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Il ne faut pas toujours se fier aux apparences

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Légendes

Figures 1 et 2. Lésion bourgeonnante érythémateuse bien délimitée avec une collerette épithéliale, sur le repli unguéal latéro-interne du pouce droit avec présence d’un spicule unguéal sur le bord interne de la tablette.

Figure 3. Image peropératoire après cure- tage du tissu de granulation.

Figure 4. Image peropératoire avec visuali- sation d’une communication entre la partie latéro-interne de la matrice et la lésion, après exérèse du “harpon” unguéal.

Mélanome achromique • Ongle • Tumeur.

Achromic melanoma • Nail • Tumor.

Il ne faut pas toujours se fi er aux apparences

Do not always rely on appearances

F. Dehavay, J. André, B. Richert

(Service de dermatologie, CHU Saint-Pierre, CHU Brugmann, hôpital universitaire des  enfants, université libre de Bruxelles, Belgique)

Observation

Une patiente de 63 ans présente depuis des années une lésion douloureuse récidi- vante sur le pouce droit. Elle a déjà été opérée à 3 reprises pour un ongle incarné au même doigt. Parmi ses antécédents médicaux, on retiendra un cancer du sein en rémission complète depuis 2 ans. À l’examen clinique, on observe une lésion bour- geonnante, suintante et saignotante bien délimitée, entourée d’une collerette épithé- liale de 2 cm de diamètre localisée sur le repli unguéal latéro-interne du pouce droit.

On note également la présence d’un spicule dans le sillon latéro-interne (fi gures 1 et 2). Face à ce tableau clinique, le diagnostic d’“ongle en harpon” est évoqué. Cette forme particulière d’incarnation traduit l’existence d’un éperon unguéal qui embroche le repli latéral jusqu’à son extrémité  (1) .

Une chirurgie est réalisée avec curetage de la masse charnue et mise en évidence d’un spicule unguéal intratumoral provenant de la partie latéro-interne de la matrice (fi gures 3 et 4). Ce dernier est avulsé, et la corne matricielle est phénolisée.

L’analyse anatomopathologique met en évidence un mélanome achromique ulcéré avec un indice de Breslow d’au moins 2 mm et 7 mitoses/mm². Une amputation avec des marges de 2 cm est pratiquée. Un bilan d’extension comprenant une échographie abdominale et ganglionnaire, une radiographie du thorax, une biologie et un électro- cardiogramme est demandé. Nous ignorons les résultats de ce bilan, car la patiente a été perdue de vue : elle a souhaité être traitée près de chez elle. Elle est décédée 5 mois après son diagnostic de mélanome unguéal achromique.

Discussion

Le mélanome de l’appareil unguéal (MAU) est la deuxième tumeur maligne de l’ongle, après le carcinome épidermoïde. Il est encore trop souvent sous-diagnostiqué, et sa découverte tardive, à un stade avancé, explique son mauvais pronostic. Tout dermato- logue s’est déjà senti mal à l’aise face à une mélanonychie, mais il faut également garder en tête que 20 à 30 % des mélanomes unguéaux sont achromiques. La prise en charge des MAU a beaucoup évolué ces dernières années et ne se résume plus à l’amputation agressive.

Le MAU représente 0,7 à 3,5 % de l’ensemble des mélanomes cutanés  (2) . Son inci- dence annuelle est estimée à 0,1/10 000. Sa proportion est plus importante chez les individus d’origine africaine, afroaméricaine ou asiatique. Néanmoins, son inci- dence absolue semble identique pour toutes les ethnies. Le mélanome unguéal peut survenir à tout âge mais apparaît majoritairement entre 60 et 70 ans (2, 3). Le pouce et le gros orteil sont les localisations les plus fréquentes ; cela serait lié à leur matrice proportionnellement plus grande. Les facteurs étiologiques du MAU sont méconnus ; l’origine traumatique, souvent suspectée, n’a jamais été démontrée. Quant aux radia- tions ultraviolettes, elles ne peuvent pas intervenir dans la physiopathologie, car elles ne traversent pas la tablette unguéale (2, 3). Parmi les mélanomes, 2 à 8 % sont achromiques, et il s’agit le plus souvent de mélanomes unguéaux  (4) .

Cas clinique

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Cas clinique

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Le MAU se présente dans les trois quarts des cas sous forme d’une mélanonychie longitudinale signant l’origine matricielle de la tumeur. Le clinicien doit différencier les mélanonychies suspectes des mélanonychies bénignes (activation, nævus et lentigo). Toute mélanonychie ne traduit pas un processus malin. Un algorithme en anglais, traduit ici par nos soins, a été développé pour aider le dermatologue dans sa démarche dia gnostique (3) :

A : âge (pic entre la 6e et 7e décennie) ; origine africaine, afroaméricaine ou asiatique ;

B : bande pigmentée brun-noir d’au moins 3 mm avec bords irréguliers, flous ;

C : changement de la mélanonychie longitudinale : élargissement ou assombris- sement ;

D : doigts le plus souvent touchés : le pouce et le gros orteil ;

E : extension du pigment aux replis unguéaux (signe de Hutchinson) ;

F : antécédents familiaux ou personnels de nævus dysplasique ou de mélanome.

En présence d’un ou plusieurs de ces critères, il faudra être prudent et envisager un examen histologique. La présence d’une fissure en regard de la bande pigmentée ou un élargissement proximal (aspect triangulaire) de celle-ci doit également alerter le praticien (1).

La dermoscopie complète la mise au point diagnostique. La présence de lignes pigmentées brunes à noires sur fond brun, d’épaisseur et de couleur variables, espacées irrégulièrement avec perte du parallélisme entre elles, doit pousser à l’excision du foyer pigmentaire (figure 5) [2, 3]. Elle peut également mettre en évidence une pigmentation péri-unguéale invisible à l’œil nu, le “micro-signe de Hutchinson” (figure 6) [3].

Un des plus grands défis pour le clinicien est le mélanome achromique, qui repré- sente 20 à 30 % des mélanomes unguéaux (5). Il se développe majoritairement à partir du lit de l’ongle ou des replis unguéaux et prend des aspects cliniques très différents et souvent trompeurs. Il peut s’agir d’un nodule non pigmenté (figure 7), d’une lésion hyperkératosique verruqueuse, d’une lésion bourgeonnante ressem- blant à un granulome pyogénique, d’une ulcération avec saignement, d’un suinte- ment, d’une destruction partielle de la tablette (figure 8) ou d’une anonychie (3). Trois cas de mélanomes achromiques unguéaux in situ se présentant sous forme d’une onychorrhexie monodactylique ont également été décrits (5). La dermoscopie des mélanomes unguéaux achromiques nodulaires peut révéler une légère pigmentation périphérique très évocatrice (2, 3). On peut également observer un patron vasculaire polymorphe et atypique avec des vaisseaux en pointillé, en épingles, linéaires irrégu- liers et des zones rosées appelées “milky-red areas” (3, 6).

Toute lésion entraînant une destruction de la structure unguéale, ainsi que toute lésion chronique monodactylique mal identifiée, doit faire évoquer un processus malin jusqu’à preuve du contraire, en particulier chez l’adulte (5).

En cas de suspicion clinique, un examen anatomopathologique sera réalisé par exci- sion de la totalité de la lésion (2, 7). La technique chirurgicale dépend de la loca- lisation et de la taille de la lésion, sans tenir compte du risque séquellaire. Il est impératif, en cas de chirurgie – qu’elle soit cutanée ou unguéale –, de réaliser un examen histologique de toute exérèse, y compris des tissus de granulation péri- ou sous-unguéaux.

Le mauvais pronostic des MAU est lié avant tout à un retard diagnostique et non à une forme plus agressive. Le diagnostic est généralement fait à un stade avancé, avec un indice de Breslow élevé. La survie est directement liée à l’épaisseur de la tumeur : lorsque l’indice de Breslow est inférieur à 2,5 mm, la survie à 5 ans est de 88 % ; dans le cas contraire, elle s’effondre à 40 % (7).

Légendes

Figure 5. Mélanonychie longitudinale très inquiétante : lignes multiples à bords flous, fissuration de la tablette et nodule pimenté dans la matrice. Mélanome de 1,3 mm.

Figure 6. Micro-signe de Hutchinson. L’histo- logie a démontré un mélanome in situ.

Figure 7. Nodule achromique du lit après chute spontanée de la tablette.

Figure 8. Dystrophie unguéale latérale en dermatoscopie. Mélanome achromique de 0,5 mm.

Cas clinique

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Cas clinique

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Le retard diagnostique est d’autant plus courant pour les mélanomes unguéaux achromiques (5). Le mélanome achromique per se pourrait être un marqueur d’agressivité, l’absence de pigment reflétant alors la perte de différenciation de la tumeur. Il a été démontré que cette absence de pigmentation est associée à un mauvais pronostic et à un taux élevé de récidive précoce, et ce, indépendamment de l’indice de Breslow (3).

La prise en charge du MAU repose sur le diagnostic précoce et un traitement chirur- gical adapté (3, 7). Si l’amputation métacarpophalangienne dite proximale était aupa- ravant considérée comme la règle d’or pour tout mélanome de l’appareil unguéal, des études récentes ont démontré que l’amputation agressive n’est pas associée à un taux de survie plus important que des traitements plus conservateurs (7). Bien qu’il n’y ait actuellement pas de consensus concernant le traitement du MAU, par manque d’études prospectives de haut niveau de preuve, la chirurgie dite “fonc- tionnelle” est de plus en plus pratiquée. Elle tient compte de l’impact fonctionnel et, dans une moindre mesure, des conséquences cosmétiques de l’inter vention.

Les doigts et les orteils jouent un rôle important dans notre quotidien, en particu- lier le pouce, pour la préhension, et l’hallux, pour la marche et l’équilibre ; il faut donc, dans la mesure du raisonnable, les préserver. Le mélanome in situ nécessite une exérèse complète de l’appareil unguéal (tablette, lit et matrice unguéale) avec des marges latérales d’au moins 6 mm autour des limites anatomiques de l’ap- pareil unguéal et, en cas de signe de Hutchinson, au-delà de la pigmentation. Il a été démontré, grâce à des techniques d’hybridation génomique, que des cellules mélanocytaires porteuses d’anomalies génétiques étaient présentes au-delà des marges histopathologiques, et ce jusqu’à 6,1 mm pour le MAU in situ. La marge profonde est plus délicate, étant donné le peu de tissu sous-unguéal (estimé à 1 mm d’épaisseur) présent entre la tumeur et la phalange. Elle nécessite de raser le périoste (“squelettisation”) et, si possible, de pratiquer l’exérèse de 1 mm de la partie superficielle de l’os de la phalange distale. La fermeture se fera par cicatrisa- tion de seconde intention ou par greffe cutanée de peau totale. Le mélanome invasif impose toujours une amputation, mais aussi distale que possible, en tenant compte de l’indice de Breslow et du résultat fonctionnel (7).

La biopsie du ganglion sentinelle permet la stadification du cancer et guide le choix des éventuels traitements adjuvants, sans influencer la survie. Cette technique n’a pas été évaluée dans les MAU ; on ne peut donc extrapoler ses résultats à ces tumeurs. La perfusion de membre et la chimiothérapie adjuvante n’influencent pas

la survie et ne sont plus recommandées (7). II Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

1. Richert B, Caucanas M, Di Chiacchio N.

Surgical approach to harpoon nail : a nex variant of ingrowing toenail. Dermatol Surg 2014;40(6):700-1.

2. Tosti A, Piraccini BM, de Farias DC. Dealing with melanonychia. Semin Cutan Med Surg 2009;28(1):49-54.

3. De Giorgi V, Saggini A, Grazzini M et al.

Specific challenges in the management of sub un- gual melanoma. Expert Rev Anticancer Ther 2011;11(5):749-61.

4. Koch SE, Lange JR. Amelanotic melanoma:

the great masquerader. J Am Acad Dermatol 2000;4 2(5 Pt 1):731-4.

5. André J, Moulonget I, Goettmann-Bonvallot S.

In situ amelanotic melanoma of the nail unit mimicking lichen planus: report of 3 cases. Arch Dermatol 2010;146(4):418-21.

6. Phan A, Dalle S, Touzet S et al. Dermoscopic features of acral lentiginous melanoma in a large series of 110 cases in a white population. Br J Dermatol 2010;162(4):765-71.

7. Richert B. Treatment of nail unit melanoma.

In : Di Chiacchio N, Tosti A, eds. Melanonychias.

Suisse : Springer, 2017:141-50.

Cas clinique

Références

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