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L’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain. Une lecture des logiques agricoles à partir du cas de Billom-Saint-Dier (Auvergne)

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224 | 2012

Agriculture paysanne, circuits courts, territoires périurbains

L’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain

Une lecture des logiques agricoles à partir du cas de Billom-Saint-Dier (Auvergne)

How do farmers adapt to periurban context? Agricultural rationales at Billom- Saint-Dier (Auvergne – France)

Marie Houdart, Salma Loudiyi et Alain Gueringer

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/norois/4265 DOI : 10.4000/norois.4265

ISBN : 978-2-7535-2157-5 ISSN : 1760-8546 Éditeur

Presses universitaires de Rennes Édition imprimée

Date de publication : 30 septembre 2012 Pagination : 35-48

ISBN : 978-2-7535-2155-1 ISSN : 0029-182X Référence électronique

Marie Houdart, Salma Loudiyi et Alain Gueringer, « L’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain », Norois [En ligne], 224 | 2012, mis en ligne le 30 septembre 2014, consulté le 13 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/norois/4265 ; DOI : https://doi.org/10.4000/norois.4265

© Tous droits réservés

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* Auteur correspondant

a IRSTEA – UMR 1273 Métafort, BP 500085 – 63172 A ubière cedex (marie.houdart@irsteacemagref.fr) ( alain.

gueringer@irsteacemagref.fr)

b PRES Clermont – VetAgro Sup – UMR 1273 Métafort, 89, Avenue de l’Europe, BP 35 – 63370 L empdes (salma.

loudiyi@vetagro-sup.fr)

Revue en ligne : http://norois.revues.org www.pur-editions.fr

L’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain Une lecture des logiques agricoles à partir

du cas de Billom-Saint-Dier (Auvergne)

How do Farmers Adapt to Periurban Context?

Agricultural Rationales at Billom-Saint-Dier (Auvergne – France)

Marie H oudart

a

*, Salma L oudiyi

a

, Alain G ueringer

b

Introduction

L’accroissement démographique des territoires périurbains témoigne de leur attractivité depuis le milieu des années 1960 en France. Plus récem-

ment, la croissance endogène des périphéries urbaines succède aux processus de desserre- ment résidentiel (Cailly, 2010). Plusieurs travaux ont identifié les implications des processus de périurbanisation sur la redéfi nition des fonctions

Résumé : L’article traite des logiques d’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain. L’analyse est menée sur un territoire situé à l’est de l’agglomération clermontoise (9 communes de la communauté de communes de Billom-Saint-Dier). L’adaptation des agriculteurs est saisie à partir des composantes productive et commerciale, de la diversifi cation des activités et des logiques de gestion du foncier. Les résultats montrent que les signaux d’adaptation sont faibles en ce qui concerne les composantes productives et les modalités de gestion du foncier. Les logiques d’adaptation s’expriment un peu plus à travers la composante commerciale. La faiblesse des signaux d’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain interroge leur capacité d’intégration dans les dynamiques collectives et institutionnelles mettant en lien ville et agriculture dans la zone étudiée.

Abstract: The aim of the present study is to assess the individual and collective adaptation of farmers in rural-urban fringes. The case study has been led on a peripheral area of the city of Clermont-Ferrand (centre of France in the Massif Central). The analysis focuses on production, marketing, diversifi cation of the activities and logics of land’s management. The results revealed some weak signals of adaptation. This questions the capacity of farmers to integrate collective and institutional dynamics led by periurban transformations.

Mots clés : Périurbain – agriculture – adaptation – Billom-Saint-Dier Keywords: Rural-urban fringes – agriculture – adaptation – Billom-Saint-Dier

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associées à ces espaces ruraux en périphérie des villes (Bryant et Johnston, 1992). Ils ne sont plus simplement des espaces productifs et agricoles, ils sont le support à la fois de fonctions résiden- tielles, récréatives et environnementales. Malgré la vigueur de l’étalement résidentiel dans certaines régions, les espaces agricoles et naturels restent dominants dans le paysage et constituent un enjeu de taille dans le processus de périurbanisation. La volonté de limiter la « consommation » de l’espace agricole rencontre des objectifs de valorisation des paysages. À la confl uence d’un discours généralisé sur la gestion économe des espaces et de la plu- ralité des fonctions attribuées à l’agriculture, le rôle assigné à cette dernière pose un ensemble de questions autour des modalités de gouvernance des liens entre ville et agriculture.

Les démarches de planifi cation stratégique intè- grent de plus en plus la question agricole dans les modalités de construction des villes durables. La généralisation des Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), l’institution progressive des Périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agri- coles et naturels périurbains (PAEN) et des Zones Agricoles Protégées (ZAP) constituent autant d’ins- truments d’action publique propres à intégrer l’agri- culture dans le projet urbain et posent la question de sa durabilité (Duvernoy et al ., 2005). Cependant, les modalités de cette intégration varient selon les situations locales (Vidal et Fleury, 2009 ; Loudiyi et al , 2011 ; Pasini et al , 2012), et plusieurs travaux en soulignent les limites : plus ou moins bonne repré- sentation des acteurs agricoles et de leurs intérêts (Duvernoy, 2002 ; Vianey, 2005) ; approche souvent limitée à celle de l’espace agricole (Jarrige et al. , 2009 ; Loudiyi et al. , 2010) ; diffi cile prise en compte des projets agricoles. Les négociations peuvent s’avé- rer diffi ciles et tortueuses (Poulot, 2008 ; Poulot, 2011) et les stratégies individuelles des agriculteurs s’accorder plus ou moins avec les objectifs affi chés par le niveau institutionnel.

La question foncière a souvent été une clé d’en- trée pour analyser le rapport urbain/rural et expli- quer l’érosion des structures agricoles dans le périurbain (Vianey et al. , 2006). Le facteur foncier doit toutefois être replacé dans le contexte de dyna- miques sociales et de politiques locales qui fondent les stratégies et les jeux d’acteurs. La compréhen- sion des représentations et des logiques d’action

des agriculteurs s’avère importante pour saisir les différentes modalités de construction des liens entre ville et agriculture (Bryant, 1997 ; Le Caro et al., 2010 1). S’appuyant sur les résultats d’une enquête conduite sur un espace situé dans la périphérie de l’agglomération de Clermont-Ferrand, cet article propose une lecture des signaux d’adaptation des agriculteurs à un contexte périurbain considéré comme une contrainte mais également comme une opportunité à saisir.

Adaptation, innovation

et valorisation de l’agricul- ture en contexte périurbain : contexte scientifique

et géographique

Agriculture et périurbanisation

La notion de valorisation des ressources territo- riales postule que l’idéal du développement territo- rial se concrétise lorsque des acteurs, dans un terri- toire donné, identifi ent, spécifi ent et valorisent des ressources locales en s’organisant et en mettant en œuvre des coordinations autour de ces ressources (Gumuchian et Pecqueur, 2007). Tout territoire dis- pose d’une variété de ressources locales qui peuvent se transformer en ressources territoriales dès lors qu’un collectif d’acteurs s’organise et engage ce tra- vail de spécifi cation (Bernard et al. , 2006 ; Poulot, 2008).

Dans les territoires périurbains, les pressions exer- cées sur le travail des agriculteurs sont nombreuses et peuvent complexifi er cette possible spécifi cation de la ressource agricole. Ces pressions, ou forces motrices, concernent des échelles et des domaines différents. À l’instar de l’ensemble des agriculteurs français, ceux des aires périurbaines sont soumis aux effets du changement climatique, à la fl uctuation des cours des différentes productions, à l’évolution de la PAC, aux nouvelles réglementations agro-environne- mentales, etc. (Agrimonde, 2009). Au niveau local, les agriculteurs doivent également intégrer les effets de la désectorialisation de l’agriculture. Les modali- tés d’intégration de l’agriculture dans les projets de territoire et les orientations stratégiques des collecti-

1. L e C aro Y., P ierre G., M argetic C., 2010. Le statut social de la terre agricole dans un espace rural en voie d’urbanisation, le Coglais (Bretagne).

Intérêt et limites d’enquêtes par groupes de discussion, communication au colloque ASRDLF, Aoste, septembre 2010, 20 p.

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vités territoriales en lien avec les nouvelles demandes sociales (demandes relatives au paysage et à l’environ- nement, émergence des questions de gouvernance alimentaire) en sont des exemples. À ces pressions générales, s’ajoutent les spécifi cités des zones périur- baines : proximité au marché des emplois urbains, à la technologie, compétition pour l’utilisation du sol, rente de localisation (Bryant, 1997).

Malgré toutes ces contraintes, le périurbain peut être vu comme espace de redéfi nition de l’exercice de l’activité agricole (Dufour et al. , 2003 ; Germain et al. , 2006 ; Rouget, 2008). En effet, les dyna- miques locales des zones périurbaines, en inte- raction avec une multiplicité d’espaces sociaux, prennent une nouvelle place dans les processus d’innovation (Chiffoleau et al. , 1999 2). La capacité à innover permet aux agriculteurs de faire face aux différentes pressions qu’ils subissent et à l’évolution des contextes socio-économiques. Les ajustements, induits par un nouvel environnement ou un contexte changeant, peuvent aussi s’exprimer par des adapta- tions relevant davantage de réponses réactives que de réponses anticipées. Ainsi, les signaux d’adapta- tion des agricultures périurbaines peuvent être vus comme un potentiel existant pour une intégration durable à la ville ; la faiblesse de ces signaux consti- tuent à l’inverse un facteur de risque à la fois pour les agricultures et pour les villes.

À propos des territoires périurbains, Debarbieux (2005) évoque une « ruralité en invention » qui a amené nombre de chercheurs à se pencher sur les spécificités de l’agriculture périurbaine (Bryant, 1997). Ces travaux dégagent ainsi des formes d’agriculture spécifi ques de ces espaces périurbains (Jarrige, 2004 ; Soulard et Thareau, 2009), qui s’ac- compagnent bien souvent d’adaptations sociales et de nouvelles formes de coordination entre les dif- férents acteurs du monde agricole (Bernard et al. , 2006). Dans tous les cas, l’adaptation et l’innova- tion se font également dans les pratiques du quo- tidien, parfois de façon formelle dans le cadre des groupes professionnels locaux et, plus largement, dans des réseaux dont la création est impulsée par le phénomène de périurbanisation (Darré, 1986).

2. C hiffoleau Y., D reyfus F., T ouzard J.-M., 1999. Systèmes d’action innovante, systèmes localisés de production : une approche pluridisci- plinaire de la transformation de la viticulture en Languedoc-Roussillon, communication à l’École-chercheur « Économie régionale, économie spatiale », INRA, Le Croisic, 8-10 décembre 1999, ACTIV, INRA-SAD Montpellier1.

En défi nitive, dans le contexte particulier d’un pro- cessus de périurbanisation, les agriculteurs s’adap- tent aux mutations en cours en termes de réactivité aux contraintes, mais également en termes de valo- risation et d’exploitation de nouvelles potentialités offertes. Ces formes d’adaptation peuvent s’opérer dans différents domaines et de différentes façons : adaptation passive ou réactive, innovations dans les pratiques, etc. (Bertrand et Roussier 2010 ; Leger et al. , 2011 3).

Dans cet article, nous nous intéressons aux signes d’adaptation des agriculteurs au contexte périurbain et de ses effets en termes de valorisation des res- sources agricoles. Nous nous appuyons sur l’hypo- thèse que l’adaptation recouvre différents domaines et qu’elle est variable suivant ces mêmes domaines.

Nous l’abordons à l’échelle des exploitations agri- coles et à partir des composantes productives, com- merciales et de gestion du foncier (Jarrige, 2004).

Cette clé de lecture s’appuie sur les dynamiques propres à une agriculture en lien avec la ville. D’une part, la proximité d’un nombre de consommateurs peut représenter un potentiel de commercialisation des productions agricoles, que les agriculteurs peu- vent valoriser. D’autre part, la question du foncier agricole peut être considérée comme une contrainte lorsque l’incertitude, la pénurie ou le prix des terres jouent un rôle défavorable dans le développement ou le maintien de l’agriculture.

Billom-Saint-Dier :

visage rural, fonctionnement périurbain

La communauté de communes du Pays de Billom- Saint-Dier se situe à l’est de l’agglomération cler- montoise. Elle est située à l’interface de deux entités morphologiques : la Limagne des Buttes et le mas- sif du Livradois. À l’inverse de la Grande Limagne, formée par de larges couloirs de basses terres, la Limagne des buttes est « montueuse » (Fel, 1983).

Elle correspond à des plaines vallonnées, ponc- tuées par des necks. La grande culture y domine et marque nettement le paysage. Lorsqu’elles sont bien exposées, les buttes sont occupées par la vigne.

Les sommets sont parfois boisés et occupés par des

3. L eger C., A lavoine -M ornas F., L anquetin J., 2011. Effets des grands projets d’aménagement sur les dynamiques des exploitations agricoles périurbaines, communication au colloque « Dynamiques des espaces ruraux et périurbains : Le développement durable face à la mondialisa- tion », université d’Évry Val d’Essonne, 27-28 octobre 2011.

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édifi ces remarquables (châteaux, tours et chapelles).

Ces caractéristiques paysagères valent parfois à la région le surnom de « Toscane auvergnate ».

Tout en se fondant historiquement sur la poly- culture, la vie rurale de ce territoire a été marquée par les vicissitudes de la vigne (Derruau, 1949). Le phylloxera, survenu tardivement dans les campagnes auvergnates, a ruiné le destin de cette vigne, mais on perçoit encore sa présence sur les coteaux les plus ensoleillés. La diversifi cation des productions est intervenue tôt et la culture de l’ail a été favo- risée pour son « rapport immédiat ». Elle renaît aujourd’hui à travers des démarches de production de qualité (Ail d’Auvergne, Ail de Billom).

En direction du sud-est, les premiers contreforts du Livradois réunissent des plateaux surélevés où s’interpénètrent vallons agricoles et versants fores- tiers. Cette entité présente un caractère bocager plus prégnant, aujourd’hui propice à l’élevage, là où, historiquement, la petite culture subsistait. L’habitat y est organisé en hameaux groupés, en nombre élevé par commune.

L’influence de l’agglomération clermontoise, d’abord réduite aux communes les plus proches, se diffuse sur l’ensemble du territoire depuis les années 1990. D’après le dernier recensement de 2007, la communauté de communes de Billom-Saint-Dier compte près de 12 000 habitants, soit une progres- sion annuelle de 1,6 % depuis 1999 (tableau 1).

Le rythme annuel de la croissance démographique est ainsi cinq fois plus rapide que celui du dépar- tement (0,5 %). Certaines communes tirent profi t du desserrement urbain et connaissent des hausses relativement importantes de leur population : Chas ou Reignat, localisées dans la Limagne des Buttes, enregistrent ainsi des rythmes de croissance supé- rieurs à 3 % par an depuis 1999. Leur densité démo- graphique en est affectée et l’emprise spatiale de cette urbanisation devient sensible.

Les moteurs de cette vigueur démographique sont d’abord des soldes migratoires bénéfi ciaires, relayés par les soldes naturels, quoique largement inférieurs. La pression urbaine se traduit par l’im- portance de l’habitat individuel (87,3 % en 2007).

Tableau 1 : Indicateurs démographiques des 9 communes étudiées Demographic indicators of the study area

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Les dates de construction des résidences principales témoignent de l’attractivité du territoire : 17 % des logements ont été construits entre 1975 et 1989 et autant après 1990. Malgré tout, les effets induits de cette dynamique résidentielle semblent peu per- çus. Du fait de l’organisation du bâti dans la zone, les surfaces artifi cialisées sont importantes mais dispersées sur un nombre relativement important de bourgs et de hameaux. À l’instar de nombre de périphéries urbaines, le profi l sociologique en est modifi é en profondeur. Les agriculteurs représen- tent moins de 5 % de la population totale d’après le recensement de la population de 2007 .

Billom-Saint-Dier occupe également une position d’interface entre deux territoires de projets, le ScoT du Pays du Grand Clermont d’une part, et le PNR du Livradois Forez d’autre part (fi gure 1). Ceci n’est pas sans poser quelques interrogations quant aux modalités d’articulation des politiques portées par l’une et l’autre institution. D’une manière générale, les visions portées sur ce territoire « géré » en com- mun sont très différenciées. Pour le Parc Naturel Régional Livradois-Forez, Billom-Saint-Dier pré- sente tous les attributs d’un espace de desserrement

urbain ; c’est le « secteur […] où la pression urbaine est la plus forte et où la menace d’étalement de l’ha- bitat et des activités ainsi que la banalisation des espaces sont les plus marquées » (Charte du Parc, 2010). La question paysagère est prégnante dans le discours du Parc, et la préservation du cadre de vie et des caractéristiques du paysage est une orienta- tion stratégique forte. À travers sa charte, il préco- nise et encourage la généralisation des documents de planifi cation et des zonages réglementaires pour préserver les « reliefs structurants » ( les Turlurons , buttes représentatives de cette Limagne « mon- tueuse ») et les « espaces agricoles soumis à l’inten- sifi cation des pratiques et à la pression urbaine ».

À travers le paysage voire l’environnement, c’est de la gestion de l’espace agricole dont il s’agit, identifi é comme le lieu d’exercice de la planifi cation urbaine.

Cette entrée par le paysage est partagée par les acteurs du ScoT du Grand Clermont, qui portent cependant un regard différent sur ce territoire. Il est considéré comme « un territoire rural vallonné faisant offi ce de transition entre l’agglomération et les reliefs du Livradois » (rapport de présentation du SCoT, 2010). Le diagnostic reconnaît néanmoins

Figure 1  : Situation géographique de Billom-Saint-Dier

Location map of Billom-

Saint-Dier

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une pression d’urbanisation de plus en plus forte, et le document d’objectifs préconise le maintien d’une

« agriculture diversifi ée, combinant des espaces en grandes cultures, du pâturage et des forêts » permet- tant d’entretenir ici la « qualité des paysages ouverts et la conservation d’une biodiversité remarquable » (DOG, 2010).

Cette prise de conscience par les institutions des problématiques associées à la périurbanisation sur ce territoire se traduit par une prise en compte des espaces agricoles dans leurs documents respectifs, où régulation de l’urbanisation et préservation des paysages vont de pair. Cependant, dans les deux cas, l’acteur agricole est peu présent. La protection par zonage, mise en œuvre par les ScoT ou encoura- gée par l’adoption de documents d’urbanisme par les Parcs, ne prend pas en compte les projets agri- coles potentiels ni, a fortiori , les logiques et straté- gies (quand celles-ci existent) développées par les acteurs agricoles et plus particulièrement les agri- culteurs.

Des signaux faibles de valorisation des composantes productives et commer- ciales des exploitations agricoles de Billom-Saint-Dier

Dans ce territoire, l’agriculture est une activité encore très présente, tant sur le plan spatial que par le nombre de ses acteurs. Son insertion dans la dynamique urbaine via les projets institutionnels questionne la place des logiques des agriculteurs dans ce contexte. L’adaptation des exploitants agri- coles aux dynamiques socio-spatiales et institution- nelles identifi ées, peut en être une clé de lecture.

Nous avons cherché les signes de cette adaptation des systèmes d’exploitation dans le portefeuille d’activité, dans les systèmes de commercialisation et dans les modalités de gestion du foncier agricole.

Un diagnostic agricole a été conduit sur 9 com- munes de la communauté de communes de Billom- Saint-Dier, celles particulièrement concernées par la périurbanisation (fi gure 2). Il a permis d’identifi er 121 exploitations agricoles et leurs caractéristiques productives et commerciales. L’analyse des logiques et des stratégies foncières des agriculteurs a été réa- lisée à partir d’enquêtes auprès de 36 exploitants.

Figure 2 : Situation des communes étudiées

Location map of the stu- died municipalities

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L’analyse de l’évolution de l’agriculture sur le ter- ritoire de la communauté de communes, de 1970 à nos jours (RGA 1970, 1979, 1988 et 2000), laisse apparaître les grandes tendances visibles à l’échelle nationale (tableau 2) : une diminution générale du nombre d’exploitations agricoles (perte de 65 % des effectifs entre 1970 et 2000) ; une spécialisation des productions végétales avec en particulier l’aug- mentation des surfaces en céréales aux dépens de la STH ou des cultures traditionnelles (vigne, ail) ; une spécialisation des productions animales avec la relative disparition des petits troupeaux ovins et des troupeaux laitiers. Cette évolution se retrouve dans la répartition actuelle des systèmes de production sur les neuf communes étudiées (tableau 3).

La prédominance de systèmes

« classiques », en élevage bovin et/ou grandes cultures,

géographiquement déterminés

Plus des deux tiers des exploitations (68 %) fonc- tionnent sur les grands systèmes classiques, plus ou moins spécialisés, en élevage ou grandes cultures.

La spécialisation en viande bovine concerne le plus fort pourcentage d’exploitations (28 %) et sa forte présence contraste avec la faible représentation de la spécialisation en élevage bovin lait (3 % des exploitations) et celle des élevages mixtes viande/lait (4 %). Les systèmes spécialisés en grandes cultures concernent, quant à eux, 15 % des exploitations tan-

Tableau 2 : Indicateurs de l’évolution de l’agriculture à Billom-Saint-Dier (Source Recensements agricoles) Indicators of agriculture evolution in Billom-Saint-Dier

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dis que 18 % combinent élevage bovin (laitier ou allaitant) et cultures céréalières dans un système de polyculture élevage. La répartition spatiale de ces systèmes est assez marquée par un gradient altitu- dinal, et traduit un passage progressif d’une spécia- lisation à l’autre. Les exploitations spécialisées en grandes cultures qui prédominent au nord, zone la plus basse au contact de la Limagne, laissent progressivement la place à la polyculture élevage, puis plus au Sud, sur les premiers contreforts du Livradois aux systèmes spécialisés en élevage.

Au total, compte tenu de leurs dimensions fon- cières, ces systèmes représentent près des trois quarts de la surface agricole totale.

Pour chacune de ces trois orientations de produc- tion, les surfaces des exploitations sont cependant extrêmement variables : de 4 à 220 ha pour celles en production bovine, de 1 à 175 ha pour celles en cultures. La répartition est assez homogène entre les classes de moins de 20 ha (17 %), de 20 à 50 ha (27 %), de 50 à 100 ha (30 %) et supérieures à 100 ha (26 %). La part de la propriété par rapport au

fermage diminue à mesure que les surfaces augmen- tent ; générallement, les exploitations dont 100 % de la surface est en propriété sont les plus petites.

Cette diversité des tailles, et en particulier l’exis- tence de « micro exploitations » dans ces systèmes de production classiques surprend. En premier lieu, elle refl ète la présence non négligeable d’ex- ploitations en double activité. En second lieu, et au-delà des grandes catégories de spécialisations technico-économiques, elle refl ète une diversité de systèmes, dans la combinaison des moyens de production ou dans les modes de valorisation des productions. Derrière une spécialisation « viande bovine », on trouve ainsi des systèmes variés, du système allaitant caractéristique du Massif central (production de broutards pour la fi lière italienne) à la production de veau de lait ou l’engraissement de génisses achetées, systèmes diversement exigeants en main-d’œuvre, et diversement rémunérateurs.

Dans un même ordre d’idée, nombre d’exploitations en grandes cultures s’appuient sur des productions sous contrat mieux valorisées que dans les fi lières

Tableau 3 : Caractérisation des exploitations agricoles selon les types de systèmes pour les 9 Communes étudiées (sources enquêtes en mairie – 2009)

The different farming systems of the study area

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classiques (betteraves, production de semences pour le groupe Limagrain, céréales de qualité pani- fi able pour l’alimentation humaine, etc.).

La double activité, premier signe d’une agriculture périurbaine

La proportion d’exploitations en double activité est de 25 %. Mais plus que la proportion elle-même, on soulignera les formes de cette pluriactivité. Il s’agit ici d’une double-activité qui présente un caractère périurbain dans la mesure où elle repose principale- ment sur un emploi salarié, exercé en ville par le chef d’exploitation, en complément de son activité agri- cole. En fait elle obéit assez souvent à une logique de conservation du patrimoine familial avec pour- suite de l’activité agricole des parents aujourd’hui retraités, cela moyennant une simplifi cation du sys- tème de production et le repli sur les surfaces en propriété. Dans l’ensemble, ces exploitations sont de plus petite dimension (24 ha en moyenne contre 94 pour les exploitations dites « professionnelles ») et le faire-valoir direct y domine largement. Mais on note également la présence de quelques exploitations de relativement grande dimension (60 à 90 ha). Dans un certain nombre de cas, les parents, encore pré- sents, assurent une part du travail, tandis que le chef d’exploitation lui-même ne réside pas toujours sur place.

Sur le plan de leur fonctionnement technique, ces exploitations ont tendance à prolonger le système pratiqué par les parents. Dès lors, cette double acti- vité se retrouve majoritairement dans les systèmes de production classiques évoqués précédemment. Elle est plus fréquente sur les systèmes céréaliers qu’en élevage, ce qui pourrait s’expliquer par la conjonc- tion d’une organisation plus souple du travail, et d’un moindre éloignement du pôle clermontois.

Les systèmes de production combinatoires : un pas

vers la valorisation du périurbain ?

Certaines exploitations (12 % du total) présentent une combinaison plus originale de leur système agri- cole. Cette combinaison peut recouvrir des produc- tions diverses et concerner à la fois des élevages bovins ou des grandes cultures, associés à un éle- vage hors-sol ou des petites productions végétales,

vigne ou légumes de plein champ (ail, pommes de terre, asperges). Ces exploitations sont présentes dans toutes les communes, exceptées celles situées le plus à l’est, dont les conditions pédologiques et topographiques sont moins propices à ces cultures annexes. Elles ont en moyenne des surfaces plus réduites que les précédentes (67 % ont une surface inférieure à 50 ha). On trouve deux GAEC parmi les très grandes exploitations (4 ont une surface supé- rieure à 100 ha). Toutes les autres ont un statut d’ex- ploitation individuelle.

Ces combinaisons de productions semblent plus ou moins recouvrir des adaptations des systèmes dominants, au contexte périurbain. Dans certains cas, elles révèlent une stratégie de développement de l’exploitation sur une production ne nécessitant pas de foncier, mais qui reste inscrite dans une fi lière agro-industrielle (poulaillers industriels en complé- ment de l’élevage bovin ou des cultures de vente).

Si elle peut traduire une adaptation à un contexte de relative pression foncière, cette dernière n’est cependant pas toujours liée au contexte périurbain.

Sur le territoire étudié, cette stratégie se retrouve en effet sur les communes les plus éloignées du pôle urbain, et les moins sous pression d’urbanisation.

Dans d’autres cas par contre, le facteur de cette localisation périurbaine est plus apparent, sans tou- tefois peser fortement sur le système. On retrouve alors des combinaisons de productions atypiques comme celle de canards, de plantes médicinales, de bulbes ou encore d’asperges, qui viennent en com- plément de grandes cultures ou de l’élevage bovin, et dont une partie est commercialisée en vente directe, à la ferme ou sur des marchés locaux. Enfi n, cette catégorie révèle également des modes de valo- risation basés sur la certifi cation (label Agriculture Biologique, AOP «  Côte d’Auvergne  » ou projet d’AOP « Ail de Billom »).

Des systèmes spécialisés « atypiques » : une adaptation plus poussée ?

Les spécialisations atypiques concernent 16 % des exploitations. Certaines de ces productions, aty- piques pour la zone d’étude, le sont moins à l’échelle nationale (production ovine ou volailles hors-sol).

Les autres sont spécialisées dans d’autres petites productions et selon des profi ls très différents. Deux de ces exploitations sont en vigne. Les agriculteurs

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sont pluriactifs, ont plus de 50 ans, et exploitent de très petites surfaces dont la moitié en fermage. Deux autres, des GAEC, sont en maraîchage (dont une en agriculture biologique), et la dernière est en élevage caprin avec transformation fromagère.

C’est particulièrement dans ces systèmes spécia- lisés atypiques que l’on retrouve les signes d’une adaptation au contexte périurbain  : des innova- tions, tant en termes de commercialisation (vente à la ferme pour les éleveurs, vente de paniers pour un maraîcher) que de pratique culturale ou d’éle- vage (système tout herbe ou pratiques biologiques par exemple). Le cas de la vigne illustre la com- plexité des phénomènes. Production traditionnelle du territoire, elle a longtemps périclité et n’occupe aujourd’hui qu’une portion congrue de l’espace agri- cole. Elle connaît cependant un regain d’intérêt, et certains exploitants s’appuient sur leur localisation périurbaine pour valoriser leur production. Mais cette relance de la viticulture auvergnate est éga- lement portée par un acteur économique puissant, le groupe Limagrain par l’intermédiaire de la coo- pérative St-Verny, dans une logique de fi lière plus industrielle avec contractualisation de l’apport des vendanges, et qui ne repose pas sur sa localisation en espace périurbain.

La gestion du foncier agricole par les agriculteurs :

des logiques peu marquées par le contexte périurbain

Les logiques de gestion du foncier ont été abor- dées à l’occasion d’enquêtes auprès d’un échantillon de 36 exploitations. Les agriculteurs sont nombreux à évoquer des diffi cultés en lien avec des éléments de contexte global, externes au territoire ou à leur exploitation : politique et conjoncture internatio- nale, aléas climatiques, encadrement administratif de leur métier. L’organisation du travail au sein de l’exploitation constitue, dans une moindre mesure, l’une des contraintes pour son développement.

Quant aux aspects liés au territoire local, le contexte périurbain apparaît en fi ligrane : confl its de voisi- nages avec les « urbains » et surtout, confl its d’usage de l’espace sur l’utilisation des terres (terres reprises aux agriculteurs pour les chevaux ou le bâti). Outre cette diffi culté à trouver des terres, les agriculteurs enquêtés abordent parfois le problème de la hausse

du prix du foncier mais qu’ils imputent principale- ment à un phénomène de concurrence entre exploi- tants. Les dynamiques d’agrandissement (18/36) restent néanmoins dominantes dans l’échantillon enquêté, devant celles de stabilisation du foncier (16/36). L’érosion des surfaces concerne quelques rares exploitations (2/36) et relève de situations familiales spécifi ques.

Des logiques d’agrandissement pour satisfaire à l’outil de travail

Tous les exploitants dont le foncier a augmenté depuis l’installation mettent au premier plan la fonc- tion productive de leur activité : il s’agit de « pro- duire pour vivre » ou de « produire pour gagner sa vie », la fonction d’entretien du paysage venant par- fois s’ajouter à celle de production. Dans tous les cas, l’augmentation foncière est assimilée véritable- ment à la satisfaction des besoins de l’outil de travail et les questions de patrimonialisation sont rarement évoquées. L’analyse de l’évolution foncière et des pratiques associées confi rme ce point de vue général basé sur la perception que les exploitants présentent de leur métier.

Un premier type d’évolution correspond à des accroissements de surface tout au long de la vie de l’exploitation, par tous les moyens (fermage ou achat). Dans ces cas, les besoins fonciers sont importants pour répondre à des projets de systèmes de production spécialisés ou combinant productions végétales et animales (grandes cultures et bovins).

Les exploitants semblent avoir les moyens (fi nan- ciers, main-d’œuvre) de saisir toutes les opportuni- tés foncières qui s’offrent à eux, à la fois en termes de fermage et d’achat. À l’installation, la surface de ces exploitations variait entre 16 et 105 ha. Depuis, elle a pu doubler voire être multipliée par six et atteint des fourchettes de 84 à 308 ha en 2010.

Toutes ces exploitations bénéfi ciaient à l’installa- tion d’une bonne assise foncière et d’une durée de vie supérieure à 16 ans. Une grande partie de ces agriculteurs exploite en faire-valoir direct près de la moitié de sa SAU, et pour également une grande partie en fermage familial. D’une manière générale, leur assise foncière apparaît moins précaire.

À l’inverse, la satisfaction des besoins fon- ciers est plus diffi cile chez certains agriculteurs.

L’augmentation du foncier agricole est ralentie par

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des diffi cultés fi nancières ou des capacités d’inves- tissement globalement moindres que celles identi- fi ées plus haut. C’est ainsi que l’on voit apparaître des évolutions foncières caractérisées par une augmentation surfacique importante en début de cycle de vie de l’exploitation, suivie d’une phase plus ou moins longue de stabilité. Ces agriculteurs reprennent du foncier «  sous condition  ». Leur propension au déplacement et à l’éclatement des structures, caractéristique des exploitations agri- coles périurbaines (Poulot, 2008), est ici moindre.

Mais, il semble que ce soient des logiques davantage contraintes par les capacités d’investissement : le fermage est privilégié à l’achat. Une assise fi nancière couplée à un temps de stabilisation de la structure agricole oriente des évolutions foncières qui inter- viennent plus tardivement dans le cycle de vie des exploitations.

Une stabilité foncière exprimant des logiques differenciées

Le dernier type d’évolution foncière se distingue des précédents par la relative stabilité ou un accrois- sement très faible des surfaces. Plusieurs logiques sous-tendent ce type de dynamique.

Une première relève d’exploitants double actifs : maintenir un équilibre entre activité agricole et activité principale rémunératrice se traduit par une demande faible voire nulle en termes de foncier. Il s’agit d’exploitants installés tardivement, suite à une succession alors qu’ils sont déjà engagés dans une autre activité professionnelle. Le démarrage de l’ac- tivité agricole relève alors de motivations de type

« passion » ou « préservation du patrimoine », mais reste secondaire. Pour l’ensemble des agriculteurs concernés, la production de denrées alimentaires reste une fonction essentielle de leur rapport au métier d’agriculteur. Ils relient cette fonction à celle d’entretien du paysage ou de préservation du foncier.

C’est une façon de « vivre de son revenu, en évitant la course à la prime ».

Une stabilité de la surface foncière peut être aussi un choix contraint ; ce sont des logiques d’« évitement du risque » (risque d’endettement par exemple). Il s’agit d’agriculteurs mono-actifs dont l’activité professionnelle tient compte des contraintes familiales ou d’un désir de « ne pas cher- cher à faire trop ». Ces agriculteurs mettent au pre-

mier plan leur fonction de production de denrées ali- mentaires. Celle-ci peut être attachée à une certaine conception du métier : un rôle important dans la production d’une « bonne alimentation » (la leur et celle des autres) d’une part, et une contribution à la préservation des paysages et de maintien des terres agricoles, d’autre part. Mais ces logiques peuvent également relever d’une rationalité économique, où les agriculteurs visent à maintenir un équilibre entre productivité et revenu. Bien entendu, un manque d’opportunités foncières contraint les évolutions des surfaces agricoles. Il s’agit d’agriculteurs instal- lés dans une situation fi nancière « restreinte », qui ont manqué d’opportunité, et n’ont pas trouvé de fermage notamment. Apparaissent derrière ces diffi - cultés la concurrence entre exploitants sur le foncier et le diffi cile accès à la terre pour des exploitants un peu éloignés des réseaux de connaissances des agri- culteurs de la zone (personnes installées hors cadre familial et/ou non originaires de la région).

Discussion

En termes de systèmes de production et de com- mercialisation, la diversité observée sur notre terri- toire d’étude rappelle celle identifi ée dans d’autres systèmes périurbains (Jarrige, 2004). Cependant, elle refl ète en partie la diversité du territoire en question. Mais la diversité de sa géographie phy- sique ne peut à elle seule convaincre des effets de la périurbanisation sur l’adaptation des systèmes de production d’autant que la tendance générale depuis plusieurs années va plutôt à la spécialisation (arrêt de la production laitière, trop contraignante, au profi t de l’élevage bovins viande ou de productions hors-sol).

Malgré tout, apparaissent certains signes des effets de la proximité de la ville en termes de valori- sation, avec certains cas de vente directe (à la ferme, systèmes des paniers ou insertion dans les AMAP) qui indiquent que certains exploitants modifi ent leurs pratiques de commercialisation. Quant aux logiques foncières identifi ées, elles ne semblent pas correspondre à ce qui est identifi é par d’autres auteurs comme un passage généralisé à un intérêt plus patrimonial que productif dans le cas des terri- toires périurbains (Jarrige et al. , 2003). La majorité des logiques observées sur notre territoire d’étude correspond encore à la recherche de satisfaction

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de l’outil de travail et les logiques foncières sont contraintes par les concurrences entre agriculteurs.

On peut s’interroger sur les raisons de la fai- blesse des signaux d’adaptation de cette agricul- ture à son contexte périurbain. Plusieurs éléments de réponse peuvent être suggérés. Notre territoire d’étude constitue la dernière couronne périurbaine de l’agglomération clermontoise, et sa dynamique est de ce fait encore marquée par des déterminants ruraux. Territoire à l’articulation du pays du Grand Clermont et du Parc Naturel Régional Livradois- Forez, il fait l’objet de représentations et d’intentions politiques encore très contrastées. Par ailleurs, le processus de périurbanisation s’y est d’abord mani- festé par la reprise du bâti ancien de caractère et a, dans un premier temps, peu pesé sur la dyna- mique foncière. De la même manière, la confi gura- tion spatiale du territoire et la dispersion des bourgs et des hameaux infl uent sur les représentations de l’intensité de l’infl uence urbaine. L’emprise spatiale de l’urbanisation est distribuée sur plusieurs unités de peuplement. Hormis des extensions pavillon- naires et la construction de lotissements dans les communes les plus proches de Clermont-Ferrand (Chas, Égliseneuve-près-Billom ou Billom), l’urba- nisation se fait par petites touches sur un nombre important de hameaux. Ces divers éléments peuvent expliquer dans une certaine mesure le peu d’appro- priation de la question agricole par les élus. Celle-ci ne l’est fi nalement qu’au travers du paysage, ou par l’attention portée aux productions traditionnelles porteuses de culture locale et d’identité territoriale (vigne et ail). Ce manque d’appropriation s’applique également aux agriculteurs s’agissant de la question urbaine.

Finalement, le phénomène périurbain serait-il ici trop récent, trop peu intense ou encore effacé au regard de la conjoncture et de l’ampleur des autres problèmes auxquels les agriculteurs ont à faire face ? Cela soulève de nombreuses questions génériques sur les effets de seuil (temporel et/ou d’intensité) au-delà desquels peuvent émerger les signaux d’une adaptation des agriculteurs au contexte périurbain.

À partir de quels seuils la valorisation remplace-t- elle la simple adaptation ? À partir de quels seuils des adaptations, innovations, formes de valorisation du contexte apparaissent-elles au niveau des sys- tèmes de production et de commercialisation, au niveau des portefeuilles d’activité, au niveau des

modes de gestion du foncier, ou encore des modes de coordinations et de communication entre agricul- teurs et avec les autres acteurs du territoire ?

Au-delà de ces interrogations, notre travail s’inscrit en complémentarité avec d’autres approches déve- loppées sur d’autres agglomérations (Jarrige, 2004 ; Thareau et Le Guen, 2007 4 ; Soulard et Thareau 2009). Il s’appuie sur les trois clés de lecture de l’agriculture périurbaine que ces travaux suggèrent.

Les enquêtes réalisées montrent que c’est surtout la combinaison et l’articulation de ces trois variables – portefeuille d’activité, système de production et de commercialisation et gestion du foncier – à l’échelle de l’exploitation, et les déterminants des choix de l’exploitant les concernant, qui révèlent une straté- gie d’adaptation au contexte périurbain.

Enfi n, si l’adaptation des agriculteurs n’est pas révélée par leurs pratiques commerciales ou de systèmes de production ou encore de gestion du foncier, il convient peut-être de fouiller plus dans les relations sociales entre agriculteurs, dans les dynamiques collectives qui se mettent en place.

Certains auteurs émettent l’hypothèse que dans le contexte périurbain, les agriculteurs diversifi ent leurs interactions sociales, « non seulement dans une visée utilitariste, pour diminuer les confl its potentiels avec leurs voisins, mais plus profondé- ment parce que les transformations des espaces dans lesquels ils exercent leur métier s’accompa- gnent d’une transformation de leur espace vécu et in fi ne de la conception de leur métier » (Bernard et al. 2006 ; Bertrand et al. , 2010 ; Dufour et al. , 2003 ; Souchard, 2010). L’analyse des réseaux de dialogue entre agriculteurs devrait constituer un complément riche à cette première analyse, en permettant d’ana- lyser les confi gurations sociales dans lesquelles se créent et émergent les nouvelles idées propres aux nouvelles conceptions que les agriculteurs se font de leur métier dans ce contexte particulier : réseaux personnels, clientèle, associations, commissions agricoles communales, etc.

4. T hareau B., L e G uen R., 2007, Être agriculteur près des villes, inventer des modèles professionnels ?, communication au colloque « Les agricul- tures périurbaines, un enjeu pour la ville. Vers des projets de territoires », Nanterre, 10-12 oct. 2007.

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