FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1894-1895 N° 4.
RECHERCHES ET CONSIDÉRATIONS
SUR
LA MATITÉ PLIORtTIÛDE
THÈSE
POUR LE DOCTORAT EN
MÉDECINE
Présentéeetsoutenue
publiquement
le 14 novembre 1894PAR
Charles-Cyprien-4\.n.dLré-]VIa.riTxs AUTRIC
ÉLÈVEDU SERVICE DE SANTE DE LA MARINE
Né à Toulon (Var), le 21 septembre 1873
Examinateurs dela Thèse..
MM. ARN0ZA3N PITRES CASSAÈT AUCHÉ
professeur» Pri professeur, agrégé j. n agrégé
Le Candidat répondraàtoutesles questions qui lui seront faites sur parties de l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU
MIDI, P. CASSIGNOL
91, EUE PORTE-DIJEAUX, 91 1894
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
Clinique interne
M. PITRES Doyen.
PRORESSE.URS
M. MIGÉ
AZAM
Messieurs
, PICOT.
Professeurs honoraires
PITRES.
DEMONS.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
.
, \ DEMONS.
Cliniqueexterne
j
LANEL0NGUEPathologie interne
DUPUY.Pathologie
etthérapeutique générales VERGELY.Thérapeutique
ARNOZAN.Médecine
opératoire
MASSE.Clinique d'accouchements MOUSSOUS.
Anatoinie pathologique COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomiegénérale et Histologie VIAULT.
Physiologie
JOLYET.Hygiène LAYET.
Médecinelégale MORACHE.
Physique.
BERGONIE.Chimie
Histoire naturelle Pharmacie
Matière médicale de NABIAS
Médecineexpérimentale
FERRÉ.
Clinique ophtalmologique BADAL.
Clinique des maladies chirurgicalesdes enfants
PIÉCHAUD.
AGRÉGÉS EN EXERCICE
MOUSSOUS.
DUBREUILH.
Pathologie interneetMédecine légale ( MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ.
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS I
PQUSSON
Pathologieexterne 1
uENUCE.
( YILLAR.
Accouchements
] IFRE.
) CHAMBRELENT.
SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
Anatomie et
Physiologie ' PRINCETEAU.
Histoire naturelle N.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique SIGALAS.
ChimieetToxicologie DENIGES.
Pharmacie BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES
SECTION DE MEDECINE
Clinique int. des enf. MM.
Ciiuiqdes Maladies syphilitiqueset cutanées Cl. des mal. des fem.
Cliniq. des maladies des voies urin.
Mal. dularynx, des oreillesetdunez
MOUSSOUS DUR RE l'1 LU BOURSIER
POUSSON MOURE
Maladies mentales....
Pathologie
externe...Accouchements Chimie
Zoologie
MM. REGIS.
DENUCE IÎ1VIÈKE DFNICÉS BEILLE LeSecrétaire de laFaculté : LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres à leur-
auteurs etqu'ellen'entend leurdonner ni approbationni improbation.
A la mémoire de mes Grands-Parents
A lamémoire de monPère le Docteur Autric Médecin enchefde la Marine.
OJficier de la Légion d'honn<*>ur
A ma Mère
Témoignage de profonde reconnaissance.
A ma Sœur
A mon Frère J. Autric Enseigne de Vaisseau
A mon Oncle J.-B. Michel
Commissaire adjoint de la Marine, en retraite.
Chevalier de la Légion d'honneur.
A tous mes Parents
A mes Maîtres des
Écoles
de Médecine Navale deToulon
etde Bordeaux
A mes Maîtres de la Faculté de Médecine et des
Hôpitaux
de Bordeaux
INTRODUCTION
Le
Diagnostic d'un épanchement pleural est en général
chose assez
facile. Peut-être
mêmen'est-il
aucune autreaffection
enprésence de laquelle le Clinicien puisse disposer
de moyens
d'investigation aussi sûrs et aussi nombreux. Et
cependant nous avons vu plus d'une fois nos Maîtres hésiter
à
porter
undiagnostic ferme et avoir alors recours à la ponc¬
tion
explorative ponr ôter leurs doutes, ou bien, trompés qu'ils étaient par la réunion d'un grand nombre de signes,
pratiquer une thoracentèse qui ne donnait issue à aucun liquide. Aussi avons-nous accueilli avec faveur la proposition
que nous
fit notre Maître, Monsieur le professeur Arnozan,
de consacrer notre
thèse inaugurale à l'étude des variations
de la limite de
matité suivant les attitudes diverses
quel'on
fait
prendre
aumalade, symptôme qui peut-être considéré
comme
pathognomonique. A peine engagé dans 1 étude im¬
mense de la
Science Médicale
nous avonsle regret de ne
pouvoir offrir à
nosJuges qu'un travail forcément imparfait en
beaucoup de points et dont le principal mérite est d avoir été
— 8 —
rédige avec la plus entière loyauté. Après
yavoir rapidement passé
en revue,les affections qui peuvent
enimposer
pour unépanchement pleural et montré
queles symptômes, le plus
ordinairement
recherchés lui sont communs avec des mala¬dies
tout-à-fait différentes,
nous enarriverons
àl'étude des
courbes de niveau et enfin à celle de leursvariations.
Nous avons été
singulièrement aidé dans notre tâche
par lesimportants documents et
parles nombreuses observations qu'avec
sabienveillance ordinaire Monsieur le professeur
Pitres
nous acommuniquées. Qu'il veuille bien accepter ici l'expression de notre très-sincère gratitude.
C'est
enécoutantchaque jour
aulit du malade les précieux enseignements de notre Maître vénéré Monsieur le professeur
Arnozan
que nous sommesarrivé
auterme de
notrecarrière d'étudiant.
Il a bien voulusatisfaire
à notreplus vif désir
ennous
faisant
legrand honneur de présider notre thèse inau¬
gurale. Qu'il soit bien sûr
quetoujours
nousgarderons le
souvenirde la
bienveillance
dont il afait
preuveà notre égard.
RECHERCHES ET CONSIDÉRATIONS
SUR
LA MATITË PLEURÉTIQUE
CHAPITRE PREMIER
Des IVEuilmcXies
cjiai peuvent simuler
la Pleurésie.
Trousseau
commençait
en cestermes l'une de ses leçons cliniques
:ci
Messieurs, je conviendrai aisément avec vous que, dans
l'immense
majorité des cas, la pleurésie est une des maladies
qu'il soit le plus facile 'de reconnaître.
»
Cependant, dans quelques cas heureusement assez rares,
tous les
signes de la pleurésie existent, bien que l'autopsie
révèle une autre lésion ».
- 10 —
Afin
d'appuyer la véracité de cette assertion, il nous a paru
utile de grouperrapidemment,
aucommencement de ce travail, quelques-unes des maladies qui peuvent exposer à
des
méprises; maintes fois
noustrouverons dans leur symp- tomatologie
ungrand nombre des signes importants de la pleurésie
avecépanchement, réunis en un faisceau assez
considérable pourlégitimer les
erreurs.Après les maladies des
organesthoraciques (plèvres, pou¬
mons,
médiastin),
nousétudierons celles du foie et des reins
I. — Maladies de la Plèvre.
Les maladies de la
plèvre pouvant simuler
unépanche¬
ment
pleurétique, sont
rares.En dehors des
kystes hyclatiques qui
ne sedifférencient de
ceux du poumon que par
leur volume plus considérable,
nous n'avons trouvé,
dans les
ouvrages que nous avonsconsultés,
quel'observation publiée
parOulmont, dans la
Revue cle Médecine et de
Chirurgie de juin 1850. Il s'agissait
d'un homme atteint de
dégénérescence cartilagineuse de la plèvre et chez lequel
«les symptômes (matitô, souffle, bron- chophonie, absence des vibrations thoraciques) étaient trop
nets pour que
l'on
sepermit de
penserà autre chose qu'à
unépanchement pleural
».A l'autopsie
pastrace de liquide.
§ II.
—Maladies des Poumons.
Nous
envisagerons
enpremier lieu la splèno-pneumonie.
Cette affection dont nous devons l'individualisation à M. le
professeur Grancher est,
commel'a dit Queyrat,
une congés-— 11 —
tion
pulmonaire à forme de pleurésie
paropposition à la
maladie de Woillez
qui est
unecongestion pulmonaire à
forme de
pneumonie. Elle survient d'habitude à la suite d'un
refroidissement. Comme commémoratifs et comme mode de
début, elle ressemble à la pleurésie. Ses signes physiques
sont ceux d'un vaste
épanchement pleural
:déformation du
thorax sensible au
palper et souvent démontrée
par une différence de deux ou trois centimètres entre les deux côtés de lapoitrine (Grancher)
;matité, diminution
ousuppression
des vibrations
thoraciques et du
murmurevésiculaire,
souffle
pleurôtique, égophonie et pectoriloquie aphdne. On
ypeut môme constater à la main et à la
vuela disparition du
choc
cardiaque. En face rie
cessignes si importants, militant
en faveur de la
pleurésie
ceuxqui peuvent
nous ramenersurle voie du
diagnostic, sont bien faibles. Une auscultation
attentive
permettra bien de percevoir
aufoyer de la matité
des râles
sous-crépitants discrets; mais ils sont fugitifs et ils
peuvent d'ailleurs être
perçusà travers un épanchement
lamelliforme. La conservation de
l'espace de Traube
ne suffira pas nonplus
pour nousfaire rejeter le diagnostic de pleurésie. Ajoutons d'ailleurs qu'un épanchement peut accom¬
pagner
la spléno-pneumonie. Grancher signale le fait et l'ob¬
servation que nous
apportons, ne laisse aucun doute à cet égard.
Observation I
(personnelle).
Splénopneumonie.
Julie P.... entre le 29 mai 1894, salle 8, lit
18. Aucun antécédent pathologique héréditaire ni personnel.
Maladedepuis quinze
jours; malaise, frissons, fièvre assez élevée
le soir. Point de toux ni
d'expectoration. Puis dyspnée qui alla en
— 12 —
augmentant. Le 25 mai au soir, à droite point de
côté
assez violent.Mais la dyspnée augmentant rapidement, on fit appeler dans la nuit unmédecinqui pratiquauneponction: issue,audire de la malade, d'une demi-cuvette
(?) d'un
liquide dontelle ignore la nature.30 mai. —
Dyspnée
assez intense(34 inspirations).
Pommettesa)iigeS; yeux hagards, sueurabondante
baignant
la face.Examen. — En arrière un peu de submatité à la base gauche, matité totale à droite sauf le long de la colonne verté brale au-dessus du niveau de l'angle inférieur de l'omoplate où il existe encore une
légère sonorité.
En avantà
droite, matité totale sauf untravers de doigt deskodisme
sous la clavicule et deux travers dedoigt
de sub¬matité au-dessous du skodisme. Ces
différentes
zones ne se modi¬fient
aucunement'parles changements
deposition de
la malade.Vibrations thoraciques conservées à gauche, abolies à droite.
Respiration un peu soufflante
à
gauche avecquelques frottements à la base en arrière.droite en avant, murmure respiratoire aboli et
remplacé
par dusouffle dans toute la hauteur du poumon. Râles
sous-crépitants
et frottements enavant de l'aisselle.En arrière, murmure respiratoire aboli et
remplacé
par du souffle.Egophonie
etpectoriloquie
aphone très nettes, pas de broncho-plionie. Le
sonpercuté
enavant au niveau du mamelon faitentendreen arrière le sou fin et net
caractéristique
dans toute l'étendue du poumon.Percuté immédiatement
sous la clavicule, il nedonne plusle signe du sou qu'à la base.
Rien au cœur; les battements en sont
réguliers
et bienfrappés.
Le pouls estrégulier,
assez fort et un peu rapide (84pulsations).
Ponction en arrière de la ligne axi I laire; pas de liquide. Le diag¬
nostic
primitif de pleurésie
est alors abandonnépour celui de spléno-pneumonie.
31 mai. —Rien de
changé.
- 13 -
ier
juin.
—Frottements
et râlesun peu plus forts. En arrièreetà droite la respiration commence à s'entendre un peu dans la partiesupérieure
du poumon. Quelques râles un peu plus bas. Rien dechangé
parailleurs.
La percussion dénote une diminution légère mais
générale
de la matité à droite surtout en arrière.Œdème très marqué de la paroi à la basedu thorax et dans les
lianes. En avant à droite, râles augmentant
après
la toux.2juin. — La
malade
ayantvoulu
retournerchez elle hier
ausoir,
est morte dans la voiture qui l'emmenait.
Nous
regrettons cle n'avoir
pas pupratiquer la nécropsie,
afin de contrôler le
diagnostic qui, d'ailleurs,
ne nousparaît
pas
attaquable. Cette observation est intéressante à plusieurs points de
vue.Elle montre,
eneffet,
ceque n'a pas noté le professeur Granclier, qu'il peut, dans la spléno-pneumonie,
exister de la sonorité
exagérée
sousla clavicule et de la
submatité se
rapprochant beaucoup de la sonorité près de la
colonne
vertébrale, dans la partie supérieure du poumon.
C'est là un nouveau
point de ressemblance avec l'épanchement pleurétique. Elle montre également que la spléno-pneumonie
peut coïncider
avec unépancliement pleural. Enfin, elle
prouve que
les changements de position du malade n'influent
en rien sur la
répartition des
zonesmates et sonores.
Tout à côté de la
spléno-pneumonie de Granclier, il nous
faut mentionner
lapleuro-congestion de Potain. En fait, ces
deux affections sont très
voisines
etla similitude des signes
est souvent telle que
le médecin le plus exercé est fatalement
conduit à les confondre et à les
prendre pour une pleurésie.
Mais dans le cas de
pleuro-congestion, l'erreur est moins
grave, car
si l'état du
poumonest méconnu, il n'en est pas
de même de celui de la cavité
pleurale et la thoracentèse
donne du
liquide.
— 14 —
Le
diagnostic différentiel de la pleurésie et de la pneumonie franche est
engénéral aisé
;mais dans
lapneumonie
avec obstructionbronchique (pneumonie massive de Grancher), quand l'expectoration fait défaut,
nous 11e voyons queles
caractères
thermiques qui puissent prévenir l'erreur.
Dansle
cas
signalé
parWintrich,
oùl'obstruction atteignait les
grosses
bronches, les signes de l'hépatisation firent défaut
dupremier
audernier
: matitéabsolue, absence
devibrations vocales, de souffle bronchique, de bronchophonie, de râles,
de crachats
caractéristiques, voilà
cequi fut
constaté.On
crut à une
pleurésie et la thoracentèse, puis la nécropsie
démontrèrent
l'erreur. Laisné cite un cas depneumonie
au troisièmedegré, prise
pour unepleurésie,
etdans laquelle l'égophonie était si
nette quele médecin 11'hésita
pasà la
proposer comme
type
auxélèves.
Si,
à unpremier
examen,le kyste liyclatique du
poumon est souventpris
pourunépanchement pleural, c'est qu'une
quan¬tité
considérable
desymptômes
concourent à faireadopter
ce
diagnostic. Dans les débuts, les malades
atteints dekystes
se
présentent avec plusieurs des signes rationnels
ouphysi¬
ques
de la phtisie
oude la pleurésie chronique
:hémoptysies, oppression, râles disséminés
etquelquefois matité dans
unsommet. C'est
plus tard, quand les kystes
aurontatteint
ungrand développement, qu'ils
serontsurtoutconfondusavec
unepleurésie: le
poumon estrefoulé
dans lagouttière vertébrale,
la sonorité
exagérée
sousla clavicule
;la matité, l'égophonie,
le souffleexistent dans les deux tiers
inférieurs
du poumon;le murmure
respiratoire et les vibrations thoraciques
sont abolis dans la mêmerégion qui est dilatée
etdont les
espacesintercostaux
sontélargis; le
cœur est même refoulé si lekyste esta gauche. Il n'est
pasjusqu'à l'ouverture du kyste
dans les
bronches qui
nefasse
songerà celle d'une collection
— 15 —
1
iquide de la plèvre. Mais dans
ce cas,le diagnostic peut être
fait
aussitôt, si le malade rejette des membranes caracté¬
ristiques.
Peter, alors chef de clinique de Trousseau, fut
unjour
consulté par un
homme chez lequel
unetoux sèche et
sansexpectoration,
unematité considérable, un souffle intense, et
l'abolition des
vibrations thoraciques avaient fait diagnosti¬
quer un
vaste épanchement pleural. S'attachant à délimiter
exactement la matité et
l'ayant trouvée totale, Peter fit
surce seul
signe le diagnostic de
cancerdit poumon. (Peter, clin, méd.,
t.I,
p.539). S'il avait trouvé de la sonorité dans l'an¬
gle formé
parla clavicule et le sternum, il n'eût pas hésité à porter le diagnostic de pleurésie avec épanchement. Or, cette
sonorité est souvent
abolie dans le
casd'épanchement total,
et elle existe
quand le néoplasme n'a pas encore envahi le
lobe
supérieur du
poumon.Gallard cite de môme l'observa¬
tion d'un homme chez
lequel il avait porté le diagnostic d'épanchement pleurétique, en raison des symptômes
suivants : « le son
normal
enhaut, aussi bien
enavant qu'en arrière, dans le tiers supérieur, devenait complètement
mat, avec
résistance
sousle doigt qui percutait, dans les deux
tiers inférieurs. La
respiration normale, en haut, ne s'enten¬
dait
plus dans les deux tiers inférieurs; il y avait là du
souffle, mais
pasd'égophonie.
»Rien dans l'état général ne pouvait faire croire à
uncancer; il n'y avait ni l'expectoration
gelée de groseille,
queStokes regarde comme pathognomo-
nique, ni le teint cachectique, car, comme cela arrive sou¬
vent dans le casdecancer
du
poumon,la marche de l'affection
avait été
suraiguë et
necadrait nullement avec la marche
ordinaire des cancers.
Nous avons eu l'occasion
d'observer
toutdernièrement
uncas de
néoplasme thoracique.
En voici
brièvement l'observation
Observation II
(personnelle).
Résumée.
Henri Cl..., entre le 25 septembre 1894, à la salle 19, lit 21, pour douleurs dans la cuisse droite.
Pas d'antécédents héréditaires. Lui-mêmea eu. il
y atroisou quatre ans, une pleurésie à droite donton retira du
liquide.
On en soupçonnaune autre à gauche. La ponction ne fournit aucun
liquide.
Pas de syphilis.20octobre. —
Depuis
six mois, douleurs dans les reins et dans lajambe droite. Lapression est douloureuse en ces points. Le malade affaibli marche difficilement. Un poids sur la poitrine
l'empêche
de respirer. Dans lesinspirations profondes,
douleurs à labasedu thorax.Voix éraillée. Deux accès de suffocation survenus
brusquement
Je 17 au soir.Depuis, légers
accès tous les soirs. Thorax immobile.Au-dessous des fausses côtes gauches,petitetumeuren gâteau mobile
surle tissu cellulaire et fixée aux couchessuperficielles de la peau. La tumeur existe
depuis
troisans, s'accroîtlentement,
n'est pas doulou¬reusespontanément et très peu à la pression. Tout le thorax est dou¬
loureux à lapression.
A gauche, skodisme sous la
clavicule,
puis peu à peu matité com¬plète
câ deuxdoigts
au-dessus du mamelonjusqu'à l'espace
de Traube quiest normal. Lelong
du sternum, pas de matité absolue. La matité est immobile..Rien d'anormal àdroite. Enarrière,
les deux poumons sont plutôt submats que mats. Souffle des deux côtés.Pectoriloquie
aphone peu nette.
Broncho-égophonie
à gauche. Vibrations thora-ciques
très diminuées.Signe
dusou net à la basegauche.Malgré
le peu de probabilitésd'unépanchement pleurétique
on pra¬tique
une ponction exploratrice. Letroquart
est arrêtépar une masse dure,ligneuse,
dans laquelle illui estimpossible
de se mouvoir.— 17 —
Nous n'affirmons pas
le diagnostic de néoplasme
que nous proposons pour ce cas;mais d'engorgement ganglionnaire
sans
syphilis antérieure, la tumeur
cutanée,la faiblesse
exces¬sive des membres
inférieurs, les douleurs rachidiennes
etla
dureté des tissus surlesquels buta le troquart, paraissent
militer
beaucoup
en safaveur.
Faisons remarquer que
l'immobilité de la matité, ainsi
quesa limite peu
précise et
sans aucuneforme particulière,
avaient fait
rejeter le diagnostic d'épancbement pleural avant
que
la ponction ait été pratiquée.
§ III.
—Maladies du Médiastin
Alibert, dans
un casde kyste du médiastin, constata les symptômes suivants
: ceRespiration courte, douleurs dans le
coté droit
qui est beaucoup plus développé
quele gauche; les
espaces
intercostaux
y sontaussi plus larges, et la percussion n'y produit
aucun sonjusqu'au niveau de la quatrième côte.
Au-dessus de ce
point, résonnance normale. Le bruit respira¬
toire ne s'entend pas
du tout là où la poitrine n'est point
sonore. Ni
bronchophonie, ni égopbonie.
»Cœur dévié à gauche. Le malade mourut subitement et la nécropsie révéla
« dans
l'épaisseur du médiastin une hydatide de la grosseur
de la tète d'un enfant de un an
Il était
presqueimpossible
d'éviter l'erreur En
effet,
cen'était point l'absence d'égophonie qui devait faire douter du diagnostic. Cette
absence n'est-elle pas presque
la règle dans les grands ôpan-
chements
pleuraux?
»Oulmont cite un
anèvrysme de l'aorte pris pour une pleu¬
résie et
qui occupait toute la partie inférieure de la cavité
thoracique gauche. M. le professeur Arnozan nous a dit avoir
observé un cas
analogue.
A 3
g IV.
—Maladies du Foie
En
1856, Dolbeau, clans
sathèse inaugurale, signalait la
tendance
des kystes hyétatiques du foie à se porter vers la
cavité
thoracique. Cet envahissement peut être tel que le
le poumon
est réduit au quart de son volume et refoulé dans
la
gouttière vertébrale et vers la clavicule. La matité due à
des
hydaticles, l'absence de murmure respiratoire et de vibra¬
tions
thoraciques, i'égophonie et le souffle, la dyspnée, plus
tard
l'élargissement des espaces intercostaux, la chute du
foie sont autant
de symptômes qui appartiennent aussi à un
épanchement pleurétique. Pour Trousseau comme pour Frérichs, le meilleur
moyend'éviter l'erreur consiste à tracer
avec soin la
limite de la matité. Dans le
casd'échinocoques
ou bien elle
décrit
un arcascendant dont le point culminant
estclans
l'aisselle
oubien
cettematité
estcomplète le long de
la colonne
vertébrale, tandis
queclans la ligne axillaire on
trouve, au mêmeniveau, de la sonorité, quelle
quesoit la position
quel'on fasse prendre au malade (Trousseau). Ce
symptôme ne permet de faire le diagnostic que clans le début
del'affection.
En
1882, M. le professeur Vergely relatait dans le Journal
deMédecine
de Bordeaux l'observation d'un homme atteint
de cancer du
foie à marche rapide et de
cancerdes ganglions péribronchiques, chez lequel le diagnostic primitif avait été
celui de
pleurésie chronique et qui présenta de la matité
totale en avant
puis
enarrière, de la diminution puis fie l'abo¬
lition du murmure
vésiculaire, de l'abolition des vibrations thoraciques, de la pectoriloquie aphone, de I'égophonie très
nette et le
signe du
sou.— 19 -
§ V.
—Maladies des Reins
Nous avons enfin trouvé flans les Archives
Cliniques de
Bordeaux de février
1894, l'observation rapportée
parle
docteur
Lafarelle, alors interne provisoire dans le service de
M. le
professeur Arnozan, d'une femme atteinte A abcès pèri- nëphrétique chez laquelle
<cdu côté droit de la poitrine,
en avantet enarrière, la matité
étit si complète, l'absence de
vibrations
thoraciques si absolue, la pectoriloquie aphone et
le souffle si nets que,après discussion, le diagnostic de pieu
■résie fut
porté
».Quelque temps après,
«adroite sonorité exagérée et tympanique dans les premier, deuxième, troi¬
sième et
quatrième
espacesintercostaux. Si
onfait alors
asseoir la malade la matité remonte
jusqu'au deuxième
espace
intercostal. Le
murmurevésiculaire est remplacé
par du souffleamphorique
—pectoriloquie aphone. En arrière,
abolition
complète des vibrations thoraciques, matité absolue
de haut en bas avec conservation d'une zone un peu sonore le
long de la colonne vertébrale, A l'auscultation, souffle amphorique de haut
enbas. Bronchophonie et pectoriloquie aphone. On entend nettement le bruit de flot par la succus-
sion. Lesigne du
soufait défaut.
».Nous avons cru devoir
étudier spécialement à la fin de
cechapitre deux des symptômes les plus importants de la pleurésie
:la disparition de l'espace de Traube et l'égo-
phonie.
« A la
partie inférieure du thorax gauche est une région
dans
laquelle le
sonde percussion est tympanique. Cette
région
a uneforme semi-lunaire; elle est limitée en bas par
le bord du
thorax,
enhaut
par uneligne courbe dont la con-
— 20 —
cavité
regarde
enbas. L'espace ainsi formé commence en
avant au-dessous
du cinquième
ousixième cartilage costal gauche, et s'étend en arrière le long du thorax jusqu'à l'ex¬
trémité antérieure
de la neuvième
oude la dixième côte. Sa plus grande largeur est de trois pouces à trois pouces et
demi
(neuf à
onzecentimètres).
»(Traube.
—V. Jaccoud,
Clin, de la
Pitié, 15 janv. 1884).
Traube avait cru trouver
dans
unépanchement pleural la
seule condition
pathologique qui puisse faire disparaître le tympan'sme semi-lunaire. Il est d'abord à remarquer que
telle
pleurésie limitée
pardes adhérences laisse absolument
intacte la sonorité
stomacale. D'autre part, ainsi
quel'a
montré
Jaccoud,
unesymphyse pleuro-costale peut produire
de la matité dans
l'espace de Traube; il est vrai que dans ce
cas on constate à son
niveau,
àchaque inspiration, une dé¬
pression active des espaces intercostaux inférieurs par suite
de la traction que
le diaphragme exerce sur eux par l'inter¬
médiaire des
adhérences.
Laènnec avait
considéré l'égophonie
commepathognomo- nique d'un épanchement pleural; mais « il faut être plus
réservé, car
telle égophonie très nette
serencontre dans la congestion pulmonaire aussi bien que dans la pleurésie »
(Grancher) et nous avons montré l'existence de ce signe dans
chacune
des affections
que nous avonspassées en revue. Un
fait
remarquable, c'est le caractère égophonique que prend
la
bronchophonie
sousl'influence de symphyse pleuro-viscé-
rales
qui altèrent les bruits de la voix et modifient leur
timbre.
Déjà
en1861, Landouzy avait montré que l'égophonie
n'est
jamais aussi nette qu'après la thoracentèse quand des
fausses
membranes empêchent le
poumonde
sedilater et il
concluait
qu'elle
serencontre aussi bien que le poumon soit comprimé
par unépanchement liquide de la plèvre ou par
un réseau
pseudo-membraneux sans épanchement actuel.
— 21 —
Dans les
quelques
pagesqui précèdent
nous venonsdevoir
tous les
signes de la pleurésie faire partie de* la symptoma- tologie d'affections bien diverses
et êtreparfois réunis
en un ensemble siimposant qu'il eut été
presquepuéril de
songerà
autre chose
qu'à
unépanchement pleural.
Nous allons maintenant cherchersi l'étude attentive de la forme
qu'affecte le niveau du liquide et celle de
sesvariations
peuvent
nousfournir des éléments plus sérieux de diagnostic.
CHAPITRE II
FORME DE LA
MATITÉ
La détermination exacte
de la forme qu'affecte la limite supérieure de la matité dans les épanchements pleurétiques,
a été
recherchée
pourla première fois
parPiorry. Mais
celui-ci
assimilant
exactementla poitrine à
un vasecontenant
de
l'eau,
et neconsidérant
queles effets de la pesanteur
sur leliquide, lui assigna
unniveau absolument horizontal.
Damoiseau
fit ensuite paraître,
uneétude sérieuse de la question, étude trop connue pour qu'il soit nécessaire d'y
insister.
Un
point
surlequel
nousvoulons particulièrement appeler
l'attention,
estle suivant
:Damoiseaudit que
lorsque le liquide arrive
enavant à six
ou
sept centimètres au-dessus du mamelon et
enarrière à
deux centimètres
au-dessous de l'épine de l'omoplate, la ligne de niveau est absolument horizontale. Elle peut même
arriver à
faire
avecle rachis
unangle aigu à sinus ouvert
en bas.
Guéneau de
Mussy prétend
aucontraire
que presquetou¬
jours le long du rachis, la percussion donne un son clair
— 23 —
correspondant
àla région qu'occupe le
poumon, et pourPeter,
si
comprimé
quesoit le
poumon, on arrivetoujours à le
per¬cevoir à la
percussion
parle
sonskodique qu'il fournit clans
l'angle formé
parl'extrémité interne
de laclavicule
et le bordcorrespondant du
sternum. Ce fait n'est pascependant toujours
exactpuisqu'il existe clés épanchements qui donnent
une matité antérieure
complète.
En
1876, Garland,
pardes expériences
surles chiens,
établit que
le niveau du liquide est plus bas
enarrière, qu'il s'élève ensuite jusqu'à
cequ'il ait atteint le
flanc d'où ilavance
presque horizontalement
vers le sternum.Dans ces
dernières
années(1884), le docteur Ramey
concluait clans sa thèse
inaugurale
quela ligne supé¬
rieure
de la matité a la formegénérale d'une
courbeellip¬
tique dont la partie la plus élevée
se trouve au niveau de laligne axillaire.
Enfin, le 30 juin 1890, M. le professeur agrégé A. Mous-
sousde
communiqua à la Société d'Anatomie
et dePhysiologie Bordeaux, le résultat
de ses études sur laforme desépan¬
chements pleuraux
pardes
coupespratiquées
surdes sujets congelés. De
cetravail minutieusement fait,
nous ne citerons queles fait suivants donton peut
serendre facilement compte
en consultant les schémas
qui l'accompagnent
:la planche I
del'expérience A,
montre quele
poumonvient s'accoler
à peuprès contre la colonne
vertébrale dont àpeine
uncenti¬
mètre de
liquide le sépare quand le sujet est assis. Au contraire, quand le malade
estcouché, l'épanchement
serassemble dans la
gouttière costo-vertébrale (Exp. (J, pl. I
et
Exp. F, pl.) tandis
quele
poumonvient s'appliquer contre
laparoi thoracique antérieure.
Nous avons tâché de nous faire une
opinion personnelle
sur la forme de la
matité;
nousl'avons recherchée
avant etaprès ponction, le malade étant dans les positions horizontale
puis verticale.
Nous avons pu
réunir 21 tracés de la matité antérieure, le
malade étant
couché à plat et aucune ponction ni ayant encore
été
pratiquée sur lui. En mettant de côté 4 cas où la matité
arrivait
jusqu'à la clavicule sans laisser deskodisme au-dessus
d'elle,
nous avonsencore un total de 17 observations dans
lesquelles la matité partait du sternum à des hauteurs varia¬
bles.
Or,
sur ces17
cas,nous en trouvons 12 pour lesquels la
matité
avait
unedirection nettement oblique en haut et en
dehors. Dans
les 5 autres
cas,la ligne de niveau était à peu près perpendiculaire au sternum, et cependant nous trouvons
chaque fois une petite dépression tout à côté du sternum. On
peut donc dire que la limite de la matité antérieure, quand le
malade n'a
subi
aucuneponction prend, dans 2/3 des cas, une
direction
générale nettement oblique en haut et en dehors,
avec
convexité plus
oumoins grande en haut.
Bien
différents
sontles résultats
quefournit l'étude des
tracés
de la matité, quand le malade a subi une ponction et
quand il
setient couché.
Nous avons pu
étudier onze tracés, pris dans ces con litions,
etneuf
fois
suronze nous avonstrouvé une ligne de niveau
absolument
perpendiculaire au sternum.
Dans les
deux
autrescas,la limite de l'épanchement était
une
courbe,
à rayonde douze à quinze centimètres, et dont la
direction
générale était perpendiculaire à l'axe du corps.
Nous pouvons
donc conclure, que toujours, après ponction,
la
matité antérieure prend cette direction et tend à devenir
rectiligne.
Cependant dans un cas (obs. VI), nous avons trouvé sur la
fin de
l'épanchement et après une ponction pratiquée, il est
vrai, quarante-deux jours auparavant, une ligne de matité
— 25 -
offrant une
courbe, dont le
rayonavait à peine quatre
oucinq centimètres.
Nous avons
également recherché si la ligne de niveau du
liquide
sedéplace parallèlement
àelle-même quand le
malade sasssied. Sur lesdix-sept observations
que nous avonsréunies,
nous avonsquinze fois trouvé
unniveau
absolument horizontal ;dans les
deux autres cas,l'obliquité
de la
ligne de matité était d'ailleurs si
faible que sonextré¬
mité externe était à
peine située à deux centimètres plus haut
que
l'extrémité interne.
On
peut donc dire
quetoujours la ligne du niveau antérieur
est
horizontale, quand le malade est assis,
àmoins
quela
matité nesoit très réduite dans
lequel
caselle affecte
une formeparabolique. (V. obs. IV et V.)
L'explication des faits
que nous venonsde signaler
nousparaîtdevoir être la suivante
:Avanttoute ponction, le malade
étafitcouché sur le
dos, le
poumoncomprimé
parl'épanche-
mentvient
s'appliquer contre la paroi thoracique, le long du
sternum seulement. C'est à sa
présence qu'est dû l'angle
sonore costo-sternal. D'autre
part, si le malade s'assied, le
poumon
quitte la paroi thoracique antérieure
pouraller s'ap¬
pliquer plutôt contre la postérieure. Il existe donc
enavantde
lui un espace assez
considérable, dans lequel le liquide peut prendre
unniveau horizontal. C'est,
eneffet,
ce que nousavons
toujours observé.
Enfin, après
uneponction, le
poumon engénéral gêné
dans son extension parla présence de fausses membranes qui l'enserrent,
nepeut reprendre avant quelques jours
son volume normal. Leliquide étant alors
enpetite quantité et
n'étant
plus gêné dans
sesmouvements
parle
poumonest
sollicité parla pesanteur seule à prendre
sanouvelle position.
A. 4
— 26 —
Voici maintenant
les résultats auxquels nous sommes
arrivés en
étudiant la courbe du niveau
enarrière. Nous
avons pu
réunir vingt observutions cle la matité tracée clans
la
position verticale du malade avant quil eut cupporté aucune ponction aspiratrice et alors que le liquide était encore en
abondance assez
grande.
Eliminons trois cas,
dans lesquels la matité était totale.
Sur les
clix-sept autres nous avons vu deux lois la matité
affecter une forme en
escalier, c'est-à-dire
que,partie du
rachis àun
point quelconque, elle s'élèvait d'abord de trois ou quatre travers de doigt, puis restait horizontale pendant quel¬
ques
centimètres et reprenait enfin sa marche ascendante
pour se
diriger vers l'épaule ou vers l'aisselle. Dans les
quinze autres cas nous avons toujours vu la matité affecter
la forme d'une
S, obliquement dirigée en haut et en dehors,
dans
laquelle le rayon de courbure de la boucle externe était
beaucoup plus considérable que celui de la boucle interne.
La
convexité de la courbe externe était dirigée
enhaut et
son
point culminant était constamment situé sur une ligne
verticale, passant à
peuprès à égale distance du rachis et de
l'épaule.
Très rarement, nous avons vu
la limite de matité s'élever
encore
au-dessus de
cepoint. En général, elle nous a paru
au
contraire s'abaisser légèrement
auniveau de la ligne
axillaire pour
venir
secontinuer par la limite du niveau
antérieur en
général inférieure à celle du niveau postérieur,
comme
l'avaient observé Hirtz, Roger, Skoda et Niemeyer.
Samuel Gée et
le professeur Vannebroucq, de Lille, mettent
cette
surélévation du niveau postérieur
surle compte du
décubitus
dorsal qu'occupe en général le sujet au début de
la
maladie;
etils remarquent
quelorsque le début de l'af¬
fection
ne-s'est
pasaccompagné de symptômes forç-mt le
malade à
garder le lit, le niveau du liquide est limité
par unplan perpendiculaire à l'axe du thorax.
C est donc entre
l'épaule et le rachiê
que nous avons pres¬que
constamment trouvé le point culminant de la courbure
de niveau
postérieure, alors
queGarland et Ramey, entre
autres,le plaçaient
au creuxde l'aisselle. Faisons
remar¬quer
néanmoins
quela différence des niveaux
atoujours
été assez faible.
Lazone de sonorité située
près du rachis et contenue dans
la boucle interne de
l'S, descend
àunedistance
un peuvaria-
Lie au-dessous du
point culminant de la matité postérieure.
Parfois
(2 fois
sur17) elle peut descendre jusqu'à la base du
thorax et
empêche alors la matité d'arriver jusqu'à la colonne
vertébrale. La moyenne que nous avons
établie
surles 15
au¬tres cas nous
permet de dire
quecette encoche
sonore a uneprofondeur ordinaire de 6 centimètres, c'est-à-dire à
un peuplus de trois doigts. La largeur de l'encoche à mi-hauteur est
en moyenne
de 5 centimètres. Enfin, dans 2
ou3
cas,la matité postérieure, délimitable soit à
causede l'état de la plèvre, soit
à cause de celui du poumon, nous a paru
être horizontale.
Peut-être faudrait-il
rapprocher
ces casde
ceuxsignalés
parle-professeur Vannebroucq. Tels sont les résultats fournis
par
la percussion quand le malade est assis et avant toute ponction. Voici l'explication
quenous croyons pouvoir en
•donner.
Dans la
position verticale, le
poumoncomprimé
parl'épanchement
serétracte
versson hile et s'applique contre
la
paroi postérieure du thorax le long du rachis. En ce point,
en vertu des lois de la
capillarité, doit exister une très mince
couche de
liquide qui s'insinue entre le poumon et la paroi.
Mais,
enraison
mômede
son peud'épaisseur, cette couche
-de
liquide
nepeut être décelée par la percussion, et nous
avons donc de la sonorité
due
àla présence du
poumon.Mais
à
partir du point A (voir le schéma), la couche de liquide est
assez
épaisse
pourdonner de la matité; tandis que plus en dehors, près de l'aisselle,
auniveau de la ligne X-Y, la capil¬
larité
agissant moins
enraison de
l'écartement des deux
plèvres, la ligne de niveau doit
un peus'af¬
faisser. Or,
c'est
ce que nous avons observé.Sur des malades
ayant subi
uneponction et
setenant assis, voici
ce que nous pouvons
déduire des
tracés de la matité
"postérieure.
Dans un cas,
la matité était
restéeabsolue, le vid'e fait dans la poitrine s'étant seulement mani¬
festé par
le rétablissement de l'espace de Traube. Cinq fois
nous avons vu la
ligne de matité devenir absolument horizon¬
tale. Dans un
septième
cas,elle était resté
un peu convexeen haut. Dans tous ces cas,
il
nousparaît rationnel de croire
que
le
poumonn'ayant
pas encorerepris
sonvolume
nor¬mal, le liquide collecté dans les points déclives de la
cagethoracique n'était
quetrès
peugêné
parlui
poursubir les
lois exclusives de la
pesanteur.
Si,
comme nousl'avons observé deux fois,
on trouveaprès ponction,
unematité postérieure à forme parabolique c'est,
ou que
le liquide
aura eule temps de
sereformer entre la
thoracentèse et l'examen
suivant,
ou quele vide intra-pleural
aura été comblé par
l'ascension du diaphragme, et les
con¬ditions sont
identiques à
cequ'elles auraient été si
aucuneponction n'avait été pratiquée.
Enfin dans les deux cas
qui terminent notre série, la matité
partie de la neuvième vertèbre restait horizontale
ou même- 20 —
s'affaissait un peu
jusqu'au niveau du bord
antéro-extern-e dugrand dorsal, puis de là
remontaitbrusquement
ensuivant
à peu
près la direction de
ce bord. Nous croyons quedans
ce cas,
le
poumon sedistendant après l'évacuation du liquide,
vient
s'appliquer
sur uneplus grande surface de
laparoi postérieure du thorax. Mais le
poumonn'atteignant
pasencore laparoi externe, il s'insinue
en cepoint,
eu vertudes lois
de lacapillarité,
unelame de liquide à laquelle est due lamatité
que nous avons constatée sous
l'aisselle.
Si notreexplication
est
exacte, la perception de cette forme particulière de matité
indiquerait
quele
poumonn'est
pasenserré
pardes fausses membranes, fait dont la valeur pronostique n'échappera à
personne.Sur les neuf
pleurésies
que nous avonsexaminées
etdont
nous
rapportons les observations,
nous avonsplusieurs fois constaté,
surtout àla fin de l'épanchement,
unematité posté¬
rieure
trop diffuse
pourqu'il
nousait été possible d'en appré¬
cier le
changement de forme. Dans deux
casseulement,
cette diffusion apersisté pendant toute la durée de l'épanchement.
(V. obs.
VI etVII.) Sur les sept autres
cas,quand
nous avons eu faitprendre
aumalade la position horizontale
pourconstater le
dénivellement,
nous nous sommes trouvé trois fois enprésence d'une limite de matité perpendiculaire
aurachis. Le reste du
temps la ligne de matité présentait
encoreune encoche
près du rachis
;d'ailleurs cette encoche était
bien moins accentuée quecelle
que noustrouvions quand le
malade était assis. Dans ce dernier cas, comme nous
l'avons montré, elle présente
uneprofondeur
moyennede six centi¬
mètres,
tandis
quelorsque la malade est couchée
surle
ventresa hauteur n'est
plus
en moyenne quede deux centimètres
trois millimètres.
D'où vient donc cette tendance de la limite
postérieure de
lamatitéà devenir
rectiligne et perpendiculaire à la direction
du rachis
quand le malade
secouche
surle ventre? C'est qu'alors le
poumonsupporté
parle liquide qui
aglissé
sursa face antérieure
tend
à contracter avec laparoi thoracique postérieure des points de contact plus
nombreux par
suite de la rotation qu'il
subit autour d'un axe
longitudinal et passant
par sonhile. Or,c'est
auniveau
de ce
point A dont
nous avonsdéjà parlé
commeétant celui où la capil¬
larité
agit
surle liquide
pourlui faire prendre
saforme parabolique quand le
malade est
assis,
quele
poumonvient justement s'appliquer contre la paroi quand le malade est
couché sur le ventre. Sur la
ligne verticale qui correspond à
ce
point doit donc
setrouver à présent de la sonorité. Ainsi
se trouve
expliquée la forme différente qu'affecte la limite de
matité
postérieure suivant
quele malade est assis
ouétendu
sur le ventre.
Examinons maintenant les raisons par
lesquelles Peter
tâche
d'expliquer la forme de cette matité postérieure. Après
avoir constaté la
présence d'une dépression
sonoreauprès
du rachis
quand le malade est assis, il affirme
quecette dépression
serencontrerait seulement dans les
casd'épan-
chements entièrement
fibrineux,
ou mêmeséro-fibrineux
et il refuse cette courbeparabolique
auxépanchements séreux
très-liquides, auxquels il assigne
aucontraire
uneligne de niveau, toujours absolument horizontale. Or, voici les raisons qu'il donne
pourexpliquer cette différence. Si le liquide est
à
peine fluide, entièrementlibrineux, et doué de propriétés
adhésives, il n'obéira
quetrès difficilement à la pesanteur
quand le malade s'assiéra, et la plus grande partie
en— 31 —
restera adhérente aux
points de la gouttière
costo-verté-brale, primitivement occupés. De sorte
quel'exsudat
occu¬pera
(le malade étant assis) la position qu'il affectait, le
malade étant étendu et son niveau ne seraplus horizontal,
mais offrira une
ligne de matière
à peuprès parabolique.
Pour un
épanchement séro-fibrineux, le résultat
serait lemôme.
Mais si F
épanchement est séreux et très liquide, lorsque le
malade setient assis,
le liquide
seréunit
surle diaphragme
et la
percussion donne
uneligne de matité horizontale. Or,
nous citons
plus loin
uneobservation d'hydrothorax, dans laquelle
on pourra seconvaincre de l'existence d'une dépression très nette de la ligne de matité tout auprès du
rachis. De
plus, s'il est
un cas oules propriétés adhésives
du
liquide
nesauraient être mises
en cause pourexpliquer
cette
dépression, c'est bien dans celui d'hvdro-pneumotho-
rax. La constatation du bruit de
glov-glou provoqué
parles
mouvements
brusques imprimés
aumalade, interdit formel¬
lement de donnerà F
épanchement des propriétés autres
que celle d'unliquide très-fluide, et cependant dans
un casde
ce genre nousavonsconstaté le long de la colonne vértébrale,
uneencoche sonore de onze àdouze centimètres de
profondeur !
Ces deux
exemples suffisent,
noussemble-t-il,
pour prou¬ver que
la théorie de Peter expliquant la forme parabolique
de la matité par
les propriétés adhésives seules du liquide
est pour
le moins trop exclusive, et qu'elle
nerend
pascompte de tous les faits observés.
On n'aura d'autre
part qu'à consulter
nosobservations
pour
être assuré
queDamoiseau était dans l'erreur quand il
affirmait comme fait constant que
le niveau du liquide est horizontal, quand
sonpoint culminant arrive en avant à six
ou
sept centimètres
audessus du mamelon et en arrière à
deux ou troiscentimètresau
dessous de l'épine de l'omoplate.
CHAPITRE III
Du
changement de niveau de la
matité§ I.
—Historique
AvenbrQgger avait, avant Piorry, signalé la possibilité, dans
le casd'un
épanchement liquide de la plèvre, de
reconnaître parla percussion des changements dans la répartition des
zones mates et sonores si l'on faisait
prendre
aumalade des
attitudesdiverses. Mais le fait avaitpassé inaperçu, et si Piorry
ne l'a pas
découvert, à lui tout
aumoins revient l'honneur
de l'avoir tiré de l'oubli : ceLes résultats de lapercussion, disait-il
dans son Traité de la
percussion médiate,
sontde
tous lesplus faciles à saisir et les plus
communs à trouver. Le chan¬gement de place du liquide, les
sonsqui deviennent obscurs
ou clairs en raison de ce
changement
etdes variations
deposition du sujet, sont des caractères si positifs
quetous les
doutes sont éclairés
quand
onles
asaisis.
»Mais la
nettetécatégorique de cette affirmation
nedevait
passuffire
pourfaire
adopter
cesymptôme si bien étudié
parPiorry et quel¬
ques
années à peine s'étaient écoulées
quedéjà Laënnec
émettait des doutes sur
lui; il
avouen'avoir
obtenu aucun- 33 —
résultat
satisfaisant,
etcependant il admet
quedans les petits épanchements le liquide tend
àseréunir dans lesparties
pos¬térieures
etinférieures
de lapoitrine. Damoiseau
n'accorde pas nonplus grande attention
ausigne étudié
par sonmaître.
<( Dans la
grande majorité des
cas,ii
se formebientôt
unkyste
oùle liquide
resteemprisonné. Dans vingt
casà
peuprès
oùj'ai cherché le déplacement, trois fois
seulementj'ai
pu
le
constater. C'est dans lesépanchements hydropisiques
ou au début
qu'on
rencontreordinairement
la mobilité. »L'opinion de Skoda
estabsolument identique à celle de Damoiseau.
Dans le cas depleurésie, dit-il,
«les adhérences
du poumonqui
seproduisent
presqueconstamment
avecles parties voisines
àla périphérie de l'exsudation empêchent le déplacement du liquide dans les
mouvementsdu
malade et, parconséquent, le
son restesourd,
engénéral, dans
ces mômespoints, quelque position qu'on imprime
aumalade.
»Racle refuse toute
importance
audéplacement qui est, dit-il,
tout à fait
exceptionnel
et ne se constateguère
quedans
F
hydrothorax. Peter
n'admet dedénivellement
quedans le
cas
d'épanchement entièrementséreux
et trèsliquide. Potain,
dans une
clinique qu'il
a consacrée à cesujet, reconnaît l'extrême
valeurdiagnostique du déplacement de la matité.
Mais pour
lui
«dans l'immense majorité des
cas,l'étendue
du
déplacement est représentée
parl'épaisseur d'une côte.
» En1890, le professeur Lépine et
sonélève le docteur Blanc,
constataient que cesigne
se rencontre assezfréquemment.
Enfin,
cette année même,dans les
Archivescliniques de Bor¬
deaux,
M.le professeur Arnozan appelait de
nouveaul'atten¬
tion sur ce
symptôme trop délaissé.
A. 5