) :
onpeut l’interpréter
comme unerelation d’unan2m2té
pour t votants(ou
tcritères),
chacun
compté
à son ordre demultiplicité .
on minimise la somme en
prenant
onCe
qui revient
àprendre
pour Tl’union
des classes X telles que p >t
.i i
«i
*relation de Condorcet de
pondérés.
T
comprend
tous les arcsqui
ont unemajorité supérieure
àt i
dessuffrages.
Par
exemple,
si t =1,8
x p,c’est
lamajorité
90%.Pour
Une
interprétation
de T est la suivante : la relation Xanalyse
le résultatdes
comparaisons
parpaires
selon les npréordres (fournis
parexemple
par n votants, ou ncritères
dechoix) pondérés.
T est une relationréalisant,
surtous les
couples
luiappartenant,
l’unanimité de t votants(critères),
etqui
soit la
plus proche de
X. Il est donc naturel deprendre
ici t del’ordre
degrandeur
de p.La cas
particulier
t = ps’interprète
alorsainsi : j’ai
p votantsrépartis
sur n
préordres X1,X2,...,Xn ;
si ces votants avaient étéunanimes,
leur voteaurait donné la relation de Condorcet.
Les cas t > p
permettent
d’avoir des seuils demajorité supérieurs
à1/2 ;
untel seuil
correspond
à une unanimité deplus
de votantsqu’il n’y en
aeffectivement.
b)
Sil’on
pose :(métrique
de la convergenceuniforme),
les résultats sontanalogues ; c’est
encore à
t/2
que se fait la coupurequi définit
larelation
T.BIBLIOGRAPHIE